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EXPROPRIATION FORCÉE, §. VIII.

tion; ils se plaignirent amerement de l'enorment, les immeubles affectés à sa créance,
• Les debiteurs so pourvurent en opposi devant notaire, après un simple commande-

mite des interets qu'on avait exiges d'eux,

est réprouvée dans nos mœurs, comme l'en

portes dans les deux actes des 3 nivóse an 7 re, ad Inst. lib. 2, tit. 8, S. 1, Quibus alieet qui se trouvaient ajoutes aux capitaux seignent Vinnius, Groenewegen et Ferriè

et 6 pluviose an 8. Ils s'eleverent contre la

nare

licet; Matthæus, De Actionibus, lib. 1,

clause inserce dans le dernier acte. Ils pre- cap. 3, nos 10 et 11,ainsi que Domat, elc. (1);

tendirent qu'elle etait illicite, et qu'ils ne lavaient souscrite, que parcequ'ils étaient dans une detresse qui les avait mis à la discretion du creancier.

» Ces movens ne firent pas fortune au tribunal civil de l'arrondissement de Bruxelles, où un jugement du 28 pluviose an 9 les avait

ecartes

Sur l'appel, les débiteurs reproduisirent les memes moyens. Ils s'efforcèrent de démontrer le danger d'une pareille stipulation, qui mettait les créanciers dans le cas de disposer arbitrairement, et à leur gré, des biens des debiteurs;

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Que l'on ne savait que trop qu'un débi-
teur aux prises avec le besoin, donnait les
mains à toutes les conditions que voulait lui
faire un prêteur de fonds, qui, le plus sou-
vent, convoitait, dès l'instant de l'acte, les
immeubles pris en gage, et disposait d'avance
les moyens de se les approprier à vil prix,
soit par lui, soit par des personnes interposées;

Que les immeubles hypothéqués ne ces-
saient pas d'être le domaine du débiteur;
qu'il serait injuste que l'aliénation pût s'en
faire sans sa participation, puisque, comme
propriétaire, il avait intérêt à ce qu'ils fus-
sent vendus au plus haut prix;

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nos mœurs,

Que ces sortes de clauses réprouvées dans
autorités, étaient au surplus presque tou.
ainsi
jours un signe certain du peu de délicatesse,
que l'attestent les meilleu-

res

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tenir ce

Qu'il est d'autant plus essentiel de maintie contre l'abus que pourrait faire un créanpoint de doctrine, qu'il est la garancier de la situation de son débiteur, en se constituant maître de vendre les immeubles de ce dernier, en son absence et sans sa par

ticipation;

Après avoir entendu le citoyen Beyts,

laquelle le débiteur a autorisé le créancier à vendre 10 Vinnius dit seulement que la convention par

(1) Ces citations ne sont pas exactes.

la chose engagée, faute de paiement à l'échéance de la dette, ne dispense pas celui-ci de la nécessité d'un commandement préalable pour constituer le débiteur en retard hoc ampliùs putarem etiam tunc unam saltem denunciationem requiri, cùm expressè convenit ut pignus vendere liceat, cùm nec antè debitor constituatur in morâ.

20 Groenewegen

établit formellement

que,

d'a

près le droit romain, le créancier peut vendre le gage ou l'hypothèque, de son autorité privée, et même sans sommation préalable, lorsqu'il y a eu, fet, une convention expresse entre lui et le débiteur ; et cette jurisprudence, ajoute-t-il, est encore observée en Frise, et hoc jure Frisii utuntur. Mais, continue-t-il, de pareilles conventions sont regardées en à cet efHollande comme nulles : sed nostris moribus, privatæ pignorum distractiones in desuetudinem abierunt, et invito debitore privatâ auctoritate nihil attentandum creditori, LICET ITA CONVENERIT; sed postquam contrà debitorem sententiam condemnatoriam obtinuit, judicis auctoritate ex stylo et consuetudine judiciorum subhastari debet pignus. Atque ita in utráque Hollandiæ curiâ judicatum

pour ne pas
teurs, qui abusent de la situation des
nes forcées de recourir à leur bourse.
dire de la mauvaise foi des prê- refert Neostadius, supreme curiæ decisiones, de-

person

» Ils demandaient que Stroobants fût déclaré non-recevable à poursuivre la vente, comme il la proposait. Ils opposaient d'autres moyens dans la forme (1).

>> Stroobants invoquait la teneur de la convention. Elle n'était, selon lui, ni illicite, ni contraire aux lois. Elle devait être exécutée.

cis. 90.

et

30 Ferrière dit seulement : « En France, il n'est
>> pas permis à un créancier de vendre le gage, de son
>> autorité privée: il faut d'abord qu'il soit fondé en
>> titre exécutoire, ou obtienne condamnation ;
» après, qu'il fasse faire cette vente par autorité de
justice
thèse générale, et qu'il ne s'explique nullement sur le
». On voit que cet auteur ne parle qu'en
cas où il y a stipulation contraire.

peu

» Le 7 floréal an 9, le tribunal d'appel, que, dans l'usage particulier des provinces de Hol

40 Matthæus ne fait, à
pier Groenewegen, et termine en disant comme lui
de chose près, que co-

troisième section,

» Attendu du 6 pluviôse au créancier de vendre à la paumée, ou parque la clause insérée dans l'acte an 8, et portant qu'il sera libre

(1) V. l'article Hypothèques, §. 18.

lande et d'Utrecht, la convention dont il s'agit, ne serait d'aucun effet : Verùm nostris moribus, conventio nullius momenti est.

50 Domat ne s'exprime pas autrement que Ferrière. Comme lui, il établit la règle générale; et comme lui, il garde le silence sur la question de savoir si cette règle doit fléchir devant une convention expresse qui en dispense.

ju

il a

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Le second arrêt est intervenu dans des circonstances qui présentaient le créancier sous un jour plus favorable.

Le 21 brumaire an 10, acte notarié par lequel Alexandre Woxes et son épouse, domiciliés à Bruxelles, reconnaissent devoir à M. Bonnard, général de division, une somme de 10,378 francs, qu'ils s'obligent de lui payer à une epoque fixe, et pour sûreté de laquelle ils lui donnent hypothèque sur plusieurs immeubles, en déclarant «< que, faute de paie>>ment à l'expiration du terme, le créancier » sera autorisé à faire vendre, par-devant

» notaire, en un seul jour de siége, néan» moins après affiches, les immeubles hypo»théqués, aux conditions qu'il jugera con» venir; comme de recevoir le prix de la » vente jusqu'à concurrence ou en tout point » de son dû, et de transmettre la propriété » aux acquéreurs; à l'effet de quoi, ils re» noncent au chap. 1er de la loi du 11 bru» maire an 7 ».

Les sieur et dame Woxes ne remplissant pas leur engagement, le général Bonnard se met en devoir d'exécuter la convention; et déjà des affiches annoncent la vente des immeubles des débiteurs chez un notaire.

Opposition à cette vente de la part des sieurs et dame Woxes, et conclusions à ce qu'il soit défendu au général Bonnard de les exproprier autrement que dans la forme prescrite par la loi du 11 brumaire an 7.

Le général Bonnard fait valoir la stipulation contenue dans l'acte du 21 brumaire an 10; cependant « pour désintéresser la solli»citude des sieur et dame Woxes, sur l'évé»nement de la vente, il déclare consentir à » ce qu'elle se fasse à leur participation, » que les conditions en soient réglées avec » eux, pourvu que leur intervention ne leur » fournisse pas un prétexte pour entraver » la vente par des procédés peu raisonna»bles ».

et

« Ces sortes de consentemens (disent-ils) sont presque toujours l'effet de la position malheureuse des débiteurs, et un objet de spéculation de la part des créanciers qui convoitent les immeubles constitués en hypothèque, et se promettent d'avance de se les approprier à vil prix.

» Un tel consentement n'est, par lui-même, qu'un mandat révocable : dès que la revocation en est légalement notifiée, le créancier a les mains liées, et se retrouve dans la même position que si la procuration n'avait jamais existé; en sorte que la vente devient reellement forcée.

» Quand même le mandat ne serait pas révoque, il ne serait point encore permis au créancier de s'écarter des dispositions de la loi du 11 brumaire an 7.

» Cette loi contient des formes protectrices rière à l'usure, ainsi qu'à l'abus que font les de la propriété, et oppose une puissante barprêteurs d'argent, de la situation de leurs débiteurs, pour leur arracher des conditions spoliatrices. Ces formes sont de droit public; et la loi qui les prescrit, est conçue en termes prohibitifs: Nul ne peut (porte-t-elle, art. 1er) poursuivre la vente forcée d'un immeuble, qu'en vertu d'un titre exécutoire, et après un intervalle de trente jours, à partir du commandement. Vinnius, Domat, Ferrière, et les lois romaines dont ils ne sont que les échos, enseignent qu'il n'est point loisible à un créancier de vendre le gage qui lui est assigné, sans un décret du juge, lors même que le contrat lui en aurait accordé le pouvoir ».

Le général Bonnard, de son côté, soutient la légitimité de la stipulation insérée dans l'acte du 21 brumaire an 10:

« Il est possible ( dit-il) que les clauses de cette nature n'aient pas toujours leur principe dans une intention bien pure; mais sont-elles illicites en elles-mêmes? Aucune loi ne les réprouve.

» Elles sont avantageuses, lorsqu'elles sont stipulées de bonne foi et sans aucun indice d'usure ou soupçon de cupidité : avantageuses pour le créancier, à qui elles évitent les longueurs et la multiplicité des formes sur l'Ex

Le 19 ventôse an 11, jugement du tribunal de premiere instance de Bruxelles, qui dé-propriation forcee, avantageuses pour le déclare les sieur et dame Woxes non recevables dans leur opposition, << sauf à eux à tirer » avantage de la déclaration faite par le gé» néral Bonnard ».

Les sieur et dame Woxes appellent de ce jugement, et soutiennent que la clause dont il a ordonné l'exécution, est illicite.

biteur, dont la substance est presque toujours dévorée par l'immensité des frais qu'occasionnent les poursuites.

» Elles répugnent à l'opinion de quelques jurisconsultes, qui prétendent qu'elles ne peuvent dispenser le créancier de recourir à l'autorité judiciaire. Mais aucun d'eux ne s'est

» Les débiteurs se pourvurent en opposition; ils se plaignirent amèrement de l'énormité des intérêts qu'on avait exigés d'eux, et qui se trouvaient ajoutés aux capitaux portés dans les deux actes des 3 nivôse an 7 et 6 pluviose an 8. Ils s'élevèrent contre la clause insérée dans le dernier acte. Ils prétendirent qu'elle était illicite, et qu'ils ne l'avaient souscrite, que parcequ'ils étaient dans une détresse qui les avait mis à la discrétion du créancier.

» Ces moyens ne firent pas fortune au tribunal civil de l'arrondissement de Bruxelles, où un jugement du 28 pluvióse an 9 les avait écartés.

» Sur l'appel, les débiteurs reproduisirent les mêmes moyens. Ils s'efforcèrent de démontrer le danger d'une pareille stipulation, qui mettait les créanciers dans le cas de disposer arbitrairement, et à leur gré, des biens des débiteurs;

» Que l'on ne savait que trop qu'un débiteur aux prises avec le besoin, donnait les mains à toutes les conditions que voulait lui faire un prêteur de fonds, qui, le plus souvent, convoitait, dès l'instant de l'acte, les immeubles pris en gage, et disposait d'avance les moyens de se les approprier à vil prix, soit par lui, soit par des personnes interposées;

» Que les immeubles hypothéqués ne cessaient pas d'être le domaine du débiteur; qu'il serait injuste que l'aliénation pût s'en faire sans sa participation, puisque, comme propriétaire, il avait intérêt à ce qu'ils fussent vendus au plus haut prix;

» Que ces sortes de clauses réprouvées dans nos mœurs, ainsi que l'attestent les meilleures autorités, étaient au surplus presque tou jours un signe certain du peu de délicatesse, pour ne pas dire de la mauvaise foi des prêteurs, qui abusent de la situation des personnes forcées de recourir à leur bourse.

>> Ils demandaient que Stroobants fût déclaré non-recevable à poursuivre la vente, comme il la proposait. Ils opposaient d'autres moyens dans la forme (1).

» Stroobants invoquait la teneur de la convention. Elle n'était, selon lui, ni illicite, ni contraire aux lois. Elle devait être exécutée. » Le floreal an 9, le tribunal d'appel, troisième section,

» Attendu que la clause insérée dans l'acte du 6 pluviôse an 8, et portant qu'il sera libre au créancier de vendre à la paumée, ou par

(1) V. l'article Hypothèques, §. 18.

devant notaire, après un simple commandement, les immeubles affectés à sa créance, est réprouvée dans nos mœurs, comme l'enseignent Vinnius, Groenewegen et Ferriere, ad Inst. lib. 2, tit. 8, S. 1, Quibus alienare licet; Matthæus, De Actionibus, lib. 1, cap. 3, nos 10 et 11, ainsi que Domat, etc. (1); >> Qu'il est d'autant plus essentiel de maintenir ce point de doctrine, qu'il est la garantie contre l'abus que pourrait faire un créancier de la situation de son débiteur, en se constituant maître de vendre les immeubles de ce dernier, en son absence et sans sa participation;

» Après avoir entendu le citoyen Beyts,

(1) Ces citations ne sont pas exactes.

10 Vinnius dit seulement que la convention par laquelle le débiteur a autorisé le créancier à vendre la chose engagée, faute de paiement à l'échéance de la dette, ne dispense pas celui-ci de la nécessité d'un commandement préalable pour constituer le débiteur en retard hoc ampliùs putarem etiam tunc unam saltem denunciationem requiri, cùm expressè convenit ut pignus vendere liceat, cùm nec antè debitor constituatur in morâ.

d'a

20 Groenewegen établit formellement que, près le droit romain, le créancier peut vendre le gage ou l'hypothèque, de son autorité privée, et même sans sommation préalable, lorsqu'il y a eu, à cet effet, une convention expresse entre lui et le débiteur; et cette jurisprudence, ajoute-t-il, est encore observée en Frise, et hoc jure Frisii utuntur. Mais, continue-t-il, de pareilles conventions sont regardées en Hollande comme nulles: sed nostris moribus, privatæ pignorum distractiones in desuetudinem abierunt, et invito debitore privata auctoritate nihil attentandum creditori, LICET ITA CONVENERIT; sed postquam contrà debitorem sententiam condemnatoriam obtinuit, judicis auctoritate ex stylo et consuetudine judiciorum subhastari debet pignus. Atque ita in utráque Hollandiæ curiâ judicatum refert Neostadius, supreme curiæ decisiones, de

cis. 90.

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4o Matthæus ne fait, à peu de chose près, que copier Groenewegen, et termine en disant comme lui que, dans l'usage particulier des provinces de Hollande et d'Utrecht, la convention dont il s'agit, ne serait d'aucun effet: Verùm nostris moribus, conventio nullius momenti est.

50 Domat ne s'exprime pas autrement que Ferrière. Comme lui, il établit la règle générale ; et comme lui, il garde le silence sur la question de savoir si cette règle doit fléchir devant une convention expresse qui en dispense.

commissaire du gouvernement, dans ses conclusions et de son avis,

» Réforme le jugement de première instance, et déclare Stroobants non-recevable dans ses poursuites ».

Le second arrêt est intervenu dans des circonstances qui présentaient le créancier sous un jour plus favorable.

Le 21 brumaire an 10, acte notarié par lequel Alexandre Woxes et son épouse, domiciliés à Bruxelles, reconnaissent devoir à M. Bonnard, général de division, une somme de 10,378 francs, qu'ils s'obligent de lui payer à une epoque fixe, et pour sûreté de laquelle ils lui donnent hypothèque sur plusieurs immeubles, en déclarant «que, faute de paie»ment à l'expiration du terme, le créancier » sera autorisé à faire vendre, par-devant » notaire, en un seul jour de siége, néan» moins après affiches, les immeubles hypo» théqués, aux conditions qu'il jugera con» venir; comme de recevoir le prix de la » vente jusqu'à concurrence ou en tout point » de son dû, et de transmettre la propriété » aux acquéreurs; à l'effet de quoi, ils re» noncent au chap. 1er de la loi du 11 bru

» maire an 7 ».

Les sieur et dame Woxes ne remplissant pas leur engagement, le général Bonnard se met en devoir d'exécuter la convention; et déjà des affiches annoncent la vente des immeubles des débiteurs chez un notaire.

Opposition à cette vente de la part des sieurs et dame Woxes, et conclusions à ce qu'il soit défendu au général Bonnard de les exproprier autrement que dans la forme prescrite par la loi du 11 brumaire an 7.

Le général Bonnard fait valoir la stipula

tion contenue dans l'acte du 21 brumaire an 10; cependant « pour désintéresser la solli»citude des sieur et dame Woxes, sur l'évé»nement de la vente, il déclare consentir à » ce qu'elle se fasse à leur participation, et » qué les conditions en soient réglées avec » eux, pourvu que leur intervention ne leur » fournisse pas un prétexte pour entraver » la vente par des procédés peu raisonna»bles ».

Le 19 ventôse an 11, jugement du tribunal de premiere instance de Bruxelles, qui declare les sieur et dame Woxes non recevables dans leur opposition, << sauf à eux à tirer » avantage de la déclaration faite par le gé>>néral Bonnard ».

Les sieur et dame Woxes appellent de ce jugement, et soutiennent que la clause dont il a ordonné l'exécution, est illicite.

« Ces sortes de consentemens (disent-ils) sont presque toujours l'effet de la position malheureuse des débiteurs, et un objet de spéculation de la part des créanciers qui convoitent les immeubles constitués en hypothèque, et se promettent d'avance de se les approprier à vil prix.

» Un tel consentement n'est, par lui-même, qu'un mandat révocable: dès que la révocation en est légalement notifiée, le créancier a les mains liées, et se retrouve dans la même position que si la procuration n'avait jamais existé; en sorte que la vente devient réellement forcée.

» Quand même le mandat ne serait pas révoqué, il ne serait point encore permis au créancier de s'écarter des dispositions de la loi du 11 brumaire an 7.

» Cette loi contient des formes protectrices de la propriété, et oppose une puissante barrière a l'usure, ainsi qu'à l'abus que font les prêteurs d'argent, de la situation de leurs débiteurs, pour leur arracher des conditions spoliatrices. Ces formes sont de droit public; et la loi qui les prescrit, est conçue en termes prohibitifs: Nul ne peut (porte-t-elle, art. 1er) poursuivre la vente forcée d'un immeuble, qu'en vertu d'un titre exécutoire, et après un intervalle de trente jours, à partir du commandement. Vinnius, Domat, Ferrière, et les lois romaines dont ils ne sont que les échos, enseignent qu'il n'est point loisible à un créancier de vendre le gage qui lui est assigné, sans un décret du juge, lors même que le contrat lui en aurait accordé le pouvoir ».

Le général Bonnard, de son côté, soutient l'acte du 21 brumaire an 10: la légitimité de la stipulation insérée dans

« Il est possible (dit-il) que les clauses de cette nature n'aient pas toujours leur principe dans une intention bien pure; mais sont-elles illicites en elles-mêmes? Aucune loi ne les réprouve.

» Elles sont avantageuses, lorsqu'elles sont stipulées de bonne foi et sans aucun indice d'usure ou soupçon de cupidité : avantageuses pour le créancier, à qui elles évitent les longueurs et la multiplicite des formes sur l'Expropriation forcée, avantageuses pour le débiteur, dont la substance est presque toujours dévorée par l'immensité des frais qu'occasionnent les poursuites.

» Elles répugnent à l'opinion de quelques jurisconsultes, qui prétendent qu'elles ne peu vent dispenser le créancier de recourir à l'au torité judiciaire. Mais aucun d'eux ne s'est

avisé de croire que les lois rendues sur le mode d'Expropriation forcée, fissent une portion du droit public, auquel les parties contractantes ne pussent déroger. Bynkershoek, président de la haute-cour de Hollande et de Zélande, discute la question: il se décide contre le sentiment de ceux qui pensent qu'il n'est pas permis de convenir d'une autre voie d'aliénation, que celle qui est établie par les lois statutaires (1).

» En effet, sous quel rapport l'Expropriation des immeubles d'un individu appartiendrait-elle au droit public? La loi règle la conduite du poursuivant et de la partie saisie; mais elle n'exclud pas les conventions que les parties auraient volontairement arrêtées sur un mode plus favorable.

» Chaque Expropriation devient un acte uniquement relatif au créancier et au débi

réfé

(1) C'était sans doute au chap. 13 du liv. 2 des Quæstiones juris privati de Bynkershoek, que se rait, en citant ce jurisconsulte, le défenseur du général Bonnard; et en effet, ce jurisconsulte y établit nettement que l'on peut, par un contrat public, déroger, jusqu'à un certain point, aux lois qui réglent les formes de l'Expropriation forcée.

Mais pour le bien comprendre, il faut remonter à ce que j'ai dit sous le mot Appel, 1, no 4, de la maxime reçue en Hollande, à l'époque où il écrivait, que les contrats passés devant notaires, n'emportaient pas exécution parée.

Pour remédier aux inconvéniens et aux longueurs dispendieuses qu'entraînait cette maxime, l'usage avait introduit, dans les contrats notariés, une clause par laquelle les parties se tenaient d'avance pour condamnées à exécuter ce dont elles étaient con

venues.

Cette clause ne rendait cependant pas le contrat exécutoire de plein droit; il fallait qu'elle fût homologuée par le juge, qui, après avoir examiné l'acte, et lorsqu'il n'y trouvait rien de contraire aux lois ou aux bonnes mœurs, condamnait les parties, de leur consentement, à exécuter leurs engagemens respectifs.

Et encore cette condamnation volontaire, quoique revêtue de l'autorité du juge, n'autorisait pas le créancier à exécuter son débiteur, soit dans sa personne, soit dans ses biens. Elle ne faisait que le placer au même point que s'il eût déjà obtenu un jugement contradictoire elle ne lui donnait que ce que les lois romaines appellent l'action judicati, c'est-àdire, le droit de traduire son débiteur en justice et d'y faire déclarer que, s'il ne satisfaisait pas, dans un délai déterminé, au jugement déjà rendu contre lui, il serait procédé à son égard par les voies ordinaires d'exécution.

De là est venue la question de savoir si, à la clause de condamnation volontaire, on ne pouvait pas en ajouter une d'exécution parée, pactum paratæ executionis, ou, en d'autres termes, stipuler qu'après un

pas

teur. Elle n'intéresse qu'eux. Ne sont-ils les maîtres de la régler comme il leur plait? » Il en est de la loi du 11 brumaire an 7, comme de toutes celles qui prescrivaient les formalités des saisies réelles. On y suppose l'absence de toute convention; et alors il faut bien qu'il existe une règle générale à laquelle on soit tenu de se conformer.

» En supposant que les formalités soient établies en faveur des parties saisies, celles-ci ont la faculté d'y renoncer : omnes licentiam habent his quæ pro se introducta sunt, renunciare (loi 29, C. de Pactis) ».

་་

Le général Bonnard « convenait néanmoins (ce sont les termes des auteurs du recueil des Décisions notables de la cour d'appel de Bruxelles, an 12, page 294) que la clause qui rendrait le créancier maître absolu de disposer à son gré de la chose engagée, mériterait souvent l'improbation des tribunaux. La pro

simple commandement de payer dans les vingt-quatre heures, le débiteur pourrait être emprisonné, et que ses biens pourraient être vendus, non pas, à la vérité, dans telle forme que le créancier jugerait à propos, mais en justice, et avec des solennités moins compliquées et moins dispendieuses que n'en prescrivait la loi commune.

Et c'est de la validité ou de la nullité de cette clause, que s'occupe Bynkershoek, dans la dissertation citée.

On voit déjà que la question qui y est traitée, n'est pas précisément la nôtre. Car Bynkershoek n'examine pas si un débiteur peut valablement renoncer, par un contrat, au droit de n'être exproprié qu'avec toutes les formalités prescrites par les lois : il examine seulement si la dispense de quelques-unes de ces formalités peut être stipulée valablement.

Quoiqu'il en soit, voici ce qui résulte de sa disser

tation.

Après avoir dit que Merula, célèbre praticien hollandais, regarde la clause d'exécution parée comme illicite, parcequ'elle est, suivant lui, prohibée par les lois du pays, quoique, dans le fait, il n'existe aucune loi qui la prohibe;

Après avoir cité un autre auteur qui assure, sans en donner aucune raison, que cette clause a été réprouvée par plusieurs sentences du conseil provincial de Hollande ;

au

Bynkershoek expose son opinion personnelle. Pourquoi, dit-il, cette manière d'exécuter ne pourrait-elle pas être autorisée par une convention? Serait-ce la loi, serait-ce la raison qui s'y opposerait? De loi, je n'en connais point. Et quelle raison rait-il d'improuver un pacte qui ne blesse en rien les bonnes mœurs, et n'a d'autre objet que d'éviter les longueurs tortueuses, les procédures sans fin, et les frais énormes qui, d'après notre droit commun, consument en pure perte tous les biens qui tombent sous la main de la justice? Que ces formes soient établies en faveur des débiteurs, j'en conviens; mais où est-il écrit que les débiteurs ne peuvent pas y renoncer ?

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