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colléges communaux et aux établissements particuliers qui obtenaient cette agréation, le droit de choisir et de nommer leurs professeurs, ce droit étant exclusivement réservé à l'administrateur de l'instruction publique. C'était mettre l'enseignement moyen à la merci d'une administration protestante, puisqu'elle avait le monopole des nominations, non-seulement pour ses propres athénées, mais encore pour les colléges communaux et pour les autres établissements reconnus par elle. A la suite de ces mesures, beaucoup de familles catholiques envoyèrent leurs enfants à l'étranger pour y faire leurs études préparatoires. Cette émigration. atteignait même à la fin de 1828, comme l'affirmaient aux états généraux les députés belges, un chiffre de 1,700 à 1,800 jeunes gens (1).

Cependant le roi l'avait combattue par son arrêté du 14 août 1825, qui portait à son article 1er :

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Aucuns jeunes Belges qui, après le 1er octobre prochain, auront étudié les humanités hors du royaume, ne pourront être admis à nos universités ni au collége philosophique.

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L'article 3 de cet arrêté ajoutait :

« Les jeunes Belges qui, après le 1er octobre pro

chain, auraient étudié les humanités hors du royaume, <ou ceux qui auraient fait leurs études académiques <ou théologiques hors du royaume, ne seront nom« més par nous à aucun emploi, ni admis à aucune

(1) Seconde chambre des états généraux. vrier 1829. Courrier des Pays-Bas du 28 février et du 1er mars.

Séances des 26 et 27 féDiscours du comte Vilain XIIII et du baron de Sécus.

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<< fonction ecclésiastique. Mais, du chiffre de cette émigration, à la fin de 1828, il résulte que les pères de famille avaient bravé les arrêtés de 1825, au risque de compromettre l'avenir de leurs enfants; et, dans le fait, ces arrêtés portaient l'atteinte la plus grave à leur puissance paternelle. C'est ce qu'un député hollandais, le baron Sasse Van Ysselt, de Boxmeer, expliquait en fort bons termes dans la première discussion sur les petitions :

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L'éducation de l'enfant appartient de droit naturel au père, disait l'honorable député (1), parce que l'enfant, durant le premier âge, n'appartient qu'à la famille. Le père doit pourvoir à l'éducation de son fils, comme il doit pourvoir à ses autres besoins, suivant le genre de vie auquel sa naissance le destine, « et selon la condition, les vues et les intérêts de la famille. Ce devoir sacré, imprescriptible, est le fondement de la puissance paternelle qui a précédé toute autre puissance, hors celle de Dieu dont elle dérive.

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Or; si c'est un devoir du père de pourvoir à l'éducation de son fils de la manière qu'il juge la plus avantageuse à ce fils et à sa famille, il a droit à tous les moyens d'éducation qu'offre la société dont il est membre, et nul n'est autorisé à lui en interdire au« cun, ni à le contraindre sur le choix; autrement, on opprime le père, on opprime l'enfant, on opprime la "famille.

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(1) Seconde chambre des états généraux. 1829. Courrier du 2 mars.

Séance du 28 février

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Tout système qui, en matière d'instruction, exclut l'intervention du père de famille, ou qui met des "entraves à son autorité, est si essentiellement mauvais, qu'il ne pourrait trouver des approbateurs que parmi les amis dévoués d'un exécrable despotisme, « étendu à la morale, à la religion, à la pensée même; car il est hors de doute que l'enseignement monopolisé par les hommes du pouvoir met les générations. « à la merci du bon plaisir. Un ministre absolutiste formera nos enfants à subir patiemment la servitude; un démagogue en fera des anarchistes; un catholique, des catholiques; un sectateur de Calvin " ou de Luther, des protestants; un déiste, des déistes; « un incrédule, des athées, sauf à revenir de ces doctrines à chaque bouleversement de ministère, qui oblige nécessairement d'adapter le système de gou< verner aux vues des membres dont il se compose.

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« Je sais bien,» ajoutait le baron Sasse Van Ysselt, <que notre ministère déplorable n'est pas l'inventeur « de l'odieux monopole. Un homme d'exécrable mémoire l'a appliqué avant lui; cet homme était Robespierre. Voici comment il s'exprimait textuellement dans un rapport au comité de salut public:

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< Vous imprimerez sans doute à l'éducation un grand caractère, analogue à la nature de notre gouverne- ment et à la sublimité des destinées de notre république. Vous sentirez la nécessité de la rendre com"mune à tous les Français. Il ne s'agit plus de faire « des messieurs, mais des citoyens : la patrie a seule le droit d'élever ses enfants. Elle ne peut confier ce

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dépôt à l'orgueil des familles ni aux préjugés des particuliers, éléments de l'aristocratie et d'un fédé<ralisme domestique qui rétrécit les âmes en les isolant, et détruit, avec l'égalité, tous les fondements de l'ordre social. »

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Le système d'éducation de Robespierre, inauguré en Belgique par les arrêtés du 14 juin et du 14 août 1825, souleva les clameurs du clergé, par la suppression des petits séminaires, et celles des pères de famille, par l'établissement d'un monopole qui violait leur puissance paternelle et brisait l'avenir de leurs enfants. Aussi les pétitions dont la seconde chambre des états généraux s'occupa au mois de février 1829 réclamaient-elles d'une voix unanime l'abolition de ce monopole.

Il nous reste à parler d'une autre mesure qui vint aggraver la position du clergé.

Au moment où le roi fermait les petits séminaires, il érigeait à Louvain, sous le nom de collége philosophique, << un établissement d'instruction préparatoire « pour les jeunes catholiques romains qui se desti<< naient à la prêtrise: » c'est ce que portait l'article 1er d'un second arrêté du 14 juin.

L'article 3 ajoutait que le roi nommerait à cet établissement, sur la proposition du ministre de l'intérieur, et après avoir entendu l'archevêque de Malines, des professeurs qu'il choisirait de préférence parmi les prêtres catholiques ou, tout au moins, parmi des personnes de cette religion, et qui seraient chargés d'apprendre aux élèves le droit canon, l'histoire ecclésiastique,

la philosophie, l'histoire universelle, la logique, la morale et la métaphysique. I autorisait en même temps les élèves de l'université à fréquenter ces cours avec les futurs séminaristes; et l'article 7 obligeait ces derniers à suivre les cours de l'université pour toutes les matières qui ne rentraient point dans l'article 3.

L'article 10 attribuait l'enseignement de la doctrine chrétienne à un régent, prêtre catholique, nommé par le roi sur la proposition du département de l'intérieur et sur l'avis de l'archevêque de Malines.

L'article 14 déclarait enfin qu'après un délai de deux ans, à compter de l'ouverture du collége philosophique, il ne serait plus donné aucune leçon de philosophie dans les séminaires épiscopaux, et qu'on n'y admettrait plus aucun élève, à moins qu'il n'eût achevé convenablement son temps d'étude au collége philosophique, temps d'étude fixé à deux ans par le même article.

Cet arrêté imposait donc aux futurs séminaristes, pour l'enseignement du droit canon, de la doctrine chrétienne et de l'histoire ecclésiastique, des professeurs nommés par un roi protestant, sur la proposition d'un ministre qui pouvait appartenir au même culte.

Il est vrai que ces professeurs devaient être choisis de préférence parmi les prêtres catholiques ou, tout au moins, parmi des personnes de cette religion, « après < avoir entendu l'archevêque de Malines (1). » Mais son avis ne liait point le gouvernement; il ne pouvait

(1) Art. 3 et 10 de l'arrêté du 14 juin.

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