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de la révolution. L'empereur de Russie était le beaufrère du prince d'Orange; le roi de Prusse, le beaufrère de Guillaume Ier, et l'Angleterre avait un ministère tory présidé par le duc de Wellington, le vainqueur de Waterloo, l'ancien général en chef de la coalition. Aussi Guillaume IV avait-il prononcé le 2 novembre, à l'ouverture du parlement anglais, ces paroles menaçantes :

« Si c'est avec un profond regret que j'ai été témoin « de l'état des affaires dans les Pays-Bas, je déplore <que l'administration éclairée du roi n'ait pu préserver ses domaines de la révolte, et que la mesure sage et prudente de soumettre les désirs et les plaintes du peuple à une réunion extraordinaire des états généraux n'ait pas amené un résultat satisfaisant.

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"Sentant toujours la nécessité de respecter la foi d'engagements nationaux, je suis persuadé que ma "détermination de maintenir, de concert avec mes ❝ alliés, les traités généraux par lesquels le système politique de l'Europe a été établi, offrira la meilleure garantie pour la paix du monde. »

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En mettant ces paroles dans la bouche du chef de l'État, le cabinet anglais oubliait ou ne savait point que l'administration éclairée du roi des Pays-Bas avait violenté, pendant quinze ans, toutes les classes de la société en Belgique; que le roi n'avait convoqué les états généraux en session extraordinaire qu'à son corps défendant; qu'il avait fait attaquer Bruxelles par ses troupes avant que les états généraux, assemblés depuis dix jours, se fussent occupés de la question belge; qu'il

ne leur avait soumis cette question qu'après la victoire de Bruxelles et lorsque cette victoire était connue à La Haye; qu'il était, en un mot, la première cause de ce qui était arrivé. Aussi le congrès ne recula-t-il point devant les menaces du roi d'Angleterre. N'écoutant que le vieil adage: Fais ce que dois, advienne que pourra, il répondit à ces menaces en proclamant, le 18 novembre, l'indépendance du peuple belge, sauf les relations du Luxembourg avec la Confédération germanique, et en décrétant, le 24, l'exclusion perpétuelle des Nassau de tout pouvoir en Belgique et pour mieux assurer l'exécution de ces décrets, il déclara, le 24 février 1831, qu'il les avait portés comme corps constituant.

Le congrès ne se doutait pas, au moment où il proclamait notre indépendance nationale, que la conférence elle-même la reconnaîtrait un mois plus tard; c'est pourtant ce qui arriva.

Le ministère tory avait été obligé de se retirer. Lord Palmerston, qui a été véritablement le père de la Belgique, avait remplacé le comte Aberdeen au ForeignOffice, et la conférence, malgré son peu de sympathie pour nous, devait compter avec le principe révolutionnaire qui venait de renverser le trône des vieux Bourbons, et qui allait soulever la Pologne et l'Italie. Elle devait compter aussi avec la question belge qui pouvait, d'un moment à l'autre, faire éclater une guerre générale. Or, la conférence était unanime, comme le prouvent ses actes, pour chercher à éviter cette guerre. Le baron Verstolck de Soelen, ministre des affaires étrangères des Pays-Bas à La Haye, disait même aux états

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généraux le 5 août 1831 (1)« que l'Europe, fortement ébranlée, n'avait d'autre principe que le maintien de < la paix générale, et qu'elle ne trouvait aucune condi<< tion trop onéreuse à proposer à la Hollande, pourvu qu'elle conduisit à ce but. Cela explique comment la révolution de Pologne, qui éclata à Varsovie le 29 novembre, décida la conférence à proclamer notre indépendance nationale par un protocole du 20 décembre (2). La Russie était trop occupée chez elle, et les provinces polonaises de la Prusse et de l'Autriche exigeaient trop de surveillance, pour permettre aux cours du Nord de réaliser les menaces du roi d'Angleterre. Le parti le plus sage était donc de trancher la question belge en prononçant le divorce des deux pays, et c'est ce que fit la conférence par son protocole du 20 décem bre, qui portait:

Les plénipotentiaires des cinq cours ayant reçu « l'adhésion formelle du gouvernement belge à l'armistice qui lui avait été proposé, et que le roi des PaysBas a aussi accepté, et la conférence ayant ainsi, en arrêtant l'effusion du sang, accompli la première tâche qu'elle s'était imposée, les plénipotentiaires se « sont réunis pour délibérer sur les mesures ultérieures à prendre dans le but de remédier au déran

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gement que les troubles survenus en Belgique ont

apporté dans le système établi par les traités de 1814 <et 1815.

(1) Recueil de La Haye, tome Ier, page 272. (2) Recueil de La Haye, tome Ier, page 44.

- En formant par les traités en question l'union de - la Belgique avec la Hollande, les puissances signa<taires de ces mêmes traités, et dont les plénipoten<tiaires sont assemblés dans ce moment, avaient pour <but de former un juste équilibre en Europe et d'assurer le maintien de la paix générale.

« Les événements des quatre derniers mois ont mal< heureusement démontré que cet amalgame parfait et

complet que les puissances coulaient opérer entre ces « deux pays n'avait pas été obtenu; qu'il serait désormais impossible à effectuer; qu'ainsi, l'objet même de l'union de la Belgique avec la Hollande se trouve « détruit, et que dès lors il devient indispensable de < recourir à d'autres arrangements pour accomplir les << intentions à l'exécution desquelles cette union devait servir de moyen.

Unie à la Hollande, et faisant partie intégrante du royaume des Pays-Bas, la Belgique avait à remplir sa part des devoirs européens de ce royaume et < des obligations que les traités lui avaient fait contracter envers les autres puissances. Sa séparation d'avec la Hollande ne saurait la libérer de cette part <de ses devoirs et de ses obligations.

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< La conférence s'occupera conséquemment de discuter et de concerter les nouveaux arrangements les plus propres à combiner l'indépendance future de la Belgique avec les stipulations des traités, avec les intérêts et la sécurité des autres puissances et avec << la conservation de l'équilibre européen. A cet effet la conférence, tout en continuant ses négociations avec

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le plénipotentiaire de S. M. le roi des Pays-Bas, engagera le gouvernement provisoire de la Belgique « à à envoyer à Londres, le plus tôt possible, des commissaires munis d'instructions et de pouvoirs assez amples, pour être consultés et entendus sur tout ce qui pourra faciliter l'adoption définitive des arrange«ments dont il a été fait mention plus haut. C'était reconnaître bien clairement notre indépendance nationale; et il s'était à peine écoulé trois mois depuis les journées de Septembre! Mais la chute du ministère tory et la révolution de Pologne n'étaient pas étrangères à ce résultat.

Le protocole du 20 décembre fut transmis aux deux gouvernements. Notre comité diplomatique en accusa la réception par une note verbale du 3 janvier, dans laquelle, après avoir fait des réserves sur un point, il réclama d'avance la rive gauche de l'Escaut, le Limbourg, en entier, et tout le Luxembourg, sauf ses relations avec la Confédération germanique (1).

Quant au plénipotentiaire hollandais, il protesta énergiquement contre ce protocole; et le roi lui-même adressa à la conférence une protestation non moins énergique, dans laquelle il lui disait (2) :

Comme roi, appelé à veiller au bien-être d'une fraction de la population européenne, Sa Majesté <a été vivement affectée de remarquer que les complications survenues en Europe ont paru tellement

(1) Recueil de La Haye, tome Ier, page 55. (2) Recueil de La Haye, tome Ier, page 80.

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