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libre exercice du culte, à déclarer, dans le premier cas, l'arrêté comme non avenu, et dans le second, à prononcer s'il y a abus dans l'exercice des fonctions pastorales; dans ce dernier cas, le tribunal de police ne pourrait être saisi qu'ensuite du renvoi du conseil-d'état; à défaut de ce renvoi, la plainte doit donc être déclarée non recevable.

C'est ce qu'a décidé la section criminelle dans l'espèce suivante :

Le maire de Pont-Sainte-Maxence avait pris un arrêté défendant à la procession de la Fête-Dieu de traverser la rue Neuve, qui fait partie de la route royale de Paris à Lille, non plus que trois autres rues faisant partie du chemin de grande communication de Creil à Verberie, sous peine, contre les contrevenants, d'être poursuivis, suivant la rigueur des lois. On conçoit assez le motif de cet arrêté, déguisé sous le prétexte que cette procession pouvait causer des retards et embarras de la voie publique, et qu'il est de son devoir, de lui, maire, de prendre les mesures nécessaires pour éviter soigneusement les inconvé nients de cette nature, comme aussi de protéger efficacement la libre curculation des voyageurs et celle des voitures de transport. Cet arrêté notifié au curé ne l'empêcha pas de traverser processionnellement deux des rues comprises dans l'arrêté. — Cité devant le tribunal de police, il fut renvoyé de la plainte, attendu que l'arrêté, en ce qui concerne la procession, avait été pris en dehors des attributions municipales, et que le curé a pu le regarder comme non avenu.

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Mais ce jugement a été cassé : « attendu que le curé de Pont› Sainte-Maxence n'était pas poursuivi pour s'être rendu coupable, dans l'exercice de ses fonctions, d'un délit commun, > mais pour avoir fait un acte de ces mêmes fonctions, autorisé » par l'art. 45 des articles organiques du concordat, contraire› ment à l'arrêté du maire de cette ville du 27 juin dernier. — › Attendu qu'il s'agissait, dès-lors, de décider si, aux termes de l'art. 6, il y avait en cela, abus de la part du curé, ou si, aux termes de l'art. 7, il avait été porté atteinte, par l'arrêté » du maire, à l'exercice public du culte; que, par conséquent, , il y avait lieu, dans l'un et l'autre cas, de renvoyer l'affaire » au conseil-d'état, et que le tribunal de simple police ne pou

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› vait statuer, sur le fond, avant la décision du conseil › d'état (1).

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Cet arrêt peut servir de règle au juge de paix, tenant le tribunal de police, pour le cas, qui doit être infiniment rare, où il existerait, entre le maire et le curé, une collision relativement au culte. Loin de pouvoir en contrarier le libre exercice, à l'extérieur, l'autorité municipale doit, au contraire, prendre les mesures de police qu'exige, en ce cas, le maintien du bon ordre. Comme on vient de le voir, le maire ne pourrait ordonner aux habitants de tapisser le devant de leurs maisons; mais il peut interdire tout étalage, la circulation des voitures et le passage des animaux, dans les rues où passe la procession, pendant le temps qu'elle doit les parcourir, faire, en un mot, tout ce qui est nécessaire, pour le maintien de l'ordre et du respect que doit inspirer la religion de la majorité des Français.

§ II.

Des questions préjudicielles.

17. On appelle ainsi toute question qui, dans un procès, doit être jugée avant une autre, parce que, du jugement qui sera rendu sur la première, dépend la solution de la seconde.

Nos Codes renferment plusieurs cas où, sur une contestation élevée devant un tribunal, il doit être sursis jusqu'à ce qu'il ait été statué sur une question de la compétence d'une autre juridiction (2). Nous n'avons ici à nous occuper que des questions préjudicielles qui peuvent s'élever devant les tribunaux de police, et des règles que doit suivre le juge de paix tenant ce tribunal, règles également applicables aux tribunaux correctionnels.

Les poursuites ne frappent ordinairement que de véritables délinquants; cependant, il peut arriver qu'elles ne soient elles

(1) Arrêt du 15 septembre 1835, D., p. 436. — Voy. infrà le comment. sur l'art. 5, part. 5, de la loi de 1838, § 1, no 24.

(2) Voy. notamment les art. 235, 326, 327 et 1319 du Code civil, les art. 239, 240, 426 et 427 du Code de procédure, et l'art. 3 du Code d'instruction criminelle.

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mêmes qu'une tentative d'usurpation, que, par erreur, ou à dessein, on transforme en délit un fait de possession légitime. Le procès-verbal de contravention doit être sans influence sur les droits des parties; le prévenu peut donc opposer qu'étant propriétaire, il était autorisé à faire ce qui lui est reproché; id feci, sed jure feci. Si, de la preuve de cette allégation, résulte toute absence du délit, alors il ne peut plus y avoir lieu ni à l'action publique ni à l'action civile. Mais le tribunal correctionnel ou de police étant incompétent pour statuer sur une question de propriété, sur le droit allégué par le prévenu, alors, force est de renvoyer devant le tribunal ou l'autorité qui doit en connaître, et de surseoir, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur cette question préjudicielle.

Quelle est la nature des faits à articuler, pour obtenir le renvoi à fins civiles? A laquelle des parties la charge de prouver doit-elle être imposée? Telles sont les questions à examiner.

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18. Pour obtenir le renvoi à fins civiles, il ne suffit pas que le prévenu allègue vaguement qu'il était en droit de faire ce qui lui est reproché; il faut qu'il montre un titre apparent, ou qu'il articule des faits de possession équivalents, «Les tribunaux > correctionnels, et ceux de simple police, sont appréciateurs » du mérite de la question préjudicielle élevée devant eux par le prévenu: celui-ci est donc tenu de produire le titre apparent, ou d'articuler avec précision les faits équivalents qui sont de › nature à le faire accueillir, puisque les juges de l'action principale ne peuvent légalement surseoir à y statuer jusqu'après le jugement de son exception, qu'autant qu'ils la reconnaissent fondée, et déclarent que ce jugement aurait nécessairement » pour résultat, s'il lui était favorable, de légitimer le fait » constitutif de la prévention dont ils sont saisis; d'où la conséquence que, lorsqu'une exception préjudicielle est va>> guement et dilatoirement proposée, comme dans le cas où sa › décision ne saurait soustraire l'inculpé à l'effet de la poursuite >> exercée contre lui, les tribunaux de répression doivent la › déclarer non recevable ou mal fondée, et ordonner qu'il ⚫ sera immédiatement procédé à l'examen du fond (1). »

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(1) Arrêt du 10 mars 1835, D., pag. 203.

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Il y a donc lieu à renvoi devant les tribunaux ordinaires, toutes les fois que le prévenu montre un titre, ou articule une possession suffisante pour légitimer le fait qui lui est reproché, pour justifier de son droit sur le terrain qu'il est accusé d'avoir usurpé ou endommagé,

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Un droit de servitude peut, aussi-bien que le droit de propriété, légitimer le fait qui est l'objet de la plainte. Ainsi l'individu qui, traduit en police pour avoir passé sur un terrain ensemencé ou avoir fait pacager son bétail dans une prairie, prétendrait qu'un droit de pacage ou de chemin lui est acquis sur cette propriété, élèverait une véritable question préjudicielle. Mais il serait difficile de la faire admettre, à moins d'exhiber un titre au moins apparent, parce que, d'après l'art. 691 du Code les servitudes discontinues ne peuvent s'acquérir par la possession. Il en serait autrement de l'articulation d'une servitude continue ou d'une servitude légale. On devrait aussi admettre celle que proposerait un propriétaire d'usine, si, prévenu d'avoir conduit ou déposé des vases ou matériaux sur un pré joignant son canal, il prétendait en avoir le droit, parce qu'il s'agirait alors d'un passage nécessaire, comme on le verra en discutant l'art. 5, part. 1, de la loi du 25 mai 1838.

Mais le tribunal correctionnel ou de police doit-il surseoir et renvoyer à fins civiles, si, au lieu de prétendre avoir un droit de propriété ou de servitude, le prévenu ne se prévaut que d'un simple droit mobilier, tel que celui de jouissance résultant d'un bail? J'avais cru devoir soutenir l'affirmative dans la première édition de ce traité; s'agissant en ce cas, d'interpréter un titre et même de juger de sa validité, une semblable décision me paraissait hors de la compétence du tribunal de répression. Mais, comme le décident plusieurs arrêts de la Cour de cassation, le renvoi devant les tribunaux civils n'est exigé que quand le prévenu allègue, pour sa défense, une propriété immobilière ou un droit réel qui ne peut être légalement apprécié que par le juge auquel appartient la connaissance des questions de propriété; il ne peut en être de même d'une exception appuyée seulement sur un prétendu droit de puissance qui se détermine à un résultat modique (1).

(1) Voy. notamment les arrêts des 2 août 1821 et 25 juin 1830, D., p. 476 de 1891 et 816 de 1830.

Cette jurisprudence a même été érigée en loi par l'article 182 du Code forestier. Ainsi donc le sursis, le renvoi à fins civiles ne peut être ordonné que quand le prévenu excipe pour sa défense d'un droit de propriété ou autre droit réel; dans tous les autre cas, le tribunal correctionnel ou de police, juge de l'action, est en même temps juge de l'exception.

Enfin, pour qu'il y ait lieu à renvoi, il faut que la question préjudicielle soit de nature à repousser toute idée de délit; autrement le juge de police doit statuer immédiatement, sans avoir égard au fait articulé par le prévenu.

Ainsi, par exemple, l'usager, l'habitant d'une commune, qui aurait coupé du bois sans délivrance, qui aurait fait paturer son bétail, sans se conformer aux mesures prescrites par la loi, invoquerait en vain son titre ou celui de la commune, le délit consistant alors, sinon dans l'absence du droit, du moins dans l'abus de son exercice.

Il en serait de même de l'infraction à un arrêté de police contre lequel on ne peut opposer ni titre ni possession contraire, comme on vient de le voir, pag. 61.

19. Les contestations qui doivent se présenter le plus fréquemment devant les tribunaux de police, sont celles qui concernent les chemins.

Autrefois ces tribunaux ne connaissaient que des faits constituant l'embarras de la voie publique (art. 471, no 4, du Code pénal); c'était aux tribunaux correctionnels qu'était attribuée la connaissance des dégradations; et les conseils de préfecture prononçaient sur les anticipations des chemins vicinaux, en vertu des articles 7 et 8 de la loi du 9 ventôse an 13. La loi du 28 avril 1832 a modifié le Code pénal sur ce point: l'article 479, § 11, punissant d'une amende de onze à quinze francs, ceux qui auront dégradé ou détérioré de quelque manière que ce soit, les chemins publics, ou usurpé sur leur largeur, » il en résulte que le juge de paix tenant le tribunal de police est aujourd'hui compétent pour connaître des usurpations, et par conséquent pour ordonner, en les réprimant, l'enlèvement des arbres, édifices, et la réparation de toutes autres entreprises : les crimes et délits prévus par les articles 437, 445, 446, 447, 448 et 457 du Code pénal sont seuls exclus de la compétence

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