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suivie par les créanciers d'une succession de laquelle proviennent les biens qui en sont l'objet?

4o Peut-elle l'être par un militaire débiteur par acte authentique emportant exécution parée ?

50 Fait-elle obstacle à l'Expropriation partielle d'un immeuble commun par indivis entre un militaire et un nonmilitaire, tous deux obligés à la même dette, comme héritiers du débiteur originaire qui leur a transmis ce bien ?

6o Peut-elle être écartée par une caution que le créancier poursuivant n'offre qu'après la saisie?

7o Peut-elle l'ètre par une caution offerte avant la saisie même ?

I. Sur la première question, l'affirmative résulte clairement de ce qui est dit dans le Répertoire de jurisprudence, aux mots Absent, observations sur l'art. 113 du Code civil, nos 5 et 6, et sur l'art. 136 du même Code, no 5, Divorce, sect. 4, S. 9, Expropiration forcée, no 2, et Prescription, sect.1,§. 7, art. 2, quest.7.

II. Sur la seconde question, la cour d'appel d'Aix avait embrassé la négative par un arrêt du 11 octobre 1813, rendu au préjudice du sieur Degras de Preigne; mais cet arrêt a été cassé, en ces termes, le 6 février 1814, au rapport de M. Carnot,

ni

«Vu l'art. 4 de la loi du 6 brumaire an 5; » Attendu que, lors même qu'il faudrait tenir pour constant que le demandeur ne pourrait être considéré comme ayant été en activité de service à compter de sa désignation pour faire partie des gardes d'honneur, même à compter du jour qu'il se serait mis en route pour rejoindre son corps, mais seulement à compter du jour qu'il serait arrivé au corps, et qu'il aurait été enregistré sur le controle de son régiment, la cour d'appel d'Aix n'en aurait moins violé les dispositions de l'art. 4 de la loi du 6 brumaire an 5, puisque, dès le 15 juin, il avait été porté sur le contrôle du 4e régiment des gardes d'honneur, et que ce ne fut que le 20 août suivant qu'il fut dépossédé;

pas

» Que ce ne fut, en effet, qu'à cette époque du 20, qu'en exécution du jugement du même jour, qui avait débouté le demandeur de son opposition aux contraintes, il fut procédé à l'adjudication des biens saisis; et que ce n'est que par la sentence d'adjudication, que le débiteur saisi se trouva réellement depossédé;

» Que la notification de la saisie réelle modific bien l'exercice de la propriété dans les

mains du débiteur saisi, mais qu'elle ne le dépossède pas ce qui résulte clairement des dispositions de l'art. 693 du Code de procédure civile, qui maintient la vente qu'a pu faire le debiteur de ses immeubles saisis, depuis la notification qui lui a été faite de la saisie, lorsqu'il consigne, avant l'adjudication, somme suffisante pour acquitter les créanciers inscrits;

>> Qu'il importe peu, dès lors, que, dans l'espèce, la saisie reelle ait ete notifiée au demandeur avant son arrivée au corps dans lequel il a été incorporé, des que la sentence d'adjudication n'a eté rendue que postérieurement à cette époque;

» Que l'art. 4 de la loi de brumaire an 5 ne permet pas, en effet, que les militaires en service aux armees, soient depossedes pendant leur activite de service; d'où il suit qu'en confirmant l'adjudication des biens saisis, faite en exécution de la sentence du 20 août 1813, quoique, dès le 15 juin precedent, le demandeur fut en activité le service au 4e régiment des gardes d'honneur, la cour d'appel d'Aix a ouvertement violé les dispositions dudit article;

»Par ces motifs, la cour casse et annulle....».

III. La troisième question a été jugée contre le militaire, par un arrêt de la cour d'appel de Paris, du 10 mai 1810.

La veuve Roché avait souscrit, devant notaires, au profit des sieurs Ablon et Lavinée, une obligation qu'elle n'avait pas remplie avant son decès.

Ses enfans, au nombre desquels se trouvait Jean-Baptiste Roche, militaire en activité de service, ayant accepté purement et simplement sa succession, les sieurs Ablon et Lavinée leur firent des commandemens de payer: et à defaut de paiement, poursuivirent la saisie immobilière d'une partie des biens qu'elle leur avait laissés.

Jean-Baptiste Roché réclama, ainsi que ses frères et sœurs, contre cette saisie, et fit valoir, entre autres moyens de nullité, la défense faite par la loi du 6 brumaire an 5, d'exproprier, en temps de guerre, les mili

taires en activité de service.

Le 16 décembre 1807, jugement du tribunal de première instance de Joigny, qui rejette son opposition, « attendu que la loi du » 6 brumaire an 5, relative aux droits des dé»fenseurs de la patrie, n'est point applicable » au titre des sieurs Ablon et Lavinee; qu'ils »> ne poursuivent point en vertu d'un juge>>ment rendu contre Jean-Baptiste Roche, » militaire, mais en vertu d'une obligation

» consentie par sa mère, dont il est héritier; » qu'il est de principe que les biens d'un dé» funt n'appartiennent à l'héritier, que dé>>duction faite des dettes de cette succession; » qu'ainsi, les biens de toute succession » échéant à un militaire, peuvent être vendus » pour le paiement des dettes de ces succes>>sions, puisque ni la loi du 6 brumaire, >> ni aucune autre, ne le défendent ».

Et sur l'appel, l'arrêt cité, « adoptant les » motifs des premiers juges, met l'appellation

» au néant ».

Il est douteux que cet arrêt eût échappé à la cassation, si Jean-Baptiste Roché eût pris cette voie pour le faire annuler.

La succession est une manière d'acquérir, comme la vente, l'échange, la donation; ce qu'un militaire possède comme héritier, est donc dans sa propriété, ni plus ni moins que ce qu'il possède comme acheteur, comme échangiste, comme donataire. Une fois qu'il a fait acte d'héritier, il n'y a plus de succession proprement dite; elle devient son patrimoine personnel. Nam per aditionem hereditatis, dit le président Favre (1), desinit esse hereditas fitque patrimonium heredis. Et dès-lors, comment l'art. 4 de la loi du 6 brumaire an 5 ne s'appliquerait-il pas aux immeubles transmis par succession à un mi. litaire, tout aussi bien qu'à ceux qui lui ont été transmis par toute autre voie? Où la loi ne fait aucune distinction, là il n'en peut être fait aucune par le juge.

Sans doute, la succession ne passe à l'héritier, qu'avec la charge des dettes qui la grèvent; mais les biens qui la composent, n'en entrent pas moins dans son domaine comme, de ce qu'aux termes de l'art. 2093 du Code civil, les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers, il ne résulte, ni que ses biens ne continuent pas de lui appartenir, tant que ses créanciers ne l'en

ont

pas fait exproprier dans les formes légales, ni que, parmi ses biens, il ne puisse pas s'en trouver qui, par un privilége particulier, sont insaisissables, soit indéfiniment, soit pendant un certain temps.

Qu'est-ce au surplus que ce prétendu principe, que les biens d'un défunt n'appartiennent à l'héritier, que déduction faite des dettes de cette succession? Rien autre chose que l'abus le plus manifeste d'une maxime que le droit romain avait établie pour un tout autre objet et dans un tout autre esprit.

(1) Rationalia in Pandectas, 1. 25, §. i, de hereditatis petitione.

La loi 39, S. 1, D. de verborum significatione, dit bien que bona intelliguntur cujusque, quæ deducto ære alieno supersunt.

Mais 1o elle ne le dit que pour le patrimoine de chacun, bona cujusque ; elle ne le dit pas pour les successions.

2o Le sens de cette loi n'est pas que les biens de chacun ne lui appartiennent que déduction faite de ses dettes, mais uniquement que, pour déterminer le montant de la fortune de chacun, il faut commencer par défalquer ce qu'il doit. Ainsi, dit la loi 12, D. de Jure dotium, lorsqu'une femme se constitue en dot tous ses biens, elle n'apporte réellement à son mari que ce qui reste après le paiement des dettes dont elle est grevée (1). Ainsi, dit la loi 2, §. 1, D. de Collatione bonorum, la règle ( de l'ancien droit romain) qui veut que le fils émancipé, pour concourir dans la succession du père avec ses frères héritiers siens, rapporte tous ses biens personnels, doit être entendue en ce sens, qu'il déduise, avant tout, son passif, et qu'il rapporte seulement ce qu'il possède de net (2). Ainsi, dit la loi dernière, D. de Usu et usufructu, lorsqu'un testateur lègue l'usufruit de tous ses biens, le légataire n'a droit de jouir que des biens qui restent, toutes dettes payées (3).

30 La maxime dont il s'agit, est si peu ap

pour

plicable aux successions, il est tellement hors de son esprit d'en faire résulter la conséquence qu'il n'y a de succession l'héritier, qu'autant qu'il reste quelque actif après le prelèvement du passif, qu'aux termes de la loi 8, §. 5, D. de Legatis 2o, lorsque l'héritier legue une quotite de la succession qu'il a recueillie, les dettes ne doivent pas être déduites de son legs (4); tandis qu'au contraire, suivant la loi suivante, elles doivent être déduites du legs qui ne porte que sur une quotité des biens (5).

(1) Mulier bona sua omnia in dotem dedit: quæro an maritus quasi heres creditoribus respondere teneatur? Paulus respondit eum quidem qui totȧ, ex repromissione dotis, bona mulieris retinuit, à creditoribus conveniri ejus non posse ; sed non plus esse in promissione bonorum, quàm quod superest deducto ære alieno.

(2) Illud autem intelligendum est filium in bonis habere quod deducto ære alieno superest.

(3) Si bonorum ususfructus legabitur, etiam æs alienum ex bonis deducetur.

(4) Si cui certam partem hereditatis legavero, divus Hadrianus rescripsit ut neque pretia manumissorum neque funeris impensa deducerentur.

(5) Cùm autem pars bonorum ità legatur, BONORUM MEORUM QUÆ SUNT, CUM MORIAR, dos et manumissorum pretia è medio deducenda sunt.

Comment donc l'arrêt du 10 mai 1810 a-t-il pu inférer de cette maxime, que l'héritier n'est censé propriétaire des biens de la succession, qu'à concurrence de ce qui en reste après la défalcation des dettes? Comment a-t-il pu fonder sur une base aussi fausse, l'exception arbitraire qu'il a mise la disposition générale et illimitée de l'art. 4 de la loi du 6 brumaire an 5 ?

On va voir, au surplus, que la cour de cassation a formellement réprouvé cette doctrine, quelques années après.

IV. Les quatre autres questions se sont présentées dans l'espèce suivante :

Le 6 mai 1808, acte notarié par lequel la dame Malacamp reconnaît devoir à la demoiselle Laureillan une somme de 4,482 francs. A défaut de paiement de cette somme, la demoiselle Laureillan fait à la dame Malacamp un commandement préalable à la saisie immobilière de ses biens.

Opposition à ce commandement de la part de la dame Malacamp, sous le prétexte que son obligation est simulée, ou, en tout cas, éteinte.

Jugement qui rejette cette opposition.

Jean-Germain et Jean-François Malacamp, fils et héritiers de la dame Malacamp, décédée pendant l'instance, appellent de ce jugement. Arrêt de la cour d'appel de Montpellier, qui le confirme.

En ce moment, Jean-François Malacamp est appelé au service militaire et se rend à l'armée.

La demoiselle Laureillan n'en continue

pas moins ses poursuites en Expropriation forcée. Jean-Germain Malacamp s'y oppose, en alléguant l'art. 4 de la loi du 6 brumaire an 5, et l'état d'indivision où les biens saisis se trouvent entre lui et son frère.

Ces moyens d'opposition, auxquels la dedemoiselle Laureillan objecte la nature privilégiée de son titre, sont rejetés par un jugement qui prononce l'adjudication définitive des biens saisis.

Appel de la part de Jean-Germain, et intervention de son frère Jean-François.

La demoiselle Laureillan leur objecte l'art. 5 de la loi du 6 brumaire an 5, qui autorise l'exécution des jugemens contre les militaires, en temps de guerre, moyennant cau. tion; et elle offre de donner caution bonne et valable de rapporter, le cas échéant.

Elle ajoute que le privilége accordé aux militaires par l'art. 4 de cette loi, ne porte que sur l'Expropriation forcée poursuivie en vertu de jugemens, et qu'ainsi, elle est sans TOME VII.

application à des poursuites exercées en vertu d'un contrat notarié.

Enfin, elle soutient qu'à tout prendre, Jean-Germain ne peut pas profiter du privilege prétendu par son frère, et elle s'appuie de l'art. 2206 du Code civil qui, dans le cas d'indivision entre un majeur et un mineur, fait cesser, même à l'égard de celui-ci, la nécessité de la discussion préalable de son mobilier.

Les appelans répondent,

Au premier moyen, que la disposition de l'art. 5 ne peut pas s'appliquer au cas d'une Expropriation forcée, positivement interdite par l'art. 4; qu'elle doit donc être restreinte à la saisie-exécution; que d'ailleurs la demoiselle Laureillan n'a offert une caution qu'a

près le jugement d'adjudication et sur l'appel;

Au second, que l'art. 4, quoiqu'il ne parle raison, aux simples actes emportant exécuque des jugemens, s'applique, à plus forte tion parée; qu'au surplus, ce n'est pas seulement en vertu de l'acte du 6 mai 1808, mais encore en vertu du jugement confirmatif de son commandement, que la demoiselle Laureillan a fait sa poursuite en Expropriation forcée ;

l'égard de Jean-Germain, le privilege que Au troisième, que, pour faire cesser, à à raison de l'indivision des biens saisis, la lui communique nécessairement son frère, demoiselle Laureillan aurait dû, avant tout, faire procéder à un partage, ce qu'elle n'a pas fait, et ce qu'elle aurait pourtant dû faire, aux termes de l'art. 2205 du Code civil.

de Montpellier, qui, adoptant la défense des Le 27 janvier 1812, arrêt de la cour d'appel deux frères, déclare nul le jugement d'adjudication, ainsi que toutes les procédures en Expropriation forcée qui l'ont précédé.

La demoiselle Laureillan se pourvoit en cassation; mais, par arrêt du 27 octobre 1814, au rapport de M. Lasaudade,

« Attendu qu'en supposant que la saisie immobilière dont il s'agit, n'eût été que la suite de l'inexécution d'un contrat authentique, la cour de Montpellier, en appliquant à cette saisie les dispositions de l'art. 4 de la loi du 6 brumaire an 5, se serait conformée à son véritable esprit ; mais que, dans l'espèce, la saisie a eu lieu en conséquence d'un jugement de première instance, confirmé par un arrêt;

» Attendu que la demanderesse n'ayant pas provoqué la division et fait procéder au partage des biens indivis entre le frère militaire et le frère non militaire, l'arrêt dénoncé a

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également suivi les vrais principes de la matière, en annulant la saisie pour le tout;

» Attendu qu'il est de fait que la demanderesse n'avait ni présenté ni fait recevoir par le tribunal, la caution exigée par l'art, 5 de la loi citée, avant que de procéder à la saisie; » Et qu'au surplus, cet article ne concerne point la saisie immobilière;

» Par ces motifs, la cour rejette le pourvoi... ».

Peut-être la quatrième question eût elle éprouvé plus de difficultés, quant à la part indivise de Jean-Germain, si la demoiselle Laureillan eût présenté sous son véritable point de vue, le moyen de cassation qu'elle tirait de ce que la cour d'appel de Montpellier avait annulé la saisie pour le tout.

«Le créancier peut poursuivre l'Expropria>>tion des biens immobiliers appartenant à son » débiteur ». Voilà la régle generale: elle est écrite dans le Code civil, art. 2204; elle ne peut être limitée que par une loi spéciale, et cette loi spéciale ne peut être étendue audelà de ses termes précis.

Or, quelle loi spéciale opposait-on à la demoiselle Laureillan?

On lui opposait, dans l'intérêt de JeanFrançois, la loi du 6 brumaire an 5; mais cette loi n'accorde qu'au militaire le privilége qu'elle établit : on ne pouvait donc pas l'étendre à Jean-Germain.

Pour le faire étendre jusqu'à lui, JeanGermain réclamait une autre loi spéciale: c'était l'art. 2205 du Code civil. Mais que porte cet article?<«< Néanmoins la part indi

vise d'un co-héritier dans les immeubles » d'une succession, ne peut être mise en » vente par ses créanciers personnels, avant » le partage ou la licitation qu'ils peuvent » provoquer, s'ils le jugent convenable.... ».

Il n'y a donc que les créanciers personnels d'un co-héritier qui soient tenus de faire procéder à un partage, avant de l'exproprier forcément de sa portion indivise dans les biens de la succession.

Ainsi, non seulement comme l'a jugé un arrêt de la cour royale de Metz, du 28 janvier 1818 (1), cette obligation n'a pas lieu, lorsque l'indivision procède de toute autre cause qu'une succession commune; mais, comme l'ont également jugé un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles, du 5 mars 1810, et un autre de celle de Paris, du 10 mai

(1) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 18, part. 2, page 337.

1811 (1), elle cesse aussi, lorsqu'il s'agit d'une dette de la succession, et que tous les héritiers sont débiteurs.

Or, dans l'affaire dont il est ici question, ce n'était pas comme créancière personnelle de Jean-Germain, que la demoiselle Laureillan poursuivait l'Expropriation des biens indivis entre lui et Jean François, son frère; c'était comme créancière de la succession de leur mère commune.

C'était, par conséquent,comme cr éancière de l'un aussi bien que de l'autre. Qu'elle fût non-recevable dans sa poursuite à l'égard de la portion indivise de Jean-François, la loi du 6 brumaire an 5 le voulait ainsi; mais elle n'eût pu être non-recevable à l'égard de la portion indivise de Jean-François, qu'autant que l'art. 2205 du Code civil fût applicable à l'espèce; et l'on peut raisonnablement douter qu'il le fût.

S. VIII. Peut-il être dérogé, par des conventions particulières, aux formalités prescrites par les lois pour l'Expropriation forcée; et en conséquence, la clause par laquelle un débiteur, en hypothéquant un immeuble, consent à ce qu'à défaut de paiement, son créancier fasse vendre cet immeuble par-devant notaire, est-elle valable?

Cette clause n'a rien de commun avec ce que les lois romaines appellent pacte commissoire (2); car il n'en résulte pas qu'à défaut de paiement de sa créance dans un délai déterminé, le créancier pourra s'approprier le bien qui lui est hypothéqué; il en résulte seulement qu'il pourra faire vendre ce bien, sans être assujéti à toutes les formalités et à toutes les longueurs de l'Expropriation forcée.

Aussi, cette clause n'était-elle pas prohibée par les lois romaines, quoiqu'elles condamnassent formellement le pacte commissoire.

Suivant ces lois, le créancier ne pouvait, en général, faire vendre son gage ou son hypothèque, qu'avec certaines solennités (3).

règle par des conventions particulières; c'est Mais elles permettaient de déroger à cette ce que supposent plusieurs de leurs textes et notamment la loi 8, D. de Pignoratitiâ actione.

(1) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 13, part. 2, page 365.

(2) V. le Répertoire de jurisprudence, aux mots Pacte commissoire.

(3) V. la loi 9, C. de Distractione pignorum, et les lois 1 et 2, C. de jure dominii impetrando.

:

Il y a plus la loi 3, S. 1, C. de Jure domi. nii impetrando, décide nettement que, lorsque le créancier et le débiteur ont réglé, par l'acte d'engagement, la manière dont le créancier pourra vendre la chose engagée ou hypothéquée, leur convention doit être observée en tout point (1).

Mais les lois, les statuts et les usages locaux qui, avant le Code civil, avaient etabli, pour l'Expropriation forcée, des formalités différentes de celles du droit romain, n'avaientils pas, par cela seul, dérogé à la faculté de stipuler de pareilles clauses dans les actes. d'engagement?

Voet, sur le Digeste, titre de Distractione pignorum et hypothecarum, no 6, regardait l'affirmative comme hors de doute qualis cumque autem, disait-il, lege municipali aut usu inveterato inductus fuerit pignoris vendendi modus, is servandus est, nec ab eo privatis creditorum ac debitorum conventionibus recedi potest aut ordo mutari. Undè, si pacto id actum fuerit, ut creditori liceat privatá auctoritate pignus vendere, tamen non nisi auctione publicá ex judicis decreto id rectè fiat, quoties aut debitor venditionem privatim ex pacto fieri non patitur, aut aliorum creditorum hypothecariorum interest ne quid tale fiat; quippè quibus jus suum venditione privatá non periret, sed vel emptio nulla foret, vel res cùm suo onere emptori quæreretur.

Mais cette doctrine n'était pas admise par le sénat de Chambéry. Le président Favre, dans son Code, liv. 8, tit. 17, défin. 13, dit, en se fondant sur la jurisprudence de cette cour, qu'il n'y a rien d'illicite dans la clause d'un acte d'engagement par laquelle le debiteur autorise le créancier à vendre la chose engagée, même sans sommation préalable: nam et valet pactio ut liceat creditori pignus vendere citrà denunciationem. Il remarque', à la vérité, que cette clause, en dispensant le créancier de faire un commandement au débiteur avant la vente, ne l'autorise pas à vendre de son autorité privée, sans enchères publiques et sans l'intervention du juge; mais il ajoute aussitôt : à moins qu'il n'en ait été convenu autrement en termes exprès (2). C'est aussi ce qu'on jugeait au conseil sou

(1) Sancimus itaque si quis rem creditori suo pignoraverit, si quidem in pactione cautum est quemadmodum debet pignus distrahi, sive in tempore, sive in aliis conventionibus, ea observari de quibus inter creditorem et debitorem conventum est.

(2) Illud planè observandum est, permissâ citra

verain de Frise. Un débiteur était convenu, en hypothéquant un immeuble, que son créan cier pourrait le faire vendre de son autorité privée, dans le cas où, à telle époque, il se trouverait en demeure d'acquitter sa dette. Ce cas arrivé, le créancier vendit l'immeuble sans aucune solennité, et même sans en aver tir préalablement le debiteur. Quelque temps après, le débiteur étant mort insolvable, le curateur établi à sa succession revendiqua le bien sur l'acquéreur, et prétendit que la vente en était nulle. Le créancier intervint et soutint la validité de la vente, d'après la convention sur laquelle il s'était fondé pour la faire. Par arrêt du 27 octobre 1610, le curateur fut débouté de sa demande, Senatus actorem ab intentione repulit, dit à Sande, liv. 3, tit. 12, defin. 20.

La question s'est présentée deux fois à la cour d'appel de Bruxelles, sous l'empire de la loi du 11 brumaire an 7; et elle y a reçu deux décisions absolument contraires l'une à l'autre.

La première est ainsi rapportée dans le Recueil des arrêts notables de cette cour, tome 11, page 289.

«Henri Joseph De Sellier, Anne-Marie Vanhoeck, son épouse, Arnould Putemans, Petronille de Sellier, son épouse, et JosephHenri de Sellier, célibataire, avaient emprunté des sommes assez considérables, et avaient, pour la sûreté du créancier, hypothéqué des immeubles désignés dans deux actes reçus du notaire Mataigne, le 3 nivôse an 7, et du notaire Lindemans, le 6 pluviose an 8.

» L'acte du 6 pluviôse an 8 portait la clause qu'il serait libre au créancier de vendre à LA PAUMÉE, ou par-devant notaire, après un simple commandement, les immeubles affectés à sa créance.

» Henri Stroobants, rentier à Bruxelles, avait acquis les droits du créancier; et, après un simple commandement, il s'était cru autorisé à faire vendre, par-devant notaire, les propriétés affectées au remboursement des capitaux et des intérêts; et déjà, le jour où l'adjudication devait avoir lieu, était annoncé, sans aucune notification, aux débiteurs propriétaires des immeubles.

denunciationem venditione pignoris, id tamen actum intelligi ut publicam et sub hasta, non privatam venditionem fieri oporteat, atque ita interpretandam conventionem, ne quis fraudibus et vitio locus relinquatur......... Intellige si nihil in contrarium expressè actum sit.

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