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S. X. 10 Dans les cas où les juges sont astreints à prendre préalablement l'avis d'Experts, la contravention à cette règle donne-t-elle ouverture à cassation?

2o Peuvent-ils, lorsqu'ils trouvent le rapport des Experts fautif et incohérent, juger d'après leur propre conviction, sans ordonner une nouvelle expertise?

30 Peuvent-ils, en matière d'enregistrement, ordonner une nouvelle expertise, lorsque le rapport des Experts leur parait insuffisant?

I. Un tribunal d'arbitres forcés avait été formé, en exécution de la loi du 10 juin 1793, pour statuer sur des difficultés élevées entre la commune de Saint-Maurice-de-Gourdans et le sieur de Montlivet, relativement à la propriété d'un bois appelé Lacombe du Bion. Le 23 pluvióse an 2, jugement qui ordonne que deux des arbitres se transporteront sur les lieux contentieux, pour y prendre les renseignemens nécessaires.

Le transport s'effectue; et sur le compte qu'en rendent les arbitres commis, il intervient, le 14 ventôse suivant, un jugement définitif qui prononce en faveur de la com

mune.

En 1817, le sieur de Montlivet se pourvoit

en cassation contre ce jugement qui ne lui a pas encore été signifié.

Et le 3 novembre 1818, arrêt contradictoire, au rapport de M. Boyer, par lequel, << Vu les art. 13 et 14 de la sect. 4 de la loi du 10 juin 1793, lesquels sont ainsi conçus, savoir, l'art. 13 dans le cas où il serait nécessaire de faire quelques vérifications, les arbitres nommeront des gens de l'art, poury procéder; et l'art. 14: les Experts nommés pour la vérification, y procéderont parties présentes ou dúment appelées, en dresseront procès-verbal qui sera signé par eux et par les parties, si elles savent le faire; autrement, il en sera fait mention;

» Et attendu que ces articles interdisent aux arbitres la faculté de'se constituer en Experts pour procéder par eux-mêmes aux vérifications des faits que la cause peut exiger, et leur ordonnent au contraire de nommer à cet effet des gens de l'art, lesquels ne peuvent opérer que les parties présentes ou dûment appelées;

» Que cependant, dans l'espèce, les arbitres ont, par jugement du 23 pluviose an 2, commis deux d'entre eux pour se transporter sur les lieux et y vérifier par eux-mêmes l'assiette, les confins et la contenance du bois

litigieux, mission qui était uniquement du ressort des gens de l'art;

» Que, d'un autre côté, ce transport et cette vérification ont eu lieu hors la présence des parties et sans qu'aucune d'elles y eût été appelée;

>> En quoi ces arbitres ont tout à la fois excédé leurs pouvoirs et directement contrevenu aux art. 13 et 14 précités;

» Par ces motifs, la cour casse et annulle... ».

II. La seconde question s'est élevée en matière d'enregistrement, et là elle ne pouvait être décidée que négativement: car, dans ces sortes d'affaires, l'avis des Experts lie les juges (1); et par conséquent les juges ne peuvent pas, lorsqu'ils trouvent le rapport des Experts fautif et incohérent, se dispenser d'ordonner une nouvelle expertise. C'est ce qu'a décidé, dans l'espèce suivante, un arrêt

de la cour de cassation.

En 1797, acte sous seing-privé par lequel le sieur Chaléas acquiert le domaine de Perrouillet, situé dans l'arrondissement de Valence, pour le prix de 16,000 francs.

Cette vente ne parvient à la connaissance de la régie de l'enregistrement, qu'en 1812.

dans l'acte, ne répond pas à la valeur de
La régie soutient alors que le prix exprimé
l'immeuble à l'époque de la vente; et elle
demande que l'estimation en soit faite par
loi du 22 frimaire an 7.
une expertise, conformément à l'art. 17 de la

Des Experts sont nommés en conséquence; et par leur rapport, ils estiment l'immeuble 22,000 francs, valeur de 1797.

La régie conclud à l'entérinement de ce rapport.

Le sieur Chaléas prétend, au contraire, que les Experts se sont trompés, que leur rapport même le prouve, et qu'il y a lieu, sans s'arrêter à ce rapport, de rejeter la demande de la régie.

Le 15 janvier 1814, jugement qui le rejette en effet,

« Attendu que le rapport des Experts ne porte le produit annuel du domaine de Perrouillet, qu'à une somme de 500 francs; qu'un revenu annuel de 500 francs ne saurait produire un capital de 22,000 francs, d'après le rapport qui existe communément, dans les

(1) V. l'arrêt de la cour de cassation, du 7 mars 1808, rapporté dans le Répertoire de jurisprudence, aux mots Enregistrement (droit d'), §. 29, n° 6.

environs de Valence entre le produit d'un immeuble et sa valeur vénale; et que les Experts, en fixant cette valeur arbitraire, ne sont partis d'aucune base, et n'ont pas même établi une comparaison entre l'immeuble qu'ils étaient chargés d'estimer, et ceux qui avaient pu être vendus vers la même époque dans les lieux circonvoisins, ainsi que le prescrit l'art. 17 de la loi du 22 frimaire an 7;

» Qu'aux termes de l'art. 323 du Code de procédure civile, les juges ne sont pas astreints de suivre l'avis des Experts, lorsque leur conviction s'y oppose;

» Que, dans l'espèce, celui qui est relatif à la fixation du capital d'après le produit annuel, est visiblement erroné, puisqu'il tendrait à établir qu'un immeuble ne produirait annuellement qu'un intérêt de deux et un quart pour cent; et que le prix porté dans l'acte de vente, paraît être le véritable prix du domaine de Perrouillet d'après son produit annuel ».

La régie se pourvoit en cassation contre ce jugement, et par arrêt du 17 avril 1816, au rapport de M. Gandon,

« Vu l'art. 7 de la loi du 22 frimaire an 7...; » Considérant que, quand la loi a indiqué l'expertise comme moyen spécial de vérifier la valeur vénale des immeubles dont la régie croit que le prix est dissimulé dans les contrats ou déclarations, les juges ne peuvent substituer leur propre estimation à celle des Experts; que, si l'opération des Experts leur paraît fautive ou incohérente dans les estimations qu'ils ont données séparément au produit annuel de l'immeuble et à sa valeur vénale, ils peuvent ordonner d'office une nouvelle expertise, et exiger que les nouveaux Experts donnent leur avis sur les points qu'il paraîtra nécessaire aux juges d'éclaircir ou d'expliquer; que tel est le moyen qu'aurait dû employer le tribunal de Valence, d'après l'erreur qu'il a cru remarquer entre l'estimation du produit, et celle de la valeur vénale; mais il n'a pu faire lui-même l'estimation sans contrevenir à l'article cité qui veut que cette estimation soit faite par Experts;

» Par ces motifs, la cour casse et annulle... ».

Aurait on pu juger de même dans une matière ordinaire?

Je ne le pense pas. D'une part, en effet, i art 322 du Code de procédure civile n'oblige pas les juges, mais les autorise seulement à ordonner une nouvelle expertise, lorsqu'ils ne trouvent point dans le rapport les éclaircissemens suffisans; de l'autre, l'art. 323 dé

clare expressément qu'ils ne sont point assujétis à suivre l'avis des Experts, « si leur con»viction s'y oppose » ; et ni l'un ni l'autre article n'excepte de sa disposition les cas où une expertise préalable est commandée par la loi.

III. La troisième question est implicitement résolue par l'arrêt rapporté au no précédent. Car cet arrêt suppose évidemment que les juges ont, en matière d'enregistrement, comme en tout autre, le pouvoir d'ordonner une nouvelle expertise, lorsque le rapport d'Experts qu'ils ont sous les yeux, leur offre des omissions, des négligences, des défectuosités quelconques, qui laissent à leur conscience quelques éclaircissemens de plus à désirer.

Et c'est ce qu'avait effectivement décidé un arrêt de la cour de cassation, de l'année précédente.

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Le sieur de Varicourt a réclamé contre cette estimation, qu'il a présentée comme irrégulière en ce que les Experts n'avaient évalué le domaine qu'en bloc, et que, par là, ils l'avaient mis hors d'état de relever les erreurs qu'ils avaient pu commettre relativement à chaque corps de biens dont le domaine était composé; et il a, sur ce fondement, conclu à une nouvelle expertise.

La régie a soutenu, au contraire, que le rapport était régulier, que les Experts ne l'avaient fait, comme il le constatait luimême, qu'après s'être transportés sur tous les immeubles et en avoir examiné en détail la nature et la situation; en conséquence, elle s'est opposée à la nouvelle expertise.

Le 1er octobre 1812, jugement du tribunal civil d'Abbeville, qui, « attendu que le pro» cès-verbal dont il s'agit, est insuffisant, » puisqu'il contient une estimation en bloc » du domaine, ce qui met le défendeur dans » l'impossibilité d'apercevoir les erreurs ou » omissions qui auraient pu s'y glisser, dé» clare ce procès-verbal nul, et ordonne qu'il

» sera procédé à une nouvelle estimation >> par d'autres Experts ».

La régie se pourvoit en cassation contre ce jugement.

Ce n'est pas comme irrégulier, dit-elle, ce n'est que comme insuffisant, que les juges d'Abbeville ont annulé le rapport d'Experts et en ont ordonné un nouveau.

Sans doute, s'il était irrégulier, il faudrait ordonner une nouvelle expertise, parcequ'il n'aurait d'existence aux yeux de la loi.

pas

Mais l'annuler comme insuffisant, et, sous ce prétexte, ordonner une nouvelle expertise, c'est ce que les juges ne peuvent pas faire en matière d'enregistrement.

Dans cette matière, en effet, le rapport, par cela seul qu'il est régulier, lie les juges: ainsi l'a décidé l'arrêt de la cour de cassation du 7 mars 1808.

Mais si les juges sont liés par le rapport, comment pourraient-ils le mettre de côté, sous le prétexte qu'il est insuffisant?

Il faudrait, pour cela, que l'on pût appliquer aux matières d'enregistrement, la disposition de l'art. 322 du Code de procédure

civile.

Mais bien évidemment on ne le peut pas : en matière d'enregistrement, les expertises ne sont soumises qu'aux règles spéciales que renferme la loi du 22 frimaire an 7.

Sur ces moyens, arrêt de la section des requêtes qui admet le recours de la régie. Le sieur de Varicourt se présente devant la section civile, et établit

Qu'un rapport irrégulier et un rapport insuffisant sont également défectueux; qu'à la vérité, un rapport insuffisant fait foi de son contenu, mais qu'il n'en est pas moins un acte imparfait; et que, puisqu'il ne fournit pas aux juges tous les renseignemens dont ils ont besoin, il ne peut pas servir de base à leur décision;

Que, si, en matière d'enregistrement, le rapport des experts lie les juges, c'est que l'art. 17 de la loi du 22 frimaire an 7, ou plutôt la manière dont l'a interprété l'arrêt du 7 mars 1808, fait exception à l'art. 323 du Code de procédure civile;

Mais que nulle loi spéciale n'a dérogé, pour les matières d'enregistrement, à l'art. 322 du même Code;

Et que les lois spéciales doivent, en ces matières, comme en toute autre, être restreintes à leurs termes précis.

D'après cette défense, arrêt du 24 juillet 1815, au rapport de M. Ruperou, par lequel,

« Attendu qu'il n'existe aucune disposition législative qui, en matière d'enregistrement, interdise aux juges d'ordonner, pour éclairer leur religion, une nouvelle expertise, lorsque le procès-verbal des premiers Experts leur paraît défectueux ou insuffisant;

» Attendu que c'est aux premiers juges, et non à la cour de cassation, qu'il appartient d'examiner si les opérations des Experts sont suffisantes;

» Par ces motifs, la cour rejette le pourvoi.... ».

Au surplus, V. l'article Opposition (tierce), S. 6.

EXPLOIT. §. I. 1o Doit-on regarder comme nul, un Exploit d'assignation dans le quel l'huissier atteste avoir parlé au domestique, serviteur ou commis de la partie, sans ajouter le nom de ce domestique, serviteur ou commis, et sans constater le refus de celui-ci de le déclarer?

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20 Que devrait-on décider, si l'huissier avait dit, parlant à un domestique, à un serviun commis, sans exprimer que ce fut le domestique, le serviteur ou le commis de la partie elle-même ?

teur,

30 Lorsque l'huissier a désigné nominativement la personne à laquelle il a parlé, mais n'a pas exprimé ses rapports avec la partie assignée, l'Exploit est il valable, s'il vient à étre reconnu que cette personne appartient à la famille de la partie même ?

4 L'assignation serait-elle valable, s'il y était dit simplement que l'huissier a parlé aux DOMESTIQUES de la partie?

I. La première de ces questions s'est présentée dans l'espèce suivante :

Le 23 messidor an 11, arrêt de la cour de cassation, section des requêtes, qui admet la demande de François Perthon et Louise Jaillette, son épouse, en cassation d'un arrêt de la cour d'appel de Bourges, rendu en faveur de Jeanne Commaille, veuve de Gilles Jaillette.

Le 20 thermidor suivant, signification de cet arrêt à la veuve Jaillette, avec assignation à comparaitre, dans le délai du réglement, devant la section civile. L'huissier déclare, par son exploit, en avoir laisse copie à la salariée de la veuve Jaillette, ainsi, ajoute-t-il, qu'elle m'a dit être.

Après l'expiration des trois mois qui ont suivi la date de l'arrêt d'admission, la veuve Jaillette demande la nullité de l'Exploit du 20 thermidor, et conclud, en conséquence, à ce que François Perthon et sa femme soient déchus de leur recours.

« L'ordonnance de 1667, tit. 2, art. 3, porte (ai-je dit à l'audience de la section civile, le 18 nivôse an 12) que tous Exploits d'ajournement seront faits à personne ou domicile; et sera fait mention en l'original et en la copie, des personnes auxquelles ils auront été laissés, à peine de nullité. Dès-là, point de doute que l'Exploit dont il s'agit, ne soit nul, s'il ne fait pas mention de la personne à laquelle il a été laissé.

» Or, peut-on regarder comme équipollens à cette mention, les termes, parlant à sa salariée, ainsi qu'elle m'a dit étre?

» L'affirmative paraît sans difficulté au com. mentateur Jousse : il suffit ( dit-il) de spécifier la personne à laquelle cette copie a été laissée, en la désignant par sa qualité, comme si c'est un portier ou un serviteur, sans être obligé de faire mention du nom de ces per

sonnes.

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Pothier, dans son Traité de la procédure civile, chap. 1, art. 4, no 5, tient le même langage: Par rapport à la partie assignée, l'acte d'ajournement doit contenir une mention de la personne à qui la copie a été laissée (tit. 2, art. 3...). L'huissier n'est pas obligé de nommer cette personne, que souvent il ne connaît pas : il suffit qu'il fasse mention que c'est à un homme, à une femme, au portier, à la servante, etc.

» Mais cette doctrine est-elle conforme au texte de l'ordonnance? Est-ce faire mention de la personne à qui un exploit est laissé, que de la désigner par une qualité qui peut s'appliquer à plusieurs, qui ne la signale pas individuellement, qui laisse de l'incertitude si c'est à tel ou tel que l'huissier a parlé?

» Non, répondent les nouveaux éditeurs de la Collection de Brillon, tome 7, page 740: Quand l'huissier ( disent-ils ) porte l'Exploit au domicile de la partie, et que ce n'est point à elle-même qu'il remet l'Exploit, parlant à sa personne, il doit alors énoncer celui ou celle des gens de la maison à qui il a parlé et laissé l'Exploit ; il n'est point tenu d'exprimer le NOM, si on refuse de le dire; mais il doit exprimer la qualité et le sexe, EN FAISANT MEN

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les études des procureurs qu'un ou plusieurs clercs, ils doivent mettre le nom du clerc, ou faire mention qu'il a refusé de dire son nom. » Ils ajoutent que, par des arrêts du parlement de Paris, des 22 août 1698, 17 août 1716 et 16 mars 1717, il a été préjugé que l'omission de cette formalité, dans une assignation en retrait, la rendait nulle. Mais nous avons vérifié les espèces de ces arrêts, d'après le compte que ces auteurs en rendent euxmêmes, pages 778 et 779 du tome cité; et nous n'y avons rien trouvé, absolument rien, qui puisse faire seulement soupçonner qu'ils aient préjugé ce que ces écrivains leur attribuent.

» Enfin, ils s'appuient sur un arrêt du même parlement, du 13 mars 1755, qu'ils citent, d'après Cotereau, Droit général de France, no 10,352, comme ayant déclaré nulle une assignation en retrait donnée au sieur Gaudin, sur le motif que l'huissier avait omis de faire mention du nom de celui à qui il avait laissé l'Exploit, ET FAUTE AUSSI PAR LE

RETRAYANT D'AVOIR OFFERT LE SORT PRINCIPAL.

L'assignation (continuent-ils) portait, PARLANT A SON CLERC, AINSI QU'IL A DIT ÊTRE, pour LUI FAIRE SAVoir, ce qu'il a PROMIS FAIRE, ET A refusé de SIGNER, DE CE SOMMÉ ET INTERPELLÉ. (Et il est à remarquer que) le sieur Gaudin avouait n'avoir eu qu'un clerc; (en sorte que, suivant lui) la personne était désignée de manière à ne pouvoir s'y méprendre.

» Mais d'abord, vous voyez que, dans l'espèce sur laquelle a prononcé cet arrêt, on opposait à Gaudin deux nullités; et qu'il est très-possible que le parlement de Paris se soit attaché uniquement celle que l'on faisait résulter du défaut d'offre du sort principal dans l'Exploit de retrait.

>> Ensuite, Cotereau lui-même atteste qu'une assignation en retrait donnée à la requête du marquis d'Herdigneul, au domicile du sieur de Bassecourt, PARLANT A SA SERVANTE, sans faire mention du nom ni du refus de le déclarer, a été jugée valable par arrêt du... 1743, lors duquel on en cita un semblable du 10 avril 1726.

» Et cet auteur est bien éloigné d'approuver la prétendue décision de l'arrêt de 1755: L'ordonnance (dit-il ) n'exige que la mention de la personne: lorsqu'on peut suffisamment la faire connaître, sans exprimer son nom, on peut en faire mention sans la nommer. On voit tous les jours des assignations où il est simplement dit, PARLANT AU PORTier, au suisse, A LA SERVANTE, et dont on ne conteste pas la validité.

» Enfin, il est d'autant moins probable que

l'arrêt de 1755 ait jugé ce que lui prêtent les nouveaux éditeurs du recueil de Brillon, que, dans l'Exploit sur lequel il a statue, il était dit que le clerc à qui avait parlé l'huissier, avait refusé de signer, de ce sommé et interpellé; sommation et refus qui, comme l'observe Cotereau, contenaient implicitement l'interpellation et le refus de dire son nom, parcequ'on ne peut signer sans faire connaître son nom.

» Ainsi, d'une part, nous avons, pour la validité de l'Exploit dont il est ici question, les suffrages de Jousse, de Pothier, de Cotereau, et deux arrêts du parlement de Paris, l'un de 1726, l'autre de 1743, dont celui de 1755 n'affaiblit pas l'autorité.

» De l'autre, nous avons, pour sa nullité, un acte de notoriété du châtelet de Paris, et la doctrine des jurisconsultes assurément trèsestimables, qui ont donné une nouvelle forme au premier volume du Dictionnaire de Brillon, et auxquels on ne peut guère faire d'autre reproche, que de n'avoir pas continué un ouvrage aussi bien commencé.

» Dans ce conflit d'autorités, quel sera le fil qui nous dirigera vers le sens veritable de la loi? Le trouverons-nous dans vos jugemens? On peut en citer plusieurs; mais sont-ils tous dans l'espèce précise qui s'offre en ce moment à votre examen?

» Le 19 messidor an 6, la section criminelle avait rendu, sur la demande de la dame Sirey, un jugement qui cassait un arrêt du parlement de Paris, du 6 avril 1789, rendu en faveur du mineur Roquelaure.

» Le mineur Roquelaure forma opposition à ce jugement, et prétendit, entre autres choses, que la dame Sirey n'était plus dans le délai du recours en cassation. Pour le prouver, il représenta l'Exploit de la signification qu'il avait, depuis plusieurs années, fait faire de l'arrêt du 6 avril 1789, à la dame Sirey, en son domicile, au couvent de l'assomption, à Paris, en parlant à une tourière.

» La dame Sirey répondit que cette signification était nulle, par le défaut de désignation nominative de la personne à qui l'huissier avait parlé.

» Le mineur Roquelaure, de son côté, soutint que les expressions, parlant à une tourière, remplissaient suffisamment le vœu de la loi.

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jugement, il n'a point couru contre la dame Sirey, si l'Exploit de signification aujourd'hui représenté de la part du mineur Roquelaure, n'est pas revêtu des formalités prescrites par l'ordonnance, pour constater que la copie en soit parvenue à la dame Sirey; que l'art. 3 du tit. 2 de l'ordonnance de 1667 prescrit expressément et à peine de nullité, que tous Exploits d'ajournement feront mention, l'original et en la copie, DES PERSONNES auxquelles ils auront été laissés; que l'art. 12 du tit. 27 de la méme ordonnance veut que les significations des jugemens soient faites avec toutes les formalités qui doivent avoir lieu pour les ajournemens ;

en

» Que l'Exploit de signification produit de la part du mineur Roquelaure, annonce simplement qu'il a été fait EN PARLANT A UNE TOURIÈRE, sans dire son nom, sans que rien prouve qu'elle ait été interpellée de le déclarer et qu'elle l'ait refusé; que ce mot tourière, considéré en lui-même, désigne une qualité et non une PERSONNE, surtout lorsque, dans le couvent où demeurait cette TOURIÈRE, il y avait plusieurs femmes occupées des mêmes fonctions; et que cette énonciation vague, EN PARLANT A UNE TOURIÈRE, ne remplit pas, dès lors, le vœu de l'ordonnance, qui veut impérieusement qu'il soit fait mention, dans les significations comme dans les ajournemens, des personnes auxquelles la copie en aura été laissée..... ;

» Le tribunal, sans s'arrêter ni avoir égard aux fins de non-recevoir proposées par ledit mineur Roquelaure contre la demande en cassation de ladite dame Sirey, rejette ladite opposition du mineur Roquelaure, et ordonne que son précédent jugement, du 19 messidor dernier, sera exécuté selon sa forme et te

neur.

» Jean et Pierre Cassaigne, père et fils, avaient appelé d'un jugement rendu à leur désavantage; et l'Exploit contenant leur acte d'appel, avait été signifié au domicile de leur adversaire, en parlant à une citoyenne. Par jugement du 12 nivôse an 7, le tribunal civil du département de la Charente Inférieure déclara cet exploit nul, comme ne renfermant point la mention prescrite par l'art. 3 du tit. 2 de l'ordonnance de 1667. Jean et Pierre Cassaigne se sont pourvus en cassation; mais par jugement contradictoire du 21 fructidor an 8, au rapport du cit. Delacoste, vous avez rejeté leur requête, attendu que le jugement du tribunal civil du département de la Charente Inférieure dont il s'agit, en appliquant à la signification de l'acte d'appel dont il est question, la disposition de l'art. 3 du

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