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3° De ce que l'on avait encore fait à cette époque, ❝ en dehors des budgets, des dépenses illégales s'élevant ❝ à 10 millions 220,498 florins 77 cents, et rensei

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gnées à l'état B comme des avances et payements «. de diverses natures; » et le député Van Ryckevorsel ajouta immédiatement (1) que ces 10 millions 220,498 florins 77 cents étaient irrecouvrables, « niet te recou« vreren, et que l'état B en donnait le détail, « de « specificatie.» Mais les millions dépensés en Belgique pour cause d'orangisme étaient nécessairement irrecouvrables; et si le dernier poste de l'état B avait compris d'autres avances, il aurait été impossible de ne pas avoir au moins quelque chose à récupérer sur plus de dix millions de florins : c'est donc évidemment aux dépenses pour cause d'orangisme que s'appliquait le poste de 10 millions 220,498 florins inscrit dans l'état B, d'autant plus que ce poste, comme le disait le député Bruce, se rapportait à des dépenses « illégales, faites en dehors « des budgets; » et Lebrocquy, sans en préciser le chiffre, le portait à quelques millions de florins. Il en résulte que les menées du roi en Belgique ont coûté plus de 21 millions de francs à la Hollande; et ce chiffre n'a rien d'exagéré puisqu'il comprenait des dépenses faites pendant dix ans pour soutenir quatre journaux orangistes, le Lynx, à Bruxelles, l'Industrie, à Liége, le Messager de Gand et le Journal du commerce d'Anvers, et pour donner « régulièrement, comme le dit Lebrocquy, des secours et des traitements à

(1) Supplément au Staats-Courant du 10 février.

d'anciens fonctionnaires civils ou militaires, et à quelques-uns en activité de service; ce qui s'élevait annuel«lement, comme il le dit encore, à une somme consi“dérable. ”

Quoique nous n'ayons pas à rechercher l'origine des millions dépensés en Belgique, il nous est impossible de ne pas mentionner un fait excessivement grave qui s'y rattache peut-être, et que le ministre des finances a reconnu dans la discussion du projet d'emprunt (1). Répondant à une interpellation, le ministre avoua que l'on avait effectué des dépenses au moyen de fonds déposés dans les caisses de l'État pour y être gardés,

om bewaard te worden. » Il cita comme exemple des fonds de chemin de fer qui s'élevaient à 7 millions 680,000 florins, et qu'il fallait maintenant rétablir dans la caisse d'où ils étaient sortis. Mais on comprend l'effet que ce détournement et les millions irrecouvrables de l'état B durent produire sur l'assemblée. Un de ses membres, l'honorable Vandam Van-Ysselt, celui-là même qui avait levé à ses frais une compagnie de chasseurs volontaires et qui l'avait commandée pendant la campagne des dix jours, protesta avec indignation contre ces abus (2): « Le voilà donc levé, » s'écriat-il, « le voile qui cachait notre situation financière! Et que s'offre-t-il à nos yeux derrière ce voile? Des << caisses vides, beaucoup de dépenses illégales, un « déficit considérable au syndicat d'amortissement, représenté depuis si longtemps comme une source de

“Et

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(1) Staats-Courant du 17 décembre 1840, no 301. (2) Staats-Courant du 17 décembre 1840, no 301.

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bénéfices, et l'évanouissement en fumée de tant de monts et merveilles que l'on nous avait promis des Indes orientales! Si les hommes qui se sont rendus coupables de scandaleuses dilapidations étaient appelés à en répondre, aucune considération de per"sonne ne m'empêcherait d'y prêter les mains. » Ces dilapidations, malheureusement, étaient consommées, et ce fut la Hollande qui les remboursa.

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Reprenons maintenant notre récit, et voyons quelles ont été les suites de la campagne du mois d'août.

Elle aurait pu entraîner une guerre générale si l'une des grandes puissances avait pris fait et cause pour la Hollande. La conférence invita donc les deux gouvernements, pendant que les Hollandais marchaient sur le Limbourg, à nommer des plénipotentiaires pour conclure, à son intervention, un traité de paix définitif; et elle leur fit accepter, après l'évacuation de la Belgique par les troupes françaises, un armistice de six semaines à partir du 29 août jusqu'au 10 octobre. La conférence invita ensuite les plénipotentiaires des deux pays, par une lettre du 3 septembre (1), « à lui communiquer << leurs idées sur les moyens de résoudre, dans un « traité définitif, les trois points suivants à l'égard desquels s'élevaient principalement des difficultés entre les parties directement intéressées, savoir :

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1o La démarcation des limites entre la Hollande ❝ et la Belgique;

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2o Les arrangements relatifs au grand-duché de Luxembourg;

(1) Recueil de La Haye, tome II, page 24.

3o La nature de la transaction qui pourrait inter❝ venir relativement au partage des dettes. »

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La première question était résolue en principe par le protocole du 20 janvier, puisqu'il attribuait à la Hollande tous les territoires, places, villes et lieux qui appartenaient à la ci-devant république des Provinces-Unies des Pays-Bas, en l'année 1790, » et à la Belgique, sauf le grand-duché de Luxembourg, <tout le reste des territoires qui avaient reçu la « dénomination de royaume des Pays-Bas dans les << traités de l'année 1815. » Mais les limites du grandduché et des anciennes provinces hollandaises étaient fixées depuis des siècles. La démarcation de la Belgique et de la Hollande ne pouvait donc soulever de difficultés qu'au sujet de la possession indivise de Maestricht, et de la frontière à établir dans le Limbourg.

Le protocole du 20 janvier avait également décidé en principe la seconde question, celle du Luxembourg, en déclarant que le grand-duché, « possédé à un titre différent par les princes de la maison de Nassau, faisait

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« et continuerait à faire partie de la Confédération << germanique; » et nous verrons bientôt que cette décision était parfaitement juste.

Quant au troisième point, celui relatif au partage de la dette, la Belgique était incapable de le discuter, en l'absence de documents qui se trouvaient à La Haye.

On se serait du reste facilement entendu sur la démarcation des limites, si l'on n'avait pas soulevé, des deux côtés, des prétentions inconciliables ou inadmissibles. Mais la Belgique et la Hollande revendiquèrent

l'une et l'autre la possession exclusive de Maestricht, et les plénipotentiaires hollandais, pour assurer à leur pays les deux rives de la Meuse, proposèrent une ligne de démarcation qui nous aurait fait perdre les trois quarts du Limbourg (1), tandis que la Hollande n'avait possédé autrefois que le sixième de cette province. Ils allèrent même jusqu'à mettre en question, pour l'ancienne principauté de Liége et pour les cantons français réunis au royaume des Pays-Bas en 1815, le droit de propriété que le protocole du 20 janvier et les préliminaires du 26 juin nous attribuaient irrévocablement sur tout ce que la Hollande ne possédait pas en 1790; et cependant le roi des Pays-Bas avait pleinement adhéré à ce protocole. Ils fondèrent cette étrange prétention sur ce que la principauté de Liége et les cantons français de 1815 n'avaient jamais appartenu aux Pays-Bas autrichiens (2). Mais il suffisait que ces territoires n'eussent pas appartenu à la Hollande en 1790, pour que leur propriété fût acquise à la Belgique, aux termes du protocole et des préliminaires.

Le plénipotentiaire belge réclama de son côté, indépendamment de la possession exclusive de Maestricht, la partie du Limbourg située entre Venloo et cette ville, et la rive gauche de l'Escaut, ancienne Flandre zélandaise, qui appartenait depuis des siècles à la Hollande, et d'où nous étions exclus par les préliminaires du 26 juin que nous avions acceptés (3). Les deux (1) Note du plénipotentiaire belge. Recueil de La Haye, tome II, page 61.

(2) Recueil de La Haye, tome II, pages 37 et 38. (3) Recueil de La Haye, tome II, page 41.

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