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des communes, des établissements publics, etc. Le fondé de pouvoirs d'une personne maîtresse de ses droits ne pourrait même proroger, sans un mandat spécial: la prorogation est une espèce de compromis, et d'après l'article 1989 du Code, le pouvoir de transiger ne renferme pas même celui de compromettre.

24. Le juge dont les parties consentent de proroger la juridiction est-il tenu d'y obtempérer ?

Dans son Traité du droit français, tome 1er, pag. 126, le professeur Carré se prononce pour l'affirmative. En convenant du principe général que l'acquiescement des parties ne peut étendre la juridiction du juge qu'autant qu'il y consent lui-même, l'auteur prétend trouver une exception dans l'art. 7, qui accorde aux parties la faculté de se présenter devant un juge de paix qui ne serait pas leur juge naturel, cas auquel il jugera leur différend. Mais l'article ne dit pas qu'il sera tenu de juger; ce n'est donc qu'une faculté qu'il accorde, et non pas une obligation qu'il impose: auquel cas il pourra juger leur différend, disait la loi du 26 octobre 1790; et si les auteurs du Code ne se sont pas exprimés d'une manière aussi claire, toujours est-il qu'ils n'ont pas eu la pensée d'innover sur ce point.

On doit donc tenir pour constant, que rien ne force un juge de paix de connaître des demandes qui excèdent sa compétence, ou de juger des personnes qui ne sont pas ses justiciables; l'opinion contraire n'est pas même concevable. Supposons en effet un juge de paix, dont les grandes lumières et la profondeur de jugement, jointes à la plus sévère délicatesse, attireraient la confiance universelle, et qu'un monde de personnes s'accordent à lui déférer la connaissance de leurs différends; une vie entière ne suffirait pas pour remplir une semblable tâche! Au surplus, les actes par lesquels on consent de proroger la juridiction d'un juge de paix, ne sont pas assez fréquents pour détourner ces magistrats de leurs occupations habituelles. En accordant aux parties la faculté de proroger une juridiction toute paternelle, la loi a voulu leur éviter les frais, les longueurs d'un procès, et prévenir l'animosité qu'entraînent souvent les débats judiciaires : refuser une mission si honorable, ce serait donc tromper les vues du législateur.

25. On a beaucoup discuté sur la question de savoir, si les justices de paix ne doivent pas être considérées comme des tribunaux d'exception. Voici la conclusion que l'on peut tirer, sur ce point, de ce qui vient d'être dit.

En matière réelle, la juridiction des juges de paix se bornant aux actions possessoires, il est bien certain que, sous ce rapport, ils ne sont que des juges d'exception. Mais il en est autrement des affaires personnelles dont la connaissance leur est dévolue; dès l'instant que leur juridiction peut être prorogée, ils ne peuvent à cet égard être considérés comme juges d'exception.

Cependant, les juges de paix n'exercent qu'une juridiction extraordinaire, ne pouvant connaître de l'exécution de leurs jugements, ni des saisies qui seraient faites en vertu d'un titre, quelque faible que puisse être le montant de la condamnation, ou de l'obligation. Seulement la loi nouvelle a dérogé à ce principe, en attribuant aux juges de paix, en certains cas, la connaissance des saisies-gageries, comme on le verra plus loin.

Prorogation légale.

26. Indépendamment de la prorogation conventionnelle qui vient d'être traitée, la loi étend elle-même, en plusieurs cas, l'exercice de la juridiction d'un tribunal, au-delà des limites de sa compétence réelle ou territoriale. Cette prorogation est établie en matière de réconvention, de compensation et de garantie. Ce n'est pas ici le lieu de s'occuper des demandes réconventionnelles ou en compensation: cet objet sera traité en discutant les art. 7 et 8 de la loi nouvelle, qui règle cette espèce de prorogation légale; nous ne nous occuperons ici que de la garantie.

La garantie est l'obligation imposée par la loi ou par la convention, de faire jouir quelqu'un d'une chose ou d'un droit, d'acquitter sa dette, ou de l'indemniser, en cas de condamnation quelconque.

La demande en garantie peut être formée contre le garant par action principale, ou incidemment dans une cause pendante entre celui qu'il est tenu de garantir et un tiers, cas auquel, dans les justices de paix, de même que dans toute

autre juridiction, le défendeur en garantie est tenu de procéder devant le tribunal où la demande originaire est pendante, encore qu'il dénie être garant : ce n'est que dans le cas où il paraîtrait par écrit ou par l'évidence du fait, que la demande originaire n'a été concertée que pour traduire le garant hors de son tribunal, que le juge doit l'y renvoyer. Quoique comprise dans la procédure relative aux tribunaux, la règle que renferme, à cet égard, l'art. 181 du Code de procédure, est fondée sur un principe également applicable aux justices de paix.

Les art. 32 et 33 de ce Code ont fixé le délai dans lequel doit être appelé le garant devant le juge de paix. C'est au jour de la première comparution, que le défendeur originaire doit demander à mettre en cause son gérant; alors le juge ordonne qu'il y sera appelé, en accordant un délai suffisant, en raison de la distance du domicile du garant, lequel doit être assigné par une citation motivée, mais sans qu'il soit besoin de lui notifier le jugement de mise en cause. Faute d'avoir formé la demande en garantie, à la première comparution, ou d'avoir assigné le garant dans le délai fixé par le juge, il doit être procédé, sans délai, au jugement de l'action principale, sauf à statuer séparément sur la demande en garantie.

De cette forme établie par le Code de procédure pour les demandes en garantie, il ne résulte cependant pas, qu'un jugement de mise en cause soit indispensable pour appeler le garant. Le défendeur peut le faire citer, dès.l'instant qu'il a été assigné lui-même ; et quand il aurait omis de demander la mise en cause, au jour de la première comparution, il peut encore l'appeler dans la cause, si l'audience a été continuée, et tant que l'affaire n'est pas jugée, pourvu que la citation en garantie soit donnée dans le délai fixé par les art. 5 et 6 du Code de procédure. Seulement le garant ne peut être tenu des frais faits, avant l'appel en garantie.

27. On distingue deux espèces de garantie: la garantie formelle qui a lieu dans les matières réelles, et la garantie simple qui a lieu dans les matières personnelles.

Celui qui doit la garantie simple est tenu de défendre conjointement avec le garanti, et de l'indemniser des condamnations prononcées contre lui; mais ce n'est toujours qu'entre le demandeur et le défendeur originaire qui s'est obligé, qu'existe le

débat principal: le demandeur originaire n'a rien à démêler avec le garant; il n'a pour adversaire que son débiteur, et ne peut être forcé d'en changer.

En matière réelle, au contraire, il ne s'agit pas d'obligation personnelle; l'immeuble est le seul objet du litige: celui qui doit en garantir la propriété ou la possession, doit donc prendre le fait et cause du garanti, lequel peut être licencié en prenant le fait et cause, le garant assume par-là même, sur sa personne, tout le poids de la défense, il prend la place du garanti ; que celui-ci soit écarté de l'instance, ou qu'il y reste, le garant n'est pas moins le principal, pour ne pas dire le seul adversaire du demandeur originaire (1).

Mais le juge de paix n'a guère à statuer que sur des garanties simples, en matière personnelle; il ne connaît, en matière réelle et immobilière, que des actions possessoires, dans lesquelles le recours en garantie est infiniment rare ; cependant il peut avoir lieu, dans certains cas, en faveur du fermier ou de l'acquéreur, par exemple, qui, voulant se mettre en possession de l'objet vendu ou affermé, serait actionné en complainte; dans ce cas, le fermier, appelant en garantie le propriétaire, et l'acquéreur son vendeur, ceux-ci sont tenus de prendre le fait et cause du défendeur auquel ils ont affermé ou vendu, parce qu'en vendant ou amodiant, ils cèdent la possession aussi-bien que la propriété ou les fruits du domaine.

La garantie formelle peut aussi être exercée, dans le cas où un tiers, un ouvrier, par exemple, cité en complainte comme auteur du trouble, appelle celui dont il n'a fait qu'exècuter les ordres. C'est à ce dernier à prendre le fait et cause, et à soutenir l'action.

On peut voir à cet égard, dans le tome 2, le commentaire sur l'article 6, part. 1, sect. 4, 5 3 et 4.

(1) Art. 182, 183, 18 du Code de procédure.-Voy. Rhodier sur l'art. 9, tit. 8 de l'ordonnance de 1667; Domat, liv. 1, tit. 2, sect. 10, n° 22; Pothier, Procédure civile, part. 1, chap. 2, sect. 6, art. 2, § 3; Berriat-Saint-Prix, Cours de procédure civile, p. 230, no 57; Merlin, au Répert., v° Garantie, § 4, et dans les Questions de droit, au mot Appel incident, § 5.-V. aussi les arrêts de la Cour de cassation des 10 mars 1829, 11 mai 1830 et 2 décembre 1833, D., p. 171 de 1829, 236 de 1830, et 62 de 1834.- Contrà, arrêts des 17 novembre 1835 et 23 août 1838, même recueil, p. 21 de 1830, et 100 de 1837.

SECTION III.

DE LA COMPÉTENCE DU JUGE DE PAIX, EN MATIÈRE CRIMINELLE

OU DE POLICE.

SOMMAIRE.

Introduction. 1. Action publique et action civile résultant de tout délit ou contravention. 2. Les seules contraventions sont dévolues au tribunal de police. - 3. Ne peut statuer sur les réparations civiles qu'en condamnant à l'amende, s'il y a lieu, et par le même jugement.

S rer. Des réglements municipaux. 4. Lois qui autorisent ces réglements. 5. Peines de simple police attachées à leur infraction. - 6. Le réglement peut être abrogé ou modifié, par le fonctionnaire qui l'a rendu, mais il ne peut dispenser de son exécution.— 7. Doit être exécuté, tant qu'il n'est pas réformé par l'autorité supérieure, et malgré le recours à cette autorité, si ce n'est pour cause d'irrégularité.-8. Quand et comment le juge de paix est tenu de s'y conformer.-9. Exemples puisés dans les arrêts.-10. Autres exemples de réglements assez singuliers. 11. Quelle qu'en soit la bizarrerie, le juge de paix doit les appliquer, dès l'instant qu'ils rentrent dans les attributions de l'autorité municipale. — 12. Secùs, dans le cas où ils excèdent ces attributions, exemples. 13. Difficulté de fixer cette limite; variation de la jurisprudence. 14. Le réglement qui interdirait la vaine pâture, dans une commune, seraitil obligatoire. 13. La loi sur l'observation des dimanches est-elle abrogée? 16. Quid des réglements qui tendraient à entraver l'exercice du culte?

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SII. Des questions préjudicielles.-17. Définition.-18. Nature des faits à articuler, pour obtenir le renvoi à fins civiles. Le tribunal de répression doit en examiner le mérite. 19. Questions préjudicielles au sujet des contraventions relatives à la voirie. Compétence des tribunaux de police et des conseils de préfecture. 20. Dans le cas où il s'élève une question préjudicielle qui exige le renvoi à fins civiles, quelle est celle des parties qui doit être chargée de la preuve ? L'art. 182 du Code forestier est-il applicable en toute autre matière? 21. Sur le renvoi à fins civiles, le prévenu peut se pourvoir au possessoire.-22. Un habitant peut-il faire valoir le droit communal, comme exception préjudicielle ?

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