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BIBLIOGRAPHIE

La Forêt domaniale de Levier, par M. C. MONGENOT, ancien Garde général des Forêts 1 à Levier, 1 vol. in-8,23 p., avec plan de la forêt. Paris, Lucien LAVEUR éditeur, 1912.

Nos forêts domaniales les plus remarquables sont peu connues du public, lequel ne juge les forêts et très mal que par les échantillons qu'il peut en trouver dans la banlieue, ou dans le voisinage des grandes villes et ignore les merveilles que contient notre sol national et que recèlent en particulier nos montagnes.

M. Mongenot s'est proposé de combattre cette ignorance en ce qui concerne la forêt domaniale de Levier, « une des plus belles sapinières, et la forêt la plus riche et la plus productive de la France, avec sa voisine, la Joux ». Et il nous a donné une monographie de ce massif dans laquelle il rappelle qu'il a fait, comme forestier, ses premières armes sous la direction d'un maître célèbre, M. Philippe Cardot.

Au lieu d'analyser le très séduisant travail de M. Mongenot, nous croyons intéresser davantage nos lecteurs en reproduisant de larges extraits de cette publication.

Après avoir mentionné que la forêt est située dans l'arrondissement de Pontarlier, à une altitude variant entre 700 et 850 mètres, M. Mongenot écrit :

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« L'aspect de la forêt, quand on pénètre dans l'intérieur des massifs, ne manque pas de frapper le visiteur. Des tiges gigantesques, cou«ronnées par un dôme de verdure, dont nulle saison ne ternit l'éclat, <«< s'élancent à des hauteurs vraiment prodigieuses. Des sous-bois de sapins, qui se succèdent par étages, les entourent; c'est comme un temple aux mille colonnes qui s'élèvent vers le ciel. On respire, sous ces ombrages, un air imprégné de senteurs résineuses qui rafraîchis«sent les sens. Il y règne presque toujours un calme et un silence pro«fonds. Parfois, cependant, se font entendre les bruits lointains de l'exploitation des coupes: ce sont les bûcherons qui se livrent au tra«vail d'abatage et de façonnage des arbres, ou les voituriers qui exci<< tent leurs attelages. Souvent c'est le retentissant coup de bec des

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1.- M. Mongenot, bien qu'ayant exercé les hautes fonctions d'administrateur vérificateur général des Eaux et Forêts, a tenu à signer sa brochure du simple titre d'ancien Garde général à Levier.

« grimpeurs, le pic et le pivert, qui frappent l'écorce des vieux arbres « à la recherche de leur pâture.

« La forêt de Levier, longtemps propriété des Princes de Chalon, << seigneurs du comté de Bourgogne, puis de Philippe II, roi d'Espa«gne, fut réunie au domaine de l'Etat lors de l'incorporation de la << Franche-Comté à la France, en 1674, à l'exception: 1o de la forêt de «Vignory, qui, ayant été rachetée par le seigneur d'Arc-sous-Monte<< not, fut vendue au Roi le 1er décembre 1782; 2o de la forêt de Gouail«les, dépendant de l'Abbaye de ce nom, près de Salins, qui fut réunie « au domaine royal par jugement du 10 octobre 1725, confirmé par << arrêt du 10 septembre 1726.

«Elle était affectée à la saline royale de Salins, en ce sens que la << grande majorité des produits exploités servaient à l'entretien des << fours destinés à la fabrication du sel.

«Deux parties très importantes du massif, les forêts d'Arc et de << Maublin, étaient grevées, au profit de diverses communes du voisi«nage, de droits d'usage remontant à une époque fort éloignée, et

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dont la quotité, à la suite de nombreux abus commis par les rive« rains, a été arrêtée par le grand Réformateur Maclot, en un règle<<ment du 1er août 1727, daté de Metz, qui a fait la loi des parties. . . Tous ces droits, sauf le droit de pâturage, qui d'ailleurs << n'est pas exercé, ont été cantonnés : administrativement, en ce qui <«< concerne Bulle et Dournon, et judiciairement pour les autres com« munes, après une instance qui a duré fort longtemps, en suite d'un << arrêt de la Cour de Besançon du 2 août 1886. Il a été détaché à cet « effet, de la forêt domaniale, sur les confins des propriétés respectives << de chaque commune, une surface totale de 31 hectares o3 ares, d'une << valeur, à l'époque, de 237.000 francs.

<< La contenance totale de la forêt domaniale est de 2.716 hectares, 90 ares; 4 hectares 36 ares sont affectés aux terrains et maisons des

gardes et aux pépinières; il reste comme contenance productive 2.712 « hectares 54 ares.

«Elle est divisée, d'après l'aménagement de 1861, en huit séries.

Le sapin occupe les 0,90 du peuplement, puis on rencontre l'épicéa << dans la proportion de 0,10. Cette essence n'est pas à sa station. Elle « a été introduite, à une époque relativement récente, pour le repeuple<<ment, de concurrence avec le sapin, des vides ou clairières, à la suite

« des coupes ordinaires ou des exploitations de chablis qui se produi« sent assez fréquemment dans la région.

«Le hêtre, malheureusement trop rare, se retrouve par bouquets épars dans quelques parties de la forêt de Maublin.

<< On remarque quelques ifs dans la partie sud de Loyauboz.

La végétation du sapin est très belle et très active; les arbres « prennent rapidement une grande élévation, 35 à 40 mètres de bois. « d'œuvre et à 160 ans ils ont atteint toutes les dimensions qui les <<font rechercher par le commerce. Ils peuvent du reste être maintenus << sur pied jusqu'à deux cents et trois cents ans.

Nous avons plus d'une fois compté les couches concentriques sur << des souches de sapins qui mesuraient 3 à 4 mètres à 1 m. 30 du sol, et << nous avons presque toujours constaté que l'âge de ces arbres, sains «en général, pouvait être évalué de deux cent dix à deux cent soixante << ans. Il convient d'ajouter que bon nombre de ces arbres, dominés << dans leur jeunesse, et présentant à partir du cœur de l'arbre des « cernes très étroits, avaient eu une faible croissance dans leur jeu«nesse. L'origine de la grande majorité des arbres, qui mesurent << actuellement 3 mètres de tour et plus, peut remonter aux dernières << années du règne de Louis XIV.

« Ces dimensions exceptionnelles, a dit M. Bouvet, président de la a Société de Franche-Comté et Belfort, au Congrès de Levier en 1905, << assurent aux forêts de la région toutes les commandes en bois de a gros calibre. Le Doubs et le Jura ont de ce fait un monopole incon« testé. De tous les points du territoire, partout où de fortes dimen«sions sont nécessaires, il faut les venir chercher là seulement où elles «<existent, c'est-à-dire dans la forêt de Levier, de la Joux, ou les forêts << communales voisines. >>

«La régénération naturelle se fait avec facilité, quand elle n'est pas << entravée par les ronces qui, en grande quantité, recouvrent le sol, « lorsqu'il vient à être découvert. Les années de semence se présentent « à peu près régulièrement tous les deux ans, et partout l'on constate la présence, en sous-bois, de nombreux semis et gaulis.

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« Les arbres abattus dans les coupes, généralement après élagage préalable, sont légèrement équarris à la hache. Les pièces de choix, << simplement écorcées, sont connues sous le nom de rondins. Les ouvriers bûcherons sont d'une habileté remarquable dans leur tra«<vail; ils savent diriger dans leur chute ces arbres gigantesques sur « l'emplacement qu'ils ont désigné à l'avance. Les arbres ainsi façon

<< nés sont extraits de la forêt, sur toute leur longueur, par des attela«ges de plusieurs paires de boeufs, huit, dix et plus au besoin, qu'exci<< tent à grands cris leurs conducteurs, et traînés sur le sol jusqu'aux <«< chemins empierrés. Là, chargés, à l'aide de crics, sur deux trains de << voiture, ils sont conduits aux scieries du voisinage.

« Ces scieries, installées à Villers, Salins, Champagnole, Andelot, <«< Frasne, avec un outillage comportant tous les perfectionnements « modernes, mettent en œuvre une grande partie des bois, vendus cha<«< que année dans les forêts domaniales ou communales, soit 40 à 50 << mille mètres cubes. La scierie construite à Villers par la maison Bou<< vet, au centre même de massifs forestiers importants, assure aux produits des coupes une plus-value notable. Elle débite en moyenne, << par an, 6 à 7 mille mètres cubes de bois en grume, généralement <«< convertis en charpente, planches ou lambris.

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<<< Les arbres de choix sont dirigés sur Chalon, Lyon et les arse<<naux maritimes, par Salins et les voies d'eau (la Loue, le Doubs, la << Saône et le Rhône).

« Les frais d'exploitation s'établissent ainsi :

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<< Abatage et façonnage de 1 fr. 80 à 3 fr. 10 par mètre cube, sui«vant les difficultés et l'éloignement;

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Façonnage du stère: 1 fr. 25 à 1 fr. 50.

<< Transport à Salins par mètre cube de 6 fr. 70 à 7 fr. 20, suivant << la distance.

«La forêt de Levier est placée dans des conditions très favorables << pour l'enlèvement de ses produits. La voie ferrée de Dijon à Pontar<«<lier-Lausanne et le chemin de fer d'intérêt local de Levier à Andelot se << trouvent à proximité des massifs.

<«< Les chemins forestiers empierrés, dont le développement est de « 67 kilomètres, aboutissent à la route nationale, ou à d'excellents che« mins de grande communication. Ils sont entretenus avec soin, ainsi <«< que les murs de clôture, à l'aide des charges imposées sur les cou«pes. Cet entretien représente en moyenne, par an, une somme de « 18.000 fr. L'établissement d'une partie de ces chemins, 47 kilomè <«<tres environ, a été effectué vers le milieu du siècle dernier........

« ......La forêt est entourée, sur tout le développement du périmètre, << de murs en pierres sèches, de 1 m. de hauteur, qui assurent toute <«< fixité aux limites, et s'opposent aux incursions du bétail, en séjour << sur les terres riveraines.

« Il existe deux pépinières, où l'on élève le sapin et l'épicéa ; l'une

« de 33 ares, près de la maison forestière du Rondé, l'autre de 25 ares, << dans la parcelle 24 de la série d'Arc Sud, au canton de Lambellys. « L'entretien de ces pépinières donne lieu à une dépense d'environ 750 «fr., et les frais annuels de plantations des clairières s'élèvent à 150 fr. << Il n'est pas alloué d'autre crédit pour l'entretien de la forêt.

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«En même temps que le Réformateur Maclot fixait les droits des communes usagères dans les forêts de Levier, il déterminait l'importance <«< des produits à réaliser chaque année. Il était prescrit d'exploiter par << hectare un arbre et demi, parmi les sujets ayant atteint la grosseur de quatre pieds, soit 1 m. 33, à 1 m. 30 du sol, et ces exploitations << devaient parcourir, dans une période qui variait de 20 à 25 ans, l'en<< semble du massif divisé, à cet effet, en grands cantons comprenant «20 ou 25 assiettes.

<«< Une partie du produit de ces coupes était destinée aux salines de « Salins, alors propriété de l'Etat.

« Ces exploitations, fort modérées, inférieures à la production de la « forêt, à peu près supprimées pendant la période révolutionnaire, eu<< rent pour effet d'accumuler un matériel considérable, que ne diminuè«rent qu'incomplètement les coupes importantes de grands arbres, «< effectuées sous le premier Empire, pour le service de la marine.

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<< Les coupes par pied d'arbre, reprises dans les premières années du << dernier siècle, ne furent pas toujours assises de proche en proche, «<et lorsque l'urgence d'opérations culturales, telles que dégagements « de jeunes perchis et gaulis, dominés par de vieux arbres, fut reconnue, les forestiers de l'époque n'hésitèrent pas à les effectuer. C'est << ainsi que, de 1818 à 1820, M. Lorentz, alors Inspecteur des Forêts à << Pontarlier, et depuis Directeur de l'Ecole forestière, grand-père du sympathique Conservateur des forêts à Besançon, fit asseoir sur plu<«<sieurs parties de la forêt, notamment au Grand Jura Est, dans la région Nord-Est (actuellement Divisions 3 et 2), couvertes alors de jeunes peuplements, des coupes d'extraction de tous les vieux arbres. «La nouveauté de ces exploitations frappa le public, qui donna à ces « emplacements, partiellement et provisoirement dénudés, le nom d'Es<«< sarts Lorentz, encore connu des anciens du pays.

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<< Il en fut de même dans certains cantons du grand Jura Ouest, du « Petit Jura, de la forêt d'Arc et de Loyauboz, où de véritables coupes « de rajeunissement furent effectuées ultérieurement. C'est à ces exploi«<tations, hors cadre, en quelque sorte, et il faut le reconnaître aussi, à de grands abattis d'arbres causés par les ouragans, fréquents dans.

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