Page images
PDF
EPUB

ciliation, mais elle fut bientôt compromise par de nouveaux événements.

Le journaux avaient appris à l'évêque de Gand, réfugié en France, la démarche du curé d'Ostende, et l'avis favorable que le chapitre avait donné sur sa requête. Considérant cette démarche comme « un grand scandale, et voulant empêcher le chapitre d'aviser de nouveau en semblable matière, l'évêque avait défendu à ses grands vicaires, par une lettre du 14 octobre 1820, de convoquer désormais le chapitre, pour quelque motif et sous quelque prétexte que ce pût être. Cette lettre, datée de Beaune, était signée par l'évêque de Gand et adressée à « messieurs les vicaires généraux Goethals <et Maertens. »

Quelques jours après, le directeur général du culte catholique et les gouverneurs de Gand et de Bruges ayant envoyé des pièces au chapitre, le secrétaire de l'évêché les leur retourna par ordre des grands vicaires, en exécution de la défense qu'ils avaient reçue de convoquer le chapitre, pour quelque motif et sous quelque prétexte que ce pût être.

Irrité de ce renvoi et ne pouvant atteindre l'évêque de Gand, réfugié en France, le directeur général du culte catholique s'en prit au secrétaire de l'évêché, François René Boussen, mort évêque de Bruges en 1848, et aux deux vicaires généraux, Ambroise Goethals, âgé de soixante-neuf ans, et François Maertens, âgé de soixante-deux ans. Il réclama donc l'intervention du procureur général à Bruxelles, pour « faire coffrer, lui disait-il, ceux que nous visions depuis

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

« longtemps (1); » et ces hommes que l'on allait « coffrer et que l'on « visait depuis longtemps,» étaient ceux qui avaient aidé le roi à régulariser la position. du curé d'Ostende, et qui lui avaient rendu un autre service, à la fin de 1817, en faisant administrer les derniers sacrements au procureur du roi de Termonde. Tous trois, arrêtés le 22 décembre 1820, furent acquittés par la cour d'assises du Brabant le 25 mai 1821, après cinq mois de détention préventive. La chambre des mises en accusation les avait renvoyés devant cette cour comme suffisamment prévenus:

1° Ambroise Goethals, d'avoir publié à Gand, dans le courant du mois d'octobre, un écrit renfermant des instructions pastorales, disant l'avoir reçu de M. de Broglie qu'il qualifiait d'évêque de Gand; lequel écrit, daté de Beaune le 14 dudit mois, contenait, non-seu<<lement des critiques ou censures des actes de l'auto

[ocr errors]

rité publique, mais aussi une provocation directe tendant à engager les membres du chapitre de Gand et d'autres ecclésiastiques à la désobéissance << aux lois ou autres actes de l'autorité publique : ❝ crimes prévus par les articles 204 et 205 du code pénal;

< 2° François Maertens et François Boussen, d'avoir, avec connaissance, aidé ou assisté l'accusé Goethals <dans les faits qui avaient préparé, facilité et consommé lesdits crimes;

• 3° Les prédits Goethals, Maertens et Boussen,

(1) Archives du parquet.-Lettre du 3 novembre 1820, adressée par le directeur général du culte catholique au procureur général à Bruxelles.

[ocr errors]

66

d'avoir, au mois d'octobre, en abusant dudit écrit, commis un acte contraire au bon ordre, ou répandu des bruits, annonces ou nouvelles tendant à alarmer ❝ou troubler le public; d'avoir cherché à susciter entre les habitants de la défiance, de la désunion ou des querelles faits prévus par l'article 1er de l'arrêté du « 20 avril 1815 et par la loi du 6 mars 1818. »

66

Le premier chef d'accusation contre Goethals, ainsi que la complicité de Maertens et de Boussen, reposaient uniquement sur les articles 204 et 205 du code pénal. Mais ces articles ne punissaient pas l'écrit en lui-même, ils se bornaient à punir le ministre du culte qui aurait publié cet écrit; et c'est pour ce motif que l'arrêt de mise en accusation imputait à Goethals « d'avoir publié à Gand un écrit renfermant des instructions pasto

66

rales, etc. En supposant donc que la lettre de l'évêque rentrât dans les termes des articles 204 et 205, il n'y avait de criminalité possible, dans le chef de Goethals, que pour autant qu'il eût publié cette pièce, et dans celui de Maertens et de Boussen, que pour autant qu'ils eussent concouru à cette publication.

Or, les seuls témoins que l'on eût interrogés à cet égard dans l'instruction écrite étaient le curé d'Ostende, celui de Ghistelles, celui de Saint-Gilles, à Bruges, et ceux de Saint-Bavon, de Saint-Jacques et de SaintSauveur, à Gand. Mais il résultait de leurs déclarations que les curés de Ghistelles, de Saint-Gilles à Bruges et de Saint-Jacques à Gand n'avaient aucune connaissance de la lettre incriminée; que ceux de Saint-Bavon et de Saint-Sauveur en ignoraient le con

et

tenu, quoiqu'ils eussent entendu parler de cette lettre, que le curé d'Ostende était le seul à qui elle eût été communiquée, non par l'un ou l'autre des accusés, mais par le baron de Loen, gouverneur de la Flandre occidentale. Nous avons retrouvé, d'ailleurs, aux archives du parquet une dépêche du 18 novembre, par laquelle le ministre de la justice adressait une copie de cette lettre au procureur général : ce qui explique comment le gouverneur de Bruges avait pu en recevoir une autre copie du ministère et la communiquer au curé d'Ostende. La procédure excluait donc toute idée de publication dans le chef des accusés, à tel point que le ministère public chercha vainement à se procurer in extremis les preuves qui lui manquaient sous ce rapport. C'est ce qui résulte d'une lettre adressée au procureur général par le procureur criminel à Gand, huit jours avant la mise en jugement des accusés (1) :

[ocr errors]

66

[ocr errors]

66

Au reçu de votre dépêche confidentielle du 30 avril, lui écrivait ce magistrat, je me suis incontinent occupé de conférer avec le gouverneur sur le moyen de parvenir à produire devant la cour d'assises à Bruxelles, quelques fonctionnaires ou autres personnes croyables qui seraient à même de déposer sur le fait de la publicité donnée à la lettre de M. de Broglie, "en date du 14 octobre dernier; mais nos communs < efforts à cet effet n'ont pu nous procurer la découverte d'aucun semblable témoin. M. le gouverneur "lui-même m'assure qu'il n'est pas à même de déposer

[ocr errors]

(1) Archives du parquet.

Lettre du 2 mai 1821.

sur la publicité de la susdite lettre, dont j'ai cepen<dant eu soin de lui rappeler les termes, afin d'aider ❝ sa mémoire et de lui permettre de distinguer cette lettre de celle du 31 juillet précédent, dont il est aussi question dans l'affaire des vicaires généraux Maertens et Goethals, et dont le public a souvent parlé d'une manière incertaine et assez confuse, au point que moi-même, tout en entendant quelquefois parler des susdites lettres, je n'ai jamais pu connaître « bien positivement quelle de ces lettres contenait des "mots ou termes assez répréhensibles pour faire la « base d'une poursuite (1).

66

[ocr errors]

"

Il est évident, d'après cela, que la lettre de l'évêque n'avait reçu aucune publicité, et que les accusés étaient, dès lors, innocents des crimes prévus par les articles 204 et 205, puisqu'il n'y a pas de criminalité en cette matière sans publicité. Cette lettre se bornait, d'ailleurs, à infliger un blâme au curé d'Ostende, et à défendre aux accusés de convoquer désormais le chapitre, pour quelque motif et sous quelque prétexte que ce pût être. Or, il n'y avait pas de loi ni de disposition administrative qui obligeât l'évêque à réunir le chapitre à certaines époques ou pour certaines affaires. La défense de le convoquer ne pouvait donc constituer une provocation à la désobéissance aux lois ou à d'autres actes de l'autorité publique, ni, par conséquent, rentrer dans les termes de l'article 205.

(1) Il est à remarquer que ce n'était pas le procureur criminel, auteur de cette réponse, mais le procureur du roi de Gand, qui avait dirigé l'instruction.

« PreviousContinue »