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rapports, qui fait toute la difficulté de la question. La feconde Regle eft ( quand l'énoncé de la question n'exprime pas tous les rapports qui déterminent la queftion) d'employer tout ce qu'on peut avoir de fagacité, & de chercher par quelque effort d'efprit dans les proprietez des grandeurs qui font les termes de la queftion, les rapports entre les grandeurs connues & les inconnues qu'on cherche, qui déterminent la question, & qui font neceffaires pour la refoudre; & que ces rapports foient clairement & diftinctement connus.

Dans les questions sur les nombres, quand les rapports entre les grandeurs connues & les inconnues, qui déterminent la question, ne font pas bien énoncez dans la queftion, ce qui arrive rarement, on les cherche ces rapports dans les proprietez des nombres. Quand la queftion eft de Geometrie, ou du moins quand on y peut faire entrer des figures de Geometrie (ce qui arrive dans la pluspart des Problêmes) on cherche les rapports entre les grandeurs connues & les inconnues, qui déterminent la queftion, dans les proprietez des figures propres à la question. Quand la queftion eft fur les grandeurs fenfibles, on doit chercher les rapports qui déterminent la question dans les proprietez des grandeurs fenfibles. Voici un exemple qui fera voir la maniere d'appliquer la feconde Regle. Suppofé qu'on veuille refoudre le Problême qui fut propofé à Archimede, & qu'il refolut, que voici. Trouver fi un ouvrage qui paroît être d'or, & que l'ouvrier affure être de pur or, n'eft point mêlé d'argent, fans l'endommager. La premiere Regle s'applique fans peine, & l'énoncé

du Problême fait voir nettement l'état de la que ftion. Il s'agit de s'affurer fi l'ouvrage qui paroît d'or, & que l'ouvrier affure être de pur or, n'eft point. un compofé ou un mélange d'or & d'argent. La condition qui y eft ajoûtée de ne point endommager l'ouvrage, entre auffi dans l'état de la question, & la rend ce femble plus difficile, en excluant tous les moyens de découvrir s'il y a ou s'il n'y a pas de mêlange en endommageant l'ouvrage. Il faut donc par la feconde Regle, chercher les rapports qui détermineront la question, & qui donneront le moyen de la refoudre, dans les proprietez de l'or pur, de l'argent, & d'un mêlange d'or & d'argent. C'est une proprieté des métaux, qu'en prenant des volumes de differens métaux, chacun d'un égal poids, tous ces volumes également pesans, seront inégaux en étendue, & le volume d'or fera le moindre de tous. Par exemple, un volume d'or pesant 10 livres, & un volume d'argent du poids de 10 livres font inégaux en étendue; & le volume d'or eft moindre que le volume d'argent. Cette proprieté fournit le déterminer la querapport qu'on cherche pour ftion car le poids de l'ouvrage qui est le sujet du Problême, étant par exemple, fuppofé d'une livre; en prenant un lingot d'or pur d'une livre, il faut chercher le rapport de la grandeur du volume d'or à la grandeur du volume de l'ouvrage, & s'ils font de même grandeur, il n'y a point de mêlange; fi le volume d'or pur eft moindre que le volume de l'ou+ vrage, il y a du mêlange. Et ce rapport eft conforme à la condition de ne point endommager l'ouvrage; puifque, pour connoître le rapport des volu

mes

mes du lingot d'or pur & de l'ouvrage, il ne faut que tremper le lingot d'or pur & l'ouvrage dans de l'eau contenue dans un vaiffeau qui ait fur un de fes côtez des marques qui faffent connoître la quantité d'eau que fait élever dans le vaisseau, ou que fait fortir du vaiffeau, le corps plongé dans l'eau, laquelle quantité d'eau élevée dans le vaisseau, ou fortie du vaiffeau, eft égale au volume de ce corps.

Les métaux ont une autre proprieté, dont la raifon fe tire de la proprieté précédente, laquelle donne encore plus facilement le rapport qui détermine la question, & qui en fait découvrir la resolution. La voici. Des volumes égaux en pefanteur de differens métaux, perdent, étant plongez dans l'eau, une partie chacun de leur poids; ces parties perdues font, inégales, & l'or en perd moins que les autres. On tire de cette proprieté le rapport qui détermine la queftion. Il faut chercher, en pefant dans l'eau un lingot d'or pur du poids de l'ouvrage, & en pesant de même l'ouvrage, le rapport des parties de leur poids que perdront dans l'eau le lingot d'or pur & l'ouvrage. Car fi les parties du poids perdues fe trouvent égales, l'ouvrage eft d'or pur; & fi elles font inégales, il y a du mêlange. On trouveroit la quantité de ce mélange en comparant enfemble les parties que perdroient de leur poids dans l'eau l'ouvrage, un lingot d'or pur, un lingot d'argent, tous trois d'un même poids. Mais cette recherche feroit ici inutile; ce qu'on a dit de la maniere de trouver le rapport qui détermine la question proposée par le moyen des proprietez des grandeurs qui entrent dans la question, fuffit pour faire concevoir la feconde Regle. f

Quand on a bien diftingué dans une question les grandeurs inconnues qu'on cherche, les grandeurs connues, & qu'on a les rapports des unes avec les autres, qui font les conditions du Problême qui le déterminent, La troifiéme Regle eft qu'il faut fuppofer la queftion comme refolue, & déduire de cette fuppofition les confequences qui s'en peuvent déduire, de ces premieres en déduire de secondes, & ainfi de fuite, jufqu'à ce qu'on foit arrivé à la resolution évidente de la question.

Voici la maniere dont on employe cette troifiéme Regle dans la refolution des Problêmes des Mathematiques. Regardant le Problême comme s'il étoit refolu, on marque les grandeurs connues de la queftion ordinairement par les premieres lettres de l'alphabet; on marque les inconnues de la question communément par les dernieres lettres de l'alphabet, quoique cela foit arbitraire. Et confiderant les grandeurs inconnues comme fi elles étoient connues, on les compare avec les grandeurs connues, fuivant les rapports connus qu'elles ont ensemble; on marque ces rapports par les expressions litterales fuivant les Regles du calcul, & on les reduit à une feule expreffion, qui confifte en deux parties égales, qu'on appelle à cause de cela une équation, ou une égalité. Cette équation eft une expreffion litterale de tout le Problême, & de tous les rapports ou de toutes les conditions qui le déterminent; c'est auffi l'expreffion litterale de la fuppofition qu'on fait que le Problême eft refolu. Voici comment on tire des confequences de cette fuppofition par le moyen du calcul, jusqu'à la refolution évidente du

Problême. Les grandeurs inconnues font mêlées avec les grandeurs connues, & quelques fois entre elles dans les deux parties égales de l'équation, qu'on appelle auffi les deux membres de l'équation. On applique fur ces deux parties égales les operations du calcul, par lesquelles on fait sur chaque partie égale des changemens égaux; ce qui n'ôte point l'égalité entre les deux parties égales; & cependant on arrive par ces calculs à dégager les inconnues, c'est à dire à faire en forte que les inconnues fe trouvent égales à des grandeurs connues; ainfi on arrive à une refolution évidente du Problême, & on y arrive en tirant de la fuppofition qu'on a faite que le Problême étoit refolu, des confequences neceffaires; puifque les operations du calcul fur l'expreffion du Problême font autant de raisonnemens juftes & suivis, par lefquels on tire des rapports reprefentez par l'expreffion du Problême, d'autres rapports qui s'en déduisent neceffairement, jufqu'à ce qu'on foit arrivé à la refolution évidente du Problême, qui eft la derniere consequence évidente & neceffaire à laquelle on tens doit pendant toute la refolution.

L'explication qu'on vient de faire des Regles de la Methode qu'on fuit dans les Mathematiques, fuffit pour faire voir clairement aux Commençans qu'elle conduit infailliblement à la verité. Car la verité n'est qu'un rapport réel foit fimple, foit compofé. Or la Methode conduit de telle forte les démarches de notre efprit, qu'en la fuivant il ne doit admettre que des rapports réels, foit simples, soit compofez; puisqu'il ne doit admettre

que les rap

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