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Celles-ci font assigner la veuve Clocquemain en délaissement de la succession, et soutiennent, à l'appui de leur demande, que la donation faite au profit de cette veuve par le contrat de mariage de 1810, est nulle, parcequ'aux termes de l'art. 911 du Code civil, elle doit être considérée comme faite à des enfans adultérins que les art. 762 et 908 du même Code en déclarent incapables.

La veuve Clocquemain oppose à cette demande l'art. 335, qui prohibe toute reconnaissance d'enfans adulterins.

Le 27 avril 1822, jugement du tribunal civil de Saint-Jean-d'Angely, qui déclare la donation nulle, comme faite à des enfans adulterins, et par conséquent à des incapables, par l'interposition de leur mère.

La veuve Clocquemain appelle de ce jugement à la cour royale de Poitiers.

Pendant que cet appel s'instruit, les deux enfans forment une tierce-opposition au même jugement.

Le 25 juillet 1825, jugement qui les déclare non-recevables, attendu que celui du 27 avril 1822 n'a point explicitement statué sur leur

état.

Ils s'en rendent appelans, et leur appel est joint à celui de la veuve Clocquemain.

Le 21 octobre 1825, arrêt qui réforme d'abord le jugement du 25 juillet précédent,

« Attendu qu'aux termes de l'art. 474 du Code de procedure civile, une partie peut former tierce opposition à un jugement qui préjudicie à ses droits, et lors duquel elle n'a pas été appelée;

» Qu'il résulte de l'art. 339 du Code civil que toute reconnaissance de la part du père ou de la mère d'un enfant naturel peut être contestée par tous ceux qui y ont intérêt, et que ce droit appartient éminemment à l'enfant objet de la reconnaissance;

» Qu'il suit de ces principes que l'objet litigieux soumis au tribunal de Saint-Jeand'Angely, et sur lequel il a statué par son jugement du 27 avril 1822, touchait aux intérêts de Pierre-André-Napoléon et de Juliette et que les dispositions de ce jugement préjudicient à leurs droits;

» Que c'est à tort que les premiers juges ont prétendu, dans le jugement dont est appel, que, par celui du 27 avril, ils n'avaient pas statue sur l'état des tiers-opposans, et qu'ils avaient seulement prononcé sur la validité d'une disposition faite par feu Clocquemain en faveur de Marie Pellerin ;

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Que l'art, 142 du Code de procédure civile ordonne que la rédaction des jugemens,

sera faite sur les qualités signifiées entre les parties, et que les qualités contiendront les conclusions des parties et les points de fait et de droit ; que l'art. 141 veut que les jugemens contiennent les conclusions des parties, l'exposition sommaire des points de fait et de droit, les motifs et le dispositif des jugemens, et que l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810 déclare nuls les jugemens qui ne contiennent pas les motifs;

» Que la loi, en prescrivant ces formes, enseigne que, pour connaître le sens véritable d'un jugement et en apprécier les effets, on ne doit pas s'attacher uniquement au prononcé de ce jugement en l'isolant de tout antécédent, et que cette règle est surtout incontestable, lorsqu'en s'arrêtant au dispositif du jugement, il est impossible d'en reconnaître les motifs;

>> Qu'en lisant le dispositif du jugement du 27 avril 1822, on y voit qu'il déclare nulle la donation faite en faveur de la Pellerin par Clocquemain, le 20 mai 1820, par acte reçu par Billon, notaire; que ce dispositif laisse ignorer si l'acte est annulé pour quelque vice de forme ou pour une contravention à la loi dans sa substance même; qu'ainsi il est imparfait, obscur, inintelligible, et que pour savoir ce qu'il a voulu décider, il faut recourir à ce qui précède ;

» Que la conséquence tirée par les premiers juges de tous les motifs par eux déduits, et qui précèdent immédiatement le prononcé, est que l'art. 911 du Code civil est applicable à Marie Pellerin;

» Que cette seule énonciation suffirait pour démontrer que les premiers juges ont statue sur les intérêts et les droits de Pierre-AndréNapoléon et de Juliette; en effet, l'art. 911 ne déclare point nulles des dispositions faites au profit de concubins adultérins, mais se référant à l'art. 908, il déclare nulle toute disposition faite au profit d'un enfant naturel incapable, même sous le nom d'une personne interposée, et il veut que la mère de l'enfant incapable soit réputée personne interposée; ainsi par cela seul que le tribunal dont est appel aurait déclaré l'art. 911 applicable à Marie Pellerin, il aura décidé que Pierre André- Napoleon et Juliette étaient incapables;

» Qu'en consultant les autres parties intégrantes et constitutives du jugement du 27 avril 1822, le but et l'objet de ce jugement sont palpables; que l'on y pose précisément les questions de savoir si les reconnaissances de paternité adultere faites de la part de Clocquemain envers Juliette et Napoléon

dans les actes de naissance, si la reconnaissance de paternité et de maternité adultère simultanément déclarée par Clocquemain et sa femme envers ces mêmes enfans, selon le contrat de mariage de 1810; si enfin l'acceptation de cette filiation par Juliette, ne constatent pas l'adultérinité de Juliette et de Napoléon; qu'après avoir discuté ces questions dans les principes consignés, suivant eux, dans la loi du mois de brumaire an 2 et dans les art. 335 et 762 du Code civil, les premiers juges concluent que la qualité des enfans de la Pellerin est légalement prouvée être celle d'enfans adulterins, et que la Pellerin n'a été qu'un moyen employé pour leur transmettre, par voie indirecte, ce que la loi prohibait de leur donner directement;

» Que, d'après cela, on ne peut raisonnablement considérer l'objet de la contestation sur laquelle intervint le jugement du 27 avril 1822, comme étranger aux droits et à la qualité de Pierre André-Napoléon et de Juliette; qu'il est évident, au contraire, qu'il a statue sur leur état, que leur présence y était nécessaire et qu'ainsi ils ont été recevables à former tierce-opposition;

» Que Pierre-André-Napoléon et Juliette, femme Lemercier de Janville, ayant eu droit de former tierce - opposition au jugement du 27 avril 1822, il y a lieu de recevoir l'intervention qu'ils ont déclaré faire par requête

du 15 décembre dernier dans l'instance pendante en la cour, entre Marguerite Malterre, veuve Jean-Augier, Marie-Anne Malterre, veuve Jean Duval, et Marie-Anne Pellerin, veuve Clocquemain, sur l'appel de cette dernière du jugement du 27 avril dernier ».

Le même arrêt statue ensuite, dans les termes suivans, sur le mérite de la tierceopposition des enfans et sur l'appel de Marie Pellerin :

« Considérant que Pierre Clocquemain a survécu à la publication du Code civil; que par conséquent l'état et les droits de Napoléon et de Juliette doivent être réglés par les dispositions de ce Code;

» Considérant que les déclarations inscrites à la réquisition de Clocquemain, les 10 ventôse an 6 et 12 frimaire an 13, sur les registres publics..., constituent une reconnaissance de sa part de Napoléon et de Juliette, dans leurs actes de naissance, comme ses enfans naturels nés d'un commerce adulterin;

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sentiellement une reconnaissance faite par acte authentique par Clocquemain et la Pellerin, de Juliette et de Napoléon, comme leurs enfans naturels nés d'un commerce adultérin;

» Considérant que de semblables reconnaissances sont défendues par l'art. 335 du Code civil;

» Que cet article apposé immédiatement après un autre qui permettait la reconnaissance des enfans naturels en général, a eu évidemment pour but de la prohiber dans. les cas exprimés;

» Que ses dispositions sont d'autant plus impératives qu'elles se lient à celles de l'art. 342, qui veut qu'un enfant ne soit jamais admis à la recherche, soit de la paternité, soit de la maternité, dans les cas où l'art. 335 interdit la reconnaissance;

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>> Que les considérations qui sont connues pour avoir servi de motifs à cet article, prouvent que sa prohibition est absolue, et qu'il frappe d'une nullité radicale les reconnaissances qu'il mentionne;

» Qu'ainsi, on ne peut se prévaloir de ce que l'article dit que la reconnaissance ne pourra avoir lieu au profit des enfuns, pour prétendre qu'elle peut leur être opposée;

» Qu'une telle interprétation est manifestement contraire à l'esprit de l'article et à du père et de la mère ne peut être admise ni l'art. 342, qui montre que la reconnaissance

pour,

ni contre les enfans;

» Considérant que l'art. 762 du Code civil n'apporte aucun changement aux articles précités, et n'implique aucune contradiction

avec eux;

>> Que cet article n'a point pour objet de déterminer quand et comment des enfans naturels pourraient être reconnus; que cette matière appartenait au titre de la paternité et de la Filiation, dans lequel les dispositions législatives qui la concernaient avaient été établies;

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Que l'art. 762 est écrit au titre des successions irrégulières; que, s'il suppose que des individus peuvent être reconnus comme enfans adultérins ou incestueux, il ne dit rien sur ce qui peut servir à les faire reconnaître comme tels, et qu'il se borne à leur accorder des alimens ;

» Qu'une telle disposition ne contient rien qui puisse infirmer ce qui avait été statue précédemment par rapport aux reconnaissances volontaires, puisqu'il résultait de l'art. 340 que, dans le cas qu'il exprime, et dans d'autres analogues, tels que ceux de désaveu de paternité pour cause d'adultère, de biga

mie, de mariage prohibé, etc., il pourrait résulter d'actions intentées sur le fondement de divers articles du Code civil, la preuve d'une filiation adultérine ou incestueuse pouvait être acquise en justice, et qu'il y avait convenance et justice d'établir des dispositions relatives à ces espèces;

» Considérant que c'est en vain que les premiers juges ont objecté que Clocquemain et Marie Pellerin avaient fait leur déclaration simultanément, qu'ils l'avaient faite dans leur contrat de mariage pour l'avantage même des enfans, et par affection pour eux; qu'il serait superflu de discuter la vérité de ces diverses allegations, parceque l'acte du 20 mai 1810 est substantiellement une reconnaissance d'enfans adultérins par acte authentique; que la loi l'annulle à ce titre, qu'il ne peut pas plus former des preuves indirectes qu'une preuve directe d'une filiation adultérine, et que toutes les conséquences que l'on veut en tirer, ne sont au fond qu'une recherche de paternité et de maternité formellement interdite dans l'espèce de la

cause....;

» Considérant que ce serait se jouer de la loi que d'envisager l'acte du 20 mai 1816 sous deux rapports divers, l'un personnel à Juliette et à Napoléon, et l'autre personnel à Marie Pellerin, de le scinder en telle sorte qu'en déclarant qu'il ne peut prouver légale ment que les deux premiers sont enfans adul térins de Clocquemain, on le considère comme contenant la preuve que la dame Pellerin est mère de deux enfans adultérins issus d'un commerce entre elle et Clocquemain; que, dans l'espèce de la cause, il y a une corrélation telle entre les qualités des parties, que juger l'état de l'une, c'est nécessairement juger l'état des autres; que décider qu'il y a une mère adultère, serait décider qu'il y a des enfans adulterins, et juger indirectement ce que la loi prohibe de juger directement; que s'agissant de savoir si l'art. 911 du Code civil peut recevoir son application, il faut rechercher s'il y a des incapables, et que du moment où l'on reconnaît qu'il n'en existe pas, on est obligé de conclure qu'il n'y a pas de personne interposée, parcequ'il est incontestable que là où il n'y a pas d'incapable, il ne peut y avoir de personne interposée pour transmettre à l'incapable;

» Considérant que les effets des reconnaissances et des autres présomptions opposées à Napoléon et à Juliette écartés, il ne leur reste que la qualité d'enfans naturels; qu'ils wont, aux yeux de la loi, étrangers à Clocquemain; qu'ils doivent être, sous ce rap

port, considérés comme ayant eu capacité pour recevoir les avantages directs ou indirects qu'il aurait pu leur faire; d'où il suit que la donation portée au contrat du 20 mai 1810 ne peut être réputée faite sur une cause illicite;

» Par ces motifs, la cour reçoit la tierceopposition, et y faisant droit ainsi qu'à l'appel...,

effet les reconnaissances d'enfans adulterins » Réformant...., déclare nulles et de nul Clocquemain que par Marie-Anne Pellerin, au préjudice des deux enfans, tant par Pierre soit sur les registres de l'état civil des communes de Bords et de Tonnay-Boutonne, soit par l'acte authentique du 20 mai 1810; déclare les héritières Clocquemain mal fondées dans leurs demandes, fins et conclusions, et ordonne que Marie Pellerin sera maintenue dans tous les avantages résultant de son contrat de mariage ».

Les dames Malterre, Augier et Duval se pourvoient en cassation contre cet arrêt, et l'attaquent par trois moyens : 1o contravention l'art. 474 du Code de procédure civile, en ce qu'il a admis la tierce-opposition de Pierre-André-Napoléon et de Juliette, au jugement du 27 avril 1822; 2o fausse interprétation de l'art. 335 et contravention à l'art.

911 du Code civil; 3o contravention à l'art. 1133 du même Code qui annulle les contrats dont la cause est fausse, illicite ou prohibée par les lois.

Mais elles insistent principalement sur le second de ces moyens. Nous convenons, disent-elles, qu'aux termes de l'art. 335 du Code civil, toute reconnaissance d'enfant adultérin ou incestueux est nulle, en ce sens qu'elle ne peut avoir aucun effet, soit pour, soit contre l'enfant, quant à la détermination de son état civil. Mais vouloir que la nullité en soit générale et absolue, c'est un système qui se détruit par sa seule absurdité, puisqu'il conduirait à ce résultat immoral et révoltant, qu'un père pourrait épouser sa bâtarde incestueuse et adultérine, au mépris de son propre aveu public. Ici, d'ailleurs, il ne s'agit pas de l'état des enfans qui font cause commune avec Marie Pellerin ; il s'agit d'une donation qui leur a été faite par interposition de personne, et dont la nullité demandée sur le fondement que le donateur lui-même s'est reconnu authentiquement leur père adultérin. Or, comment seraient-ils recevables tout à la fois et à se prévaloir du titre de reconnaissance pour se faire attribuer cette donation, et à impugner le même titre

pour contester leur Filiation adultérine ? Le contrat de mariage qui contient la donation dont ils prétendent recueillir l'effet, contient également la reconnaissance de leur Filiation. Il est impossible que ce titre ait son effet en leur faveur comme donation, sans avoir également contre eux son effet comme reconnaissance, et qu'ils soient admis à le prétendre tout à la fois nul et efficace ; à leur égard, il est indivisible.

Par arrêt contradictoire du 1er août 1827, au rapport de M. Rupérou, sur les conclusions de M. l'avocat-général Joubert, et après un délibéré dans la chambre du conseil,

« Attendu, sur le premier moyen, que l'état des enfans dont il s'agit, ayant été mis en question, ils avaient intérêt et qualité pour intervenir et pour former tierce-opposition;

» Attendu, sur le deuxième moyen, qu'en déclarant nulles et de nul effet, conformé. ment à l'art. 335 du Code civil, les reconnaissances faites par Pierre Clocquemain et Marie Pellerin, soit sur les registres de l'état civil, soit par l'acte authentique du 20 mai 1810, et en ordonnant qu'en conséquence

Marie Pellerin sera maintenue dans tous les avantages résultant de son contrat de mariage, la cour royale de Poitiers a fait une juste application dudit art. 335, et n'a pas violé l'art. 911 du même Code qui n'était pas applicable à la cause;

» Attendu, sur le troisième moyen, qu'en déclarant en outre que la donation contenue audit acte du 20 mai 1810 a été faite en faveur du mariage et à titre de don mutuel, elle a jugé que cette donation avait une cause licite;

» La cour rejette le pourvoi.... (1) ». Voilà donc trois arrêts bien solennels de la cour de cassation qui décident positivement que, pour faire annuler une donation comme contraire aux art. 762 et 908 du Code civil, les héritiers du donateur ne peuvent pas se prévaloir de ce que, soit par l'acte même qui contient la donation, soit par un acte antérieur, il s'est reconnu authentiquement père adultérin du donataire.

Loin de moi la pensée de m'ériger en censeur de ces arrêts! Mais, comme l'un des plus chauds partisans de la jurisprudence qu'ils tendent à établir, est forcé de convenir qu'elle est contraire à celle de la plupart des

(1) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 28, page 49.

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cours royales (1), je crois pouvoir me permettre de consigner ici les principales raisons qui me font douter si elle est bien conforme au texte et à l'esprit du Code civil.

Je n'examine pas si, loin d'être conforme au texte de l'art. 335, elle ne le contrarie pas, ou si du moins elle ne l'étend pas au-delà de ses termes; si, en disant, cette reconnaissance ne pourra avoir lieu au prOFIT des enfans nés d'un commerce incestueux ou adultérin, l'art. 335 veut dire autre chose si ce n'est que la reconnaissance d'un enfant incestueux ou adultérin ne peut pas lui profiter, et qu'elle est nulle en tant qu'il voudrait la faire tourner à son avantage; en un mot, si ce n'est pas forcer le sens de cet article, que d'en conclure qu'un donataire à qui l'on oppose la qualité d'enfant incestueux ou adultérin du donateur, puisse repousser comme nul l'acte par lequel celui-ci l'a reconnu.

J'admets que les mots au profit ne doivent pas, dans l'art. 335, être pris dans un sens aussi étroit; qu'une reconnaissance d'enfant est toujours, dans son principe et d'après l'intention de celui qui la souscrit, faite au profit de l'individu qu'elle a pour objet; que c'est à son principe et à l'intention dans laquelle elle est faite, que la loi se réfère dans l'art. 335; que c'est en la considérant dans son principe et d'après l'intention qui la détermine, que cet article la prohibe en termes absolus; qu'il importe peu, dès-lors, nuire à l'enfant; que, même dans ce cas, que, par ses résultats, elle nuise ou puisse elle est toujours prohibée et par conséquent illégale.

Mais de ce que la reconnaissance d'un enfant adulterin ou incestueux est toujours prohibée, toujours illégale, s'ensuit-il qu'elle est toujours nulle en ce sens qu'elle ne puisse jamais produire aucun effet, pas même celui de vicier la donation faite à cet enfant, soit par l'acte même qui la contient, soit par un acte antérieur.

Je conviens qu'en thèse générale, et suivant la célèbre maxime de Dmoulin, la particule ne, placée dans une loi avant le mot peut, emporte nullité de plein droit; mais est-ce à dire pour cela qu'un acte prohibé par la loi, est essentiellement nul à tous égards, et qu'il ne puisse pas, tout nul qu'il est sous un rapport, produire quelqu'effet sous un autre?

Ce qui prouve invinciblement que non, c'est la manière dont s'entend et s'exécute

(1) M. Dalloz, Journal des audiences de la cour de cassation, année 1827, page 436.

l'art. 1395 du Code civil, suivant lequel les conventions matrimoniales ne peuvent recevoir aucun changement pendant le mariage. Sans contredit, il résulte de ces termes que les changemens faits pendant le mariage aux conventions matrimoniales, sont nuls; mais jusqu'où s'étend la nullité dont ils sont frappés par la seule prohibition qu'en fait la loi? Va-t-elle jusqu'à les faire considérer absolument comme non avenus? Non, elle leur ôte bien le caractère de conventions matrimoniales proprement dites; mais elle leur laisse l'effet de dispositions gratuites entre époux, et elle n'empêche pas qu'ils ne soient exécutés comme tels, si celui des époux au préjudice duquel ils ont été faits, meurt sans les avoir révoqués.

Et d'où cela vient-il? De ce que tout changement fait pendant le mariage aux conven. tions matrimoniales, est nécessairement un avantage pour l'un des époux; de ce que l'art. 1096 permet aux époux de se faire, pendant le mariage, sauf révocation jusqu'à leur mort, telles donations qu'ils jugent à propos, pourvu qu'elles n'entament pas les réserves légales des héritiers en ligne directe; et par conséquent de ce que l'art. 1395 se trouverait en opposition avec l'art. 1096, si la défense qu'il contient de rien changer, pendant le mariage, aux conventions matrimoniales, emportait tellement la nullité des changemens faits aux conventions matrimoniales pendant le mariage, qu'ils fussent réputés non écrits et ne pussent produire aucune espèce d'effet (1).

Il est donc certain que, toutes les fois qu'un acte prohibé par une loi, ne pourrait pas être privé de toute espèce d'effet sans que la disposition qui le prohibe, se trouvât en contradiction avec une autre disposition de la même loi, cet acte ne laisse pas, tout nul qu'il est sous un rapport, de produire, sous un autre, l'effet qui est nécessaire pour mettre les deux dispositions en harmonie et pour que l'une ne paralyse pas l'autre.

Et à plus forte raison, doit-il en être ainsi, lorsqu'on ne pourrait pas réduire ad non esse, l'acte fait au mépris d'une loi prohibitive, le considérer comme non écrit et le priver de toute espèce d'effet, non seulement sans mettre la disposition qui le prohibe en contradiction avec une autre disposition de la même loi, mais encore sans aller directement contre les motifs et le but de la prohibition ellemême, et surtout sans en encourager la violation.

(1). l'article Contrat de mariage, §. 5.

Or, c'est précisément ce qui arriverait, si, de la nullité de la reconnaissance d'un enfant adultérin ou incestueux, on tirait la conséquence que la donation faite à l'enfant qui est l'objet de cette reconnaissance, doit être considérée comme faite à un étranger, ou en d'autres termes, si la nullité de la reconnaissance, bien loin d'entraîner la nullité de la donation, en entraînait nécessairement la validité.

1o Dans ce système, l'art. 335 du Code civil se trouverait en contradiction avec les art. 762 et 908 qui interdisent, à l'égard des enfans adulterins ou incestueux, toute disposition dont le montant excède de simples alimens.

Et vainement dirait-on, avec l'arrêt de la cour de cassation du 9 mars 1824, que cette iuterdiction ne s'applique qu'aux espèces où, par la force des choses ou des jugemens, la preuve de la Filiation adultérine ou incestueuse est acquise en justice.

Cette interdiction est conçue en termes généraux, et par conséquent exclusifs de toute exception non exprimée dans la loi. On ne peut donc pas en excepter les enfans adultérins oy incestueux que les auteurs de leurs jours ont reconnus par des actes authentiques. Aussi deux orateurs du tribunat, M. Siméon et M. Jaubert, n'ont-ils pas hésité à les signaler, dans des rapports officiels, comme y étant compris (1).

On prétend, il est vrai, induire le contraire d'une phrase du discours de l'orateur du gouvernement qui contient l'exposé des motifs du titre des successions.

Mais, d'une part, il s'en faut beaucoup que cette phrase soit assez claire pour qu'on puisse assurer que telle ait été la pensée de l'orateur du gouvernement (2).

De l'autre, si, sur ce point, il y avait véritablement contrariété entre l'orateur du gouvernement et les deux orateurs cités du tribunat, il n'y aurait pas, il ne pourrait pas y avoir de départiteur plus sûr que le texte de la loi. Or, encore une fois, le texte de la loi est général; il interdit toute disposition excédant les alimens, au profit des enfans adultérins ou incestueux, sans distinguer entre ceux dont la Filiation est prouvée par des procédures et des jugemens, et ceux dont la Filiation est reconnue par des actes authentiques.

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(1) V. 1 Répertoire de jurisprudence, au mot Filiation, nos 20 et 21.

(2) V. ibid.

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