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trouvé en pays étranger par l'offensé qui vient l'y chercher et l'y poursuivre. L'impossibilite prouvée alors de le faire punir dans son propre pays, donne sur lui une compétence aux juges de sa nouvelle demeure en faveur de l'offensé qui, leur administrant des preuves qu'ils n'auraient nul droit, nul moyen de se procurer dans une autre souveraineté, leur présente en même temps à punir un crime reconnu pour crime dans le lieu où l'action s'est passée.

» De toutes ces vérités éparses, mais que l'on réunit en un seul corps, résulte nécessairement ce principe incontestable que nous avons annoncé d'abord : Le droit des gens dénie toute action chez l'étranger à celui qui, mis à portée de l'intenter dans son pays, en a déserté les tribunaux, et a fui de sa propre patrie pour se soustraire à ses lois.

» Que nous demandez-vous, en effet (pouvaient dire les premiers juges auxquels l'accusatrice du sieur Béresford est venue s'adresser)? Vous imputez un crime à celui dont vous venez vous plaindre. Mais apparemment ce que vous appelez un crime d'après nos lois, n'en est pas un suivant les vôtres; car pourquoi ne l'avez-vous pas traduit devant vos propres juges?

» Vous venez invoquer notre justice; mais nous ne vous la devons que dans le cas d'une nécessité absolue, d'une nécessité qui doive nous entraîner au-delà des limites posées entre les puissances, lesqu'elles n'ont, en général, de juridiction que sur leurs sujets respectifs. Mais où est-elle cette nécessité? Prouvez-la nous. Cet homme vous a-t-il, par son grand credit, fermé les tribunaux de votre patrie? Vous a-t-il accablé de menaces et de violences assez fortes pour que vous n'ayez osé les réclamer? A-t-il du moins aliéné ses propriétés territoriales? A-t-il renoncé aux honneurs, aux dignités qui le retenaient dans votre patrie commune? A-t-il donné quelques signes d'un abandon total, d'après lesquels vous puissiez raisonnablement craindre de ne l'y retrouver jamais? En un mot, a-t-il fui de votre commune patrie ?

» Vous venez invoquer notre justice. Mais

quoi! Nous voyons, par le peu de pièces qu'on

vous arrache en quelque sorte, et qu'on vous force de produire, que c'est lui-même qui vous a actionnée dans vos tribunaux; que c'est lui-même qui est plaignant et poursuivant; qu'il était sur le point d'obtenir contre vous un emprisonnement, pour punir votre propre désobéissance à vos juges, sur le fait même dont yous venez vous plaindre; que

vous avez cru devoir mettre la mer entre vous et ses poursuites. Nous voyons qu'il vous a poursuivie au-delà de la mer ; qu'à peine il a découvert votre retraite, qu'il s'est empressé, non moins ferme, non moins actif en France que dans sa patrie, d'invoquer nos propres tribunaux contre vous. Nous voyons que vous n'avez trouvé d'autre moyen de vous dérober à ses demandes, déjà accueillies dans deux tribunaux français, que de provoquer, par une surprise punissable, une atteinte à l'un de nos principes les plus sacrés, au principe de conserver inviolable parmi nous le cours de la justice. Que serait-ce donc, si nous l'avions entendu lui-même, si nous connaissions tout ce qu'il aurait à dire pour sa défense? Allez, femme artificieuse, fugitive quand il attaque, hardie quand vous n'avez rien à craindre, tremblante au grand jour, et provocatrice dans les ténèbres, allez porter ailleurs vos calomnies et vos piéges; cessez de vouloir emprunter de la pureté, de la sévérité de nos lois plus austères que les vôtres, des armes pour votre vengeance. Retournez à vos tribunaux, retournez vers les magistrats vos concitoyens, dont vous accusez la justice en invoquant la nôtre; et estimez-vous heureuse que nous ne vous fassions pas éprouver à vous-même toute la sévérité de nos propres lois, pour les avoir violées.

>> Voilà l'idée naturelle que présente à des magistrats, quiconque ayant pu se plaindre dans son pays, non seulement ne l'a pas fait, mais en a déserté les tribunaux, mais s'est enfui, défendeur et poursuivi lui-même, et cependant ose venir provoquer leur justice. Voilà surtout l'idée que présente nécessairement à nos juges la conduite respective de l'accusatrice et de l'accusé ».

Après avoir ainsi développé sa première proposition, et cherché surabondamment à établir que le sieur Beresford n'était point coupable suivant les lois anglaises, M. Elie de Beaumont passait à l'établissement du deuxième principe qu'il invoquait.

« On se doit (disait-il), de nation à nation, en faveur des individus respectifs, les mêmes bons offices qu'on se doit d'homme à homme, et à plus forte raison la même justice.

» Ferions-nous aux tribunaux, à nos concitoyens, l'injure de travailler sérieusement à prouver ce principe, gravé dans tous les cœurs par l'être suprême? Il commande de nation à nation, comme il commande d'homme à homme, par la seule force de sa justice: Alteri non feceris quod tibi fieri non vis : alteri feceris quod tibi fieri vis.

» Aurions-nous d'ailleurs à prouver ce qui l'est journellement sous nos yeux, par le concert de toutes les nations? Quelle preuve plus frappante de la vérité de ce principe, que l'effet constant qu'il produit chez tous les peuples, et leur empressement à s'y soumettre par tous les actes qui sont en leur pouvoir ?

» Que chacun se demande à soi-même ce qu'il voudrait qu'on fit pour lui en pays étranger, pour lui conserver ses propriétés et ses droits la réponse qu'il recevra dans l'intérieur de son ame, cette réponse qui ne trompe jamais et qui est le cri de la conscience, lui donnera la juste mesure de ce qu'il doit à l'Étranger dans sa propre patrie.

» Secourir ou ne pas secourir un Étranger, n'est pas, de la part des tribunaux, une chose pleinement libre, uniquement dépendante de leur seule volonté; ce n'est point un acte auquel ils aient le pouvoir de se refuser, sur ce que le titre dont on leur demande l'exécution, n'aura pas une exacte conformité avec les idées nationales.

»Ne craignons pas de présenter à la cour l'assertion formelle que les tribunaux sont obligés en conscience de rendre à l'Étranger qui réclame leur justice, tous les bons offices, dans l'ordre legal, qui sont en leur pouvoir, et de lui épargner tous les torts et les dommages qu'ils peuvent lui épargner.

>> Insinuerait-on qu'une femme française ne serait pas rendue à son mari par les tribunaux anglais? Nous le nions formellement.

» D'ailleurs, quand cette assertion serait vraie, nous répondrions encore que leur refus injuste ne nous dispenserait pas de nos devoirs; que c'en est un d'exercer un acte de justice envers l'Étranger qui la réclame, dans les matières dont le droit des gens permet aux tribunaux de connaître; telles, par exemple, que l'exécution provisoire d'un titre inattaqué, inattaquable ailleurs que devant les juges nationaux.

» Nous répondrions enfin, en citant simplement ce qui se pratique devant nous tous les jours Y a-t-il plus de motifs d'accorder à un Étranger le paiement d'un billet de 100 livres au tribunal consulaire, ou la délivrance à la douane d'un paquet à son adresse, que de remettre entre ses mains l'être chéri dont il réclame, à juste titre, la possession? N'y a-t-il pas, au contraire, des raisons bien plus fortes, bien plus respectables, de lui accorder cette dernière restitution, si l'on ajoute au devoir de justice étroite, qui seul y obligerait, les grandes considérations tirées de

l'honnêteté publique, de la religion et des

mœurs?

» Mais le sieur Béresford ne demande pas même ce bon office, qui serait en même temps un acte de justice; il ne demande que d'observer cette loi inviolable, de rendre à un parlement legalement saisi, sa libre juridiction, en replaçant, sous garde, à Lille, celle qui n'a jamais cessé légalement d'y être un seul instant aux yeux de la loi.

» S'il est indispensable de rendre à l'arrêt du parlement de Douai sa pleine et entière exécution, il ne l'est pas moins d'accorder au sieur Beresford une réparation éclatante, pour tous les outrages qu'il a soufferts ».

Tel est le précis des moyens de Beresford. Voici ceux qu'y a opposés le défenseur des dames Hamilton:

«De tous les droits de la souveraineté, le plus étendu est celui de la juridiction. Il n'a et ne peut avoir d'autres bornes que celles même de l'État dans lequel il s'exerce : tout ce qui est compris dans ces limites, personnes et biens, est soumis à cette juridiction. Les Étrangers eux-mêmes ne peuvent pas en être exceptés pendant qu'ils y vivent, ils y obeissent aux lois; s'ils y meurent, l'État est leur héritier. Des traités politiques ont excepté de cette loi générale quelques nations; mais ces exceptions mêmes confirment la règle, et ce principe n'a jamais été contesté.

» Il en résulte qu'un Étranger ne peut pas entrer en France sans la permission tacite ou expresse du gouvernement; et comme, indépendamment du lien d'obeissance qui attache le sujet à son souverain, il est des devoirs réciproques entre les souverains et leurs sujets, tous les Étrangers qui sont en France, étant censés y être par la permission du gouvernement, y sont aussi réputés sous sa protection.

» Il en résulte 1o que la loi naturelle impose à celui qui a l'autorité, l'obligation de rendre justice à celui qui la lui demande; 2o que le droit des gens, qui n'est que la loi naturelle appliquée aux nations, impose à tout souverain l'obligation de protéger et de défendre l'Étranger qui choisit un asile dans ses États; 3° que deux Étrangers qui se trouvent dans le même État, sous la même protection, ont un droit égal à obtenir justice l'un de l'autre, sans que l'un des deux puisse décliner la juridiction commune sous l'empire de laquelle ils sont actuellement, sans que l'un des deux puisse arracher l'autre à l'asile qu'il avait choisi.

>> Il s'ensuit donc encore que le pouvoir de

la juridiction du gouvernement français, sur tous les Étrangers qui sont en France, est

illimité.

» Mais ce pouvoir peut-il être arrêté, ou par la réclamation d'un souverain, ou par le déclinatoire de l'une des parties?

» Chez toutes les nations, soit. que le pouvoir réside dans les mains d'un seul, soit qu'il appartienne à plusieurs, ce pouvoir ne reconnait aucune autre puissance sur la terre, qui, dans l'intérieur de ses États, puisse res

treindre l'exercice de son autorité.

>> Des considérations politiques font quelquefois céder aux revendications de quelques Étrangers; mais alors, c'est par une suite des égards que les souverains ont les uns pour les autres. Le souverain, dans ce cas, dispose seul de l'Étranger, et les tribunaux ne sont pour rien dans ce renvoi.

» Le déclinatoire d'une des parties ne serait pas mieux fondé. L'Étranger ne pourrait, dans cette circonstance, qu'exciper, ou du droit de son souverain, ou de son droit personnel d'être jugé par les lois de son pays.

» Mais le droit du souverain ne serait pas plus fort dans la bouche de son sujet, que

dans la sienne même.

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Il a également invoqué ce que M. l'avocatgénéral Talon disait, en 1632, dans l'affaire d'un Etranger accusé en France d'un crime commis en pays étranger : le renvoi de l'ac. cusé (c'étaient ses termes) ne doit pas être demandé, en la forme ordinaire, au juge du lieu où le criminel a été arrêté, parceque ce juge n'est pas assez puissant pour accorder ce renvoi, qui ne regarde pas simplement sa juridiction, mais qui concerne tout l'État et l'autorité du roi, à qui seul, par cctte raison, il faut s'adresser....

« On ne peut donc (concluait le défenseur des dame et demoiselle Hamilton) rejeter de

ce temple sacré, des Étrangers malheureux qui viennent, avec tant de confiance, y réclamer la justice, Le droit naturel et le droit des gens, l'opinion de tous les commentateurs et la jurisprudence; voilà les titres sacrés des sieur et dame Hamilton.

» Il en est encore un autre', que les sieur et dame Hamilton peuvent invoquer. Le droit des gens n'est pas le seul qui régit les nations: des convenances particulières, des intérêts de commerce, des combinaisons profondes de la politique, ont introduit, entre les différens États, des liens particuliers qui font quelquefois exception aux règles générales du droit des gens. La base de ces traités, de ces stipulations entre divers États, est la loi de la réciprocité; loi sage, qui dérive du droit naturel, et sur laquelle reposent la prospérité, l'honneur des empires, la liberté et les relations de leurs sujets.

» C'est d'après cette loi de la réciprocité, qu'on doit examiner si l'on peut, abstraction faite de tous les autres motifs, renvoyer en Angleterre des Anglais qui s'accusent réciproquement en France.

» Le sieur et la dame Hamilton savaient

parfaitement qu'en vain un Français irait à Londres réclamer sa femme; qu'elle ne lui serait point rendue; ils en concluaient intéla justice, mais encore de l'intérêt politique rieurement qu'il était, non pas seulement de d'une grande nation, de ne pas remettre à un prétendu mari, un enfant qu'il aurait enlevé à ses parens.

» Mais, pour ne rien hasarder sur les principes, souvent inconnus aux particuliers, du droit politique, les sieur et dame Hamilton ont cru devoir supplier le gouvernement de leur faire connaître, à ce sujet, l'état actuel des conventions de la France et de l'Angleterre, abstraction faite de la guerre qui les divise; et le ministre des affaires étrangères leur a fait remettre l'attestation suivante : Nous.... certifions à tous ceux à qui il appartiendra, qu'il subsiste, entre le roi et plusieurs puissances, des conventions particulières pour renvoyer réciproquement leurs sujets accusés aux tribunaux de leurs pays ; mais qu'abstraction faite de la guerre, qui détruit tous les traités antérieurs, il n'en a jamais existé aucun entre la France et l'Angleterre, pour renvoyer réciproquement les accusés des deux nations devant leurs juges naturels, pour raison de délits commis dans leurs pays; que l'Angleterre ne renvoie les accusés d'aucune nation; que, par conséquent, le droit de la juridiction du roi et de ses cours de parlement sur les Anglais qui se

trouvent dans le royaume, subsiste dans toute sa force, qu'il n'a été limité par aucune stipulation politique, et qu'il est même fortifié, s'il est possible, par le droit de réciprocité. Enfoi de quoi... Fait à Versailes, le 16 mars 1782. Signé Gravier de Vergennes.

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D'après cette attestation, il n'est plus douteux que le renvoi du sieur Beresford et de la demoiselle Hamilton aux tribunaux anglais, serait aussi contraire au droit de la réciprocité, au droit politique de la France et de l'Angleterre, qu'il le serait au droit naturel, au droit des gens et à la jurisprudence française.

» Ainsi, d'après les principes de notre droit public et politique, la compétence des magistrats français sur les Étrangers qui se trouvent en France, et qui y plaident, soit pour raison de contrats civils, soit pour raison de délits commis hors de France, est inattaquable; à plus forte raison, quand il s'agit de délits commis ou perpétués en France.

» Les délits de suite ou successifs qui commencent dans un pays, et qui se continuent dans l'autre, saisissent les tribunaux de tous les lieux où le criminel passe.

>> Le crime du rapt de la demoiselle Hamilton, commencé à Pinner, se continue en Écosse, se suit à Londres, se perpétue à Lille, à Douai et à Paris. Dans ces différens lieux, ses moyens sont différens; partout son but est le même.

» Ce qui caractérise ici le crime d'une manière singulière, c'est qu'au moins les autres criminels ne le sont pas ordinairement dans l'instant où ils paraissent devant la justice. Dans toutes les autres affaires criminelles, il s'agit d'un crime passé et non présent. Ici, le crime dure encore; chaque jour le voit croître et se perpétuer,

» Par conséquent il trouble l'ordre public; il scandalise la nation; il viole l'asile que la demoiselle Hamilton avait choisi en France.

» Enfin, le procès-verbal de la rédaction de l'ordonnance criminelle de 1670, met le crime de rapt au rang des crimes successifs, qui peuvent se poursuivre partout où se trouve le ravisseur et la personne ravie.

» D'ailleurs, si le sieur Beresford a pu attaquer la demoiselle Hamilton devant les tribunaux français, la demoiselle Hamilton a pu s'y défendre la demande et la defense sont inséparables; le juge de l'un doit l'être nécessairement de l'autre. Le sieur et la dame Hamilton interviennent dans cette étrange procédure, pour prendre le fait et cause de leur enfant mineur, Par exception

aux demandes du sieur Béresford, ils rendent plainte en crime de rapt contre lui, et demandent la nullité du mariage. De quel droit, maîtrisant les tribunaux, le sieur Beresford voudrait il que sa voix seule pût s'y faire entendre? Et comment peut-il proposer d'adopter l'incompetence qu'il oppose, puisque la compétence est jugée avec le ministère public »?

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Sur ces moyens respectifs, arrêt du 25 mars 1782, sur les conclusions de M. d'Aguesseau, avocat-général, qui « reçoit le procureur gé>>néral opposant à l'arrêt du 16 octobre 1781, » et appelant de toute la procédure extraor» dinaire faite au châtelet de Paris, à la ré» quête de son substitut au même siége, » contre Beresford; faisant droit tant sur l'opposition et sur l'appel du procureur » général, que sur l'appel interjeté par Beres»ford, a mis les appellations et ce dont est appel en néant; emendant, évoquant le » principal et y faisant droit, déclare toute » la procédure extraordinaire nulle, incom» pétente, injurieuse, vexatoire et attenta»toire au droit des gens; déclare la liberté » provisoire de Beresford définitive; ordonne » que son écrou sera rayé et biffé de tous re»gistres où il aura été inscrit, et que men>>tion sera faite du présent arrêt en marge » de cet écrou ; à ce faire tous greffiers dé» positaires desdits registres contraints par >> corps; quoi faisant, décharges; condamne » la dame Hamilton à cinquante mille livres de » dommages interêts, par forme de réparation » civile, envers Beresford; condamne Sydney >> Hamilton en dix livres de dommages-inte»rêts envers le même, ces deux sommes ap» plicables, du consentement de Beresford, » au profit de la fille dont Sydney Hamilton » est accouchée à Lille le 29 août 1781; sur » la demande en nullité de mariage, formée » par la dame Hamilton et par Sydney Hamil»ton, ensemble sur celle formée par Beres

ford en revendication de Sydney Hamilton, » comme sa femme légitime, renvoie les par» ties en Angleterre; savoir, Sydney Hamil» ton sous la garde qui lui a été donnée par la » cour; et Béresford, de son consentement, » sous la garde du lieutenant de robe courte » que la cour a commis à cet effet; le tout » aux frais de Beresford, pour être prononcé » sur ces demandes en Angleterre par les >> tribunaux qui en doivent connaître ; à l'ef» fet de quoi, les parties se retireront par» devers le roi, pour obtenir toutes les let» tres sur ce nécessaires : condamne la dame >> Hamilton en tous les dépens envers Béres» ford et le tuteur de l'enfant, ceux faits en

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»tre Béresford et Sydney Hamilton compen»ses; permet à Beresford de faire imprimer » l'arrêt jusqu'à concurrence de deux cents exemplaires, et d'en faire afficher dix où » bon lui semblera, le tout aux frais de la >> dame Hamilton; et sur le surplus de leurs » autres demandes, fins et conclusions, met » les parties hors de cour ».

On voit que, par cet arrêt, le parlement de Paris s'est regardé comme incompétent pour prononcer sur l'accusation de rapt intentée contre le sieur Béresford, mais qu'il n'en a pas moins cru devoir prendre des mesures pour assurer la tradition des accusatrices et de l'accusé à leurs juges naturels.

De ces deux décisions, la première était trop exacte pour essuyer la moindre critique. Il n'en a pas été de même de la seconde. On l'a présentée au conseil d'état comme une contravention au droit public; et par arrêt rendu le 27 avril 1782, dans la forme du propre mouvement, il a été prononcé en

ces termes :

« Le roi, étant en son conseil, a cassé et annulé, casse et annulle l'arrêt du 14 mars dernier; ce faisant, a évoqué et évoque sa majesté, à elle et à son conseil, tous les appels et demandes respectives des parties, circonstances et dépendances; et y faisant droit, a déclaré nulles les procédures faites tant au châtelet de Paris qu'en tous autres tribunaux de son royaume, sauf aux parties à se pourvoir, ainsi qu'elles aviseront, devant leurs juges naturels;

>> Ordonne sa majesté que les gardes donnés à la dame et à la demoiselle Hamilton, seront incessamment leves; enjoint sa majesté audit Bazin de se retirer, sans délai, d'auprès dudit Beresford; a mis et met sa majesté

ladite dame et ladite demoiselle Hamilton et

ledit sieur Beresford, sous sa sauve-garde, tant qu'ils seront dans ses États;

» A fait et fait défenses audit sieur Béresford d'attenter à la sûreté et à la tranquillité de ladite dame et de ladite demoiselle Hamilton, sous les peines au cas appartenant; a déchargé et décharge ladite dame et ladite denoiselle Hamilton des condamnations de dommages et intérêts et de dépens prononcées contre elles ;

» A ordonné et ordonne sa majesté, que le présent arrêt sera signifié de son exprès commandement, tant à la dame et à la demoiselle Hamilton, qu'audit sieur Béresford et audit Bazin ».

IV. Quelque temps après cet arrêt, il s'est présenté au parlement de Douai une affaire dans laquelle le sieur de Cuningham, Anglais,

retiré momentanément à Lille, avait été assigné, par la voie d'arrêt de corps, à la requête du sieur Forbes, Anglais comme lui, devant les prévôt et échevins, en paiement de plusieurs obligations datées de Londres, qu'il prétendait avoir été contractées pour dettes de jeu.

Voici la substance des moyens que j'ai fait valoir pour la défense du sieur Cuningham.

« Il faut distinguer trois classes d'Étrangers: ceux qui sont domiciliés en France, ceux qui s'y réfugient, et ceux qui n'y font qu'un séjour passager.

» Les domicilies peuvent être poursuivis devant les juges de France, par toutes les actions qu'autorise le droit des gens, et conséquemment pour toutes les dettes qu'ils ont contractées, pour toutes les promesses qu'ils ont faites, sans distinguer si elles ont été faites ou contractées au profit d'un Étranger ou d'un Français; la raison en est que ces Étrangers, en établissant leur domicile en France, se sont nécessairement soumis aux juges du lieu, pour toutes les actions personnelles acquises et à acquérir contre eux; et c'est alors le cas de la maxime, actor sequitur forum rei

font en

» Ceux qui se réfugient en France, soit pour échapper aux poursuites de leurs créanciers, soit pour se soustraire au glaive des lois vengeresses, lorsqu'il s'agit de dettes contractées ou de crimes commis dans les pays étrangers et envers les personnes étrangers, ne peuvent être inquiétés en France, ni par les particuliers dont ils sont débiteurs, ni par le ministère public, parceque le droit d'hospitalité doit être inviolable en faveur de ceux qui viennent parmi nous chercher un asile. » Il en est de même de ceux qui ne France qu'un séjour passager, pareil à celui que font un propriétaire dans son domaine rural et un malade aux eaux; nos tribunaux ne sont pas leurs juges, et ils ne pourraient, pour le devenir; autoriser une voie aussi extraordinaire que l'arrêt de corps, sans violer le droit des gens, qui promet aide et protection à tout Étranger, et impose au souverain dans les États duquel il se trouve, l'obligation de le maintenir contre tout autre Étranger, même contre ses propres sujets, dans le droit de n'être jugé que par les tribunaux de son pays.

» Cette vérité est peut-être plus facile à sentir qu'à développer. Mais s'il n'est pas permis d'inquiéter en France, un Étranger qui s'y est réfugié pour raison de ses dettes ou de ses crimes, quoiqu'il ne témoigne aucune

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