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« fut résolu à une grande majorité, » dit un écrivain hollandais (1) de faire, de la part de la chambre, une « démarche auprès du roi, dans le but d'engager Sa Majesté à prêter l'oreille aux propositions de SaintPétersbourg. Elle députa l'un de ses membres, le <baron Schimmelpenninck Vanderoye, qui se chargea de représenter au ministre l'urgence des circonstances « et le danger qu'il y aurait pour le pays dans le rejet « desdites propositions, priant le ministre de repré<< senter la chose au roi de la part de la chambre, et de communiquer à Sa Majesté le désir de celle-ci de faire elle-même au roi une proposition à cet égard. « Le ministre se chargea de cette commission, qui n'eut cependant aucun résultat. Le même jour il communiqua à M. Schimmelpenninck la réponse du roi, portant en substance qu'il priait instamment la chambre de ne faire aucune démarche officielle; qu'une pareille démarche pourrait être considérée dans le pays et à l'étranger comme une marque de désunion ou de divergence d'opinion entre le roi et << la chambre, et que ses conséquences pourraient être funestes et tendraient à démentir l'heureuse union « subsistant jusqu'ici et admirée de toute l'Europe; que, d'ailleurs, le roi priait la chambre d'avoir con<< fiance en lui, porté, comme il l'était, à mettre le plus «tôt possible une fin à la malheureuse situation dans « laquelle se trouvait le pays, et qu'il saisirait la première occasion d'entrer en arrangement pourvu que

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(1) La conférence de Londres et Guillaume Ier, par le baron Sirtema de Grovestins, p. 64.

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les conditions proposées fussent acceptables, donnant " à cet égard les assurances les plus positives à la cham- . bre. Celle-ci, ajoute l'écrivain hollandais, « se con<< tenta de ces assurances, se rendormit de son som<< meil de mort, et, bientôt, la ratification de la Russie «vint mettre la dernière main au traité des 24 articles désormais, il était entré dans le droit public européen. »

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Cela se passait au mois de mars 1832; mais, loin ← d'être porté, comme il en donnait les assurances les

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plus positives, à mettre le plus tôt possible une fin à la malheureuse situation dans laquelle se trouvait le « pays, » le roi était bien décidé à ne pas en finir avec la question belge. Ce ne fut que six ans plus tard, au mois de mars 1838, qu'il se décida à accepter les 24 articles; et encore ne le fit-il, comme on le verra, que forcé et contraint par les états généraux.

Mais, s'il lui plaisait de ne pas y adhérer, il ne pouvait nous convenir de le laisser indéfiniment en possession de la citadelle d'Anvers et des forts qui en dépendent. La dernière ratification, celle de la Russie, avait été échangée à Londres le 4 mai 1832, et la conférence s'était engagée à garantir aux deux pays l'exécution des 24 articles. Le plénipotentiaire belge réclama donc les effets de cette garantie par une note du 7 mai, en demandant à la conférence notre mise en possession de la citadelle. « Une expérience récente a montré, » lũi disait-il (1), « que l'on ne doit compter, ni sur l'empres

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(1) Recueil de La Haye, tome III, pages 61.

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sement du cabinet de La Haye à exécuter les con<ventions arrêtées, ni sur son désir d'aplanir les difficultés pour arriver à une conclusion définitive. En « effet, cinq mois et plus se sont écoulés depuis la com<munication des 24 articles faite par la conférence. Le gouvernement du roi ne pourrait donc, sans compromettre le sort du commerce et de l'industrie en Belgique, et sans nuire à tous les intérêts d'une "nation qui a fait tant et de si douloureux sacrifi<< ces au maintien de la paix européenne, abandonner. à de nouvelles incertitudes ni exposer à de nouveaux « délais l'exécution finale du traité du 15 novembre. » La conférence de Londres, cependant, crut devoir faire de nouveaux efforts pour tâcher de terminer le différend à l'amiable; mais cette dernière tentative ne fut pas plus heureuse que les autres. Louis-Philippe et le roi d'Angleterre s'engagèrent donc, par une convention du 22 octobre (1), à pręster pour leur compte personnel la garantie qu'ils devaient à la Belgique, et à employer conjointement des mesures coercitives pour nous mettre en possession du territoire qui nous appartenait. Il fut arrêté entre les deux souverains que si la Hollande avait encore des troupes en Belgique à la date du 15 novembre, l'embargo serait mis sur tous les vaisseaux hollandais qui se trouveraient dans les ports de France et d'Angleterre ou qui y seraient amenés par les croisières des deux pays; qu'une escadre française et anglaise stationnerait sur les côtes de la Hol

(1) Recueil de La Haye, tome III, page 279.

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lande pour l'exécution plus efficace de cette mesure, et qu'une armée française entrerait en Belgique pour expulser les Hollandais de la citadelle et des forts qui en dépendent. Mais les plénipotentiaires des cours du Nord refusèrent, à défaut de pouvoirs suffisants, de s'ossocier à ces mesures coercitives, quoiqu'ils eussent hautement improuvé les dernières déterminations du << gouvernement des Pays-Bas, comme se référant, disaient-ils, « à des propositions que la conférence « avait jugées inadmissibles; comme insistant sur des stipulations qui étaient évidemment illusoires; comme repoussant aujourd'hui des éclaircissements au sujet desquels un complet accord paraissait établi avec le plénipotentiaire néerlandais lui-même; comme prou<< vant enfin, par les réponses du plénipotentiaire « néerlandais aux questions qui lui avaient été adressées, qu'il ne possédait ni pouvoirs réels ni instructions suffisantes pour résoudre les difficultés qui <arrêtaient le dénoûment des négociations de la con«férence : » et il y avait alors près d'un an qu'elle avait décrété les 24 articles. Cette haute improbation des cours du Nord se trouve en effet consignée dans un protocole du 1er octobre 1832 (1), tandis que les 24 articles remontaient au 14 octobre 1831. Cela explique déjà comment la Russie, la Prusse et l'Autriche, sans concourir aux mesures coercitives adoptées par la France et l'Angleterre, n'y ont mis du moins aucune entrave. L'échec du comte Orloff à La Haye, qui attei

(1) Recueil de La Haye, tome III, page 230.

gnait les trois cours du Nord, avait dû aussi les rendre moins favorables à la Hollande. Mais un motif plus péremptoire les condamnait à une neutralité absolue. La Belgique avait maintenant une armée de 100,000 hommes, commandée et administrée par deux notabilités militaires françaises, le général Desprez, ancien chef d'état-major du maréchal Bourmont lors de la conquête d'Alger, et le général Evain, qui avait pris part à tous les travaux d'organisation militaire de l'Empire et de la Restauration (1). Ces 100,000 hommes, bien armés, bien équipés, bien disciplinés, auraient pu se passer de l'intervention française pour affranchir notre territoire; aussi les plénipotentiaires belges avaient-ils déclaré formellement à la conférence, en réclamant de nouveau la mise en possession de la citadelle d'Anvers (2), que

si, contre toute attente, cette réclamation restait "vaine comme celles qui l'avaient précédée, on ne sau«rait contester à la Belgique le droit de prendre elle« même les mesures propres à amener un résultat depuis « si longtemps attendu. » Mais ces mesures ne se seraient pas arrêtées à la citadelle d'Anvers; elles auraient nécessairement amené une guerre avec la Hollande, et les chances d'une guerre générale se seraient de nouveau reproduites. Notre armée de 100,000 hommes suffisait donc pour empêcher les cours du Nord de s'opposer aux mesures coercitives de la France et de l'Angleterre. Il est même probable que si nous n'avions pas eu cette armée, qui pouvait à chaque instant mettre

(1) Thonissen, Études d'histoire contemporaine, ler vol., chap. 12. ̊ (2) Note du 31 août.—Recueil de La Haye, tome III, p. 169.

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