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en état de siége, et le roi fit connaître aux états généraux, par un message du 20 octobre, qu'ils ne devaient plus s'occuper que des provinces du Nord, en attendant qu'il eût, de commun accord avec ses alliés, statué sur le sort des provinces du Midi (1). Toute l'armée se retira bientôt sous les murs d'Anvers, où elle fut attaquée à Berchem, le 24 et le 25, par les volontaires de Niellon, et par une deuxième colonne qui arrivait de Bruxelles, et qui était entrée le 20 à Malines, après la retraite de l'ennemi. Elle s'était avancée le lendemain jusqu'au pont de Waelhem sur la Nèthe; et, les Hollandais ayant détruit ce pont, elle avait échangé avec eux, d'une rive à l'autre, des coups de canon et des coups de fusil. Cette colonne se composait notamment de volontaires luxembourgeois, organisés et commandés par le futur général Claisse, et des chasseurs volontaires de Bruxelles, ayant à leur tête un officier de cuirassiers, et comptant parmi eux notre célèbre peintre d'animaux Verboeckhoven, et notre futur sénateur Hanssens-Hap, l'un des combattants du 23 septembre qui avaient démonté les pièces du major Krahmer (2). Elle était conduite par un ancien officier français, Anne-François Mellinet, réfugié à Bruxelles par suite des événements de 1815, et qui était depuis longtemps à la recherche d'une position sociale. Ne l'ayant pas obtenue du gouvernement pro

(1) Staats-Courant des 21 et 28 octobre.

(2) Nos 151, 265, 458 et 967 de la liste des décorés de la croix de Fer jointe à l'arrêté du 2 avril 1835. — Lettre du commandant Claisse publiée dans le Courrier des Pays-Bas du 30 octobre.

visoire, il se la fit à lui-même en s'attribuant le commandement de notre deuxième colonne de volontaires, et cette usurpation a eu pour conséquence le bombardement d'Anvers, dont Mellinet a été la première

cause.

La retraite des Hollandais sur Anvers lui permit de dépasser Waelhem et de se rencontrer avec Niellon, le 24 octobre, au Vieux-Dieu, point de jonction des deux routes qui conduisent de Bruxelles et de Lierre à Anvers. Il fut convenu entre eux que l'un s'emparerait du faubourg de Berchem, l'autre, du faubourg de Borgerhout. Niellon prit en conséquence, à droite de la chaussée, un chemin de terre qui devait le conduire à ce dernier faubourg; mais ils ne tardèrent pas à se trouver l'un et l'autre en présence des Hollandais. Les hostilités commencèrent donc sur toute la ligne, et la nuit survint sans que nos volontaires eussent pu entamer les positions de l'ennemi; il est vrai qu'il s'était fortifié sur plusieurs points. Le comte Frédéric de Mérode fut grièvement blessé à la fin de la journée, en conduisant ses soldats à l'attaque d'un château occupé par les Hollandais, et il mourut à Malines quelques jours plus tard. Marié en France, il était accouru en Belgique pour défendre son pays.

Les Hollandais s'étaient également emparés d'une ferme, entourée d'une muraille, et qui leur servait de place d'armes. Ils avaient pratiqué, dans le mur d'enceinte et dans les murs de la ferme, des créneaux d'où ils tiraient impunément sur nos volontaires, exposés d'ailleurs à leurs pièces d'artillerie qu'ils faisaient sor

tir et rentrer à volonté. Cette petite forteresse avait résisté à tous les efforts de Niellon pendant la journée du 24 et la matinée du 25. Il prit le parti de l'incendier au moyen de son obusier, et il y réussit vers deux heures de l'après-midi. Le désordre se mit alors dans les rangs hollandais, et l'armée entière, poursuivie par notre mitraille et par nos colonnes d'attaque, se réfugia dans les murs d'Anvers en nous abandonnant les faubourgs de Berchem et de Borgerhout (1).

La victoire de Berchem fit éclater le lendemain la révolution à Anvers. Des armes qui appartenaient au régiment de lanciers no 10 furent pillées à bord d'un bateau, vers huit heures du matin. Vers dix heures et demie, un rassemblement se forma dans la rue de l'Église, près de la place Saint-André, et la troupe dut intervenir pour le dissiper; mais elle fut bientôt assaillie par des coups de fusil partant des maisons voisines. La lutte s'engagea dès ce moment à toutes les portes de la ville et partout où stationnaient des soldats. Elle dura toute la journée du 26 et se prolongea pendant une partie de la nuit.

Le lendemain matin, à sept heures, des notables d'Anvers, ayant à leur tête le président de la Banque, allèrent prier le général Chassé de mettre un terme à cette lutte, non-seulement pour arrêter l'effusion du sang, mais encore pour épargner aux bons citoyens une ruine complète. Ils lui remirent en même temps une lettre par laquelle un ancien commis à cheval des

(1) Mémoires de Niellon, p. 97 à 107.

douanes, le nommé François Vanden Herreweghe, délégué du gouvernement provisoire, demandait au général de retirer ses troupes à la citadelle, en lui offrant d'envoyer une députation à La Haye pour obtenir du roi l'évacuation de cette forteresse. La lettre de Vanden Herreweghe, qui a servi de base à un armistice violé ensuite par nos chefs militaires, était ainsi

conçue:

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Vous voyez que la force des circonstances a obligé le peuple à se déclarer, s'il voulait sauver son honneur vis-à-vis des provinces méridionales de la Belgique. Cette ville, où vous avez résidé si longtemps, ❝ où vous êtes estimé et dont vous avez pu apprécier « l'excellent esprit, vous demande avec instance d'épargner le sang qui coule de part et d'autre, et soyez persuadé que la Hollande, ainsi que nous, vous en « aura de l'obligation; donnez ordre aux troupes hollandaises de rentrer dans la citadelle et que la ville soit occupée par nous, et une députation se rendra de « suite à La Haye afin d'obtenir de Sa Majesté l'évacuation de cette forteresse; et, en attendant cette réponse, nous vous proposons une suspension.

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« Le délégué du gouvernement provisoire, "F. VANDEN HERREWEGHE. "

D'après les renseignements parvenus au général, ses troupes étaient serrées de près à toutes les portes de la ville, et elles ne pouvaient garder plus longtemps

les positions qu'elles y occupaient. Il accepta done, sur l'avis conforme de ses chefs de corps, la proposition de Vanden Herreweghe, et il lui envoya en conséquenceles clefs de la ville par le portier de la citadelle, à qui Vanden Herreweghe en donna quittance dans les termes suivants :

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Reçu de Delcominet, portier de la citadelle, un sac de cuir avec dix clefs. Anvers, 27 octobre 1830, F. Vanden Herreweghe; » et la remise de ces clefs avait eu lieu à 9 heures du matin, comme le constate le rapport de Vanden Herreweghe au gouvernement provisoire (1). Il annonça ensuite, par une proclamation datée d'Anvers, le 27 octobre, 10 heures du matin, que les troupes se retireraient immédiatement dans la citadelle et dans l'arsenal, et que « toutes les "portes de la ville étaient ouvertes, » ce qui permit à Niellon et à Mellinet d'y faire leur entrée (2). Il était donc convenu, entre le général et le délégué du gouvernement provisoire, que les Hollandais se retireraient à la citadelle et dans l'arsenal: c'est Vanden Herreweghe lui-même qui le déclarait dans sa proclamation.

Ces faits, de même que ceux relatifs au bombardement d'Anvers, se trouvent consignés dans un rapport adressé au prince Frédéric par le colonel directeur des fortifications Vander Wyck, qui n'avait quitté la citadelle qu'à onze heures du soir (3); et il résulte de ce

(1) Courrier des Pays-Bas du 7 novembre.

(2) Voir le texte de cette proclamation au supplément des Esquisses historiques, p. 134.

(3) Staats-Courant du ler novembre 1830, no 260.

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