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mée entre les mains du conservateur des hypothèques.

»Mais cette main levée ayant été donnée sous signature privée, le conservateur des hypothèques refusa de l'inscrire sur les registres.

» Jean Nicolas Ferry, instruit de ce refus, fit préparer chez un notaire une main-levée authentique, à l'effet de remplacer celle sous signature privée; et il paraît qu'il se chargea de l'apporter lui-même au domicile du sieur Malhostie, qui la signa.

» C'est pour raison de la signature de cet acte par le sieur Malhostie, en son domicile, tandis que le notaire y avait déclaré qu'il avait été rédigé en son étude, que plainte en Faux a été rédigée contre Ferry;

» Mais, outre que Ferry a perpétuellement soutenu que le sieur Malhostie avait signé l'acte en l'étude du notaire, le fait articulé par la plainte, n'aurait pu constituer un véritable crime de Faux dans le sens du Code pénal, si cet acte notarié n'avait rien ajouté aux stipulations de l'acte sous signature privée passé par la femme du sieur Malhostie, avec la procuration de son mari; car alors il n'y aurait eu ni méchanceté ni envie de nuire.

» La cour de justice criminelle et spéciale n'aurait, dès lors, pas dû se borner, pour fonder son arrêt de compétence, à déclarer qu'il avait été commis un Faux; elle aurait dû s'expliquer, nommément et en termes exprès, dans les considérant de son arrêt, sur la moralité de ce Faux.

»Ne l'ayant pas fait, son arrêt devait être annulé; et il l'a été effectivement de la manière qui suit:

» Ouï le rapport de M. Carnot, et M. Lecoutour, substitut de M. le procureur genéral;

» Vu l'art. 456 du Code des délits et des peines, du 3 brumaire an 4;

» Et attendu que le crime de Faux se constitue nécessairement en fait et en moralité;

» Qu'il résulte de là que les cours de justice criminelle et spéciale n'étant autorisées à connaître que des véritables crimes de Faux, elles doivent s'expliquer, non seulement sur le Faux en lui-même, mais nommément sur sa moralité;

» Qu'elles doivent le faire notamment en termes exprès, lorsque la prévention de Faux se présente sous certains rapports qui peuvent en diminuer la gravité, et peut-être même en détruire la criminalité;

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the s'est bornée à déclarer, sans entrer même dans aucun détail, que, s'agissant d'un crime de Faux en écriture authentique, la connaissance du délit rentrait dans sa compétence;

» Qu'elle aurait dû s'expliquer, en outre et d'une maniére formelle, sur la moralité de ce délit, et dire s'il lui paraissait qu'il eût été commis méchamment et à dessein de nuire à autrui;

» Que ne l'ayant pas fait, la cour de justice criminelle a violé les règles de sa compétence, en se retenant la connaissance d'une prévention qui pouvait n'être pas, en soi, celle d'un véritable crime de Faux;

» Par ces motifs, la cour casse et annulle...».

S. XII. Y a-t-il crime de Faux en écriture authentique, de la part d'un officier public destitué ou démissionnaire, qui signe et date d'une époque où il était encore en fonctions, un acte dans lequel il prend une qualité qu'il n'a plus, et qu'il ne pourrait faire qu'en cette qualité ?

Le 14 juin 1808, arrêt de la cour spéciale du département du Nord, ainsi conçu :

« Vu les pièces de la procédure instruite à la charge de Louis-Joseph Descary, exmaire, cultivateur, demeurant à Hasnon;

» Considérant qu'il résulte des informations, que ledit Descary est prévenu d'avoir, au mois d'avril dernier, apposé une légalisation, en qualité de maire de la commune d'Hasnon, au bas d'une commission de garde champêtre particulier, et ce, sous la date du 26 février précédent, quoiqu'à cette première époque, il ne fût plus maire de ladite commune, ayant été remplacé dans ses fonctions le 29 dudit mois de février; ce qui présente un double délit : le premier, de Faux en écriture authentique et publique; le second, d'avoir continué l'exercice de fonctions publiques après son remplacement;

» Que le premier de ces délits est plus grave que le second, et que la connaissance en appartient exclusivement à la cour de justice criminelle spéciale créée par la loi du 23 floréal an 10, aux termes de l'art. 2 de ladite loi;

» Considérant d'ailleurs qu'il y a prévention que ce Faux a été commis méchamment et dans l'intention de nuire à un tiers, qui paraissait devoir obtenir de préférence la place de garde champêtre particulier;

» Que, suivant l'art. 2 de la loi du 18 pluvióse an 9, la cour spéciale doit, ayant tout, juger sa compétence sans appel;

» Vu les art. 2 de la loi du 23 floréal an 10 et 24 de celle du 18 pluviose an 9...;

» La cour spéciale dit qu'elle est compétente pour connaitre du crime de Faux en écriture authentique et publique, imputé à Louis-Joseph Descary......... ».

Cet arrêt est transmis à la cour de cassation; et le 30 juin de la même année, au rapport de M. Lombart-Quincieux,

« Attendu que l'arrêt de compétence rendu par la cour de justice criminelle et spéciale du département du Nord, le 18 du mois courant, à l'égard de Louis-Joseph Descary, est conforme à la loi,

» La cour ordonne l'exécution dudit arrết».

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Le 24 avril 1806, loi dont l'art. 47 porte que « les tabacs fabriqués seront revêtus de » marques et vignettes de la régie (des droits » réunis); faute de quoi, ils seront saisis et » confisqués ».

D'après cette loi, des ordres sont donnés 1o Pour qu'aux ficelles servant à lier les carottes de tabac, soit attaché un plomb qui recevra, au moyen d'une pince, d'un côté, l'empreinte d'un aigle, et de l'autre, celle des mots, Administration des droits réunis ;

2o Pour que, dans chaque direction, cette pince soit confiée à un employé qui se transportera chez les fabricans, à l'effet de marquer leurs tabacs, après en avoir perçu les droits, et tiendra note de toutes ses opérations.

En exécution de ces mesures, la pince destinée à marquer les plombs apposés aux tabacs dans la direction d'Anvers, est confiée à un employé nommé Pierre-César Legrand.

Après quelques mois de fonctions, le sieur Legrand tombe malade.

Le directeur lui fait redemander la pince: il répond que, dans l'état où il se trouve, il lui est impossible d'en faire la recherche; mais que, dès qu'elle lui tombera sous la main, il la remettra.

Le directeur la lui redemande encore. Nouvelle excuse dilatoire. Enfin, il donne sa démission; et part pour Bruxelles, sans avoir rendu la pince.

Deux ans s'écoulent. Au bout de ce temps, on constate, par les différences qui existent, chez plusieurs fabricans, entre les registres d'entrée et les registres de sortie de tabacs, qu'il en a été marqué frauduleusement une grande quantité.

Une information s'ouvre en conséquence, et elle apprend

1o Que Legrand a vendu la pince qui lui avait été confiée, à raison de ses fonctions, au sieur Charles Cauvorst, fils, moyennant 120 francs par mois, et toute la quantité de plombs qu'il pourra débiter;

2o Qu'il a vendu une grande quantité de plombs à divers fabricans, tels que LouisAntoine Detelié et Louis Decock, de la commune de Saint-Nicolas;

3o Que le sieur Cauvorst, père, savait que son fils Charles avait acheté la pince de Pierre César Legrand; que, pour la soustraire aux recherces de l'administration, il l'avait fait transporter chez le sieur Denis, son gendre; qu'il avait eu, dans ses magasins, une grande quantité de tabacs ainsi marqués en fraude;

4o Que Charles Cauvorst avait fabriqué le moule propre à couler le plomb sur lequel l'empreinte devait être appliquée;

5o Que le sieur Sels, fils, avait eu des relations assez suivies avec les sieurs Cauvorst, père et fils, pour le faux plombage; que le sieur Vanleemput avait été son agent pour

cette manœuvre.

Le 30 août 1809, réquisitoire du procureur général de la cour spéciale du département des Deux-Nethes, tendant à ce que cette cour, attendu qu'il s'agit du crime de Faux prévu par l'art. 2 de la loi du 23 floréal an 10, se déclare compétente pour juger Pierre César Legrand et ses complices.

Le même jour, arrêt par lequel,

<< Vu l'art. 47 de la loi du 24 avril 1806....; » Attendu qu'en exécution de cette loi, la direction des droits réunis, établie à Anvers, a fait plomber les tabacs en carottes qui existaient dans les magasins des fabricans, pour constater qu'ils provenaient des fabriques nationales, et qu'ils avaient payé le droit de fabrication prescrit par la loi;

» Que l'opération du plombage se faisait par les préposés de la régie, au moyen d'un plomb qu'ils attachaient aux carottes avec des ficelles, et auquel se trouvaient empreints, d'un côté, l'aigle....., et de l'autre, ces mots, Administration des droits réunis, avec un instrument nommé pince;

» Attendu qu'il résulte de l'instruction de

la procédure, que, dans l'année 1806, la direction précitée des droits réunis a remis et confié à l'un de ses employés, nommé PierreCésar Legrand, une pince servant à plomber les carottes de tabac; qu'après avoir donné sa démission d'employé, il a gardé cette pince; qu'il l'a vendue ou cédée à Charles Cauvorst, fils, maintenant fugitif; et que l'on en a fait usage pour pincer une quantité considérable de plombs qui ont été vendus dans le commerce;

» Attendu qu'il résulte aussi de la procédure, notamment des interrogatoires subis Laurent Vanleemput, l'un des prévenus, par, et d'un procès-verbal redigé à Paris le 1er août 1807, par les préposés des droits réunis, que, dans le courant des années 1806 et 1807, plusieurs expéditions ont été faites, d'Anvers pour Paris et autres villes de l'intérieur, de tabacs en carottes, dont les unes étaient revêtues de plombs apposés par ledit Vanleemput, et les autres de plombs vicieux;

» Attendu que l'emploi de ces plombs avait apparemment pour but de faciliter l'introduction des tabacs étrangers, dont l'entrée est prohibée, et de frauder en outre les droits de fabrication;

» Attendu que tout crime de Faux présup pose nécessairement l'existence actuelle ou passée d'un Faux matériel, qui consiste dans l'altération ou la contrefaçon d'une chose vraie ;

» Attendu que, dans l'espèce dont il s'agit, il n'existe point d'altération ni de contrefaçon de la pince ou des plombs représentant la marque du gouvernement, puisqu'il résulte simplement de toute l'instruction de la cause, que la vraie marque du gouvernement a été apposée sur des marchandises par des particuliers qui, n'étant pas préposés à cet effet par la loi, n'avaient aucune qualité ad hoc ; qu'ainsi, c'est dans ce seul fait que devrait consister le Faux que l'on impute aux pré

venus;

» Attendu que l'on ne pourrait appliquer ainsi à l'espèce les dispositions de la loi du 23 floréal an 10, que par abus de pouvoir, et par une extension arbitraire de la loi, qui ne peut être permise au juge, lorsqu'il est question de lois penales, et surtout de lois d'exception qui sont toujours de la plus stricte interprétation;

» Attendu que, s'il est des Faux non énoncés en termes formels par l'art. 2 de la loi du 23 floréal an 10, auxquels cependant la cour suprême a fait l'application de cet article, ce n'a été que dans des cas où il s'agissait réellement d'altération ou de contrefaçon, par

exemple, du marteau impérial servant au balivage des bois ;

» Attendu que l'application de la loi précitée du 23 floréal an 10, paraît d'autant moins pouvoir être faite au cas présent, que l'art. 110 de la loi du 19 brumaire an 6, relative aux droits de garantie des matières d'ouvrages d'or et d'argent, ne prononce que la peine d'une année de détention contre tous citoyens autres que les préposés à l'application des poinçons légaux, qui en emploieraient même de véritables ;

» Attendu qu'il n'y a point de différence entre le fait de la personne non qualifiée qui fait usage des poinçons véritables, pour marquer les ouvrages d'or et d'argent, et de celle qui appose la véritable marque du gouvernement sur une marchandise; qu'ainsi, en raisonnant par analogie, les deux cas paraissent identiques;

» Par ces motifs, la cour, vu l'art. 24 de la loi du 18 pluviose an 9, se déclare incompétente pour connaître du délit dont sont prévenus les nommés Pierre-César Legrand, etc...».

Cet arrêt est soumis à l'examen de la cour vient, au rapport de M. Guieu, et conforde cassation; et le 6 octobre 1809, il intermément à mes conclusions, un arrêt ainsi conçu :

« Attendu qu'il y a eu, de la part de César Legrand et ses complices, un emploi frauduleux et prejudiciable aux intérêts de l'État, d'une pince destinée à apposer les marques que le gouvernement a désignées comme devant autoriser l'introduction et la libre circulation des tabacs;

» Que ces marques ne pouvant être légale ment apposées que par les délégués de l'autorité souveraine, et devenant, par leur existence, une garantie publique des marchan. dises qui en sont revêtues, leur apposition

clandestine et frauduleuse est une véritable

usurpation des fonctions et de la qualité des préposés du gouvernement, et est devenue l'attestation d'un fait évidemment mensonger; » Que cette apposition est par conséquent un Faux ;

» Que c'est, en même temps, un Faux de la compétence des cours spéciales à qui la loi du 23 floréal an 10 a déféré la connaissance des Faux en écritures authentiques, puisqu'il a eu pour objet de certifier, par l'inscription des mots, Administration des droits réunis, qui se trouvent gravés sur la pince destinée à en transporter l'empreinte sur les plombs, que c'était de l'aveu et sous l'autorité de cette

administration, que les tabacs ainsi marqués étaient introduits et mis en circulation dans le territoire français;

>> Qu'il faut le décider ainsi, par la raison que c'est commettre un Faux en écriture, que de tracer, par quelque procédé que ce soit, des caractères d'écriture desquels il doit résulter un titre au profit de celui qui en fait usage et avec préjudice pour autrui;

» Qu'il suit de là qu'en se déclarant incompétente pour connaître du crime dont César Legrand et ses complices sont prévenus, la cour de justice criminelle et spéciale du département des Deux - Nethes a viole l'art. 2 de la loi du 23 floréal an 10, les règles de sa compétence, et commis un excès de pouvoir;

» Par ces motifs, la cour casse et annulle l'arrêt rendu par ladite cour spéciale du département des Deux-Nethes, le 30 août dernier....;

» Et pour être rendu un nouvel arrêt de compétence, renvoie la procédure et les prévenus devant la cour de justice criminelle et spéciale du département du Nord... ».

Le 1er janvier 1810, la cour spéciale du département du Nord, saisie, en vertu de cet arrêt, de la connaissance de l'affaire, décide, comme celle des Deux-Nethes, qu'elle n'est pas compétente pour en connaître,

«Attendu que le Code pénal du 25 septembre-6 octobre 1791, tit. 2, art. 43, 44, 45, 46, 47 et 48, ne désigne, comme crimes de Faux, que ceux commis en écritures privées, publiques et authentiques, effets de commerce ou de banque, la vente à faux poids et mesures pour la troisième fois, et le faux témoignage;

» Que la même loi, art. 1, 2, 3, 4 et 5 de la 6e section du tit. 1, décerne des peines contre ceux qui seront convaincus d'avoir contrefait les espèces ou monnaies nationales, les papiers nationaux ayant cours de monnaie, le sceau de l'État, le timbre national, et le poinçon servant à marquer l'or et l'argent, ou les marques apposées au nom du gouvernement sur toute espèce de marchandises;

» Attendu qu'aucune disposition de cette loi ne porte de peines contre ceux qui auraient appliqué des marques véritables aux matières ou marchandises soumises à cette formalité;

» Attendu que la loi du 19 brumaire an 6, sur la garantie des matières d'or et d'argent, après avoir réitéré, art. 19, la disposition du Code pénal portant la peine de 10 années de

fers contre les fabricateurs de faux poinçons et ceux qui en feraient usage, ne prononce, art. 109, que des amendes contre ceux qui garderaient ou exposeraient en vente avec connaissance, des ouvrages marqués de faux poinçons, et dispose, art. 110, que tous citoyens autres que les préposés à l'application des poinçons légaux, qui en emploieraient même de véritables, seront condamnés à un an de détention, ce qui ne donne que l'idée d'une peine correctionnelle;

» Attendu que le législateur, en même temps qu'il rappelle, contre les contrefacteurs des poinçons, dans une loi qui n'a pour objet que la garantie des matières d'or et d'argent, la même peine qui, dans le Code pénal, est prononcée par le même article contre les contrefacteurs des marques à appo

ser

sur les marchandises, et les regarde comme coupables du crime de Faux, ne regarde pas comme tels ceux qui emploieraient même des poinçons véritables, sans avoir le caractère à ce nécessaire, mais ne les soumet qu'à une peine correctionnelle ; qu'on ne peut croire qu'il eût été dans son intention de regarder autrement ceux qui auraient appliqué même des marques véritables, la position des uns étant identique avec celle des autres; et que, quand la loi se tait sur un cas, on ne peut qu'en rechercher et appliquer une qui y soit parfaitement analogue, ce qui se rencontre ici;

>> Attendu que l'emploi fait par autres que ceux qui en sont chargés, de la pince destinée à apposer la marque des tabacs dont l'intro

duction et la libre circulation ne sont autorisées qu'à cette condition, est bien un emploi frauduleux de cette pince, et une usurpation des fonctions des préposés du gouvernement; mais que, dės que la pince est reconnue vraie, l'emploi qui en est fait, ne peut pas plus prendre le caractère du Faux, que celui d'un blanc-seing dont la signature est reconnue réelle;

» Que les mots, Administration des droits réunis, inscrits sur la pince, n'ont pas d'autre objet et ne peuvent avoir d'autre effet que les figures, les lettres et les chiffres gravés sur les poinçons servant à marquer l'or et l'argent; » Que l'abus fait des marques vraies sur le tabac, ne peut constituer un Faux, tandis que celui fait des poinçons vrais sur les matières d'or et d'argent, ne qualifie qu'un délit dont la peine cst simplement correctionnelle;

» Attendu enfin que l'emploi frauduleux de marques et poinçons véritables ne peut entraîner des peines aussi sévères que la con

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« La question sur laquelle vous avez en ce moment à prononcer (ai-je dit à cette audience), est de savoir si le fait imputé à Pierre-César Legrand et à ses co-prévenus, porte le caractère de l'un des genres de Faux prévus, soit par le Code pénal du 25 septembre 1791, soit par la loi du 23 floréal an 10. » Le Code pénal du 25 septembre 1791 nous offre, dans sa seconde partie, quatre sortes de Faux :

» Celui qui consiste à contrefaire le sceau de l'État (tit. 1, sect. 6, art. 3);

>>. Celui qui consiste à contrefaire le timbre national (art. 4);

» Celui qui consiste à contrefaire le poinçon servant à marquer l'or et l'argent, ou les marques apposées au nom du gouvernement sur toute espèce de marchandises (art. 5);

» Enfin le Faux qui est commis méchamment et à dessein de nuire à autrui, en écriture publique ou privée (tit. 2, sect. 2, art. 41, 42, 43 et 44).

» Et c'est à ces dispositions que se réfère la loi du 23 floréal an 10, , lorsque, par son 2o article, elle attribue aux cours de justice spéciale la connaissance de la contrefaçon ou altération des effets publics, du sceau de l'État, du timbre national, du poinçon servant à marquer l'or et l'argent, des marques appo. sées au nom du gouvernement sur toute espèce de marchandises, et, en général, la connais sance de tout crime de Faux en écritures publiques ou privées, ou d'emploi d'une pièce qu'on savait être fausse.

» Les dispositions de ces deux lois sont-elles applicables à notre espèce? Cette question en renferme deux.

» Peut-on appliquer à notre espèce les dispositions qui déterminent la peine de la contrefaçon et de l'altération des marques apposées au nom du gouvernement sur toute espèce de marchandises, et attribuent la connaissance de ces crimes aux cours de justice spéciale? C'est la première.

» Peut-on lui appliquer les dispositions qui déterminent la peine du crime de Faux en TOME VII.

écriture publique ou privée, et le rangent également dans la catégorie des cas speciaux? C'est la seconde.

» Il n'y aurait nulle difficulté sur la première question, si Legrand et ses complices prétendus étaient prévenus d'avoir contrefait ou altéré la pince qui sert à marquer les tabacs dans la direction d'Anvers. Mais il est constant, il est reconnu, il est jugé en fait par l'arrêt qui est sous vos yeux, qu'ils ne l'ont ni contrefaite ni altérée; et ils ne sont prévenus que de l'avoir soustraite, de se l'être appropriée, et d'en avoir fait usage pour apposer aux tabacs, sans en avoir le droit et frauduleusement, les marques que ces marchandises ne pouvaient recevoir que de la main d'un préposé du gouvernement.

» Peut-on assimiler ce procédé à une contrefaçon, à une altération de la pince ? Voilà le problème à résoudre.

»La législation de l'ancien régime s'expliquait là-dessus fort clairement.

» L'art. 15 de la déclaration du 17 octobre 1720, enregistrée à la cour des aides de Paris le 25 du même mois, punissait des mêmes peines, ceux qui auraient contrefait, et ceux qui auraient faussement apposé les marques et cachets, tant des fermiers des droits du roi que des fabriques de tabacs, dont l'empreinte aurait été mise aux greffes des lieux. Qu'est-ce, dans le sens de cette loi, qu'apposer faussement les marques dont elle parle ? C'est sans contredit apposer des marques vraies en soi, mais les apposer en fraude de l'impot; c'est les apposer d'une main qui ne les a pas reçues à cet effet de l'autorité publique, et qui au contraire les lui a soustraites; c'est, en un mot, faire ce que sont prévenus d'avoir fait Legrand et ses complices prétendus.

>> Il est donc bien clair que, sous l'ancienne législation, Legrand et ses complices prétendus auraient dû être poursuivis, et, en cas de conviction, punis de la même manière qu'ils eussent dû l'être, si, au lieu d'apposer faussement à des tabacs les véritables marques de l'autorité publique, ils avaient contrefait ou altéré ces marques. Il est donc bien clair que, si l'ancienne législation devait encore ici nous servir de boussole, l'arrêt par lequel la cour de justice spéciale du département du Nord, s'est déclarée incompétente pour juger Legrand et ses complices prétendus, devrait être cassé.

» Mais, Messieurs, vous le savez, la déclaration du 17 octobre 1720 a été abrogée en France par la loi du 20 mars 1791, portant abolition des anciens droits sur les tabacs; et es lois qui depuis ont établi sur les tabacs de

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