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nouveaux droits, ne l'ont pas remise en vi

gueur.

» A la vérité, ces lois, en assujétissant les tabacs à la formalité d'une marque indicative du paiement des droits dont ils sont passibles, sont censées se référer à la disposition générale du Code pénal du 25 septembre 1791 qui prévoit le cas où les marques apposées au nom du gouvernement sur des marchandises, seraient contrefaites ou altérées; mais le Code pénal du 25 septembre 1791 n'a pas, comme la déclaration du 17 octobre 1720, expressément assimilé la fausse apposi tion à la contrefaçon; et ce qu'il n'a pas par une disposition expresse, pouvons-nous le faire par une interprétation purement doctrinale?

fait

» C'est demander, en d'autres termes, si l'idée de la contrefaçon emporte l'idée de la fausse apposition, si celle-ci est implicitement renfermée dans celle-là; et nous trouvons, même dans l'ancien régime, une loi qui reconnaît formellement que non.

>> Une déclaration du 4 janvier 1724 avait ordonné que tous ceux qui se trouveraient convaincus d'avoir calqué, contre tiré ou autrement contrefait les poinçons servant à marquer les ouvrages d'or et d'argent, seraient condamnés à faire amende honorable et punis de mort. Pour échapper à cette loi, les fraudeurs imaginèrent un procédé qui consistait, non pas à contrefaire les poinçons, mais à faire une fausse application des marques imprimées par les poinçons véritables; et voici de quelle manière la déclaration du 19 avril 1739, ouvrage de M. le chancelier d'Aguesseau, décrit ce procédé : Étant informés qu'il s'introduit, depuis quelque temps, un autre abus d'autant plus dangereux qu'il est plus difficile à découvrir, et que différens particu. liers abusent des poinçons véritables qui ont été appliqués sur des ouvrages ou matières qui étaient au titre, en les coupant desdits ou vrages, en les entant, soudant ou appliquant sur d'autres ouvrages à bas titre, qu'ils vendent et débitent comme étant au titre prescrit par nos ordonnances, quoiqu'ils n'aient point été portés ni essayés aux bureaux des maisons communes ; ce qui répand dans le public une infinité d'ouvrages défectueux et à bas titre, et peut porter un préjudice considérable, nonseulement aux particuliers qui les achètent, mais encore aux muîtres et gardes des orfe vres, qui sont responsables du titre des ouvrages sur lesquels le poinçon de contre-marque est appliqué, et aux directeurs des monnaies qui sont trompés sur le titre et le prix

qu'ils paient desdits ouvrages, par le poinçon dont ils paraissent marqués.

» Assurément, si la fausse application du véritable poinçon de garantie équipollait, de plein droit, à la contre façon de ce même poinçon, il n'eût pas fallu de loi nouvelle pour étendre à l'une la peine que la déclaration du 4 janvier 1724 avait prononcée contre l'autre ; et les tribunaux auraient été suffisamment autorisés, par cette declaration, à punir les faux applicateurs, des peines qu'elle avait infligées aux contrefacteurs.

» Mais le législateur n'en a pas jugé ainsi : il a considéré la fausse application comme un crime échappé à la prévoyance des lois précédentes qui n'avaient parlé que de la contrefaçon; et voici en conséquence comment il s'est expliqué:

» Ce crime étant une nouvelle espèce de Faux d'autant plus punissable qu'il est plus réfléchi et plus couvert par l'apparence du vrai, et que ceux qui le commettent, se croient à l'abri des peines qu'ils méritent, parceque nos ordonnances et celles des rois nos prédécesseurs ne l'ont pas prévu, et n'ont pas prononcé nommément contre eux; nous avons jugé qu'il était important de punir ces abus, et d'en arrêter le cours, en imposant, contre tous ceux et celles qui seront convaincus d'avoir abusé, en quelque manière que ce soit, des poinçons de contre-marque...., et de les avoir entés, soudés, ajoutés ou appliqués sur des ouvrages qui n'auront point été portés, essayés et marqués dans les bureaux des maisons communes, les mêmes peines que nous avons prononcées par notre déclaration du 4 janvier 1724, contre ceux qui calqueront, contre-tireront ou autrement contreferont lesdits poinçons, en quelque manière que ce soit.

» A ces causes...., voulons et nous plaît que tous ceux et celles qui abuseront, en quel que manière que ce soit, des poinçons de contre marque...., et qui les enteront, souderont, ajouteront ou appliqueront sur des ou vrages d'or et d'argent qui n'auront point été portés, essayés et marqués dans les bureaux des maisons communes, soient condamnés à faire amende honorable aux portes de la prin cipale église et de la juridiction du lieu où la fausseté aura été découverte, et à être punis de mort.

»Vous voyez, messieurs, que, par ces mots, abuseront, enteront, souderont, appliqueront, le législateur ne dispose que pour l'avenir; et que, tout en reconnaissant que le crime de fausse application contre lequel il sévit, s'est considérablement multiplié depuis quelque temps, il n'inflige néanmoins

qu'à ceux qui à l'avenir s'en rendront coupables, les peines qu'il avait précédemment portées contre les coupables du crime de contrefaçon.

n'est

» Donc la contrefaçon et la fausse appli. cation ne constituent pas un seul et même crime. Donc la loi qui statue șur l'une, pas, de plein droit, commune à l'autre. Donc, même aujourd'hui, les magistrats ne peuvent pas étendre à la seconde les peines que le Code pénal du 25 septembre 1791 ne prononce que contre la première.

» Aussi remarquez la différence que la loi du 19 brumaire an 6 établit entre ces deux crimes.

» Par l'art. 19, cette loi veut, en renouvelant la disposition de l'art. 5 de la sect 6 du tit. 1 de la seconde partie du Code pénal du 25 septembre 1791, que les fabriquans de faux poinçons, et ceux qui en feraient usage, soient condamnés à dix années de fers ;

Et par l'art. 108, elle ne prononce que la peine de six années de fers, contre ceux qui auront enté ou soudé les marques des poinçons véritables sur des ouvrages d'or et d'argent, c'est-à-dire, qui auront commis le crime de fausse application que la déclaration de 1739, par une rigueur excessive et mal calculee, assimilait pour l'avenir à la contrefaçon, et que par suite elle punissait de mort.

» Disons donc que la cour de justice speciale du département du Nord n'a pas dû appliquer à Legrand et à ses co-prévenus, la disposition de la loi du 23 floréal an 10 qui

l'investit de la connaissance exclusive des crimes de contrefaçon ou altération des mar. ques apposées au nom du gouvernement, sur toute espèce de marchandises. Disons donc que, sous ce rapport, la cour de justice spéciale du département du Nord a bien jugé,

» Mais cette cour n'aurait-elle pas dû appliquer à Legrand et à ses co-prévenus la disposition de la même loi qui lui attribue la connaissance exclusive de tout crime de Faux en écriture publique ou privée?

» C'est la seconde question que nous avons à résoudre; et elle nous paraît se diviser en deux branches.

10 Y a-t-il Faux de la part de celui qui, sans en avoir le droit, et à dessein de frauder un impôt légitimement établi, applique à des tabacs l'empreinte d'une pince qu'il s'est indû ment appropriée?

» 2o Si c'est là un Faux, est-ce un Faux en écriture?

» Sur le premier point, nulle difficulté. Il y a Faux dans tout acte qui a pour objet de

nuire à autrui, en altérant la vérité, en faisant passer une chose pour ce qu'elle n'est pas: Falsum dicitur mutatio veritatis cùm intentione nocendi ; c'est ce qu'enseigne, d'après la loi 23, D. de lege Cornelia de falsis, François Marc, dans ses Decisiones parlamenti Delphinalis, chap. 300.

» Celui-là commet donc un Faux, qui, possesseur illégitime d'un instrument destiné par l'autorité publique à imprimer sur des marchandises un signe constatant qu'elles ont acquitté l'impôt dont la loi les grève, s'en sert pour imprimer ce signe à des marchandises pour lesquelles l'impôt n'a pas été payé.

» C'est ainsi que l'on devrait considérer comme coupable de Faux, l'adjudicataire d'une coupe de bois, qui, étant parvenu à soustraire des mains du conservateur ou de l'inspecteur des forêts, le marteau destiné à marquer les arbres de réserve, s'en servirait pour marquer, comme réservés, des arbres qui ne le seraient pas, et se procurerait par là le moyen d'abattre impunément les arbres véritablement réservés.

» C'est ainsi qu'aux termes de l'art. 28 de la loi du 13 brumaire an 7, la peine contre ceux qui abuseraient des timbres pour timbrer et vendre frauduleusement du papier timbré, est la même que celle qui est prononcée par le Code pénal contre les contrefacteurs des timbres.

» C'est ainsi que l'on eût dû punir comme coupable de Faux, celui qui, dans le temps certaines dépêches par des employés de confiance, dépositaires de leurs griffes, aurait volé une griffe ministérielle, et l'aurait, de son chef et sans mission, apposée à une dépêche dont le ministre n'aurait pas approuvé l'expédition.

où les ministres étaient autorisés à faire signer

» C'est ainsi que l'on devrait poursuivre comme coupable de Faux, celui qui, ayant enlevé le sceau du gouvernement, s'en servirait pour sceller des actes à la perfection desquels il ne manquerait que cette formalité, et que le souverain aurait à dessein laissés imparfaits, parceque son intention aurait été de n'en faire aucun usage.

» Témoin ce que nous lisons dans le Conseil 175, de Decius, célèbre docteur de Milan.

» Consulté par un évêque qui était accusé d'avoir, de concert avec un secrétaire de la chancellerie romaine, commis un Faux dans un bref apostolique, en le faisant sceller par ce secrétaire, à l'insu du pape, et sans que celui-ci eût, à cet effet, remis entre ses mains l'anneau du pêcheur, Decius explique ainsi,

no 4, le fondement de l'accusation: Falsitas arguitur quia dominus episcopus confitetur breve de quo agitur, sigillatum fuisse à Nicolao secretario, in ejus cubiculo; et fatetur ipse secretarius quòd dictum breve sigillavit absque eo quòd ipse papæ Pio, vel Pius ipsi de dicti brevis sigillatione quicquam dixisset. Nam si ille qui accipit sigillum à domino, aliud sigillavit quàm quod dominus ei commiserit, tanquàm falsarius punitur, ut notat Abbas in cap. 2, de fide instrumentorum, et

facit textus in cap. significavit, de appellationibus, à fortiori hoc dicendum est in isto casu in quo non est deductum neque probatum papam Pium Nicolao secretario annulum piscatoris dedisse, et summi pontifices apud

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se illud retinere consueverunt.

Répondant ensuite à la question de savoir si, en effet, l'évêque peut, sur ce seul fondement, être poursuivi comme faussaire, il con vient qu'en these générale, il y a Faux toutes les fois que le sceau d'un gouvernement est apposé, à son insu et contre son gré, sur un acte quelconque; et s'il décide que, dans le cas particulier, il en doit être tout autrement, c'est par la seule raison que le secrétaire de la chancellerie romaine étant, par ses fonctions, chargé d'apposer le sceau du pape sur les brefs apostoliques, on devait croire jusqu'à la preuve du contraire, qu'il n'avait scelle le bref dont il s'agissait, que du consentement et par ordre exprès du souverain pontife Non obest, dit-il, no 7, quòd breve fuerit sigillatum ab ipso secretario, absque eo quòd papa de tali sigillatione aliquid dixerit ut suprà arguitur: quia respondetur quòd, cùm appareat in dicto brevi sigillum appositum fuisse, præsumitur appositum de voluntate summi pontificis cujus est sigillum....; et certè cùm secretarius haberet notitiam de voluntate pa. pæ qui fecerat gratiam, sigillare potuit breve absque ulla suspicione fulsitatis; at in hoc maximè excusari videtur dominus episcopus ab omni suspicione fulsitatis, quia accepit breve de manu secretarii.

» Decius reconnaît donc bien clairement qu'il y aurait eu Faux, s'il eût été prouvé que le pape n'avait pas autorisé, du moins tacitement, le secretaire de sa chancellerie à sceller le bref dont il était question.

» Telle est aussi la doctrine de Julius Clarus, dans ses Sententiæ receptæ,liv. 5, §. Falsum, no 24, note 66: item, dit-il, sigillum accipiens à domino, et aliquid aliud quàm quod sibi dominus commisit, sigillans, tanquàm falsarius punitur.

» C'est ainsi encore que l'on devrait, sans la plus légère hésitation, traiter comme faus

à un

saire celui qui, après avoir, à l'aide d'un procédé chimique, détaché une signature du papier auquel l'avait apposée la personne dont elle figure le nom, l'appliquerait, par un autre procédé de la même nature, écrit absolument étranger à cette personne. » C'est ainsi encore que, par arrêt du 1er mai 1807, au rapport de M. Oudot, vous avez jugé, en confirmant un arrêt de compétence rendu par la cour de justice spéciale du département de l'Oise, le 10 mars précédent, que les nommés Victor, Marseau et Thuilier étaient prévenus de Faux, par cela seul qu'ils l'étaient d'avoir transféré des marques nationales apposées à des baliveaux sur d'autres arbres non désignés ni réservés.

» C'est ainsi encore que, suivant un arrêt que vous avez rendu le 2 février 1809, contre Nicolas Lenfant, et auquel est conforme un arrêt du parlement de Paris, du 21 juin 1765, rendu sur les conclusions de M. l'avocat-général de Barentin, dans l'affaire du nommé Lagibaudière, il y a Faux de la part de celui qui, devenu par soustraction ou par hasard, possesseur d'un blanc-seing, a écrit au-dessus une obligation ou une quittance; et si, comme vous l'avez également jugé le 28 janvier 1809, il en est autrement lorsque le blanc-seing n'est parvenu dans les mains de celui qui en a abusé, que par l'effet d'une confiance libre et indiscrète, c'est, et vous l'avez dit expressément, parceque, dans ce cas, l'imprudence qui a provoqué ou du moins fait réussir une supposition d'acte que la prévoyance la plus ordinaire aurait prévenue, ôte à cette supposition d'acte le caractère moral qui constitue le Faux prévu par les art. 41 et 42 de la sect. 2, tit. 2, du Code pénal : distinction tellement judicieuse, tellement fondée sur les vrais principes, que le conseil d'État, à qui récemment il en a été rendu compte, a cru devoir la consigner en toutes lettres dans le nouveau Code pénal qui sera incessamment proposé au corps législatif (1).

>> C'est ainsi enfin que, dans le passage cité de la déclaration du 19 avril 1739, il est dit que, même avant cette loi, la fausse application d'un véritable poinçon de contremarque sur un ouvrage d'or et d'argent, par le moyen d'une soudure, constituait une nouvelle espèce de Faux, bien qu'elle ne pût pas, faute de disposition expresse, être atteinte par la déclaration du 4 janvier 1724,

`(1) ▼. l'art. 447 du Code pénal de 1810.

qui ne portait que sur l'action de contrefaire le poinçon.

» Et il n'importe que l'art. 108 de la loi du 19 brumaire an 5 ne punisse que de six années de fers, l'action de souder l'empreinte d'un vrai poinçon sur un ouvrage d'or et d'argent qui n'a pas été porté et essayé au bureau de garantie.

» Il résulte bien de là que la loi du 19 brumaire an 6 a établi, pour ce genre de Faux, une peine moins sévère que pour la fabrica tion d'un faux poinçon. Mais en conclure qu'il n'y a point de Faux dans un pareil acte, ce serait une absurdité. Très-certainement il y a Faux de la part de l'artiste qui s'ingère de contre-tirer l'empreinte d'un poinçon véritable; et vous l'avez ainsi jugé le 13 mai 1808, en cassant un arrêt de la cour de

justice spéciale du département de la Seine, qui, dans un cas semblable s'était déclarée incompetente. Or, l'art. 108 de la loi du 19 brumaire an 6 met absolument sur la même ligne l'action de contre-tirer et l'action d'enter ou souder. L'action d'enter ou sou der l'empreinte d'un poinçon véritable, constitue donc un Faux, ni plus ni moins que l'action de la contre-tirer.

» Il n'importe pas davantage qu'aux termes de l'art. 110 de la même loi, les citoyens autres que les préposés à l'application des poinçons légaux, qui en emploieraient même de véritables, ne doivent être condamnés qu'à un an de détention.

» D'abord, quel est, dans cet article, le sens des mots, un an de détention? Y sontils, comme le prétend la cour spéciale du département du Nord, synonymes d'une année d'emprisonnement ; et en conséquence, resulte-t-il de l'article dont il s'agit, que les faux applicateurs des vrais poinçons ne sont passibles que d'une peine correctionnelle ? Ou au contraire, le mot détention a-t-il, dans cet article, le même sens que dans le Code pénal du 25 septembre 1791? y désigne-til la peine afflictive que ce Code a introduite, et qui tient le milieu entre la gêne et le carcan?

» On peut dire en faveur du premier de ces deux partis, qu'une loi décrétée dans les derniers jours de la session de l'assemblée constituante, celle du 28 septembre-6 octobre 1791 sur la police rurale, s'étant servie du mot détention pour désigner une simple peine d'emprisonnement, ce mot fut ensuite employé dans le même sens par quelques lois particulières; qu'il est donc permis de croire que tel est aussi le sens que lui assigne l'art. 110 de la loi du 19 brumaire an 6; et

que, dans le doute, c'est ainsi qu'on doit l'entendre.

» Mais il est à remarquer que, soit dans la loi du 28 septembre-6 octobre 1791, soit dans les lois particulières qui furent depuis rédigées sur son modèle, le mot détention est ou précédé ou suivi d'autres expressions quí indiquent clairement que la peine ainsi désignée, ne consiste que dans un emprisonne. ment, et qu'on n'en citerait pas une seule dans laquelle ce mot, absolument isolé, designe autre chose que la peine afflictive introduite par le Code pénal du 25 septembre 1791.

» Ainsi, dès l'art. 3 de son deuxième titre, la loi du 28 septembre 6 octobre 1791 avertit que la peine de la détention qu'elle va prononcer dans les articles subsequens, n'est point une peine afflictive, mais seulement

une détention, soit municipale, soit correc tionnelle.

» Ainsi, la loi du 27 germinal an 4, art. 9, la loi du 11 plairial suivant, art. 2 et 3, declarent expressément que c'est par voie de police correctionnelle que seront appliquées les peines de détention qu'elles infligent aux délits dont elles s'occupent.

>> Or, dans l'art. 110 de la loi du 19 brumaire an 6, nous ne trouvons rien de semblable. Il y est dit simplement que la fausse application des poinçons véritables sera punie

d'un an de détention. C'est donc de la détention proprement dite, que nous devons entendre cet article ; et nous le devons d'autant plus, qu'il a été rédigé sous l'empire du Code des délits et des peines du 3 brumaire an 4, dont les art. 600, 601 et 603 déclarent expressément que la peine, tantôt de simple police, tantôt correctionnelle, qui consiste à priver temporairement de sa liberté l'auteur d'un délit peu grave, s'appelle emprisonnement, et que la détention est une peine afflictive.

» Inutile d'objecter que la peine de détention prononcée par l'art. 110 de la loi du 17 brumaire an 6, est limitée à un an ; que, parmi les dispositions du Code pénal du 25 septembre 1791, qui prononcent la même peine considérée comme afflictive, il n'en est pas une seule qui la limite à un temps aussi court; et que deux ans forment le minimum de la durée qu'elles lui assignent.

» Le plus ou le moins de durée d'une peine n'en change pas la nature. Le Code pénal du 25 septembre 1791 ne prononce la peine des fers que pour quatre ans au moins. Cependant la loi du 4 vendémiaire an 6 porte, art. 8, que, si le détenu évadé était condamné aux fers

ou à la mort, les préposés à sa garde qui, par leur négligence, auront donné lieu à son évasion, subiront, dans le premier cas, un an de fers; dans le second, deux ans. La loi du 19 brumaire an 6 a donc très-bien pu aussi ne prononcer la peine de détention que pour un an, sans pour cela lui ôter son caractère de peine afflictive.

» En second lieu, quand nous accorderions à la cour spéciale du département du Nord, que par l'art. 110 de la loi du 19 brumaire an 6, il n'est infligé qu'une année d'emprisonnement à la fausse application d'un poinçon véritable, pourrait-on raisonnablement en inférer que le législateur ne considère pas cette fausse application comme un Faux proprement dit? Non : il en résulterait seule. ment que le législateur ne veut punir cette espèce particulière de Faux que d'une peine

correctionnelle.

» Dans l'article précédent, la loi ne punit également que d'une peine correctionnelle ceux qui garderont ou exposeront, avec connaissance, des ouvrages marqués de faux poinçon; et cependant il est bien sûr que fatre usage de pièces falsifiées, avec connaissance de leur falsification, c'est se rendre complice d'un Faux.

>> La loi du 1er février 1792 ne punit aussi que d'une peine correctionnelle, ceux qui, pour échapper aux recherches de la police, prennent dans des passeports, des noms supposés ; et cependant il est bien sûr que signer d'un nom supposé un acte quelconque, c'est

faire un acte de faussaire.

» L'art. 110 de la loi du 19 brumaire an 6 aurait donc très-bien pu ne punir que correctionnellement le délit qui est l'objet de ce texte, sans, pour cela, le dépouiller du ca. ractère de Faux.

» Mais si le fait imputé à Legrand et à ses co-prévenus, présente réellement le caractère d'un Faux, présente-t-il en même temps celui d'un Faux en écriture? C'est la seconde branche de notre deuxième question; et vous sentez, Messieurs, qu'elle est ici d'une grande importance: car les cours de justice spéciale ne sont pas investies par la loi de la connaissance de tous les genres de Faux ; elles ne le sont pas notamment de la connaissance des Faux que commettent les témoins en déposant comme vraies des choses qu'ils savent ètre fausses; elles ne le sont pas surtout de la connaissance des Faux qui, commis sans écriture, ne consistent ni à contrefaire ní à altérer, soit le sceau de l'Etat, soit le timbre national, soit les marques apposées au

nom du souverain sur les matières d'or ou d'argent, et sur toute espèce de marchandises. Le Faux imputé à Legrand et à ses coprévenus, ne peut donc former un cas spécial, qu'autant qu'on pourra le ranger dans la classe des Faux en écriture publique ou privée.

» Mais si la question, sous ce rapport, est importante, elle n'en est pas moins facile à résoudre.

» Que faut-il pour que le crime imputé à Legrand et à ses co-prévenus, puisse et doive être considéré comme un Faux en écriture ? Il faut qu'en commettant ce crime, si réellement ils l'ont commis, Legrand et ses coprévenus aient écrit des choses contraires à la vérité.

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Qu'ils les aient écrites à la plume, ou à l'aide de tout autre instrument, c'est ce qui importe peu: les caractères imprimés ne forment pas moins une écriture que les caractères à la main.

» Celui qui, dans un faux bulletin des lois, ferait imprimer et publier une loi ou un décret de sa composition, ne serait pas moins puni comme faussaire, que s'il avait écrit à la main, et cette fausse loi ou ce faux décret, et les actes ultérieurement nécessaires pour son exécution.

» Or, par la fausse apposition qu'ils sont prévenus d'avoir faite de la pince de la direction d'Anvers, Legrand et ses complices, si réellement ils sont coupables de ce crime, ont imprimé sur les tabacs qui ont reçu l'application de cette pince, les mots, Adminis

y

tration des droits réunis. Ils ont donc écrit faussement sur ces tabacs, que l'administration des droits réunis les avait marqués par la main de l'un de ses préposés légaux; ils ont donc écrit faussement que ces tabacs avaient acquitté le droit établi par la loi du 24 avril 1806; ils ont donc commis, dans cette hypothèse, un crime de Faux en écriture publique; il seront donc, en cas de conviction, passibles de la peine de huit années de fers portée par le Code pénal du 25 septembre 1791, part. 2, tit. 2, sect. 2, art. 44; ils sont donc, comme prévenus de ce crime, et en vertu de l'art. 2 de la loi du 23 floréal an 10, justiciables d'une cour de justice spéciale.

» Mais, dira-t-on avec la cour spéciale du Nord, celui qui, sans en avoir le droit, applique un vrai poinçon à des matières d'or et d'argent, imprime aussi à ces matières des figures, des lettres et des chiffres qui attestent qu'elles ont été essayées au bureau de garantie et qu'elles y ont acquitté l'impôt dû à l'État. Cependant ce n'est point par une

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