Page images
PDF
EPUB

françaises; bien évidemment ils sont restés, jusqu'à la publication de cette loi, soumis à leurs anciennes coutumes, à leur ancienne législation.

» 30 Enfin, quand nous irions jusqu'à supposer, et que la commune de Tongrenelle a été comprise dans le décret du 11 mars 1793, et que ce décret a, dès-lors, incorporé de fait, comme de droit, la commune de Tongrenelle au territoire français, que pourrait-on ici conclure de cette double supposition? En pourrait-on conclure que le régime féodal a été, dės-lors, aboli dans la commune de Tongrenelle; que la partie féodale de la terre de Tongrenelle a été, des-lors, convertie en alleu; qu'elle a été, dès lors, affranchie de la formalité du relief à laquelle l'assujetissait l'art. 95 de la coutume de Namur? Non certes, et pourquoi? Parceque les lois portant abolition du régime féodal, n'ont été publiées dans la Belgique, qu'environ deux ans après; parceque ces lois n'ont pu, comme toutes les autres lois françaises, devenir obligatoires dans la Belgique, que du moment où elles y ont été publiées.

» Mais, dit-on, l'abolition du régime féodal était en France un principe constitutionnel; et les habitans du pays de Namur qui ont voté en 1793 leur réunion à la France, ont, par cela seul, adhéré à tous les principes constitutionnels de la république française.

» L'abolition du régime féodal était en France un principe constitutionnel ! Oui, elle l'était en 1791 : la constitution du 3 septembre 1791 portait en toutes lettres : Il n'y a plus de régime féodal. Mais en 1793, la France n'avait plus de constitution; celle du 3 septembre 1791 était anéantie; et celle qui devait la remplacer, n'existait pas encore. Qu'alors même il fut apparent, qu'il passat même dans l'abolitous les esprits pour indubitable, que tion du régime féodal serait maintenue par la nouvelle constitution que l'on attendait, c'est ce qu'on ne saurait contester. Mais ce n'était encore qu'un futur contingent, ce n'était encore qu'une espérance. Les habitans du pays de Namur ont donc, si l'on veut, acquis, par leur réunion en 1793, l'espérance d'être un jour affranchis du régime féodal; mais cette espérance n'a pas été réalisée par leur réunion elle-même.

par

>> Eh! Comment l'eût-elle été par le seul fait de leur réunion? Elle ne l'aurait pas même été la constitution qui fut décretée le 24 Juin 1793, si, à cette époque, ils n'eussent pas été replacés, par les événemens de la guerre, sous la domination autrichienne. Car la constitution du 24 juin 1793 était restée muette sur le régime féodal: elle ne le ressuscitait pas

sans doute, mais elle n'en renouvelait pas l'abolition; et l'on pénètre facilement le motif de son silence sur ce point: c'est que, dans l'exactitude des principes dont l'assemblée constituante s'était écartée en 1791, le régime féodal tient au mode de posséder les biens, et que le mode de posséder les biens ne doit pas être réglé par la loi politique d'un état; c'est qu'il ne doit être réglé que par les lois civiles. Si donc les habitans du pays de Namur avaient encore été, le 24 juin 1793, sous la domination française, la constitution décrétée ce jourlà même, les aurait laissés sous le joug du régime féodal; et il aurait fallu une loi particulière pour le rompre en leur faveur, comme il en avait fallu une pour le rompre en faveur des anciens Français. Le moyen, après cela, de soutenir que le régime féodal avait été aboli, à leur égard, par le seul fait de leur réunion, décrétée, il est vrai, mais non exécutée?

>> Tout concourt donc à démontrer que la cour d'appel de Liége', en jugeant que l'art. 95 dela coutume de Namur était encore dans toute sa vigueur au moment du décès du comte de Mercy d'Argenteau, n'a violé, ni le décret du 11 mars 1793, ni la loi du 9 vendémiaire an 4.

» Mais n'a-t-elle pas fait une fausse application de cet article, en jugeant que le comte de Mercy d'Argenteau, faute d'avoir relevé la terre de Tongrenelle avant sa mort, ne l'avait pas transmise dans sa succession; et n'at-elle pas, en conséquence, violé les lois romaines qui déclaraient que la propriété de la chose léguée passait sur la tête du legataire,

à l'instant même du décès du testateur? C'est la troisième question que nous avons annoncée, et elle exige quelques détails.

» Le titre des Fiefs de la coutume de Namur contient plusieurs dispositions qui ne peuvent être bien entendues que par leur rapprochement mutuel, et que l'on obscurcirait en les isolant; les voici d'un seul contexte :

venir

» Art. 95. Un héritier féodal est tenu de relever son fief, à peine que, s'il trépasse auparavant avoir fait ledit relief, son enfantn'y pourra par représentation de son père, s'il y a autre qui soit plus prochain au dernier possesseur du fief que ledit enfant, mis en ligne directe où représentation aura lieu, tellement que l'enfant ne sera exclus par faute de relief fait par son père.

hor

» 96. Le seigneur pourra contraindre l'héritier féodal à faire relief du fief à lui succédé; autrement, pourra saisir ledit fief et faire les fruits siens, jusqu'à tant que le relief sera fait.

» 99. L'on ne pourra valablement faire

acte ou transport des biens féodaux, sinon pardevant bailli et hommes dont ils sont

mouvans.

» 100. Personne ne pourra faire transport des biens féodaux, sans les avoir préalablement relevés, ou les (avoir) prescrits par terme suffisant.

» 102. L'on ne pourra donner, changer ou partir ses biens féodaux par testament, au préjudice de son prochain héritier ab intestat, sans, préalablement ce faire, avoir obtenu du comte de Namur, congé et agréation, soit que le testateur ait hoirs de son corps ou

non.

» 103. Un fief ne sera aucunement divisible, ni par contrat d'entre-vifs, ni par testament, sans exprès congé et licence du prince ou du seigneur direct dont il est tenu.

» 105. Quand quelqu'un terminera vie par mort, délaissant plusieurs descendans de son corps, l'aîné fils aura l'option de prendre et choisir l'un des fiefs, tel que bon lui semblera, et ainsi en avant, tant qu'il y a fiefs, à l'exclusion des filles; et s'il n'y a hoir mále, les filles y succéderont et choisiront, tenant le même ordre que dessus.

» 107. Pour être un traité de mariage concernant fief, valable et sortir effet, sera requis qu'il soit approuvé et vérifié pardevant bailli et hommes dont il est mouvant, ou, s'il y a plusieurs fiefs, pardevant la cour supérieure d'iceux; et par-dessus ce est requis qu'il s'en fasse relief.

» 112. En la prévôté de Poilvache, après que l'on aura dúment relevé un fief, sera loisible et permis au possesseur d'en disposer à son plaisir, soit par testament, transport d'entre-vifs ou autrement, et l'aliéner ou changer comme bon lui semblera, sans qu'il sera, pour ce, besoin d'obtenir agréation ou licence du seigneur; excepté que le mari ne pourra en disposer au profit de sa femme, ni la femme au profit de son mari.

» Telles sont, MM., les principales dispositions du titre des fiefs de la coutume de Namur. Commençons par nous fixer sur l'objet et le sens du premier article de ce titre, c'est-à-dire, de l'art. 95.

» Un héritier féodal est tenu de relever son fief, à peine que, s'il trépasse avant avoir fait ledit relief, son enfant n'y pourra venir par représentation de son père, s'il y a autre qui soit plus prochain au dernier possesseur du fief que ledit enfant, hormis en ligne directe où représentation aura lieu, tellement que l'enfant ne sera exclus par faute de relief fait par son père. Ce sont, comme vous vous le TOME VII.

rappelez, les termes de l'article dont il s'agit. Ils donnent lieu à plusieurs questions.

» D'abord, en résulte-t-il que le défaut de relief soit, pour l'héritier féodal, un obstacle à ce que la propriété du fief qui lui est echu, repose sur sa tête, et à ce qu'il en fasse les fruits siens?

» Non : car, d'un côté, la coutume dit : est tenu relever son fief; et par ces mots, son fief, elle fait clairement entendre que le fief appartient à l'héritier féodal, avant même que celui-ci l'ait relevé. D'un autre côté, l'art. 96 permet au seigneur Suzerain du fief de faire saisir, à défaut de relief, et d'en faire les fruits siens jusques à tant que le relief sera fait. L'héritier féodal fait donc les fruits siens, même nonobstant le défaut de relief, tant que le seigneur ne s'est pas mis en mesure de les gagner par la saisie que la coutume l'autorise à pratiquer.

» En second lieu, résulte-t-il de l'art. 95, que la propriété de l'héritier féodal se résoud à sa mort, et conséquemment ne se transmet pas à ses héritiers, s'il meurt sans avoir relevé

le fief?

D

L'affirmative, quelque étrange qu'elle paraisse, quelque opposée qu'elle soit aux règles du droit commun, n'est cependant pas susceptible du plus léger doute. La coutume dit, de la manière la plus positive, que l'héritier féodal venant à mourir sans avoir relevé le fief qui lui était échu par toute autre voie que la succession de l'un de ses ascendans, le parent qui se trouvera alors le plus proche du dernier possesseur, le recueillera, même à l'exclusion du fils de cet héritier : c'est bien dire assurément que le défaut de relief empêche la transmission du fief à l'héritier de l'héritier féodal; c'est bien dire que, par le défaut de relief avant la mort de l'héritier féodal, l'héritier féodal est censé n'avoir jamais recueilli le fief; c'est bien dire que l'héritier féodal n'a recueilli le fief que sous une condition resolutoire, que sous la condition que sa propriété serait résolue, s'il mourait sans avoir rempli, envers son seigneur suzerain, les devoirs de la foi-hommage. » Et la coutume en doute si peu, elle regarde tellement la propriété de l'héritier féodal mort sans avoir relevé le fief, comme résolue et éteinte, qu'elle croit inutile de dire que le fils même de cet héritier n'y succédera pas par droit de transmission, et qu'elle se contente de déclarer qu'il ne pourra pas y venir par représentation de son père, qu'il n'y pourra veuir que de son propre chef, jure suo, et qu'il sera exclus par tout autre parent

34

qui se trouvera plus proche que lui du dernier possesseur.

» La coutume en doute si peu, que, prévoyant le cas où le fief serait échu à l'héritier féodal la succession de l'un de ses ascenpar dans, et voulant, à cet égard, traiter plus favorablement le fils de l'héritier féodal, elle déclare que le fils de l'héritier féodal y viendra par représentation de son père: ce qui signifie très-clairement qu'il y viendra, non comme héritier de son père, non comme trouvant dans la succession de son père le fief que son père a négligé de relever avant sa mort, mais par une fiction légale qui le fera entrer dans le degré de son père, et lui donnera le droit d'exclure tous les autres parens que son père avait exclus lui-même; par une fiction légale qui produit son effet, lors même que le représentant répudie la succession du représenté; en un mot, par une fiction légale qui est exclusive de toute idée de transmission.

» C'est ainsi d'ailleurs que l'art. 95 a toujours été interprété par la jurisprudence. Écoutons un ancien président du conseil provincial de Namur, Lambillon, dans ses notes manuscrites sur cette coutume, qui forment un gros in folio, déposé au greffe du tribunal de première instance de la même ville: En défaut de relief (dit ce magistrat, lettre T, titre DE FEUDIS), l'on ne peut transmettre un fief; et il doit succéder au plus proche parent du dernier possesseur, qui l'a eu relevé, selon nos coutumes, chapitre des fiefs; et ainsi a été souvent jugé en ce conseil, nommément entre Pontiane de Neuremberg, demandeur, contre madame Vandestage, veuve et héritière de Pierre de Neuremberg, en l'an 1702, au sujet de quelques fiefs gisant à Arbre et Marchechovelette, dans lesquels, savoir, ceux d'Arbre, le demandeur a été déclaré non fondé à raison que le relief avait été fait par le tuteur dudit Pierre de Neuremberg, pour suivre à tel qu'il appartiendra, et ainsi a pu le transmettre; mais quant à ceux de Marchechovelette, ils ont été adjugés au demandeur, comme plus prochain au dernier possesseur qui avait fait relief, à raison que ledit feu (Pierre de Neuremberg) ne les avait jamais relevés, ni personne pour lui, et ainsi ne les avait pu transmettre faute de relief, selon nos coutumes, chapitre des FIEFS.

» A la page 59 du même recueil, nous lisons ce qui suit : En l'an 1702, s'est ému procès entre le baron de Spontin, seigneur de Freix, héritier de son fils, demandeur en matière de fiefs, contre le baron de Soye, à titre de Marie Magdelaine de Brandebourg,

sa compagne, ajourné. Le fait est que le demandeur a ci-devant épousé dame ClaireFerdinand de Brandebourg, laquelle a été héritière de deux siens frères capucins, les autres sœurs, hors une, ayant renoncé a xdites successions, ont vendu leur part à ladite dame, qui est venue à mourir sans avoir relevé les fiefs à elle avenus par lesdites successions, n'ayant laissé qu'un fils, lequel, peu de temps après, est aussi venu à décéder sans avoir fait aucun relief. Le demandeur cependant prétend tous lesdits fiefs, comme héritier de son dernier fils. Mais l'ajourné, à titre de son épouse, sœur consanguine de la baronne de Spontin, a soutenu que le demandeur ne pouvait hériter les fiefs de son fils, à raison... que, ni fèue la baronne de Spontin, ni son fils, ni aucune autre personne pour eux, n'aurait jamais relevé les fiefs en question, et de suite ne les aurait pu transmettre à un tiers, selon nos coutumes, article DES FIEFS....; et ainsi a été jugé le 16 février 1703....

» Le même cas s'est ému (continue le magistrat cité) en 1634, entre M. de Salmier et M. de Cynatten, seigneur d'Abbie, au sujet de la succession féodale de M. de Cynatten, fils du prénommé; et il a aussi été jugé que le père ne pouvait succéder à son fils dans les fiefs dont il s'agissait, à raison que l'enfant n'ayant vécu que très-peu de temps, n'avait pas fait les devoirs de relief afferens, ni aucune autre personne pour lui, et de suite n'avait pu transmettre lesdits fiefs, faute de relief, selon notre coutume, qui, réglant la succession féodale, les attribue, en défaut de relief, au plus prochain parent du dernier possesseur qui les ait eu relevés....; et ainsi, les fiefs ont été adjugés à M. de Salmier, grand oncle de l'enfant; LES BIENS CENSAUX ayant été laissés au père, comme héritier de SON FILS, par sentence rendue en ce conseil, le 11 mai 1635, et confirmée au grand-conseil de Malines, le 16 septembre 1639.

>> Nous devons ajouter que précédemment le grand-conseil de Malines avait déjà jugé de même. Par la coutume de Namur (dit Cuvelier, dans son recueil d'arrêts de ce tribunal, §. 213), celui qui ne relève pas en ligne collatérale, ne transmet rien; mais il est réputé fleur sans fruit; ce qui se pratique si étroitement, qu'un mineur ne serait relevé de l'omission de son père d'avoir appréhendé par relief, comme il a été jugé par arrêt du 17 octobre 1583, pour Denis de Morbaix, seigneurs de Leure, contre son neveu.

» C'était donc une règle bien constante, dans la coutume de Namur, 'que le défaut de relief, de la part de l'héritier féodal, résolvait

sa propriété et en empêchait la transmission.

» Mais en était-il, à cet égard, du légataire d'un fief, comme de celui à qui un fief était échu par succession ab intestat?

» L'arrêt qui vous est dénoncé, juge pour l'affirmative; et nous avons à examiner si, par cette décision, il viole quelque loi.

>> Les demandeurs soutiennent qu'il viole le décret de Philippe II, roi d'Espagne, du 27 septembre 1564, portant homologation de la coutume de Namur. Par ce décret, disent-ils, le législateur veut, qu'en cas non décidés ou compris dans la coutume, le droit écrit commun soit observé et suivi. Or, l'art. 95 de la coutume de Namur ne parle que de l'héritier féodal, c'est-à-dire, de l'héritier qui recueille un fief ab intestat; et ni dans cet article, ni dans aucun autre, il n'est parlé du légataire d'un fief. La coutume est donc muette sur les droits du légataire d'un fief, qui est mort sans l'avoir relevé. Il faut donc, pour connaître quels sont ses droits, recourir au droit écrit commun. Eh bien! Les lois romaines qui forment ce droit écrit commun, décident nettement que la propriété de la chose léguée passe directement de la tête du testateur sur celle du légataire, et que le légataire la transmet à son héritier, lors même qu'il meurt sans avoir accepté son legs.

» Ces raisons, il faut en convenir, sont très spécieuses; mais elles ne sont pas, à beaucoup près, sans réplique.

» D'abord, il n'est pas sans exemple que les lois aient employé le mot héritier comme synonyme de légataire, ou du moins comme embrassant dans sa signification tous les successeurs par mort.

D.

»Heredis appellatione (dit la loi 170, de verborum significatione), omnes significari successores credendum est.

» Et sur ce fondement, la loi 279 du même titre décide que les officiers municipaux d'une ville, ayant baillé un immeuble à emphyteose, sous la condition que l'héri tier du preneur en jouirait après sa mort, le légataire du fonds emphyteotique est, à cet égard, de la même condition que l'héritier, et doit jouir de ce fonds, comme l'héritier en jouirait si le défunt n'avait pas disposé de son droit par un legs spécial : cùm eá lege fundum vectigalem municipes locaverint ut ad heredem ejus qui suscepit pertineat, jus heredum ad legatarium quoque transferri potuit.

» C'est ce qui fait dire à Godefroy, sur la loi 14, S. 1, D. de usucapionibus, que legatarius est quasi heres et heredis latissimá significatione usurpatur.

» Il ne serait donc pas étonnant que, dans

l'art. 95. de la coutume de Namur, les mots héritier féodal s'entendissent du legataire d'un fief, comme du parent à qui le fief est échu par succession ab intestat.

» Ce qu'il y a de certain, et les demandeurs sont forcés d'en convenir, c'est que, dans l'art. 96 de la même coutume, ces mots comprennent, dans leur signification, toute personne qui succède à un fief, soit en vertu de la loi, soit en vertu d'une disposition testamentaire; le seigneur (porte cet article) pourra contraindre L'héritier Féodal à faire relief du fief à lui succédé; autrement, pourra saisir ledit fief et faire les fruits siens, jusques à tant que le relief sera fait. Il serait en effet bien étrange que le légataire d'un fief pût se dispenser du relief, et que l'héritier ab intestat y fût seul soumis.

» Inutile d'objecter que, par l'extension de l'art. 96 au légataire du fief, on ne fait que se conformer au droit commun qui oblige au relief tout nouveau possesseur d'un bien féodal; au lieu que, par l'extension de l'art. 95 au legataire d'un fief, on contrarie le droit commun suivant lequel la propriété de la chose léguée est acquise incommutablement au legataire, à l'instant même du décès du testateur; qu'ainsi, autant la première de ces extensions est commandée par les principes', autant les principes désavouent et condamnent la seconde.

"Ne sait-on pas que les coutumes, surtout dans les matières qui leur sont propres et qui étaient inconnues au droit romain, tels que sont bien certainement les fiefs, doivent, même lorsqu'elles dérogent au droit romain, être étendues d'un cas à un autre, toutes les fois que la raison qui a déterminé leurs dispositions relativement au cas qu'elles ont prévu, s'applique, ou avec une égale justesse, ou avec plus de force encore, au cas qui est échappé à leur prévoyance.

» Les législateurs romains eux-mêmes avaient consacré cette maxime : dans toutes les matières qui sont étrangères au droit écrit, dit la loi 31, D. de legibus, c'est la coutume que l'on prendra pour boussole; et s'il se présente des cas que la coutume n'a pas réglés, il faut, pour les juger, s'attacher à celles de ses dispositions qui en sont les plus voisines, et en tirer des conséquences calquées sur son esprit : de quibus causis scriptis legibus non utimur, id custodiri oportet quod moribus et consuetudine introductum est, et si quá in re hoc deficeret, tunc quod proximum et consequens ei est.

>> Aussi les jurisconsultes les plus judicieux de la Belgique n'hésistent-ils pas à recon

qui se trouvera plus proche que lui du dernier possesseur.

» La coutume en doute si peu, que, prévoyant le cas où le fief serait échu à l'héritier féodal par la succession de l'un de ses ascendans, et voulant, à cet égard, traiter plus favorablement le fils de l'héritier féodal, elle déclare que le fils de l'héritier féodal y viendra par représentation de son père : ce qui signifie très-clairement qu'il y viendra, non comme héritier de son père, non comme trouvant dans la succession de son père le fief que son père a négligé de relever avant sa mort, mais par une fiction légale qui le fera entrer dans le degré de son père, et lui donnera le droit d'exclure tous les autres parens que son père avait exclus lui-même; par une fiction légale qui produit son effet, lors même que le représentant répudie la succession du représenté; en un mot, par une fiction légale qui est exclusive de toute idée de transmission.

» C'est ainsi d'ailleurs que l'art. 95 a toujours été interprété par la jurisprudence. Écoutons un ancien président du conseil provincial de Namur, Lambillon, dans ses notes manuscrites sur cette coutume, qui forment un gros in folio, déposé au greffe du tribunal de première instance de la même ville: En défaut de relief (dit ce magistrat, lettre T, titre DE FEUDIS), l'on ne peut transmettre un fief; et il doit succéder au plus proche parent du dernier possesseur, qui l'a eu relevé, selon nos coutumes, chapitre des fiefs; et ainsi a été souvent jugé en ce conseil, nommément entre Pontiane de Neuremberg, demandeur, contre madame Vandestage, veuve et héritière de Pierre de Neuremberg, en l'an 1702, au sujet de quelques fiefs gisant à Arbre et Marchechovelette, dans lesquels, savoir, ceux d'Arbre, le demandeur a été déclaré non fondé à raison que le relief avait été fait par le tuteur dudit Pierre de Neuremberg, pour suivre à tel qu'il appartiendra, et ainsi a pu le transmettre; mais quant à ceux de Marchechovelette, ils ont été adjugés au demandeur, comme plus prochain au dernier possesseur qui avait fait relief, à raison que ledit feu (Pierre de Neuremberg) ne les avait jamais relevés, ni personne pour lui, et ainsi ne les avait pu transmettre faute de relief, selon nos coutumes, chapitre Des fiefs.

» A la page 59 du même recueil, nous lisons ce qui suit: En l'an 1702, s'est ému procès entre le baron de Spontin, seigneur de Freix, héritier de son fils, demandeur en matière de fiefs, contre le baron de Soye, à titre de Marie Magdelaine de Brandebourg,

sa compagne, ajourné. Le fait est que le demandeur a ci-devant épousé dame ClaireFerdinand de Brandebourg, laquelle a été héritière de deux siens frères capucins, les autres sœurs, hors une, ayant renoncé a xdites successions, ont vendu leur part à ladite dame, qui est venue à mourir sans avoir relevé les fiefs à elle avenus par lesdites successions, n'ayant laissé qu'un fils, lequel, peu de temps après, est aussi venu à décéder sans avoir fait aucun relief. Le demandeur cependant prétend tous lesdits fiefs, comme héritier de son dernier fils. Mais l'ajourné, à titre de son épouse, sœur consanguine de la baronne de Spontin, a soutenu que le demandeur ne pouvait hériter les fiefs de son fils, à raison..... que, ni fèue la baronne de Spontin, ni son fils, ni aucune autre personne pour eux, n'au rait jamais relevé les fiefs en question, et de suite ne les aurait pu transmettre à un tiers, selon nos coutumes, article DES FIEFS....; et ainsi a été jugé le 16 février 1703....

» Le même cas s'est ému (continue le magistrat cité) en 1634, entre M. de Salmier et M. de Cynatten, seigneur d'Abbie, au sujet de la succession féodale de M. de Cynatten, fils du prénommé; et il a aussi été jugé que le père ne pouvait succéder à son fils dans les fiefs dont il s'agissait, à raison que l'enfant n'ayant vécu que très-peu de temps, n'avait pas fait les devoirs de relief afferens, ni aucune autre personne pour lui, et de suite n'avait pu transmettre lesdits fiefs, faute de relief, selon notre coutume, qui, réglant la succession féodale, les attribue, en défaut de relief, au plus prochain parent' du dernier possesseur qui les ait eu relevés....; et ainsi, les fiefs ont été adjugés à M. de Salmier, grand oncle de l'enfant; LES BIENS CENSAUX AYANT ÉTÉ LAISSÉS AU PÈRE, COMME HÉRITIer de SON FILS, par sentence rendue en ce conseil, le 11 mai 1635, et confirmée au grand-conseil de Malines, le 16 septembre 1639.

» Nous devons ajouter que précédemment le grand-conseil de Malines avait déjà jugé de même. Par la coutume de Namur (dit Cuvelier, dans son recueil d'arrêts de ce tribunal, §. 213), celui qui ne relève pas en ligne collatérale, ne transmet rien; mais il est réputé fleur sans fruit; ce qui se pratique si étroitement, qu'un mineur ne serait relevé de l'omission de son père d'avoir appréhendé par relief, comme il a été jugé par arrêt du 17 octobre 1583, pour Denis de Morbaix, seigneurs de Leure, contre son neveu.

» C'était donc une règle bien constante, dans la coutume de Namur, 'que le défaut de relief, de la part de l'héritier féodal, résolvait

« PreviousContinue »