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« graves, qu'on a jugé devoir, comme unique remède, << sanctionner les résultats d'une révolte qui ne fut provoquée par aucun motif légitime, et compromettre « ainsi la stabilité de tous les trônes, l'ordre social de tous les États, et le bonheur, le repos et la prospérité de tous les peuples... La conférence de Londres se << réunit, il est vrai, sur la demande du roi; mais cette circonstance n'attribuait point à la conférence. le droit de donner à ses protocoles une direction opposée à l'objet pour lequel son assistance avait été demandée, et, au lieu de coopérer au rétablissement << de l'ordre dans les Pays-Bas, de les faire tendre au démembrement du royaume.

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< Toutefois Sa Majesté, quoique entourée d'un peuple dévoué, loyal, et déployant, à l'effet de maintenir le règne des lois, la même énergie que provoque ailleurs le fanatisme populaire, ne saurait seule conjurer les < orages politiques qui peuvent menacer l'Europe... Néanmoins les obligations du roi envers les souverains, envers sa dynastie, envers le grand nombre de ceux qui, dans les provinces insurgées, déplorent « les maux qui les accablent, lui prescrivent de se ré<< server, comme il le fait par la présente, ses droits et - ceux de sa maison sur la Belgique, et de déclarer à la face du monde que, d'après l'exemple de ses aïeux qui versèrent leur sang pour la vraie liberté, il n'adoptera jamais pour principe de son règne une politique subversive de l'ordre social, ni des doctrines qui, sous la fausse apparence du libéralisme, ne tendent qu'au despotisme.

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Cette protestation pouvait se justifier en droit strict. Car le roi n'avait attribué aux grandes puissances qu'une mission médiatrice, et les traités de 1814 et 1815 les obligeaient à lui garantir la possession de la Belgique. Le protocole du 20 décembre violait donc ces traités, et il excédait le mandat que le roi avait donné à la conférence. Mais, après la bataille de Bruxelles, et, surtout, après le bombardement d'Anvers, considéré alors comme une vengeance de Rotterdam sur sa rivale, la réunion des deux pays était devenue impossible. Elle aurait été une cause perpétuelle d'agitation en Europe, et la conférence, qui devait plutôt sauvegarder les intérêts de l'Europe que ceux de la Hollande, ne pouvait faire que ce qu'elle a fait.

Elle régla ensuite, par deux protocoles du 20 et du 27 janvier dont nous parlerons plus tard, les conditions territoriales et financières de la séparation des deux pays (1), et le roi donna, le 18 février, sa « pleine et "entière adhésion à ces protocoles (2), bien qu'il eût vivement protesté contre celui du 20 décembre, dont ils n'étaient que la conséquence. Bornons-nous à constater, pour le moment, que le protocole du 20 janvier nous enlevait le Luxembourg, et que cette question souleva, au sein de la conférence, des prétentions annexionistes de la part du gouvernement français.

Lord Palmerston croyait, dans le principe, que la candidature du prince d'Orange au trône de Belgique

(1) Recueil de La Haye, t. Ier, p. 70 et 103. (2) Recueil de La Haye, tome Ier, page 138.

pourrait aboutir, si le prince nous apportait le Luxembourg, auquel nous étions très-attachés. « J'en parlai un jour au prince de Talleyrand, écrivait-il le 7 janvier 1831 à lord Granville, ministre d'Angleterre à « Paris (1); il parut réfléchir et il m'exprima ensuite "l'idée que la réunion du Luxembourg à la Belgique déplairait sans doute à son gouvernement. Je lui objectai que le Luxembourg avait appartenu autre« fois à la Belgique, et que, s'il y était réuni de nou« veau, il ne gênerait pas plus la France que lorsqu'il

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était réuni à la Belgique en même temps qu'à la « Hollande. Talleyrand finit par me demander s'il n'y "aurait pas moyen de faire un arrangement qui don"nerait le Luxembourg à la France pour garantir sa « frontière de l'est, peu ou point défendue de ce côté. J'éprouvai une vive surprise en entendant cette proposition. Je déclarai qu'un pareil arrangement me paraissait impossible et que nous n'y consentirions Jamais. J'ajoutai que l'Angleterre n'avait aucun inté«rêt d'égoïsme à propos de la Belgique; mais que nous << voulions voir ce pays jouir d'une indépendance réelle ❝et sincère.

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« J'ai appris depuis cette conversation que des propositions analogues ont été faites à la Prusse, à propos des provinces rhénanes, à condition de placer le ❝ roi de Saxe sur le trône de Belgique et de donner la "Saxe à la Prusse. Aujourd'hui, Talleyrand m'a de« mandé pour la France Philippeville et Mariembourg,

(1) The life of Henry John Temple, viscount Palmerston. Leipzig, Bernard Tauchnitz, 1871. Tome II, page 31.

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en me promettant l'appui de son gouvernement pour l'élection du prince Léopold comme roi des Belges. « Je n'aime pas tout cela. On croirait que la France “ ne veut cesser de persister dans son système d'enva“hissement, et cela diminue la confiance dans sa sin"cérité et sa bonne foi. » Le gouvernement français poursuivait donc à Berlin et à Londres, au mois de janvier 1831, la fameuse question des frontières naturelles, soulevée à Bruxelles, par les clubs de Paris, dans la nuit du 25 août, et reproduite en 1867 dans le célèbre traité Benedetti. Mais les déclarations péremptoires de lord Palmerston obligèrent Talleyrand à signer avec ses collègues le protocole du 20 janvier. Il ne le fit cependant qu'après avoir insisté comme un lion pour obtenir au moins la neutralité du grandduché, dans le cas où l'on ne voudrait pas céder à la France Philippeville et Mariembourg. « Mais je lui ai

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répondu, » écrivait encore Palmerston à Granville, par une lettre du 21 janvier (1), « que je n'avais pas le droit de donner ce qui appartenait à la Belgique, et « non à nous; qu'il m'était impossible, sous prétexte de vider la querelle entre la Hollande et la Belgique, « de dépouiller l'une des deux parties au bénéfice de l'un des médiateurs, et que, du reste, si la France commençait, les autres pourraient suivre son exemple: il a fini par céder. »

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La France proposa ensuite à la conférence, par une dépêche du 1er mars (2), de distraire du grand-duché et

(1) Publication Tauchnitz, 2 vol., p. 35.

(2) Recueil de La Haye, tome Ier, page 150.

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de réunir à la Belgique le duché de Bouillon, qui n'avait pas appartenu au Luxembourg autrichien, et qu'on avait laissé à la France en 1814. Palmerston découvrit bientôt que cette demande cachait une nouvelle pensée d'annexion, et il en écrivit de nouveau à lord Granville (1), en ajoutant qu'on était vraiment dégoûté de « voir un grand pays, dans une aussi grande crise, où de si grands intérêts étaient en jeu, intriguer pour « des objets aussi misérables que le château en ruine << de Bouillon, et le petit territoire qui l'environne, mais qu'il ne céderait jamais à la France ni un vignoble « ni un potager. » Le cabinet des Tuileries, vaincu par la résistance de Palmerston, finit donc par adhérer, le 17 avril, au protocole du 20 janvier (2).

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Pendant que la conférence de Londres s'occupait de nos questions internationales, et que lord Palmerston nous défendait contre les convoitises de la France, le congrès belge travaillait sans relâche à notre loi constitutionnelle. Il avait presque achevé son œuvre lorsqu'il entama, le 29 janvier, sa mémorable discussion sur le choix du chef de l'État. Elle se termina, le 3 février, par l'élection du duc de Nemours, second fils de Louis-Philippe. Trois candidats étaient en présence: le duc de Nemours, dont l'Angleterre, la Prusse, la Russie et l'Autriche ne voulaient pas, comme le constate un protocole du 1er février 1831 (3); le duc de Leuchtenberg,

(1) Lettres des 9 et 25 mars. - Publication Tauchnitz, 2 vol., et 59.

(2) Recueil de La Haye, tome Ier, page 171. (3) Recueil de La Haye, tome Ier, page 126.

p. 50

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