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» Pour apprécier ce système, fixons-nous avec précision sur le sens et l'objet de l'art. 795 du Code de procédure civile.

» Cet article porte que, dans tous les cas où il sera formé une demande en nullité d'emprisonnement, la cause sera jugée sommairement sur les conclusions du ministère public.

» Que signifient ces mots, dans tous les cas? Ils se référent à l'art. 794 dans lequel il est dit qu'à défaut des formalités ci-dessus prescrites, le débiteur pourra demander la nullité de l'emprisonnement, et la demande sera portée au tribunal du lieu où il est détenu; mais que, si la demande en nullité est fondée sur des moyens du fond, elle sera portée devant le tribunal de l'exécution du jugement.

» Le sens de l'art. 795 est donc évidemment que, dans tous les cas où il sera formé une demande en nullité d'emprisonnement, soit pour cause d'inobservation des formalités prescrites par la loi, soit parcequ'au fond il n'y a pas lieu à l'arrestation du débiteur, ne pourra être statué sur cette demande, qu'après que le ministère public aura donné ses conclusions.

il

» Or, le sieur Swan demandait la nullité de son emprisonnement: il la demandait, et sur le fondement qu'il n'était pas débiteur de sommes exigibles, et sur le fondement que la loi du 10 septembre 1807 n'était pas, suivant lui, applicable aux dettes contractées avant sa promulgation, et sur le fondement que l'ordonnance en vertu de laquelle il avait été arrêté, avait été rendue à la requête de personnes qui n'avaient pas qualité pour la provoquer; il la demandait conséquemment par des moyens du fond; sa demande était donc comprise dans la disposition de l'art. 795; il fallait donc que le ministère public fût entendu sur sa demande.

» Mais, disent les défendeurs, l'art. 795 n'a pour objet que les demandes en nullité d'emprisonnemens pratiqués en vertu de jugemens de condamnation emportant la contrainte par corps; on ne peut donc pas en appliquer la disposition aux emprisonnemens pratiqués en vertu de la loi du 10 septembre 1807.

» Pure équivoque.

» Est-ce par sa propre disposition, est-ce par sa propre teneur, que l'art. 795 n'était, à l'époque de sa promulgation, applicable qu'aux emprisonnemens pratiqués en vertu de jugemens de condamnation emportant la contrainte par corps? Non c'était par la

seule raison qu'alors les jugemens emportant la contrainte par corps, étaient les seuls titres en vertu desquels un débiteur pût être emprisonné. Car, par lui-même, cet article est général : il ne porte sur aucune espèce d'emprisonnement en particulier; il n'en excepte aucune; et dès là, il les embrasse toutes. Il est donc devenu, par le seul effet de la loi du 10 septembre 1807, applicable aux emprisonnemens exécutés en vertu de cette loi, comme il l'était déjà aux emprisonnemens de débiteurs condamnés par corps.

» Pour mettre ceci dans un nouveau jour, permettez-nous, Messieurs, quelques ques

tions.

>> Le sieur Swan aurait-il pu, en exécution de l'ordonnance du président du tribunal de première instance de Paris, du 27 juillet 1808, et au mépris de l'art. 781 du Code de procédure civile, être arrêté avant le lever et après le coucher du soleil, un jour de fête légale, dans un édifice consacré au culte, et pendant les exercices religieux, dans le lieu et pendant le temps des séances d'une autorite constituee?

» Aurait-il pu, en exécution de la même ordonnance, et au mépris de l'art. 782 du même Code, être arrêté et conduit en prison, si, appelé comme témoin devant un tribunal, il eût été porteur d'un sauf-conduit?

» Aurait-on pu, en exécution de la même ordonnance, et au mépris de l'art. 789 du même Code, se dispenser, après l'avoir arrêté, de le faire écrouer, et d'énoncer dans l'acte d'écrou, l'ordonnance elle-même, son nom, son domicile et sa profession, le nom et le domicile du créancier, la consignation d'un mois d'alimens, et la mention de la copie qui lui eût été laissée tant de l'écrou que du procès-verbal d'emprisonnement?

» A toutes ces questions, les défendeurs seront sans doute forcés de faire une réponse négative.

» Cependant il en est des art. 781, 782 et 789, comme de l'art. 795 : les dispositions des uns n'étaient, à l'époque de leur promulgation, applicables, comme la disposition de l'autre, qu'aux emprisonnemens pratiqués en vertu de jugemens de condamnation emportant la contrainte par corps. Pourquoi donc la disposition de l'art. 795 ne serait-elle pas aujourd'hui applicable, comme le sont évidemment celles des art. 781, 782 et 789, aux emprisonnemens pratiqués en vertu d'ordonnances fondées sur la loi du 10 septembre 1807? » Mais, dit-on encore, la loi du 10 septembre 1807 n'exige pas que le ministère public

soit entendu avant que le président du tribunal de première instance autorise l'arrestation du débiteur étranger. Donc elle dispense la cour qui prononce sur l'appel de cette ordonnance, d'entendre le ministère public avant de rendre son arrêt.

» Cette conséquence serait juste dans un cas, mais dans un cas seulement, s'il était possible qu'il se réalisat: elle serait juste dans le cas où le débiteur étranger, informé qu'une ordonnance autorise son arrestation, mais encore libre, interjeterait appel de cette ordonnance, et en demanderait la réformation. Alors sans doute, il ne faudrait pas de conclusions du ministère public pour prononcer sur son appel, comme il n'en faut pas pour prononcer sur l'appel d'un jugement, non encore exécuté, d'un tribunal de commerce qui condamne un débiteur par corps.

» Mais, de même que, si un débiteur condamné par corps par un jugement émané d'un tribunal de commerce, et emprisonné en vertu de ce jugement, interjette appel de ce jugement, et joint à son appel une demande en nullité de son emprisonnement, les conclusions du ministère public deviennent indispensables, quoiqu'il n'y en ait pas eu, quoiqu'il n'ait pas pu y en avoir, devant le tribunal de commerce; de même aussi le sieur Swan ayant à la fois appelé de l'ordonnance qui autorisait son arrestation, et formé, comme un accessoire nécessaire de son appel, une demande en nullité de l'arrestation que cette ordonnance avait autorisée, il est clair, plus clair que le jour, que la cour d'appel de Paris n'a pas pu juger son appel et sa demande sans avoir préalablement entendu le ministère public; il est clair, plus clair que le jour, qu'en jugeant son appel et sa demande sans avoir préalablement entendu le ministère public, elle a violé l'art. 795 du Code de procédure; il est clair, plus clair que le jour, qu'en rejetant la requête civile du sieur Swan, fondée, en première ligne, sur la violation de ce texte, la cour d'appel de Paris a contrevenu à l'art. 480 du même Code.

» Il ne nous reste donc plus qu'une seule question, celle de savoir si la contravention de la cour d'appel de Paris, à l'art. 480 du Code de procedure, est de nature à entrainer la cassation de l'arrêt du 23 décembre 1808.

» Mais cette question n'en est pas une. En disant qu'il y aura ouverture à la requête civile, si, dans le cas où la loi exige la communication au ministère public, cette communication n'a pas eu lieu, et que le jugement ait été rendu contre celui pour qui elle était TOME VII.

ordonnée, l'art. 480 ne règle pas une forme de procédure, il détermine ce que les juges doivent prononcer au fond.

» Or, il est constant que, dans tous les cas où des juges souverains contreviennent aux lois qui déterminent la manière de prononcer au fond, leurs arrêts peuvent et doivent être

cassés.

» Il est donc impossible que l'arrêt du 23 décembre échappe à la cassation.

» Dans ces circonstances et par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu, en ce qui concerne la demande du sieur Swan, en cassation de l'arrêt du 2 août 1808, de la rejeter avec amende; en ce qui concerne l'arrêt du 23 décembre de la même année, de le casser et annuler; et d'ordonner qu'à notre diligence, l'arrêt à intervenir sera imprimé et transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris ».

Par arrêt du 22 mars 1809, au rapport de M. Boyer et sur délibéré,

« Attendu 1° qu'aux termes de l'art. 480, §. 8, du Code de procédure civile, le defaut d'audition du ministère public dans les affaires où la loi exige cette audition, est au nombre des cas qui donnent ouverture à requête civile contre les arrêts ou jugemens en dernier ressort infectés de ce vice; d'où il suit que ce moyen n'est pas recevable comme moyen de cassation;

» Attendu 2o que la loi du 10 septembre 1807 doit être considérée comme une loi de police, une mesure de sûreté prise dans l'in

térêt national, contre les débiteurs étrangers, laquelle ne porte aucune atteinte à la substance de leurs engagemens, mais est seu. lement introductive d'un nouveau mode pour parvenir à l'exécution desdits engagemens ; qu'une telle mesure est, de sa nature, susceptible d'une exécution instantanée, et n’ad. met aucune exception prise de l'antériorité de la dette; qu'ainsi, en confirmant, à l'égard du demandeur en cassation, l'application qui lui avait été faite de la loi du 10 septembre 1807, l'arrêt attaqué n'a pas donné à cette loi un effet rétroactif contraire à son vou;

» Attendu 3o que le moyen tiré de la prétendue non-exigibilité de la dette, rentre dans le fond de l'affaire, dont la cour de cassation ne peut connaître;

» Attendu 4o que le moyen pris de ce que la contrainte par corps n'aurait pas dû être appliquée à une dette entre associés, n'est pas justifié en fait, et n'est appuyé d'ailleurs sur la disposition expresse d'aucune loi, mais sur une prétendue jurisprudence que rien ne

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constate, et qui ne peut, au surplus, servir de base à un moyen de cassation;

» Attendu 5o, sur le moyen tiré de la qua. lite d'Étranger imputée par le sieur Swan à quelques-uns des défendeurs à la cassation, que l'exception d'extranéité ne parait pas avoir été proposée devant le président du tribunal de première instance de la Seine, qu'elle ne l'a été devant la cour d'appel que par rapport à la personne morale de la maison de commerce Lubbert, Dumas et compagnie, de Hambourg, et que, sous ce rapport, l'extranéité supposée de cette maison ne faisait point obstacle à ce qu'un de ses membres, étant reconnu Français, et exerçant en son nom ses droits personnels contre le demandeur, ne pût réclamer en sa faveur, contre un débiteur étranger, le bénéfice de la loi du 10 septembre 1807;

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Qu'à l'égard du sieur Philippe-Herman Lubbert personnellement, sa naissance en France, non désavouée dans l'origine, la, circonstance qu'il réclamait en sa faveur comme Français, l'application de la loi précitée, et l'ordonnance du président du tribunal de première instance, qui la lui avait accordée à ce titre, formaient, aux yeux des juges d'appel, une présomption légale de sa qualité de Français, présomption qui ne pou vait être détruite que par des preuves con. traires et légales; que son extranéité, si elle a été alléguée devant la cour d'appel, n'est appuyée que sur des pièces et actes d'une date postérieure à l'arrêt attaqué, et produites seulement devant la cour de cassation;

» Qu'ainsi cet arrêt, en refusant de recon. naître le sieur Lubbert pour étranger, n'a pu contrevenir aux lois qui règlent les conditions nécessaires pour acquérir la qualité de Français, ou pour la conserver;

» Attendu 6o, et enfin, sur la contravention prétendue au traité du 12 vendémiaire an 9, passé entre la France et les États-Unis d'Amérique, que ce moyen présenté seulement à la barre de la cour de cassation, n'a pas été soumis à la cour d'appel, qui, dèslors, n'a pas été tenue d'appliquer d'office au sieur Swan, un prétendu privilége résultant de sa qualité de sujet de cette dernière puissance, et qui n'était pas réclamé par lui;

» Par ces motifs, la cour rejette le pourvoi du sieur Swan contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, du 2 août 1808...;

» Et, statuant sur le pourvoi dudit sieur Swan contre l'arrêt de la même cour, du 23 décembre 1808, vu les art. 805 et 480 du Code de procédure civile;

» Et attendu qu'il résulte du premier de

ces articles, que tout jugement rendu sur une demande en élargissement, doit être précédé des conclusions du ministère public, et qu'il résulte du second, que le défaut de communication au ministère public, dans les cas où la loi exige son audition, donne ou verture à la requête civile contre les arrêts où ce vice se rencontre;

» Qu'il suit de là, qu'en rejetant la requête civile intentée par Swan contre l'arrêt du 2 août 1808, et fondée sur ce que cet arrêt n'avait pas été précédé des conclusions du ministère public, dans la circonstance où il s'agissait d'une demande en élargissement, la cour d'appel de Paris a violé les articles précités du Code de procédure civile;

» Par ces motifs, la cour casse et annulle... }).

II. Il semblerait à la première vue que l'on dût résoudre pour la négative, la question de savoir si l'on peut, en vertu de la loi du 10 septembre 1807, arrêter provisoirement en Frauce un Étranger dont la dette envers un Français, a été contractée, non en France même, mais dans son pays ou dans toute autre contrée étrangère.

En effet, l'art. 14 du Code civil, après avoir dit que l'Étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux Français pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français, ajoute bien qu'il pourra être traduit devant les tribunaux de France pour les obligations par lui contractées en pay's étranger envers des Français; mais l'art. 2 de la loi du 10 septembre 1807 dit simplement qu'avant le jugement de condamnation, le président du tribunal de première instance dans l'arrondissement duquel se trouvera l'Étranger, pourra, s'il y a des motifs suffisans, ordonner son arrestation provisoire, sur la requête d'un créancier français ; il ne le dit pas pour le cas où la dette a été contractée en pays étranger, comme pour le cas où elle l'a été en France; et il est difficile de supposer que s'il était dans son intention d'assimiler le premier cas au second pour l'arrestation provisoire, il eût omis de s'en expliquer comme le fait l'art. 14 du Code civil pour l'assignation.

Qu'on se reporte d'ailleurs à l'exposé des motifs de la loi du 10 septembre 1807, transcrit dans le Répertoire de jurisprudence, au mot Étranger, S. 1, no 5: on y verra que ce qui a déterminé le législateur à autoriser l'arrestation provisoire des débiteurs étrangers en France, c'est que les Étrangers sont

accueillis avec faveur sur cette terre hospia talière; que le Français, naturellement confiant et sensible, se livre avec une facilité que la prudence ne pourrait peut-être pas toujours avouer; et qu'il ne faut pas que des actes de bienfaisance entraînent la ruine de l'homme généreux qui en fut capable. Ne résulte-t-il point de là que la loi n'a eu en vue que les obligations contractées en France par des Étrangers, et que sa disposition doit y être restreinte?

Mais ne nous en tenons pas à ce premier aperçu, et pour bien saisir l'esprit dans lequel a été redige l'art. 2 de la loi du 10 septembre 1807, faisons bien attention à la liaison qui existe entre cet article et le précédent.

L'art. 1 commence par dire que tout jugement de condamnation qui interviendra au profit d'un Français contre un Étranger non domicilié en France, emportera la contrainte par corps, et certainement il est, par sa généralité, applicable à l'Étranger qui s'est oblige envers un Français dans une contrée étrangère, comme à l'Étranger qui s'est obligé

en France envers un Français.

Or, l'art. 2 n'est pas moins général, quand il ajoute qu'avant le jugement de condamnation, le débiteur étranger pourra être arrêté provisoirement. L'arrestation provisoire d'un débiteur étranger peut donc être ordonnée avant qu'un jugement le condamne au paiement d'une dette qu'il a contractée en pays étranger, comme elle peut l'être avant qu'un jugement le condamne au paiement d'une dette qu'il a contractée en France.

Qu'importe que, dans l'exposé des motifs de la loi, il ne soit parlé que des obligations contractées en France par des Étrangers envers des Français ? Cela prouve bien que c'est à l'occasion de pareilles obligations que la loi a été faite; et en effet, je me rappelle parfaitement qu'elle l'a été parceque des marchands de Paris avaient été récemment dupes d'un grand seigneur russe qui avait disparu sans leur payer les marchandises qu'ils lui avaient livrées à crédit; mais cela ne prouve nullement que l'on doive ajouter à la loi une restriction qu'elle ne renferme pas. C'est une vérité généralement reconnue et consacrée par un grand nombre d'arrêts de la cour de cassation, que la spécialité des motifs d'une loi ne nuit pas à la généralité de ses dispositions (1); et cette maxime s'ap

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plique surtout aux lois qui ne sont pas motivées par leur propre texte, mais seulement par les discours que les orateurs du gouvernement ont prononces en les présentant au corps législatif (1).

C'est ainsi, au surplus, que la question a été jugée par un arrêt de la cour de cassation dont voici l'espèce :

En mars 1817, le sieur Brunet, Français, porteur de plusieurs traites échues, et souscrites en sa faveur à Londres par le général Crewe, Anglais, trouvant celui-ci à Rouen, obtient du président du tribunal de première instance de cette ville, une ordonnance qui

l'autorise à le faire arrêter.

L'arrestation effectuée, le général Crewe en demande la nullité, sur le double fondement que les traites dont il s'agit, n'ont pas été souscrites en France, et que l'ayant été depuis plus de cinq ans, elles sont prescrites aux termes de l'art. 189 du Code de commerce français.

Le 25 du même mois, jugement du tribunal de première instance de Rouen qui rejette la demande du général Crewe.

.Appel, et le 31 du même mois, arrêt de la cour royale de la même ville, qui confirme ce jugement, « attendu que Jolin Crewe ne me» connaît pas avoir souscrit, au bénéfice de » Brunet, les trois traites dont il s'agit; que » lesdites traites sont échues et exigibles; » qu'aux termes de l'art. 14 du Code civil, quoique ces traites aient été souscrites par » un Anglais en Angleterre, les tribunaux » de France sont compétens pour prononcer » sur la contestation, l'Anglais se trouvant » momentanément résider en France, et les» dites traites ayant été signées au profit d'un Français, et vu les art. 1 et 2 de la loi du » 10 septembre 1807 ».

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Le général Crewe se pourvoit en cassation et soutient que la cour royale a violé tout à la fois l'art. 2 de la loi du 2 septembre 1807 et l'art. 189 du Code de commerce; qu'elle a violé l'un, en déclarant qu'un débiteur étranger peut être arrêté provisoirement en France, lors même que ce n'est pas en France qu'il a contracté sa dette; et qu'elle a viole

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l'autre, en jugeant que l'exception déduite de la prescription de la dette, n'était pas un obstacle à l'emprisonnement provisoire du débiteur.

Mais arrêt du 12 juin 1817, au rapport par de M. Brillat de Savarin, et sur les conclusions de M. l'avocat-general Lebeau,

<«< Attendu que le jugement de première instance, et après lui, l'arrêt de la cour royale de Rouen, n'ont point violé la loi de 1807, en maintenant l'arrestation provisoire du genéral Crewe, accordée sur la requête d'un Français, porteur d'une obligation echue et exigible, et que l'arrêt attaqué ne préjudicie point d'ailleurs aux exceptions du fond;

» La cour (section des requêtes) rejette le pourvoi.... (1).

III. Sur la huitième question, c'est-à-dire, sur celle de savoir si le régnicole qui n'est créancier d'un Étranger que par la cession qu'un autre Étranger lui a faite de l'action qu'il avait contre celui-là, peut, en vertu de l'art. 14 du Code civil, le citer devant un tribunal français, et en vertu de la loi du 10 septembre 1807, le faire arrêter provisoirement, après en avoir obtenu l'autorisation du président de ce tribunal, la négative ne paraît pas douteuse, et peu de mots suffiront pour la mettre dans tout son jour.

L'Étranger dont le régnicole est devenu cessionnaire, aurait-il pu, s'il n'eût pas transporté sa créance, soit assigner son débiteur, Étranger comme lui, devant un tribunal français pour le faire condamner, soit y obtenir contre lui une ordonnance d'arrestation provisoire?

Non, il n'aurait pu faire ni l'un ni l'autre. D'abord, il n'aurait pas pu l'assigner à fin de condamnation devant un tribunal français; car ce n'est qu'au régnicole que l'art. 14 du Code civil permet de faire citer devant les juges de son pays, l'Étranger qui a contracté des obligations envers lui; ce n'est qu'en faveur du régnicole que cet article déroge à la grande règle actor sequitur forum rei. L'Étranger qui se prétend créancier d'un autre Étranger, ne peut donc pas se prévaloir de cet article pour soustraire son prétendu débiteur à la juridiction des ses juges naturels.

En second lieu, il n'aurait pas pu davantage obtenir de l'un des tribunaux français, la permission de faire arrêter provisoirement

son prétendu débiteur. L'art. 2 de la loi du 10 septembre 1807 n'accorde cette faculté qu'au régnicole; il la refuse donc à l'Étranger; car elle constitue, pour le régnicole, un privilége proprement dit; et tout privilége étant une exception au droit commun il est impossible de l'étendre, soit d'une personne à une autre, soit hors du cas pour lequel le législateur l'a accordé.

De là, un arrêt de la cour supérieure de Bruxelles, du 20 avril 1819, qui, sur l'appel interjeté par un Anglais, domicilié dans la Belgique, d'un jugement par lequel avait été annulée l'arrestation provisoirement pratiquée à sa requête, d'un autre Anglais qui n'avait dans la Belgique qu'une résidence passagère, déclare qu'il a été bien jugé,

«Attendu que la loi du 10 septembre 1807 n'accorde la contrainte par corps qu'au profit d'un Français (aujourd'hui d'un Belge), contre un Étranger non domicilié dans la Belgique;

» Que l'appelant est Anglais, et que l'art. 4 de la loi fondamentale qu'il invoque en sa faveur pour être assimilé aux Belges dans ce pays, n'est pas applicable à l'espèce;

» Que cet art. 4 porte, à la vérité, que tout individu qui se trouve sur le territoire du royaume, soit regnicole, soit Étranger, jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, mais que l'art. 5 suivant porte aussi que l'exercice des droits civils est déterminé par la loi ;

» Attendu que l'art. 13 du Code civil n'accorde la jouissance des droits civils qu'à l'Étranger qui aura été admis par l'autorisation du roi, à établir son domicile dans la Belgique, circonstance que l'appelant n'a pas meme alléguée (1) ».

Cela posé, comment le privilége d'arrestation provisoire que la loi refuse à l'Étranger prétendu créancier d'un autre Étranger, pourrait-il être exercé contre celui ci, par le cessionnaire régnicole de celui-là? Pour peu que l'on y reflechisse, on sentira que les premiers principes s'y opposent.

aux

Il est généralement reconnu que le créancier ne peut jamais rien changer, par les conventions qu'il fait avec des ́tiers, droits ni à la condition de son débiteur; et c'est la conséquence nécessaire de deux maximes, l'une, consacrée par la loi 25, C. de pactis, que debitorum pactionibus creditorum petitio tolli nec mutari potest; l'autre

(1) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 18, page 318.

(1) Jurisprudence de la cour supérieure de justice de Bruxelles, année 1819, tome 1, page 22.

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