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» Et c'est en partant du second principe, que l'art. 10 de la quatrième section de la loi du 10 juin 1793, en établissant des cas d'éviction, même pour les tiers-acquéreurs (non ci-devant seigneurs) de terres vaines et vagues, leur réserve un recours en garantie contre les ci-devant seigneurs de qui ils les ont achetées.

» D'où vient cette différence entre les deux lois ? Elle vient uniquement de la différence de leurs objets.

» La loi du 15-28 mars 1790 supprime purement et simplement tous les droits qui avaient leur principe, soit dans la puissance féodale, soit dans la justice seigneuriale.

» La loi du 10 juin 1793, au contraire, n'évince les possesseurs de terres vaines et vagues que lorsqu'ils n'ont pas en leur faveur le concours de certaines conditions.

» Dans le cas de la première, point de recours pour l'acquéreur, parceque, soit que le titre de son vendeur fût régulier et valable, d'après les maximes reçues au temps de la vente, soit que, d'après ces maximes, il fût irrégulier et nul, l'éviction n'en aurait pas moins eu lieu, par l'effet de la toutepuissance du législateur qui jamais ne peut ni ne doit être garantie.

» Mais dans le cas de la seconde, il y a ouverture au recours, non pas indistinctement, non pas dans toutes les hypothèses possibles, mais s'il y échet, dit-elle, et pourquoi ? Parceque, si le seigneur a vendu ce que, même suivant les anciennes maximes, il ne possédait pas légitimement, ce n'est point par l'effet de la loi postérieure au contrat de vente, mais par l'effet d'un vice preexistant, que l'acquéreur est évincé et la commune réintégrée.

» Dans notre espèce, il ne s'agit, ni des droits féodaux abolis purement et simplement par la première de ces lois, ni des terres vaines et vagues dans lesquelles la seconde fait, en certains cas seulement, rentrer les communes. Mais il s'agit d'un bois dans la propriété duquel la commune de Mareilles a TOME VII.

prétendu se faire réintégrer, et d'après les lois antérieures au contrat de vente, et d'après la loi du 28 août 1792 qui y était postérieure. >> Sans contredit, la disposition de la loi du 15-28 mars 1790 doit être suppléée dans la loi du 28 août 1792, si celle-ci statue sur les bois, comme celle-ci sur les droits féodaux, c'està-dire, si la loi du 28 août dépouille purement et simplement les ci-devant seigneurs de leurs bois pour les donner aux communes, comme la loi du 15-28 mars 1790 dépouille purement et simplement les ci-devant seigneurs de leurs droits féodaux, pour l'avantage de leurs ci-devant vassaux et censitaires.

» Mais aussi il est évident que, si la loi du 28 août 1792 n'évince les ci-devant seigneurs de leurs bois que dans certains cas, et si elle les leur conserve dans d'autres ; si surtout elle n'étend pas cette éviction jusqu'aux tiers-acquéreurs qui sont munis de titres considérés comme valables dans l'ancienne législation, alors ce n'est point la disposition de la loi du 15-28 mars 1790, mais bien celle du 10 juin 1793, qui doit être suppléée dans celle du 28 août 1792.

>> Or, entre ces deux hypothèses, le choix n'est pas difficile. D'un côté, la loi du 28 août 1792 n'exproprie pas les seigneurs de tous les bois qui se trouvent en leur possession. Elle ne réintègre les communes que dans les bois dont leurs ci-devant seigneurs les ont dépouillés par puissance feodale; elle leur refuse cette reintegrande dans le cas où leurs cidevant seigneurs représenteront des titres légitimes d'acquisition; elle la leur refuse surtout et dans tous les cas, envers les tiersacquéreurs non-seigneurs, qui ont acheté des ci-devant seigneurs, à des époques où ceux-ci eussent été jugés légitimes propriétaires.

» Il est donc évident que, d'une part, le génie de la loi du 28 août 1792 sympathise parfaitement avec celui de la loi du 10 juin 1793; que, de l'autre, il n'a aucune espèce de connexité avec celui de la loi du 15-28 mars 1790; et c'est déjà une grande preuve que, dans notre espèce, il doit y avoir lieu à garantie.

» Mais, pour rendre cette proposition plus sensible, entrons dans quelques détails, et examinons d'abord si, abstraction faite de la loi du 28 août 1792, le cit. Guyenot eût pu être évincé par la commune de Mareilles: ensuite, si cette loi eût fourni contre lui des moyens d'éviction, dans le cas où la possession de son vendeur eût dû être jugee légitime, d'après les principes admis dans l'ancienne législation.

» Sur la première question, que nous disent 19

les lois sous l'empire desquelles a été passée la transaction du 12 mai 1765?

» Pour bien saisir leurs dispositions, et en faire une application exacte à notre espèce, il faut nous rappeler quels ont été le but et le résultat de la transaction du 12 mai 1765, réduite à ses derniers termes : il faut nous rappeler que, par cet acte, la commune de Mareilles a cédé au cit. Delarue la propriété de cent arpens de bois dont elle était, depuis un temps immémorial, en possession publi. que et constante; il faut nous rappeler qu'elle la lui a cédée avec d'autres objets, tant pour acquitter ses habitans envers lui d'arrérages échus et de dépens adjugés, que pour les faire dégrever d'une partie des droits de corvée, de banalité et d'autres prestations encore plus onéreuses auxquelles ils venaient d'être déclarés assujétis; il faut nous rappeler enfin que cette transaction prétendue n'était, de la part de la commune, qu'un contrat appelé en droit datio in solutum, et de la part du cit. Delarue qu'un achat déguisé.

>> Nous disons cette transaction prétendue, car l'acte du 12 mai 1765 n'en a réellement que le nom.

»

Qu'est-ce, en effet, qu'une transaction? C'est une convention entre deux ou plusieurs personnes qui, pour prévenir ou terminer un procès, règlent leur différend de gré à gré. >>Que faut-il donc pour qu'il y ait matière à transaction? Il faut qu'il existe un procès, ou déjà pendant en justice, ou du moins apparent. Qui transigit quasi de re dubia et lite incerta neque finitá transigit, dit la loi 1re, de transactionibus, au Digeste. Propter timorem litis, dit la loi 2 du même titre, au Code. Litigiis jam motis et pendentibus seu postea movendis, ajoute la loi dernière du même titre et du même recueil.

» Or, y avait-il, à l'époque de l'acte qualifié Transaction, du 12 mai 1765, un procès pen. dant entre le seigneur et la commune de Mareilles, soit au sujet des arrérages et dépens adjugés au premier, soit au sujet des cent arpens de bois possédés par la seconde? Non : sur les arrérages et les dépens, toute contestation était terminée par l'arrêt de 1763; la commune était condamnée à les payer, et il n'existait aucune réclamation de sa part contre sa condamnation. Quant au cent arpens de bois, nulle ombre de démarche judiciaire de la part du ci-devant seigneur pour en déposséder la commune.

» Y avait-il du moins, soit sur l'un, soit sur l'autre objet, un procès apparent, une contestation à craindre? Pas davantage. L'ar

rêt qui avait adjugé au cit. Delarue les dépens et les arrérages auxquels il avait conclu, n'avait laissé, à cet égard, rien d'incertain, rien de ligitieux; tout, à cet égard, était jugé. Et relativement aux cent arpens de bois, la possession qu'en avaient les habitans depuis un temps immémorial, mettait évidemment ceux-ci à couvert de toute inquiétude : le seigneur avait beau feindre de vouloir les évinéer avec sa sentence du 8 avril 1572, il ne pouvait y avoir de sérieux dans ses menaces, que le projet d'envahir à tort ou à travers la propriété de la commune : il était impossible qu'à ses propres yeux, la propriété de la commune pût être réduite en problème.

» Il n'y avait donc alors, soit sur l'un, soit sur l'autre point, ni crainte ni même apparence de contestation, ni par conséquent lieu de transiger; et par une conséquence ultérieure, la prétendue transaction du 12 mai 1765 n'est, dans la réalité, qu'un arrangement imaginé pour faire payer par la commune, en coupes ordinaires et extraordinaires de bois, et en abar.don de propriétés foncières, les sommes plus ou moins fortes dont chacun de ses membres était individuellement redevable envers le seigneur.

» Mais cet arrangement peut-il être de quelque effet contre la commune? La loi 12, C. de Transactionibus, va nous l'apprendre. Un particulier avait fait avec la municipalité de sa ville, une convention qui avait été qualifiée de transaction sur procès. Inquiet sur le sort de cet acte, il consulta le législateur; et voici ce qui lui fut répondu : c'est au magistrat à examiner si c'est sur une contestation vraiment douteuse qu'a été faite, entre vous et les administrateurs de notre ville, la transaction dont vous parlez; ou si ceux-ci n'ont fait que vous remettre par faveur ce qui était incontestablement dû à la commune. Au premier cas, la transaction aura tout son effet, elle n'en aura aucun dans le second: Præses provinciæ examinabit utrùm de dubiá lite transactio inter te et civitatis tuæ administratores facta sit, an ambitiosè id quod indubitatè deberi posset, remissum sit; nam priore casu, ratam manere transactionem jubebit: posteriore verò casu, nocere civitati gratiam non sinet.

» Mais supposons que l'acte du 12 mai 1765 ait tous les caractères d'une transaction: il restera à savoir si elle a été revêtue des formalités essentiellement requises pour sa validité; et cette question doit être envisagée sous deux rapports, c'est-à-dire, d'après les lois romaines, et d'après les lois françaises.

» Les lois romaines mettent en principe que les communautés d'habitans sont, quant à la capacité de contracter et d'aliener, quant à la restitution en entier, quant à la prescription, en un mot, quant à tous les effets civils, de la même condition que les pupilles et les mineurs.

»A ce principe elles en joignent un autre qui est consigné dans la loi 1re, S. 9, D. Si quid in fraudem patroni : c'est que la transaction équipolle à une alienation proprement díte, lorsque, par son effet, la partie incapable d'aliéner, se dépouille d'une chose dont elle avait la possession; et de là vient que, comme le décide expressément la loi 4, C. de Prædiis minorum non alienandis, un mineur ne peut pas, par transaction, abandonner des immeubles dont il est possesseur, à moins qu'il n'y soit autorisé par un décret de jus tice: Non solùm, dit cette dernière loi, per venditionem prædia rustica vel suburbana pupilli vel adolescentes alienare prohibentur; sed NEQUE TRANSACTIONIS RATIONE, neque permutatione,.... ea transferre à dominio suo possunt; igitur et tu, si fratribus tuis PER TRANSACTIONEM fundum dedisti, vindicare eum potes.

» La conséquence qui résulte naturellement de là, c'est qu'une commune ne peut pas, sans y être autorisée comme s'il s'agissait d'une aliénation par vente ou échange, abandonner par transaction un bien ou un droit immobilier qu'elle possède; et telle est effectivement la doctrine de Voët, dans son Commentaire sur le Digeste, titre de Transactionibus, no 2: il commence par établir que les tuteurs et les officiers municipaux peuvent transiger, les uns pour leurs pupilles, les autres pour leurs communes : transigere possunt omnes non prohibiti, adeòque etiam tutores, syndici et administratores civitatum. Cependant, continue-t-il en citant la loi 4, C. de Prædiis minorum non alienandis, s'il s'agissait d'un immeuble possédé par un mineur ou par ceux qui jouissent des droits de la minorité, on ne pourrait les en déposséder par transaction, qu'au moyen des formalités requises pour aliéner: Si tamen de re immobili minorum ALIOCUMQUE SIMILIUM, toties ad transactionem decreto opus erit, quoties tutor vi transactionis, vel rem litigiosam immobilem quam tenebat, cedit adversario, aliquo invicem accepto; vel rem immobilem pupilli non litigiosam dat adversario, ut is à lite super aliá re discedat.

» C'est aussi ce qu'ont jugé plusieurs arrêts. >> Le président Desjaunaux, tome 2, en rapporte un du parlement de Flandre, du 27

janvier 1698, qui déclare nulle une transac tion faite entre le seigneur de Jollain e la commune du même lieu, au sujet d'un droit de plantis possédé jusqu'alors par celle-ci, et auquel elle avait renoncé; et cela, sur le seul fondement que cet acte n'avait été précédé ni revêtu d'aucune espèce d'autorisation. » Le président Wynantz, S. 74, nous a conservé deux arrêts semblables du conseil de Brabant.

» Il rappelle d'abord le principe général, que transiger, c'est aliener: Ut quis transigere valeat, necesse est ut facultatem habeat de re super quả transigitur, disponendi; cùm recepti juris sit quòd sub alienationis nomine etiam veniat transactio, ut proindè quibus alienandi facultas ab homine vel à lege inhibita est, iisdem quoque transigendi facultas sit adempta. De là, il conclud que, pour pouvoir, par transaction, déposséder une commune d'un immeuble, ou la grever d'une redevance, il faut, non seulement le consentement de tous ses membres, mais encore des lettres d'octroi de l'autorité suprême; qu'à défaut de ces lettres, la transaction est nulle de plein droit; et qu'elle peut être déclarée telle, même après les dix ans dans lesquels l'art. 29 de l'édit perpétuel de 1611 eirconscrit toutes les actions rescisoires : Si de alienandis rebus communitatis, aut de imponendo vel recognoscendo reditu agatur, nequidem cùm prævio interesse habentium consensu, si licentia principis, vulgò octroy, desit, transigi potest; usque adeò ut ipso jure nulla sit conventio transactionis aliter inita, nec rescisione, per restitutionem in integrum impetrandá, opus sit. Ainsi jugé, continue le président Wynantz, par arrêt du 21 février 1709, pour la commune de Kerpens, contre les héritiers Janson et Scribers: il y avait, dans cette espèce, onze ans qu'avait été passée la transaction dont la commune demandait la nullité; et sous ce prétexte, on prétendait que cette nullité était couverte mais senatus transactionem nullam et invalidam esse declaravit, et non obstare dispositionen articuli 29 edicti perpetui 1611.

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transaction du 12 mai 1765, et bientôt nous verrons qu'elle est radicalement nulle.

» En effet, nous l'avons déjà dit, par cette transaction, la commune de Mareilles a été expropriée d'un bois qu'elle possédait depuis un temps immémorial, et conséquemment elle l'a aliéné. Or, une commune peut elle aliéner ses immeubles sans autorisation? La négative est incontestable; et cela seul tranche toute difficulte.

» Si des lois romaines, si des principes du droit commun des nations policées, nous passons aux lois françaises, nous trouverons le même résultat.

» Dans tous les temps, les lois françaises ont défendu aux communes d'aliéner leurs

biens, à quelque titre et sous quelque prétexte que ce fût, sans y avoir été préalablement autorisées par des lettres patentes émanées de la puissance législative, et enregistrées dans les tribunaux supérieurs.

» C'est ce qui résulte notamment de la déclaration du 22 juin 1659, rendue pour la ci-devant province de Champagne. Nous n'en avons pas le texte sous les yeux, mais elle est citée dans le Traité des communes, imprimé à Paris en 1770, page 245; voici dans quels termes : Une autre déclaration du 22 juin 1659 permit aux habitans de Champagne de rentrer de fait, sans aucune formalité de justice, dans les usages, BOIS COMMUNAUX et autres biens par elles aliénés, POUR QUELQUE

CAUSE, OCCASION ET A QUELQUE TITRE QUE CE

PUT ÊTRE, à la charge de payer en dix années, en dix portions égales, le prix principal desdites aliénations, faites pour causes légitimes, et qui auraient tourné au bien et à l'utilité des communautés, suivant la liquidation qui en serait faite par le commissaire à ce député; mais elle ajouta, qu'à L'AVENIR les anciennes ordonnances seraient observées, et que lesdites communautés ne pourraient aliéner leurs usages, sans une permission du roi ET DÉCRET DE JUSTICE, lorsque le cas le requerrait.

et autres

»Du reste, il est constant que cette déclaration a été enregistrée au parlement de Paris. Témoin cette notice de Brillon, dans son Dictionnaire des arrêts, au mot Aliénation, no 15: Déclaration portant réglement pour les usages, bois communaux biens appartenant aux habitans des paroisses el communautés de la généralité de Châlons, qui ont été aliénés; et défenses aux communautés d'aliéner leurs usages, sans permission du roi et décret de justice, lorsque les cas le requerront. A Paris, le 22 juin 1669; registrée

le 29 décembre de la même année; 7e volume des ordonnances de Louis XIV, côté 3 p, fo 329.

» Le même auteur, au mot Communauté, dit que cette déclaration a servi de fondement à un arrêt du parlement de Paris, du 23 novembre 1660, rendu en faveur des habitans d'Egly, bailliage de Sainte-Menehould; et en effet, nous lisons, dans le Journal des audiences, que, le 23 novembre 1660, sur les conclusions de M. l'avocat général Talon, la commune d'Egly a été admise à rentrer de plein droit dans les héritages qu'elle avait aliénés en 1649, en vertu d'une simple permission de justice; et cela, porte l'arrêt, suivant la déclaration du roi, vérifiée à la registrée en tous les bailliages de Champagne et de Picardie.

cour,

» Vous savez que la commune de Mareilles dépendait du bailliage de Chaumont, et conséquemment faisait partie de la ci-devant province de Champagne. Ainsi, point de doute que la déclaration du 22 juin 1659 ne soit applicable à la prétendue transaction du 12 mai 1765; point de doute, par suite, que l'aliénation effectuée par cette transaction, ne soit nulle, puisqu'elle a bien été précédée d'une permission du roi, mais non d'un décret de justice, décret qui ne pouvait consister que dans la vérification et l'enregistrement des lettres-patentes approbatives de cet acte.

» Il existe, au surplus, d'autres lois qui étendent à toute la France le renouvellement que fait la déclaration du 22 juin 1659, de la prohibition d'aliéner les biens communaux.

» L'édit du mois d'avril 1667 nous offre à cet égard deux dispositions bien remarquables : l'une qui se réfère au passé, l'autre qui a trait à l'avenir.

» Pour le passé, il autorise les habitans des paroisses et communautés, dans toute l'étendue de la France, à rentrer, sans aucune formalité de justice, dans les fonds, prés, páturages, bois, terres, usages, communes, communaux, droits et autres biens communs, par eux vendus ou baillés à baux à cens ou emphyteotiques, depuis l'année 1620, pour quelque cause et occasion que ce puisse être, même à titre d'échange....; le tout nonobstant tous contrats, TRANSACTIONS, arrêts, jugemens, etc.

» Et pour l'avenir, l'édit ajoute : Faisons très-expresses inhibitions et défenses auxdits habitans de plus aliéner leurs usages et communes 2. sous quelque CAUSE ET PRÉTEXTE QUE CE PUISSE ÊTRE, nonobstant toutes permissions qu'ils pourraient obtenir à cet effet, à peine....... de nullité des contrats, etc.

» L'édit du mois d'avril 1683, relatif aux dettes des communes d'un grand nombre de généralités, parmi lesquelles figure nommément celle de Châlons, contient, relativement aux emprunts à faire par les villes et bourgs fermés, plusieurs dispositions qu'il est inutile de rappeler ici; après quoi, il continue en ces termes : Faisons très-expresses inhibitions et défenses aux habitans des autres communautés et paroisses desdites généralités qui ne sont villes ni gros bourgs fermés, de faire aucuns emprunts, ventes ni ALIENATIONS de leurs biens communaux, SOUS QUELQUE CAUSE OU PRÉTEXTE QUE CE PUISSE ÊTRE. Déclarons, dès à-présent, toutes les obligations, contrats, TRANSACTIONS et autres actes concernant lesdits emprunis et ventes, nuls et de nul effet; faisons défenses aux parties de s'en aider, à tous juges d'y avoir égard, et aux ministres et autres officiers de justice de les mettre en exécution. Cette déclaration a été enregistrée au parlement de Paris, le 21 mai 1683; et vous remarquez qu'elle comprend dans sa disposition, à la fois prohibitive et irritante, toutes les espèces d'aliénations; qu'elle les annulle toutes, pour quelque cause ou prétexte qu'elles aient été faites; et qu'elle annulle même expressément les transactions qui auraient servi, soit à les consommer, soit à les consolider.

» Ce n'est pas tout. Ce n'était pas seulement le defaut d'autorisation légale, ce n'était pas seulement le défaut de décret de justice, qui viciait la transaction du 12 mai 1765.

>> Cette transaction était encore nulle, parceque, de la part de la commune, elle renfermait une alienation sans cause et sans prix. Les arbitres eux-mêmes en ont fait la déclaration expresse dans leur sentence d'éviction, du 7 frimaire an 2: Attendu (ont-ils dit) que cet abandon, de la part de la commune, u été fait sans cause légitime, et sans en avoir reçu aucun prix de la part des cidevant seigneurs.

En effet, la commune, c'est-à-dire, le corps moral des habitans de Mareilles, ne devait, ni les droits, ni les arrérages, ni les dépens, en paiement desquels elle a abandonne les cent arpens de bois. Ces droits, ces arrerages, ces dépens n'étaient dus que par des individus qui composaient la commune; et vous connaissez la règle de droit consignée dans la loi 7, S. 1, Quod cujuscumque universitatis nomine, au Digeste si quid universitati debetur, singulis non debetur; nec quod debet universitas, singuli debent.

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Aussi, les arbitres eux-mêmes s'en sont

ils expliqués formellement dans leur second jugement du 6 nivóse an 2. Ces prétendus droits (y est-il dit), n'étaient pas dus par le corps moral de habitans de Mareilles, mais bien par ·les particuliers, qui seuls avaient eu intérêt de les contester, et avaient en conséquence donné lieu aux dépens; et quoique les habitans de Mareilles aient emprunté le nom collectif de la commune pour plaider, et soient parvenus à faire prononcer la condamnation de dépens contre la commune entière, il n'en est pas moins vrai que les particuliers seuls en étaient tenus: car si on les eût exigés, le ci-devant seigneur n'aurait eu que la répartition au marc la livre de la taille, et la contrainte sur les particuliers sur lesquels cette répartition se serait faite.

» Et nous devons ajouter qu'en s'exprimant ainsi, les arbitres n'ont fait que répéter ce qu'avait dit M. l'avocat général Talon, à l'audience du parlement de Paris, du 23 novembre 1660. La commune d'Egly, dont nous avons déjà parlé, avait vendu un bien communal à son seigneur, à l'effet de subvenir à la dépense nécessaire pour fournir au roi un soldat équipé de cheval et d'armes; et il s'agissait de savoir si c'était là une juste cause d'alienation. Il est à remarquer (a dit M. l'avocat - général) que l'aliénation est nulle, d'autant que des communautés d'habitans ne peuvent pas vendre leurs immeubles et héritages, pour fournir à ces sortes de dépenses, qui sont des charges imposées aux communes

pour être levées par capitation; c'est la méme chose que la taille, à l'égard de quoi les habitans ne peuvent pas, aux termes de l'art. 57 de l'édit de 1660, vendre ni aliéner ce qui leur appartient en commun, pour se décharger de leurs impositions.

» Ainsi, deux nullités radicales dans la transaction du 12 mai 1765:

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Nullité, en ce que, par cet acte, la commune de Mareilles abandonne à son ci-devant

seigneur un bois de cent arpens, sans que cet abandon soit motivé par aucune cause légitime, sans qu'il soit compensé par aucun prix ;

» Nullité, en ce que la commune se dessaisit d'une propriété foncière, d'un bien qui, depuis un temps immémorial, existait dans son patrimoine, sans qu'un décret de justice l'y ait préalablement autorisée, sans que la condition, imperieusement commandée par les lois alors en vigueur, soit remplie.

D'après cela, il est évident que la commune de Mareilles était bien fondée dans la réclamation qu'elle avait portée, des le mois de juillet 1792, devant le tribunal du district

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