Page images
PDF
EPUB

des contestations relatives aux engagements des maîtres et ouvriers ou apprentis, la compétence extraordinaire qu'il établit ne peut s'appliquer à d'autres personnes.

On dirait en vain que, s'agissant d'un contrat d'apprentissage, le contrat, de sa nature, emporte attribution de juridiction, sans égard à ceux qui y ont concouru; et, qu'en intervenant à ce contrat, ils acceptent la juridiction à laquelle il était soumis. La loi du 22 germinal an 11 n'est relative qu'aux manufactures, fabriques et ateliers; le titre 2 concerne la police; le titre 3, les obligations entre les ouvriers et ceux qui les emploient, et le titre 5, la juridiction. C'est dans ce titre que se trouvent les articles 19, 20 et 21, dont le premier ne concerne que les affaires de police entre les ouvriers et apprentis, les manufacturiers, fabricants et artisans; le second prévoit les autres contestations qui doivent être jugées par les tribunaux ordinaires, et le troisième en attribue la connaissance aux juges du lieu de la situation des manufactures ou ateliers: ces deux derniers articles, ainsi que le premier, ne peuvent donc s'entendre que des contestations élevées entre les ouvriers ou apprentis, et les manufacturiers, fabricants et artisans. Cette attribution de compétence est inapplicable à des tiers.

Il en est de même et, à plus forte raison, de la compétence attribuée aux juges de paix par la loi de 1838, concernant les engagements des maîtres, ouvriers ou apprentis. Ce n'est point le contrat d'apprentissage, c'est le caractère du contractant qui est attributif de cette juridiction extraordinaire; elle ne peut donc s'étendre à l'engagement d'un tiers qui a paru, non pour habiliter le mineur, mais pour contracter une obligation personnelle. La loi n'attribue aux juges de paix la connaissance des actions dont il s'agit, qu'en maintenant la juridiction des prud'hommes, semblable à celle des juges de paix. Or, les prud'hommes n'ont de juridiction que sur les maîtres et ouvriers; il serait absurde de prétendre que le contrat d'apprentissage, souscrit par un tiers, peut leur être déféré.

24. Terminons, en observant que, d'après l'art. 2272, § 4, du Code, l'action des maîtres, pour prix de l'apprentissage est soumise à la prescription d'un an, ce qui, comme l'enseigne

M. Troplong, s'applique au cas où le maître fournit le logement et la nourriture, de même qu'à celui où il ne fait que donner des leçons; mais, suivant l'art. 2275, le serment peut être déféré sur le fait du paiement, soit à l'apprenti majeur, soit au père ou tuteur du mineur.

PARTIE IV.

« Les juges de paix connaissent également sans » appel, jusqu'à la valeur de 100 francs, et, à » charge d'appel, à quelque valeur que la demande » puisse s'élever :

» 4o Des contestations relatives au paiement des » nourrices, sauf ce qui est prescrit par les lois et réglements d'administration publique à l'égard » des bureaux de nourrices de la ville de Paris et de » toutes les autres villes. »

SOMMAIRE.

1. Dans quel but le paiement des nourrices a-t-il été conféré au juge de paix? étendue de cette attribution. 2. La demande doit être dirigée contre le mari; quid à l'égard du père d'un enfant naturel? - 3. Difficultés sur la prescription; celle d'un an est la seule applicable. - 4. Loi du 25 mars et décret du 30 juin 1806. Dans toutes les villes où il existerait un réglement semblable, le juge de paix ne serait plus compétent.

1. CETTE disposition intercalée dans l'art. 5, avec tant d'autres matières hétérogènes, pourrait être regardée comme inutile; car les mois de nourrices ne comportent guère d'arrérages excédant la somme de 200 fr.; du moins, le cas où la compétence ordinaire du juge de paix serait excédée par une demande de cette nature, doit être infiniment rare. Quoi qu'il en soit, de toutes les actions, celle-ci est la plus favorable, elle exige l'instruction la plus prompte et la moins dispendieuse; il était donc naturel de déférer au juge de paix la connaissance des contestations relatives au paiement des nourrices, quelle qu'en pût être la somme.

L'engagement qui se forme entre la nourrice et les père et mère est réciproque. La nourrice se charge de soigner l'enfant, et la personne qui le lui confie s'engage à la rétribuer de ses soins. Le premier projet du gouvernement semblait applicable à la double action qui peut résulter de ce contrat. « Les juges de paix, était-il dit, connaîtront des contestations entre les nourrices et les pères et mères ou tuteurs des enfants qui leur ⚫ sont confiés; mais la compétence extraordinaire ici attribuée aux juges de paix, se borne aux contestations relatives au paiement des nourrices; ainsi le juge de paix ne pourrait connaître de l'action en dommages-intérêts dirigées contre la nourrice, pour défaut de soins, qu'autant que la demande n'excéderait pas 200 fr.

D

Quant à l'action en paiement de la nourrice, la compétence du juge de paix est absolue; elle s'étend à toutes les difficultés que peuvent faire naître ses rapports avec le père et la mère ou le tuteur de l'enfant. Le juge de paix doit statuer, par-là même, soit sur le taux du paiement, s'il est contesté, soit sur la quotité des mois qui peuvent être dus. La tenue de l'enfant étant le titre de la nourrice, c'est à la personne qui le lui a confié, à justifier du paiement par écrit, ou par témoins, s'il s'agit d'une somme qui n'excède pas 150 fr.

Le paiement des nourrices, dont la connaissance est attribuée au juge de paix, doit s'entendre non-seulement du prix des mois convenu, ou fixé d'après l'usage, mais aussi des fournitures de linge et autres objets que la nourrice aurait faites, ou des médicaments qu'elle aurait payés, en cas de maladie de l'enfant.

2. La demande doit être formée contre le mari, lors même que le placement de l'enfant aurait été fait et le prix convenu par la mère. La femme étant censée autorisée pour tout ce qui concerne les provisions ordinaires de la maison, les vêtements et médicaments de la famille, engage, à plus forte raison, son mari, relativement aux soins qu'exige leur enfant: ce n'est même qu'une dette de communauté, dont la mère, pourtant, serait responsable, en cas d'insuffisance des biens du mari, parce qu'il s'agit d'une dette alimentaire.

A l'égard d'un enfant naturel, la nourrice pourrait aussi diriger son action contre le père qui aurait légalement reconnu

l'enfant; la demande serait non recevable à défaut de cette reconnaissance, à moins qu'il ne fût prouvé que le prétendu père s'était engagé au paiement des soins de la nourrice.

5. La seule difficulté qui puisse s'élever est celle qui concerne la prescription.

·

[ocr errors]

L'art. 2272 du Code déclarant prescriptible par six mois l'action des maîtres de pension, pour le prix de la pension de › leurs élèves, et des autres maîtres, pour le prix de l'apprentissage, plusieurs auteurs ont pensé que les nourrices ne pouvaient être rangées dans une autre catégorie. M. Troplong veut, au contraire, que la prescription de cinq ans leur soit applicable. Brodeau, dit-il, proposait de déclarer les pensions » des nourrices sujettes à la prescription annale. M. Vazeille ⚫ accepte cette opinion. Elle s'adaptait parfaitement aux expres»sions de l'art. 265 de la coutume d'Orléans. On a plus de peine à la plier à notre article, et, malgré tout ce qu'on pourrait dire de l'origine de l'art. 2272, je ne puis y souscrire, ⚫ parce que le texte de notre paragraphe s'en éloigne trop ou⚫ vertement. Il faudra donc se rejeter sur le dernier paragraphe » de l'art. 2277. Mais alors quelle bizarrerie dans la loi! que ⚫ d'anomalies et d'inexplicables classifications dans une section ‣ si facile à rédiger dans un esprit homogène (1)!

D

D

Nous ne pouvons partager ce sentiment: l'art. 2277 du Code n'est applicable qu'aux arrérages de rentes, aux intérêts des créances, et aux loyers et fermages. C'est, dans les articles précédents que le législateur a placé tout ce qui pouvait concerner le paiement des fournitures, salaires, pensions, etc. Comment serait-il possible alors de ne pas appliquer aux mois de nourrices la prescription d'un an, laquelle est établie par l'art. 2272 pour les maîtres de pension? Quand la nourrice qui reste dans la maison des parents pour donner ses soins à l'enfant, pourrait être considérée comme domestique à gages, cela serait indifférent sous le rapport soit de la prescription, soit de la compétence, puisque le juge de paix connaît également des contestations relatives aux engagements des maitres et de leurs

(1) Traité des prescriptions, tome 2, page 506, no 968.

« PreviousContinue »