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Il chercha néanmoins à introduire ces droits primordiaux dans notre code politique. Le ministre de la justice adressa le message du 11 décembre à tous les chefs de parquet, en leur déclarant que « Sa Majesté

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se voyait obligée, dans l'intérêt public, de retirer sa « confiance à tous ceux qui, revêtus de fonctions publiques, croiraient ne pouvoir suivre et adopter les "PRINCIPES QUE LE ROI AVAIT EXPRESSÉMENT DÉCLA« RÉS, PAR LE SUSDIT MESSAGE, ÊTRE LES RÈGLES DE " SON GOUVERNEMENT. Je vous invite donc,» ajoutait le ministre, à refléchir mûrement sur le contenu de cette circulaire et du message royal y annexé, et « à m'informer, dans les deux fois vingt-quatre heures qui en suivront la réception, si vous êtes, ou non, prêts à suivre la marche y indiquée, sans vous per"mettre la moindre déviation. »

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Les officiers du parquet étaient, comme on le voit, menacés de destitution s'ils n'adhéraient pas au message, et s'ils ne reconnaissaient pas au roi les droits antérieurs qu'il attribuait à sa maison, qu'il disait avoir restreints de son propre mouvement, et qu'il considérait comme l'un des principes de son gouvernement. Une circulaire identique du ministre de l'intérieur avait été suivie, dans les Flandres, de nombreuses destitutions de bourgmestres et d'assesseurs (1).

Le message n'avait pas empêché les pétitions d'affluer à la seconde chambre. Elles présentaient plus

(1) Adolphe Bartels, p. 142 et 150.

de 300,000 signatures lorsque la chambre s'occupa de leur examen l'année suivante; et elle vota leur dépôt au greffe, par 88 voix, le 11 mars 1830. C'était le seul parti auquel elle pût s'arrêter, puisqu'une simple adresse au roi serait venue échouer de nouveau à la première chambre. Quelques députés hollandais avaient voté l'ordre du jour, en accusant les pétitionnaires d'être des factieux, des hommes de désordre, des révolutionnaires. Mais, s'écria l'honorable Charles de Brouckere, à la séance du 10 mars, les révolution

naires sont ceux qui cherchent à détruire le pacte fondamental, et non ceux qui en réclament l'exécu<tion; ceux qui substituent leur volonté à la loi, « et non ceux qui demandent des garanties contre l'arbitraire; ceux qui regardent les deux tiers du < royaume comme une alluvion, devenue la propriété du riverain, et non ceux qui soutiennent l'égalité « des droits et celle des charges; ceux enfin qui veu

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lent paralyser les droits écrits de la nation pour « reconnaître au pouvoir royal des droits préexis"tants, et non ceux qui affirment qu'à l'exception des « droits que le citoyen a dans toute société et sous toutes les formes de gouvernement, tous sont écrits dans la loi fondamentale. Non, mille fois non, ce « n'est pas être révolutionnaire que de prétendre que la <constitution est une condition de la royauté. Loin <de là: c'est reconnaître qu'elle est basée sur les serments libres de la nation; c'est lui donner des titres incontestables à la fidélité; c'est la mettre en harmo«nie, non-seulement avec les temps modernes, mais

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<< encore avec le caractère historique des Belges (1). Cette brillante sortie vengeait noblement les pétitionnaires des accusations portées contre eux; elle faisait justice, tout à la fois, du message du 11 décembre et de l'exploitation de la Belgique par la Hollande. Mais on conçoit l'impression que dut produire sur les pétitionnaires, sur la presse et sur le pays entier, cette théorie d'un pouvoir absolu, tempéré par le bon vouloir du roi. Aussi le congrès, pour empêcher le retour de semblables prétentions, a-t-il déclaré, à l'article 78 de notre pacte fondamental, que le roi n'aurait « d'autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement « la constitution et les lois particulières, portées en vertu de la constitution même. »

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Le gouvernement avait présenté de nouveau à la seconde chambre, mais avec certaines modifications, les budgets qu'elle avait rejetés au mois de mai. Après quelques jours de discussion, le budget décennal des dépenses fut adopté, le 19 décembre, par 55 voix contre 52, et le budget annal des dépenses, par 54 voix contre 53. Quant au budget décennal des voies et moyens, il fut rejeté par 55 voix contre 52, et le ministère, en présence de ce vote, retira le budget annal des recettes. La chambre indiquait donc au roi ce qu'il pouvait dépenser; mais elle lui refusait le moyen de couvrir ces dépenses. La plupart des députés belges avaient basé leur opposition, non-seulement sur les chiffres du budget, mais encore sur les griefs dénoncés

(1) Courrier des Pays-Bas du 13 mars 1830, n° 72.

par les pétitionnaires. Plusieurs avaient invoqué et préconisé le dicton de nos pères : Point de redressement de griefs, point de subsides. Un député hollandais, tout en votant les lois financières, avait proclamé le besoin d'une responsabilité ministérielle (1); un autre député hollandais avait réclamé en notre faveur le libre usage de la langue française (2). Le roi, dans son message, n'en avait pas moins fait bon marché de ces deux griefs et de tous les autres. Il avait même accusé les pétitionnaires, comme on l'a vu, de s'être mis en opposition de la manière la plus scandaleuse avec ses

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intentions personnelles, avec les lois et avec son gou« vernement. » Il n'hésita pas, en conséquence, à frapper l'opposition dans ceux de ses membres qu'il pouvait atteindre. C'est ce qu'il fit par un arrêté du 8 janvier 1830 qui portait :

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« Considérant que les circonstances qui ont précédé «et accompagné les délibérations récentes sur les budgets tendent de plus en plus à prouver combien il importe que les fonctionnaires de l'État, en général, • et ceux qui occupent des places de confiance, en particulier, soient dévoués sincèrement et avec zèle à « la marche, aux vœux et aux principes de notré gou< vernement, le soutiennent et donnent en ceci l'exemple < à leurs concitoyens; que cela est du devoir, non-seulement de tous ceux qui se trouvent placés dans de

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(1) Discours du député Luzac. cembre 1829, no 358.

Courrier des Pays-Bas du 18 dé

(2) Discours du député Sasse Van Ysselt. Courrier des Pays-Bas du 22 décembre, no 356.

«tels rapports, mais bien absolument indispensable à la conservation de la force nécessaire au gouverne"ment et au maintien intact des institutions constitu<tionnelles; que cependant les circonstances susénon<cées nous ont, à notre vif regret, fourni l'expérience que quelques fonctionnaires, des officiers de notre << maison et des personnes jouissant des preuves parti<culières de notre faveur, ont, dans leur conduite publique, manifesté une aversion absolue pour les principes de notre gouvernement;

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< Considérant que, bien qu'il s'en trouve parmi eux qui, étant en même temps membres des états géné«raux, conservent comme tels la compétence constitu<tionnelle et indépendante de manifester ouvertement

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leurs sentiments à l'égard des projets en délibération, <ces sentiments, néanmoins, dès qu'ils sont en opposi❝tion avec les principes d'un gouvernement que, comme fonctionnaires, il convient qu'ils défendent et fassent respecter par leurs subordonnés, et soutiennent comme particulièrement favorisés, ne peuvent nous permettre de continuer à leur confier l'exécution de nos ordres, ni à leur laisser la jouissance des marques particulières de notre faveur ;

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< Ouï les chefs des départements ministériels, avons trouvé bon et entendu, sauf les dispositions ultérieures « auxquelles les considérations ci-dessus pourraient "donner lieu de notre part, de révoquer, comme nous << faisons par les présentes, les nominations de MM. De Le Vielleuse, Luyben et Ingenhouz aux emplois de "commissaires de district;

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