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le célébre arrêt du parlement de Paris du 21 juillet 1778. La cour ordonne (portait-il) que les propriétaires ou fermiers qui auront des demandes à former pour constater le dégát causé par le Gibier et les bêtes fauves aux grains et vignes, seront tenus de se pourvoir devant les juges.... des lieux, pour faire procéder par experts, EN PRÉSENCE des parTIES INTÉRESSÉES OU ELLES DUMENT APPELÉES, à trois visites des terres prétendues endommagées, lesquelles seront désignées par tenans et aboutissans; que la première visite se fera dans les trois mois à compter du jour de la semaine, sans cependant qu'elle puisse être faite au-delà du mois de janvier ; que les experts, par leur rapport, seront tenus de déclarer la nature et la qualité de sol et espèce de grains, de prendre les déclarations des propriétaires et habitans voisins, pour savoir si les terres, prétendues endommagées, ont été bien cultivées et ensemencées, si les grains étaient bien pris et bien venans DOMMAGE A ÉTÉ FAIT PAR LE GIBIER, son espèce, D'OU IL PEUT PROVENIR, et enfin l'étendue du terrain endommagé...

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SI LE

» Au surplus, quand nous irions jusqu'à supposer que les procès-verbaux, même non contradictoires, des gardes champêtres, peuvent constater ceux des dommages causes aux récoltes, qui ne sont pas qualifiés de délits par la loi, il resterait à examiner jus

ches et des fêtes ; que la base de cette action était un procès-verbal du garde-champêtre des communes de Fontenay et de Rocquancourt, qui attestait avoir trouvé, le dimanche 6 décembre, pendant la grand'messe, plusieurs particuliers buvant dans le cabaret dudit Langrais; qu'il résulte des art. 4 et 5 ci-dessus cités de la loi du 18 novembre 1814, et des §. 1 et 4 de l'art. 16 du Code d'instruction criminelle, que le susdit garde-champêtre était sans qualité pour constater, par un procès-verbal, des faits qui, à les supposer vrais, étaient absolument étrangers à la police rurale, et constituaient une contravention à la loi du 18 novembre 1814, sur la célébration des dimanches et des fêtcs; que ce procès-verbal, vicié d'une nullité radicale que ne pouvait couvrir le silence des parties, ne devait pas fixer l'attention de la justice; que le ministère public n'a pas, pour suppléer à l'absence d'un procès-verbal légal, demandé à prouver par témoins les faits lui allégués, et que cette preuve n'a pas été ordonnée d'office; que la condamnation prononcée par le tribunal contre Langrais, et uniquemment déterminée par le procès-verbal du garde-champêtre, n'a donc pas de fondement légitime; qu'elle est une violation des règles de compétence et une fausse application de la loi pénale;

par

>> Par ces motifs, la cour casse et annulle... ».

qu'à quel point ces procès-verbaux devraient faire foi; et sans doute on ne prétendra pas qu'ils méritent plus de foi relativement à des dommages non qualifiés de délits, et par conséquent non compris dans la loi du 6 octobre 1791, que cette loi elle-même ne leur en accorderait pour les délits ruraux.

» Or, relativement aux délits ruraux, l'article cité de la loi du 6 octobre 1791 dé clare formellement que les procès-verbaux des gardes champêtres ne font foi que saufla preuve contraire.

» Cet article serait donc violé par un jugement qui refuserait au prévenu d'un délit rural, la preuve contraire au procès-verbal par lequel son prétendu délit aurait été

constaté.

» Il l'est donc à plus forte raison par un ju gement qui, comme dans notre espèce, refuse à une partie poursuivie civilement pour un simple dommage non qualifié de délit, la preuve contraire au procès-verbal constatant, soit ce prétendu dommage, soit les causes dont il provient.

»Inutile d'objecter que l'article cité de la loi du 6 octobre 1791 est modifié, en ce qui concerne l'admission de la preuve contraire. par l'art. 154 du Code d'instruction criminelle: que, d'après celui-ci, les procès-verbaux des gardes-champêtres peuvent, à la verité, être débattus par des preuves contraires; mais que les juges ont la faculté de ne pas admettre ces preuves; et que, dès lors, il ne peut pas y avoir aujourd'hui de loi violée dans un jugement qui, sans admettre un prévenu à la preuve contraire qu'il offre, le condamne sur la foi d'un procès-verbal de garde-champêtre.

» Oui, l'art. 154 du Code d'instruction criminelle modifie l'art. 6 de la sect. 7 du tit. rer de la loi du 6 octobre 1791. Mais il ne le modifie que relativement aux procès-verbaux de délits; car c'est uniquement des délits qu'il s'occupe : il est absolument muet sur les procès-verbaux de simples dégâts non qualifiés de délits.

» Et dès-là, de deux choses l'une ou l'ar ticle cité de la loi du 6 octobre 1791 est commun aux procès-verbaux des simples dégats non qualifiés de délits, ou il leur est étranger.

» S'il leur est commun, il conserve à leur égard toute son autorité, puisqu'à leur égard le Code d'instruction criminelle ne dit rien; et par conséquent aujourd'hui, comme avant le Code d'instruction criminelle, il oblige les juges d'admettre la preuve contraire à ces procès-verbaux toutes les fois qu'elle est of ferte.

» S'il leur est étranger, les simples dégâts

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>> Plus vainement objectera-t-on que le demandeur n'a offert la preuve contraire que dans l'instance d'appel, et qu'il ne l'a offerte qu'en concluant à la mise en cause du gouvernement, à l'effet de vérifier contradictoirement avec lui si les dégâts prétendus faits aux récoltes du sieur Lubin, provenaient des lapins de son bois ou de ceux des bois du gouvernenement même.

» D'une part, qu'importe que le demandeur ait attendu jusqu'à la cause d'appel pour offrir la preuve contraire? Cette preuve était pour lui une exception péremptoire ; et il est de principe que les exceptions péremptoires peuvent être proposées en tout état de cause.

» D'un autre côté, les juges d'appel pouvaient très-bien séparer l'offre faite par le demandeur, de la preuve contraire, d'avec ses conclusions tendant à la mise en cause du gouvernement. Ils pouvaient très-bien accueillir l'une, et rejeter les autres, si elles étaient non-recevables ou mal fondées; car de ce qu'une partie demande trop, il ne s'ensuit nullement que les juges puissent lui refuser ce qu'il y a de légitime dans ses prétentions.

» Enfin, nous devons aller plus loin : nous devons dire que, même en déclarant le demandeur non-recevable à requérir la mise en cause du gouvernement dans l'instance d'appel, le jugement attaqué a fait une fausse application du principe, que toute partie a droit à deux degrés de juridiction, et, par là, violé un texte formel du Code de procedure

civile.

» En effet, il n'est pas exactement vrai que chaque partie ait droit, dans tous les cas, à deux degrés de juridiction. La nécessité de deux degrés de juridiction n'est générale que pour les affaires ; et elle admet, quant aux personnes, une exception qui est aussi notoire qu'elle est juste et sage.

>> Cette exception est que, toutes les fois qu'une partie qui n'a pas figuré dans un juge ment de première instance dont il y a appel, a qualité pour former tierce-opposition au jugement qui doit intervenir sur l'appel même, elle peut intervenir devant le tribuTOME VII.

nal supérieur, comme on peut, si elle n'y intervient pas de son propre mouvement, l'y faire intervenir de force.

>> Nous disons d'abord qu'elle peut intervenir, et cela est ainsi réglé par l'art. 456 du Code de procédure civile, lequel porte qu'en cause d'appel, il ne sera reçu aucune intervention, si ce n'est de la part de ceux qui auraient droit de former tierce-opposition; et c'est ce que vous jugiez même sous l'empire des lois du 1er mai 1790 et du 3 brumaire an 2. Témoin l'arrêt que vous avez rendu, contre le sieur Thobois, le 20 thermidor an 13, au rapport de M. Rousseau et sur nos conclusions (1).

» Nous disons en second lieu, que tout homme qui se trouve dans une position à pouvoir se rendre tiers-opposant au jugement qui doit émaner d'un tribunal d'appel sur une affaire dans laquelle il n'a pas figuré en première instance, peut être contraint d'intervenir devant ce tribunal, pour y voir décla rer commun avec lui le jugement que sollicitent les parties principales; et c'est une maxime que vous avez proclamée, de la manière la plus formelle, par l'arrêt que nous venons de citer les demoiselles Thobois, avez-vous dit, ont pu intervenir en cause d'appel, puisque le sieur Thobois luimême aurait pu les appeler en déclaration d'arrêt commun.

» Et en effet, le droit qu'a, d'intervenir en cause d'appel, la partie qui pourrait attaquer par tierce-opposition le jugement à rendre, entraîne nécessairement, pour les parties principales, le droit et la force d'intervenir effectivement, lorsqu'elle ne le fait pas d'ellemême l'un est absolument correlatif à l'autre; et ils résultent, l'un comme l'autre, du texte même de l'art. 450 du Code de procédure civile.

» Et après tout, quel tort fait-on à cette partie, en la mettant en cause sur l'appel? La prive-t-on' d'un premier degré de juridiction? Non, assurement; car si, sur l'appel, elle n'était pas mise en cause, et qu'elle usât ensuite de son droit de former tierce-opposition au jugement, où devrait-elle porter cette tierce-opposition? Elle devrait la porter devant le tribunal d'appel, et elle ne pourrait pas la porter ailleurs. On ne fait donc, en la mettant en cause, que hater le moment de sa comparution directe et immédiate devant le tribunal d'appel.

(1) V. le Répertoire de jurisprudence, aux mots Renonciation à une succession future, §. 3. 52

» Aussi avez-vous rejeté, le 13 octobre 1807, au rapport de M. Borel et sur nos conclusions, la demande du sieur Daoust, en cassation d'un arrêt de la cour d'appel de Douai, qui, pour prévenir une tierce-opposition qu'il eût pu former, avait ordonné sa mise en cause dans une affaire où il n'avait pas été partie en première instance : la compétence de la cour d'appel, avez-vous dit, ne pouvait étre légalement déclinée, puisque le demandeur pouvait être appelé partout où il aurait pu intervenir ; ainsi, l'arrêt attaqué ne contient aucun excès de pouvoir ni violation de la loi du 1er mai 1790, relative aux deux degrés de juridiction (1).

» Ces notions posées, revenons à notre espèce. Si le tribunal civil de Melun eût, sans entendre le gouvernement, décidé les que dégâts dont le sieur Lubin poursuivait la réparation, avaient été causés, non par des lapins provenans du bois du demandeur, mais par des lapins provenans des bois du gouvernement même, très-certainement le gouvernement aurait pu former tierce-opposition au jugement de ce tribunal. Et des-là, il est clair qu'avant que ce tribunal eût prononcé, le gouvernement aurait pu intervenir sur l'appel du demandeur. Dès-là par conséquent il est clair que ce tribunal pouvait et devait, d'après les conclusions prises à cette fin par le demandeur, et faute par le gouvernement d'intervenir de son propre mouvement, l'y forcer en ordonnant sa mise en cause par une assignation en déclaration de jugement commun; et encore par conséquent il est clair qu'en déclarant le demandeur non recevable dans ses conclusions à fin de mise en cause du gouvernement, le tribunal civil de Melun à violé l'art. 456 du Code de procédure civile.

a

» Par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu d'admettre la requête du demandeur ».

Ces conclusions ont été adoptées par arrêt du 19 avril 1814, au rapport de M. Favard de l'Anglade. Mais M. le duc de Cadore s'étant prêté à une transaction qui lui fut proposée peu de temps après, cet arrêt n'a pas eu de suite.

S. III. Autres questions sur le Gibier.
V. les articles Chasse et Fermier, S. 1.

(1) V. le Répertoire de jurisprudence, au mot Fourmorture, S. 8.

GRACE. S. I. 10 Quel est, par rapport aux incapacités que l'art. 3 de la loi du 28 fructidor an 7 et l'art. 28 du Code pénal font résulter de la condamnation à des peines afflictives temporaires, l'effet des lettres de Gráce obtenues par le condamné avant l'exécution du jugement?

2o Quel est, par rapport aux mêmes incapacités, l'effet des lettres de Gráce obtenues par le condamné, après que le jugement a reçu un commencement d'exécution? Pour que les lettres de Gráce fassent cesser ces incapacités, est-il nécessaire qu'elles soient suivies de lettres de réhabilitation?

30 Que faudrait-il décider à cet égard, sí les lettres de Gráce contenaient une clause qui réintégrát expressément le condamné dans ceux de ses droits civils dont il a encouru la privation?

4o Cette clause ne doit-elle pas toujours être sous-entendue dans les lettres de Gráce obtenues, soit par le condamné à une peine afflictive temporaire qu'il a entièrement subie, soit par le condamné à la dégradation civique?

I. Avant de m'expliquer sur ces différens objets, je dois rendre compte d'un avis des comités de législation, des finances et de la guerre, du conseil d'état, du 21 décembre 1822, approuvé par le roi le 18 janvier 1823, et inséré au Bulletin des lois, no 579, 7e série.

Cet avis commence par annoncer que les trois comités sont réunis pour résoudre la question de savoir si, d'après l'art. 3 de la loi du 28 fructidor an 7, portant que le droit à la solde de retraite se perd par des condamnations à des peines afflictives ou infamantes jusqu'à réhabilitation, « les militaires re» traités qui, condamnés à des peines afflic»tives ou infamantes, ont subi leur ju»gement, ou ont été grâciés, doivent jus»tifier de leur réhabilitation légale, pour » être remis en jouissance de leurs pen

>>sions ».

Il divise ensuite cette question générale en cinq:

La première, « si les pensionnaires con» damnés à des peines afflictives ou infa» mantes, qui ont fini le temps de leur peine, » sont obligés d'être réhabilités pour rentrer » dans leur pension »> ;

La seconde, « si l'on peut, pendant la durée » de leur peine, accorder, à titre de secours, » une partie de leur pension à leurs femmes » ou à leurs enfans » ;

La troisième, « si les lettres de Grâce

n pleine et entière accordées avant toute exécution du jugement de condamnation, » peuvent tenir lieu de réhabilitation »;

La quatrième, « si les lettres de Grâce ac» cordées après l'exécution du jugement, et » qui ne contiendraient aucune clause rela»tive à la rehabilitation du condamné, dis» pensent de l'exécution des dispositions du » Code de procédure criminelle relatives à la » réhabilitation »;

La cinquième, « si les lettres de Grâce » peuvent, pour une clause explicite, dis» penser des formalités prescrites par le Code » d'instruction criminelle pour la réhabilita>>tion ».

Puis, reprenant successivement chacune de ces questions, dont la seconde est étrangère à celle dont je m'occupe ici, il continue en

ces termes :

« Considérant, sur la première question, que la loi du 28 messidor an 7 sur les pensions militaires, et l'ordonnance du 27 août 1814, qui en reproduit littéralement les dispositions, portant en termes exprès, que la perte des pensions causée par les condamnations à peine afflictive ou infamante, dure jusqu'à la réhabilitation; et qu'ainsi, elles imposent spécialement à cette classe de condamnés une obligation dont on ne pourrait les dispenser sans violer le texte même de la loi....;

» Considérant, sur la troisième question, qu'en matière criminelle, nul jugement de condamnation ne peut produire d'effet avant l'exécution; que, lorsque la Grâce a précédé l'exécution, les incapacités légales ne sont pas encourues; que, par conséquent, il ne peut y avoir lieu, dans ce cas, à solliciter des lettres de réhabilitation, puisque la réhabilitation n'a pour objet que de relever le condamné des incapacités légales auxquelles il a été réellement soumis ;

» Considérant, sur la quatrième question, que l'art. 68 de la charte a maintenu les lois qui n'y sont pas contraires; que la nécessité de la réhabilitation, imposée par le Code d'instruction criminelle au condamné, pour qu'il soit relevé des incapacités légales encourues par l'exécution du jugement, n'a rien de contraire à l'art. 67 de la charte, qui donne au roi le droit de faire Grâce et de commuer la peine;

» Qu'en effet la Gráce et la réhabilitation different essentiellement, soit dans leur principe, soit dans leurs effets;

» Que la Gráce dérive de la clémence du roi; la réhabilitation de sa justice;

» Que l'effet de la Grâce n'est pas d'abolir

le jugement, mais seulement de faire cesser la peine;

» Qu'aux termes du Code d'instruction criminelle, le droit de réhabilitation ne commence qu'après que le condamné a subi sa peine;

» Que l'effet de la réhabilitation est de relever le condamné de toutes les incapacités, soit politiques, soit civiles, qu'il a encou

rues;

» Que ces incapacités sont des garanties données par la loi, soit à la société, soit aux tiers, et que la Grâce accordée au condamné ne peut pas plus le relever de ces incapacités que de toutes les autres dispositions du jugement qui auraient été rendues en faveur des tiers;

» Considérant, sur la cinquième question, que la prérogative royale ne s'étend pas jusqu'à dispenser des obligations qui leur sont imposees en vertu des lois maintenues par la charte, et dont ils ne pourraient être relevés que par la puissance législative;

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>>

4° Que la Grace accordée après l'exécution du jugement ne dispense pas le gràcié de se pourvoir en réhabilitation, conformement aux dispositions du Code d'instruction criminelle;

» 50 Que les lettres de Grâce accordées après l'exécution du jugement, ne peuvent contenir aucune clause qui dispense des forcriminelle pour la réhabilitation ». malites prescrites par le Code d'instruction

S'il en était de cet avis comme de ceux du conseil d'état qu'avait créé la constitution du 22 frimaire an 8, c'est-à-dire, s'il était obligatoire pour les tribunaux, par cela seul qu'il a été revêtu de l'approbation du chef du gouvernement et inséré au Bulletin des lois, les quatre questions proposées en tête de ce paragraphe, se trouveraient, par les solutions qu'il donne expressément aux deux premières et implicitement aux deux autres, à l'abri de toute controverse. Mais, comme on l'a vu dans le Répertoire de jurisprudence, au mot Interprétation, no 3, il n'en est pas ainsi; et dès-lors, il devient indispensable d'examiner

ces questions comme si elles étaient parfaite- conséquent à reculer jusqu'au jour de l'exé ment entières.

II. Sur la première, il semblait d'abord que l'avis cité fút en opposition tant avec le texte de la loi du 28 fructidor an 7, qu'avec celui du Code pénal. En effet, ce n'est pas de l'exécution du jugement qui condamne à une peine afflictive ou infamante, c'est de la condamnation elle même, que l'art. 3 de l'une et l'art. 28 de l'autre font dériver les incapacités qu'ils prononcent. Comment donc ces incapacités ne seraient-elles pas encourues lors même que le jugement reste sans exécucution? Et comment les lettres de Grâce accordées avant l'exécution du jugement, auraient-elles la vertu de prévenir, d'empêcher de naître, des incapacites qu'elles ne feraient pas cesser, suivant le mème avis, si elles étaient accordées après l'exécution?

Mais ce n'est là qu'une fausse apparence. Les art. 22, 23 et 24 du Code civil s'expriment, par rapport à la mort civilé, de la même manière que la loi du 28 fructidor an 7 et le Code pénal, par rapport aux incapacités encourues par les condamnés à des peines afflictives temporaires ou simplement infamantes; on ne peut donc pas entendre les dispositions de la loi du 28 fructidor an 7 et du Code pénal concernant celles-ci, dans un autre sens que les dispositions du Code civil concernant celle-là. Or, les art. 26 et 27 du Code civil déclarent expressément que les condamnations à des peines emportant la mort civile, ne produisent cet effet, lorsqu'elles sont contradictoires, qu'à compter du jour de leur exécution, soit réelle, soit par effigie, et lorsqu'elles sont par contumace, qu'à compter du même jour suivi d'un laps de cinq années. Ce n'est donc aussi qu'à compter du jour de leur exécution, que les condamnations, soit à des peines afflictives temporaires, soit à des peines simplement infamantes, peuvent produire les incapacités qu'elles entraînent.

du

Qu'on ne dise pas que les art. 26 et 27 Code civil en modifient les art. 22, 23 et 24; que, sans cette modification, les art. 22, 23 et 24 devraient être entendus et appliqués littéralement, et qu'il en résulterait que la mort civile est encourue dès le jour du jugement dont ils la font dériver; mais qu'il n'y a, ni dans la loi du 28 fructidor an 7, ni dans le Code penal, aucune disposition qui modifie de même l'art. 3 de l'une et l'art. 28 de l'autre; qu'ainsi, rien n'autorise à entendre et appliquer l'art. 3 de l'une et l'art. 28 de l'autre, autrement que dans leur sens littéral, ni par

cution des jugemens, les incapacités qu'ils attachent au jugement même.

Quel est l'objet des art. 26 et 27 du Code civil? Ce n'est pas de modifier les art. 22, 23 24 du même Code, c'est simplement de les expliquer. Et par quel motif les expliquentils comme ils le font? Est-ce par un motif particulier à la mort civile? Non, c'est par un motif commun à toutes les condamnations en matière criminelle, et qui par conséquent s'applique aux condamnations à des peines afflictives temporaires ou simplement infamantes, tout aussi bien qu'aux condam. nations à la peine de mort, à celle des travaux forcés à perpétuité, ou à celle de la déportation; en un mot, c'est, comme l'a dit M. Tronchet, à la séance du conseil du 16 thermidor an 9, parcequ'en matière criminelle, comme en matière civile, un jugement n'est rien, tant qu'on n'en fait pas usage (1).

Quelle raison y aurait-il, dès lors, pour ne pas étendre, tant à l'art. 3 de la loi du 28 fructidor an 7, qu'à l'art. 28 du Code penal, l'interprétation donnée par les art. 26 et 27 du Code civil aux art. 22, 23 et 24 du mème Code? Cette extension n'est pas seulement commandée par l'une des règles les plus constantes du droit romain sur la manière d'appliquer et d'interpréter les lois (2), elle l'est encore par l'absurdité à laquelle en conduirait nécessairement le rejet. Supposons, en effet, qu'un notaire soit appelé dans une prison pour recevoir le testament d'un détenu prêt à expirer; qu'il lui manque un des quatre témoins requis par l'art. 971 du Code civil, et qu'il soit réduit, pour le choix du quatrième, à opter entre un prisonnier qui vient d'être condamné à la peine des travaux forcés à perpétuité, et un autre prisonnier qui vient de l'être à la peine des travaux forcés à temps s'il choisit le premier, le testament ne pourra pas être impugné de ce chef, parceque ce prisonnier n'est pas encore mort civilement, et que par conséquent il n'est pas encore atteint par la disposition de l'art. 25 du Code civil qui declare que le mort civilement ne peut être témoin dans un

(1) Procès-verbal de la discussion du Code civil au conseil d'état, tome 1, page 62, de l'édition officielle.

gibus aut senatus consultis comprehendi; sed cùm (2) Non possunt omnes articuli sigillatim aut lein aliquâ causa sententia eorum manifestá est, is qui juridictioni præestad similia procedere atque ità jus dicere debet. (Loi 12, D. de legibus).

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