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<tisme. Dans trois ou six mois, lorsqu'elle sera forcée <de faire la guerre, notre paix sera faite avec le gou« vernement et elle aura soixante mille Belges à com"battre. >>

Gendebien, au surplus, en avouant la paternité de cette lettre que de Potter avait publiée sans en indiquer l'auteur (1), est formellement convenu de ses aspirations françaises depuis les journées de Juillet jusqu'aux journées de Septembre (2). Mais nous pensons qu'il les avait encore au congrès, lorsqu'il votait contre la candidature du prince de Saxe-Cobourg et contre les préliminaires de paix auxquels le prince attachait son acceptation. Gendebien avait d'ailleurs les mêmes aspirations que les clubs de Paris, au sujet de la Belgique et de la frontière du Rhin.

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Il y avait à cette époque en France, » dit Louis Blanc (3), « deux gouvernements, celui de Louis-Philippe et celui des clubs: le premier, calculateur et « réservé; le second, actif, passionné, bruyant et ami de l'imprévu. Le parti qui, à Paris, parlait de propagande, voulant qu'on poussât la France jusqu'au "Rhin et que l'on étendît la main sur la Belgique, était « en général composé d'hommes jeunes, étrangers aux affaires, peu riches, et, par conséquent, sans con<sistance dans une société tournée au mercantilisme. << Malheureusement, la politique propagandiste manquait d'interprètes puissants par leur position sociale.

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(1) Souvenirs personnels, tome Ier, p. 123.

(2) Article publié dans le journal la Liberté du 3 novembre 1867, n° 18. (3) Histoire de dix ans, t. II, p. 81.

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« A l'exception du général Lamarque, du général de Richemont et de M. Mauguin, qui entretenaient avec les partisans de la France en Belgique une correspondance assidue, aucun homme haut placé ne se présentait pour résister avec vigueur aux tendances ultra-pacifiques de la cour.

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Toutefois, le parti propagandiste mit active«ment à profit l'état d'irritation où la révolution de Juillet venait de plonger la France, et l'affaissement « momentané de tous les pouvoirs. Plusieurs de ses « émissaires partirent pour la Belgique. Ils y échauffèrent les esprits et y jetèrent parmi le peuple la ❝ semence des passions dont ils étaient animés eux« mêmes, si bien que, dans la nuit du 25 au 26 août, ce cri avait retenti dans les rues de Bruxelles : "Imitons les Parisiens. Le mouvement, qui alors emporta quelques jeunes gens au sortir d'une représen<tation de la Muette, n'eut d'abord que le caractère << d'une émeute, etc. » Le mouvement du 25 août n'était donc pas un mouvement belge, mais un mouvement français; et le National de Paris, qui avait alors un caractère semi-officiel, le reconnaissait également (1). Une publication française plus récente nous apprend même que c'était la société républicaine des Amis du peuple qui nous avait expédié, ainsi qu'en Pologne, ces colporteurs de révolutions (2). Un écrivain hollandais constate également que l'émeute était conduite par

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(1) Voir le Politique du 9 septembre 1830.

(2) Histoire des sociétés secrètes, par Lucien de la Hodde. Édition Meline et Cans, p. 34.

beaucoup de Français et par quelques jeunes Belges, "Door vele Franschen en eenige Belgische jongelingen (1); » aussi le drapeau tricolore français avait-il été arboré à Bruxelles pendant la nuit; mais notre brave Ducpetiaux l'arracha le lendemain. Il le remplaça par le drapeau brabançon, qui est devenu le drapeau belge c'est même une des circonstances qui lui ont fait décerner la croix de Fer en 1835 (2).

Mis en rapport avec les correspondants de M. Mauguin et avec le petit groupe d'annexionistes bruxellois, les émissaires de Paris n'eurent pas de peine à organiser leur coup de main qui avait pour objectif, comme l'atteste Louis Blanc, l'éternelle frontière du Rhin et la non moins éternelle annexion de la Belgique à la France. C'était, en un mot, le prologue de l'attaque à main armée de Risquons-tout sous la république française de 1848.

La Muette de Portici, qui a été le point de départ de l'émeute, était une pièce de circonstance pour des faiseurs de révolution. Le duo Amour sacré de la patrie fut applaudi à outrance, et des groupes nombreux se

(1) De Bosch-Kemper, Staatkundige geschiedenis, p. 720.

(2) No 360 de la liste des décorés de la croix de Fer jointe à l'arrêté du 2 avril 1835. Cette croix fut instituée par une loi du 8 octobre 1833, en faveur des blessés de la révolution et des hommes qui s'étaient distingués dans les combats ou qui avaient rendu des services signalés au pays, depuis le 25 août 1830 jusqu'au 4 février 1831. Une commission des récompenses fut établie pour apprécier les titres à la croix de Fer, et l'on n'a porté sur les listes jointes à l'arrêté du 2 avril 1835, et à un arrêté antérieur du 25 septembre 1834, que ceux dont les titres avaient été vérifiés par la commission. Aussi ferons-nous d'autres emprunts à ces listes.

formèrent au sortir de la représentation et se dirigèrent vers les bureaux du National (1), où les vitres furent brisées et où l'on essaya d'enfoncer la porte. Une voix s'écria: Chez Libri! et le rassemblement, à ces mots, retourna sur ses pas et se rendit à la librairie de LibriBagnano, rue de la Madeleine. L'affluence grossissait à chaque minute; on brisa les fenêtres, on enfonça les portes, tous les meubles furent détruits, les papiers et les livres déchirés et jetés en lambeaux par les fenêtres. Vers minuit, la foule se partagea. Un groupe se rendit au palais de justice et brisa les vitres de la cour d'assises, rue de Ruysbroeck, aux cris de Vive de Potter, à bas Van Maanen! un autre, plus nombreux, se dirigea vers la rue de Berlaimont, où la maison du directeur de la police fut envahie et saccagée. La foule se porta ensuite à l'hôtel du ministre de la justice qui formait l'angle du Petit Sablon et de la rue des PetitsCarmes. En peu de temps, les portes enfoncées livrèrent passage à la multitude, qui s'y précipita aux cris de A bas Van Maanen! Meubles et effets de tout genre furent saccagés; la force armée voulut y mettre ordre, mais, devant la pression de la foule, elle fut obligée de reculer. Après cette première explosion, la multitude parut se concerter, et elle mit le feu au bâtiment, dont il ne resta que quelques pans de mur. On fit ensuite un feu de joie des meubles de l'hôtel que l'on avait jetés au milieu du Petit Sablon, et une bande de pillards brûla et détruisit le lendemain, aux

(1) Journal de Libri-Bagnano.

cris de Vive la république! Vive de Potter! plusieurs fabriques situées à Bruxelles, à Forest, à Stalle et à Cureghem. Les armoiries royales qui décoraient les établissements publics et les maisons des fournisseurs de la cour avaient complétement disparu pendant la nuit (1).

L'élan, comme on le voit, était donné; les événements ont fait le reste. C'est à cela en effet que se réduit la révolution belge, à laquelle personne ne songeait, sauf le petit groupe annexioniste d'Alexandre Gendebien. Elle n'est donc pas, comme on le dit tous les jours, l'œuvre des catholiques : ils avaient obtenu, en effet, le redressement de tous leurs griefs, et ils se sont bornés à soutenir la révolution par leurs votes au congrès et par leur caractère essentiellement belge, également hostile à la France et à l'orangisme.

Après avoir été repoussée à l'hôtel Van Maanen, la troupe avait cherché à réprimer le désordre sur d'autres points. Elle avait tiré des coups de fusil, des victimes étaient tombées, et l'irritation n'avait fait que s'accroître. Aussi, dès le lendemain matin, des habitants notables s'organisèrent-ils spontanément en compagnies de garde bourgeoise. Leur initiative fut agréée par la régence, qui confia le commandement de cette garde au baron Emmanuel d'Hoogvorst, plus tard général en chef des gardes civiques du royaume; et les troupes de la garnison, de commun accord avec

(1) Ces faits et ceux qui vont suivre sont consignés dans le Courrier des Pays-Bas des derniers jours du mois d'août.

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