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physique de se servir désormais de la piècei s'il n'a pas reçu son exécution, ou s'il ne l'a reçue qu'imparfaitement, l'impossibilité de tout usage ultérieur de la pièce, ne sera plus physique, mais légale, ce qui reviendra absolument au même.

Du reste, ce serait bien vainement que l'on opposerait à tout cela l'arrêt de la cour de cassation, du 8 avril 1812, qui est rapporté, avec les conclusions dont il a été précédé de ma part, dans le Répertoire de jurisprudence, au mot Testament, sect. 5, §. 2.

A la vérité, cet arrêt a décidé que, malgré un jugement criminel, aussi absurde qu'inique, du 3 prairial an 2, qui avait déclaré Faux le testament d'Antoine Ducas, et l'avait annulé comme tel, sous prétexte qu'Antoine Ducas n'était pas le nom du testateur, quoique ce fût celui sous lequel il était généraleles héritiers institués pouvaient encore en réclamer l'effet, parcequ'ils n'avaient pas été parties dans ce jugement.

ment connu,

Mais il y avait dans l'espèce, une circonstance qui la tirait de la thèse générale : c'est qu'avant le jugement criminel du 3 prairial an 2, il avait été rendu par le parlement de Paris, le 29 décembre 1788, un arrêt qui avait rejeté une requête des héritiers ab intestat tendant à ce qu'il fût sursis au procès civil sur la validité du testament, jusqu'à la décision définitive du procès criminel en Faux, sur lequel était ensuite intervenu le jugement du 3 prairial an 2; c'est conséquemment parcequ'il avait été décidé à l'avance et d'une manière irrefragable, que le procès criminel n'était pas prejudiciel au procès civil.

IX. Reste la question de savoir si, lorsqu'un officier public, poursuivi criminellement comme coupable de Faux dans un acte de son ministère, a été mis hors de prévention ou acquitté, les parties intéressées à ce que cet acte soit jugé faux, sont encore recevables à le soutenir tel devant les tribunaux civils?

Qu'elle le soit, si la pièce n'a été positivement jugée vraie, et qu'elle le soit alors sans distinction entre le cas où l'officier public a été mis hors de prévention par les premiers juges ou par la chambre d'accusation, et le cas où, mis en accusation et déclaré non coupable par le jury, il a été acquitté par le président de la cour d'assises, c'est ce qui ne peut souffrir aucune espèce de difficulté.

En effet, dans l'un et l'autre cas, de ce que l'officier public est déchargé des poursuites criminelles dirigées contre lui, il ne s'ensuit pas nécessairement que l'acte soit vrai.

Cela est évident dans le premier cas, puis

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que, pour mettre l'officier public hors de pré vention, il suffit de déclarer, ou qu'il n'existe pas assez de commencemens de preuve de la fausseté de l'acte, ou que, même l'acte suppose faux, il ne paraît pas que cet officier ait commis avec intention frauduleuse, le Faux dont il est prévenu (1); et que certainement alors la question de la vérité ou de la fausseté de l'acte reste entière.

Dans le second cas, c'est absolument la même chose: car la déclaration de la nonculpabilité a pu n'être motivée, dans l'esprit des jurés, que sur l'absence de toute intention frauduleuse de la part de l'officier public; et dès lors, l'acquittement de l'officier public ne peut pas équivaloir à un jugement qui déciderait que l'acte n'est point faux.

En un mot, dans les deux cas, le procès n'a pas été fait à la pièce, il ne l'a été qu'à la personne; la personne est bien reconnue non coupable, mais il n'est rien prononcé sur la pièce : la pièce peut donc encore être arguée

de Faux.

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(1) En effet, la loi n'interdit pas aux chambres d'accusation de mettre hors de prévention, même les officiers publics qu'elles reconnaissent avoir commis des Faux sans mauvaise intention. (V. le plaidoyer et l'arrêt de la cour de cassation, du 18 février 1813, repportés dans le Répertoire de jurisprudence, au mot Faux, S. 15, no 3).

J'ai d'ailleurs sous les yeux un arrêt de la chambre d'accusation de la cour de justice supérieure de Liége, du 6 août 1819, qui, en déclarant n'y avoir lieu à accusation contre un notaire prévenu d'avoir faussement attesté, dans un testament, la présence des témoins instrumentaires à la dictée des dispositions du testateur, motive sa décision sur ce «

qu'il

» ne résulte pas suffisamment de l'instruction et de » la déclaration des témoins instrumentaires, que le >> testament dont il s'agit, aurait été dicté hors de la » présence desdits témoins; et qu'au surplus, la » fausseté de cette circonstance, si elle était même » établie, ne constituerait pas, dans l'espèce, une >> preuve qu'elle serait le résultat d'intentions frau»duleuses de la part du prévenu

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tune, au préjudice de la veuve Fourmentin, appelée par la loi à la recueillir ab intestat. Celle-ci, actionnée les legataires en dépar livrance de leurs legs, devant le tribunal civil du département de la Seine, recueille sur la manière dont le testament a été fait et revêtu d'un acte de suscription, des renseignemens desquels il paraît résulter que plusieurs Faux ont été commis dans l'un et dans l'autre; en conséquence elle rend une plainte en Faux principal, tant contre quelques-uns des légataires qu'elle accuse d'avoir fabriqué les prétendues dispositions du testateur, que contre le notaire à qui elle impute d'avoir énoncé dans l'acte de suscription, des formalités qui n'ont point été remplies; et elle déclare, par cette plainte, se constituer partie civile.

Le 1 juin 1822, ordonnance de la chambre du conseil, qui, attendu que, ni le testament, ni l'acte de suscription du 5 sepembre 1821, ne présentent les caractères de Faux, et que, si l'un ou l'autre de ces deux actes présente des irrégularités ou nullités, c'est aux tribunaux civils à en connaître ; déclare qu'il n'y a lieu à suivre, sauf aux parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront.

La dame Fourmentin forme opposition à cette ordonnance devant la chambre d'accusation de la cour royale de Paris.

Mais par arrêt du 19 juillet de la même année,

<< Attendu qu'en admettant que l'acte de suscription du 5 septembre 1821 n'énonçât pas très-exactement les faits tels qu'ils se sont passés, il n'en résulterait pas un Faux punissable, d'après les dispositions de la loi pénale, si d'ailleurs il était prouvé que l'officier public n'a pas agi frauduleusement;

» Attendu que les circonstances dont cette affaire est environnée, et les précautions mul. tipliées prises par Trubert pour s'assurer des intentions du testateur et manifester sa volonté aux témoins, repoussent toute idée de culpabilité de sa part;

» Attendu que, puisqu'il n'y a pas de crime, il ne peut y avoir de complices;

» La cour confirme l'ordonnance des premiers juges, pour icelle être exécutée suivant sa forme et teneur ».

Les choses en cet état, les légataires reprennent, devant le tribunal civil, la poursuite de leur demande en délivrance de legs. A cette demande, la dame Fourmentin, en oppose une en permission de s'inscrire en Faux incident contre le testament et l'acte de suscription.

Le 15 février 1823, jugement qui la déclare non-recevable, attendu que, par l'ordonnance de la chambre du conseil, du 11 juin 1822, sa plainte en Faux principal a été rejetée sur le fondement que, ni le testament, ni l'acte de suscription n'étaient Faux; et « que, si la cour royale, en statuant par son » arrêt du 19 juillet, sur l'opposition de la » veuve Fourmentin, et en adoptant impli»citement les motifs des premiers juges, en » a ajouté un autre absolument hypothétique, » elle n'en a pas moins confirmé purement et » simplement l'ordonnance du 12 juin précé>>dent; en sorte que l'ordonnance et l'arrêt » sont tellement identifies, qu'ils doivent être » considérés comme un seul et même juge»ment, en sorte aussi qu'il demeure pour » constant que le procès a été fait simultané»ment, tant aux pièces arguées de Faux » qu'aux prétendus auteurs ou complices du » crime signalé ; et qu'ainsi, le cas exception» nel prévu par l'art. 214 du Code de procé» dure civile, est arrivé, c'est-à-dire que les » pièces contre lesquelles on propose une » inscription de Faux incident civil, ont été » vérifiées à l'occasion d'une inscription de » Faux principal, et qu'il est intervenu ju»gement sur le fondement de ces pièces » comme véritables ».

Mais sur l'appel de la veuve Fourmentin, arrêt de la cour royale de Paris, le 14 juillet 1823, qui réforme ce jugement, et admet l'inscription de Faux incident de la veuve Fourmentin, par le motif que, des termes mêmes dans lesquels est conçu l'arrêt de la chambre d'accusation, du 19 juillet 1822, il résulte que l'ordonnance de il n'y a lieu à suivre sur la plainte en Faux principal, n'a été confirmée que parceque la pièce n'avait point été vérifiée dans l'instruction dont cette plainte avait été suivie, et que, par là, cette ordonnance doit être considérée comme n'ayant statué que sur la prévention de culpabilité portée contre le notaire et ses co-prévenus.

Recours en cassation contre cet arrêt de la part des légataires qui l'attaquent comme vio. lant l'art. 214 du Code de procédure civile; mais vaine tentative; par arrêt du 24 novembre 1824, au rapport de M. Lasagni, et sur les conclusions de M. l'avocat-général Joubert,

« Attendu, en droit, que celui qui prétend qu'une pièce est fausse, peut, s'il y échet, s'inscrire en Faux, pourvu que cette pièce n'ait pas été vérifiée, soit avec le demandeur, soit avec le défendeur en Faux, aux fins d'une procédure de Faux principal ou incident (art. 214 du Code de procédure civile);

» Et attendu que la cour royale de Paris, en audience solennelle, a constaté, en fait, que la pièce dont il s'agit, n'avait pas été vérifiée lors de la poursuite en Faux principal;

» Qu'en effet, l'arrêt du 19 juillet 1822, de la chambre de mises en accusation de la même cour royale de Paris, loin de vérifier la pièce dont il s'agit, n'a confirmé l'ordonnance des premiers juges, portant qu'il n'y avait pas lieu de suivre, que par la raison qu'en admettant que l'acte de suscription du 5 septembre 1821 n'énoncát pas très exactement les faits tels qu'ils s'étaient passés, il n'en résultait pas un Faux punissable, d'après les dispositions de la loi pénale; étant d'ailleurs prouvé que l'officier public n'avait pas agi frauduleusement;

En effet, point de peine sans crime, point de crime sans fraude;

» Qu'ainsi, dans l'espèce particulière, c'est l'homme, et l'homme seul, qui a été jugé au criminel, tandis que c'est la pièce, et la pièce seule, qui doit être jugée au civil; et que, par conséquent, le sujet de la poursuite criminelle étant tout-à-fait distinct de celui de la poursuite civile, le principe non bis in idem, conservateur de l'autorité de la chose jugée, était aussi tout-à-fait inapplicable à l'espèce ;

» Que, dans ces circonstances, en recevant la dame veuve Fourmentin à s'inscrire en Faux incident contre la pièce dont il s'agit, l'arrêt attaqué, loin de violer la disposition de l'art. 214 du Code de procédure civile, en a fait une juste application;

» La cour (section des requêtes) rejette le pourvoi..... (1) ».

Le second arrêt a été rendu dans l'espèce suivante.

Le 10 février 1816, testament public par lequel la veuve Després dispose de tous ses biens en faveur de la dame Vigneron.

Deux jours après, décès de la testatrice. Ses héritiers légitimes, dans une instance engagée entre eux et la veuve Vigneron, devant le tribunal civil d'Alençon, soutiennent que le testament n'a été, ni dicté par la tes tatrice, ni écrit en sa présence, ni en celle des témoins, et sur la dénégation de ces faits par la dame Vigneron, ils demandent, pour les prouver, la permission de s'inscrire

en Faux.

(1) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 25, page 174.

La dame Vigneron, de son côté, conclud, en tout événement, à ce que le notaire Noyer qui a reçu le testament, soit mis en cause, pour être condamné, le cas échéant, à l'indemniser de l'annullation dont cet acte pourrait être frappé.

Le 4 février 1817, jugement qui admet l'inscription de Faux, et ordonne la mise en cause du notaire.

A ce jugement en succède un autre qui admet les moyens de Faux ; et il est, par suite, procédé de part et d'autre, à des enquêtes. Mais le moment venu d'en discuter le résultat à l'audience, le procureur du roi requiert qu'avant tout, le notaire soit renvoyé devant le juge d'instruction, et que l'action civile soit suspendue, jusqu'à ce qu'il ait été statué, à son égard, dans la forme criminelle, sur le Faux dont il est prévenu.

Cette réquisition est adoptée, et le notaire est en conséquence traduit successivement devant le juge d'instruction, devant la chambre du conseil, devant la chambre d'accusation de la cour royale de Caen, et enfin devant la cour d'assises du département de l'Orne.

Les débats termines, le président de la cour d'assises pose en ces termes la question sur laquelle le jury doit délibérer : « Noyer » est-il coupable d'avoir, dans un testament » par lui reçu, le 10 février 1816, en sa qua» lité d'officier public, en la commune de » Sainte-Seolusse, frauduleusement dénaturé » la substance ou les circonstances de ce tes>>tament, notamment en y attestant fausse»ment que la testatrice, veuve de Louis

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Desprès, lui a dicté ce testament en pré»sence des témoins y dénommés, et qu'il l'a » écrit tel qu'il lui a été dicté au domicile de » la testatrice »>?

Le jury répond : « Non, l'accusé n'est pas » coupable »; et sur cette déclaration, il intervient, à l'instant, une ordonnance du président qui acquitte le notaire et le met en liberté.

Dans cet état de choses, les héritiers de la veuve Desprès reprennent le procès civil devant le tribunal d'Alençon, et demandent qu'il soit statué sur le résultat des enquêtes auxquelles il a été procédé sur leurs moyens de Faux.

La dame Vigneron leur oppose une fin de non-recevoir qu'elle tire de la déclaration du jury et de l'ordonnance d'acquittement qui en a été la suite; elle soutient que tout est jugé par là sur le Faux prétendu, et telle est la conséquence de la règle non bis in

idem.

que

Le 23 août 1818, jugement qui rejette d'abord la fin de non-recevoir, par la raison qu'il résulte bien de la déclaration du jury et de l'ordonnance d'acquittement, que le notaire n'a point dénaturé frauduleusement les circonstances de la rédaction du testament, mais qu'il n'en résulte pas qu'il ne les a nullement dénaturees, ni par conséquent qu'il n'y ait point de Faux dans la mention qu'il y a faite de formalités qui sont prétendues y avoir été omises; puis, statuant au fond, déclare le testament nul et condamne le sieur Noyer à des dommages-intérêts envers les légataires.

Appel de ce jugement de la part de la dame Vigneron et du sieur Noyer.

Le 16 janvier 1823, arrêt par lequel,

« Considérant que, par arrêt de la cour d'assises de l'Orne, le notaire Noyer a été acquitté de l'accusation portée contre lui; mais qu'il ne résulte pas de cet arrêt et de la réponse du jury, que toutes les énonciations portées au testament soient vraies, puisque, quand bien même elles seraient fausses, l'accusé devait être acquitté, s'il n'avait pas agi frauduleusement et dans des intentions criminelles; car la question intentionnelle, supprimée dans le Code criminel actuel, se trouve toujours implicitement comprise dans le mot coupable et dans l'expression frauduleusement employés dans la question;

» Considérant que l'arrêt de la cour d'assises n'ayant rien décidé autre chose sinon qu'il n'y avait pas crime de la part du notaire, c'était au tribunal, ressaisi de l'action en inscription de Faux et en nullité du testatament, à examiner si, abstraction faite de toute fraude ou intention criminelle et de tout crime de la part du notaire, il n'y a pas quelques énonciations fausses dans le testament, et si ce testament a été fait avec toutes les solennités et les formalités prescrites par la loi; qu'ainsi, la fin de non-recevoir que l'on veut faire sortir de l'arrêt de la cour d'assises contre l'inscription de Faux incident, ne peut être accueillie......;

» La cour (royale de Caen) met l'appellation au néant..... ».

La dame Vigneron et le sieur Noyer se pourvoient en cassation contre cet arrêt, et l'attaquent comme violant l'art. 1351 du Code civil, l'art. 214 du Code de procédure et la règle non bis in idem.

Mais par arrêt contradictoire du 12 juillet 1825, rendu au rapport de M. Piet, sur les conclusions de M. l'avocat général Marchangy, et après un délibéré en la chambre du conseil,

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« Considérant que la cause civile, engagée au tribunal d'Alençon et suspendue à la réquisition du procureur du roi, jusqu'à ce qu'il eût été statue sur l'accusation de Faux contre le notaire Noyer, a pu être reprise;

» Que l'art. 214 du Code de procédure civile autorise l'inscription de Faux contre une pièce signifiée ou produite, lorsqu'elle n'a pas été vérifiée avec les demandeurs ou défendeurs en Faux dans une poursuite de Faux principal ou incident;

» Que cette vérification ne peut résulter que d'un jugement ou d'un arrêt qui prononce expressément sur la vérité ou la fausseté de la pièce ;

» Que, dans le procès criminel, la question proposée au jury, et sur laquelle il a répondu négativement, portait est-il coupable (l'accusé) d'avoir frauduleusement dénaturé la substance ou les circonstances du testament, notamment........? Question qui a dû être posée ainsi, s'agissant du Faux déterminé par l'art. 146 du Code penal;

» Que cette déclaration du jury, non, l'accusé n'est pas coupable, ne prononçant rien expressément sur le point de savoir si les énonciations du téstament dont il s'agit, étaient ou non fausses, il en résulte que ce testament n'a pas été vérifié par l'arrêt de la cour d'assises qui a prononcé l'acquittement du notaire et sa mise en liberté; que, par conséquent, cette pièce a pu être l'objet d'une décision sur l'attaque en nullité et en Faux incident, au jugement de laquelle il avait été sursis par le jugement d'Alençon;

» Que, par conséquent, ce tribunal et la cour royale, en prononçant, comme ils l'ont fait, n'ont violé ni l'autorité de la chose jugée, ni la règle non bis in idem, ni l'art. 214 du Code de procédure, ni aucun des articles du Code civil......;

» La cour rejette le pourvoi... (1). ».

Je sais qu'on peut opposer à ces arrêts, celui du 19 messidor an 7, qui est rapporté dans le Répertoire de jurisprudence, aux mots Inscription de Faux, §. 1, no 8. Il a, en effet, décidé, sous le Code du 3 brumaire an 4, qu'après une déclaration du jury d'accusation, portant qu'il n'y avait pas lieu à accusation contre deux préposés aux douanes, à raison d'un procès-verbal de contrebande, ce procès-verbal ne pouvait plus, dans l'instance correctionnelle à laquelle il avait

(1) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 26, page 310.

donné lieu entre la régie des douanes et le prévenu de fraude, être argué de Faux par celui-ci devant le juge du fond; et il a expressément motivé sa decision sur ce que la déclaration du jury anéantissait toute idée de Faux.

Mais, il faut le dire, cet arrêt ne peut être regardé que comme le fruit d'une erreur manifeste. Il résultait bien de la déclaration du jury qui avait mis les préposés aux douanes hors d'accusation, que ceux-ci ne pouvaient plus être poursuivis, ni criminellement, ni même correctionnellement, comme coupables de Faux, tant qu'il ne surviendrait pas contre eux de charges nouvelles; mais d'où cela venait-il? De ce qu'il était incertain si la déclaration du jury avait été motivée, ou sur ce que le fait n'était pas constant, ou sur ce que, bien loin d'être constant, il était dé-. truit par des preuves décisives, ou sur ce que les prévenus, même en les supposant auteurs du fait, ne laissaient pas d'être absolument irréprochables; et qu'elle devait, dans cette incertitude, comme l'avait décidé, sous la loi du 16-29 septembre 1791, un décret d'ordre du jour du 21 prairial an 2, être interprétée de la manière qui leur était la plus favorable. Il s'en fallait donc beaucoup qu'elle anéantit toute idée de Faux ; et il était, dès lors, bien impossible que le procès-verbal fût à l'abri d'une inscription de Faux incident de la part des prévenus de contrebande.

Mais que faudrait-il décider, si l'officier pu. blic avait été mis hors de prévention ou acquitté, avec déclaration expresse que l'acte n'est point faux? Cette déclaration auraitelle l'autorité de la chose jugée contre les tiers intéressés à ce que la pièce soit tenue pour fausse?

L'affirmative serait incontestable, si les tiers avaient été parties civiles dans le procès criminel.

En effet, ils ne pourraient arguer l'acte de' Faux, qu'en prenant la voie de Faux incident. Or, cette voie leur serait irrévocablement fermée, par cela seul que l'acte aurait été jugé vrai contradictoirement avec eux ; c'est la conséquence nécessaire de l'art. 214 du Code de procédure civile.

En vain diraient-ils que, si c'est contradictoirement avec eux que l'acte a été jugé vrai, ce n'est pas du moins contradictoirement avec les parties intéressées à ce qu'il soit tenu pour tel; et qu'il n'en faut pas davantage, d'après l'art. 1351 du Code civil, pour que celles-ci ne puissent pas exciper contre eux de l'autorité de la chose jugée.

On leur répondrait victorieusement par les termes mêmes de l'art. 214 du Code de procédure civile; car déclarer, comme le fait cet article, qu'une pièce signifiée, produite ou communiquée dans un proces, peut y être attaquée par inscription de Faux incident, encore qu'elle ait été vérifiée, SOIT AVEC LE DEMANDEUR, SOIT AVEC LE DÉFENDEUR en Faux, à d'autres fins que celle d'une poursuite EN FAUX PRINCIPAL ou incident, c'est vérifiée sur une poursuite de Faux principal dire bien clairement que, si la pièce a été dans laquelle le demandeur en Faux incident a été partie, n'importe que le défendeur en Faux incident l'ait été également ou non, la demande en inscription de Faux n'est plus recevable.

Mais en serait-il de même, si les tiers intéressés à ce que l'acte jugé vrai dans le procès criminel, soit tenu pour faux, n'avaient pas été parties civiles dans ce procès ?

Supposons, par exemple, que, dans l'affaire du testament de la veuve Després, qui a donné lieu à l'arrêt de la cour de cassation du 12 juillet 1825, le président de la cour d'assises eût, à la suite des débats, posé ces deux questions: Le testament dont il s'agit, est-il faux, quant à la mention qu'il contient de la présence des témoins à la dictée et à la lecture de ses dispositions? L'accusé est-il coupable d'avoir, par cet acte, frauduleusement constaté comme vrais des faits qui ne le sont pas ? Supposons que le jury, sans s'occuper de la seconde question, eût répondu à la première : non, le testament n'est point faux; et qu'en conséquence, le notaire Noyer eût été acquitté, non parceque c'était sans intention frauduleuse qu'il avait constaté comme vrais des faits qui peut-être ne l'étaient pas, mais parceque les faits qu'il avait constatés, étaient vrais. Supposons enfin qu'à la suite de cette décision, les héritiers légitimes de la veuve Després, qui ne s'étaient pas rendus parties civiles dans le procès criminel, fussent venus reprendre, devant le tribunal civil d'Alençon, leur procédure en Faux incident: y auraient-ils été recevables?

Oui, répondra-t-on au premier aspect; car l'art. 214 du Code de procédure civile n'interdit l'inscription de Faux contre la pièce précédemment vérifiée sur une poursuite de Faux principal ou incident, qu'autant que la vérification en a été faite, soit avec le demandeur, soit avec le défendeur; il la permet donc lorsque, ni le demandeur en inscription de Faux, ni le défendeur à sa de

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