Page images
PDF
EPUB

COUR D'APPEL DE ROUEN,

La consignation d'aliments que doit faire chaque mois, et d'avance, le créancier qui a fait emprisonner son débiteur, doit-elle étre calculée et réalisée en francs et non pas en livres tournois? (Rés. aff.)

La demande en élargissement doit-elle étre signifiée au créancier? Et, tant qu'elle ne l'a pas été, celui-ci peut-il renouveler utilement sa consignation? (Rés. nég.)

VACHÉ, C. Boucher.

La loi du 15 germinal an 6 sur la contrainte par corps est une loi très incomplète et nullement en rapport avec l'état actuel de la société. Mais, en attendant les améliorations indispensables que réclament la justice et l'humanité, il faut prendre la loi telle qu'elle est, et s'attacher à ses dispositions, expliquées d'ailleurs par la jurisprudence. Voici en peu de mots l'économie de cette loi en matière de consignation" d'aliments. Le créancier qui a fait arrêter ou recommander sondébiteur doit le nourrir en prison. La consignation de 20 fr. qu'il est tenu de faire chaque mois, et d'avance, doit être répartie sur une période de trente jours. Pour les mois de trente-un jours, il faut ajouter un supplément. Enfin si la consignation n'est pas intégrale, si elle n'a pas été faite ou renouvelée en temps utile, si le débiteur a manqué d'aliments une seule minute, il peut demander son élargissement (1).

L'art. 803 du C. de proc. civile, qui déjà a rempli bien des lacunes signalées dans la loi de germinal, indique les formes à suivre pour cette demande. Le débiteur présente requête au président du tribunal, en y annexant toutefois un certificat de non-consignation délivré par le geôlier, et ce magistrat, sur le vu de ces pièces, ordonne la mise en li

berté du prévenu.

Mais au moins cette requête doit-elle être signifiée au créancier, et tant qu'elle ne l'a pas été, celui-ci peut-il encore faire sa consignation? Non. Et pourquoi? Parce que la li

(1) Voy., sur cette matière, la table générale qui fait suite à la nouv. ❝d. de ce journal, au mot Emprisonnement, §§ 2, 3, 4 et 5.

[ocr errors]

berté est favorable; que les lois de rigueur ne peuvent être étendues, et qu'enfin l'art. So5 du C. de proc. dispense de toute sommation préalable, et n'admet le créancier retardas taire à consigner que jusqu'au moment où le débiteur a formé sa demande en élargissement. Voilà ce qui a été jugé par un arrêt de la cour de Riom, du 7 juil. 1817 (1), et par celui dont nous allons rendre compte.

Quant à la question de savoir si la consignation doit être réalisée en francs et non en livres tournois, elle n'est pas susceptible de difficulté. Le doute a pu naître des termes de l'art 14 de la loi du 15 germ., qui se sert du mot livres, mais il a dû cesser à partir de la loi'du 17 flor, an 7, introductive du système décimal, et qui voulait que tout ce qui précédemment devait être acquitté en deniers tournois le fût désormais en francs, sans distinction. Ainsi, depuis la publication de cette loi, le créancier a dû faire sa consignation en francs. C'est encore ce qui a été décidé dans l'espèce suivante :

Le sieur Vache est arrêté pour dettes en mai 1826, et déposé dans la maison d'arrêt d'Evreux. Le sieur Boucher, qui le retenait en prison, avait soin de consigner chaque mois la somme exigée pour les aliments de son débiteur. Mais la dernière consignation ne fut que de 20 fr., quoique le mois eût trente-un jours, ensorte que Vaché manqua d'aliments le dernier jour. Celui-ci se fit délivrer par le geôlier un certificat constatant l'insuffisance de la consignation, et présenta de suite sa requête à fin d'élargissement au président du tribunal, qui, le 12 fév. 1827, rendit une ordonnance conforme à sa demande. Cette ordonnance est signifiée le 15 au créancier. Le même jour, celui-ci fit faire au geôlier des offres réelles qu'il refusa.

Instance devant le tribunal civil d'Evreux. Jugement de ce tribunal qui rejette la demande en élargissement, -«< Attendu 1o que la loi du 15 germ. an 6 fixe à 20 livres par chaque mois le montant de la consignation: d'où la conséquence que c'est en livres tournois et non en francs que cette somme a du être acquittée, et qu'évaluée de cette manière la consignation faite pour les aliments de Vaché était suffisante; 2° que, d'ailleurs les offres faites au concierge de la maison d'arrêt

(1) Voy. nouv. éd,, t. 19, p. 662; ane. col., t. 3 1817, p. 63.

par Boucher avant qu'on lui eût signifié la requête du déte- . u avaient paralysé l'effet de la demande en élargissement.» Appel. Et, le 7 avril 1827, ARRÊT de la cour de Rouen, deuxième chambre, M. Potier faisant fouctions de président, MM. Dessaux et Decorde avocats, par lequel:

LA COUR, — Sur les conclusions de M. Lévesque, avocat-général; - Attendu que. dans les circonstances où la loi du 15 germ. an 6 a été rendue, la prestation à fournir aux détenus pour dettes a dû être consignée dans le sens de cette loi, valeur en francs;-Que, s'il restait quelques doutes à cet égard, ils ont été levés parla loi de flor. an 7;

Qu'en calculant la durée de la détention de Vaché avec les som mes versées entre les mains du concierge, loin qu'il y ait eu aucuns deniers consignés à l'avance, il n'y en avait pas à suffire pour le jour où il a formé sa demande en élargissement au moment où il a présenté requête à cette fin;

Et vu que, dans la position respective des parties, il n'y a pas lien d'accorder à Vaché des dommages et intérêts.................. Réformant, DIT à bonne cause la demande en élargissement de Vaché.... »

B..

COUR D'APPEL D'AMIENS.

Peut-on pratiquer une saisie-arrét entre ses propres mains? (Rés. nég.) (1) Cod. de proc. civ., art. 557.

La question de savoir si un jugement rendu sur la validité d'une saisie-arrét est en premier ressort, se décide-t-elle d'après la valeur de la créance pour laquelle cette saisie a été formée, et non d'après le montant de la somme frappée d'opposition? (Rés. aff.)

MICHON AINE, C. MICHON JEUNE.

Le sieur Michon aîné, débiteur du sieur Michon jeune

(1) Cette question a été résolue dans le même sens par deux arrêts, an de la cour de Rouen, du 13 juil. 1816 (voy. anc. col., t. 3 1817, P. 256, et nouv. éd., t. 18, p. 595), et l'autre de la cour d'Aix, du 24 der, 1818 (voy. nouv. ed., t. 20, p. 154). Telle est aussi l'opinion de M. Berryat Saint-Prix (p. 523, note 32 ), et de M. Carré ( 1750° quest., 2, p. 186, éd. de 1812).

La cour de Bruxelles a jugé en sens contraire par arrêt du 20 déc. 1810, rapporté dans ce journal, anc. col., t. 1er 1812, p. 160. et nouv. ed., t. 11, p. 1018; et Pigeau est de ce dernier avis (voy. t. 2, p. 73,

ed. de 1811).

d'une somme liquide de 628 fr., forma une saisie-arrêt entr ses propres mains, pour sûreté d'une somme de 1,200 fr. don il se prétendait créancier envers ledit sieur Michon jeune -Jugement du tribunal de Beauvais qui déclare la saisi nulle, par le motif qu'on ne peut pratiquer une saisie-oppo sition sur soi-même, et que les dispositions du code de pro cédure civile en cette matière le défendent implicitement puisqu'elles supposent toutes le concours de trois personne pour la validité de la saisie..

Appel de Michon aîné. On disait pour lui: La saisie-oppo sition sur soi-même était reçue dans l'ancien droit. L'art 1641 du C. de proc. civ. abroge les anciennes lois sur la pro cédure, mais évidemment il ne s'applique qu'aux cas prévu par ce code; or, aucune de ses dispositions ne parle de la sai sie-arrêt sur soi-même, cette sorte de saisie est donc tacite ment conservée. On doit d'autant plus le décider ainsi, qui ce mode de procéder est le seul que puisse employer celui qui est tout à la fois créancier d'une somme non liquide et débiteur d'une somme liquide envers la même personne, pour se garantir de la mauvaise foi ou de l'insolvabilité de cette dernière, puisque, dans ce cas, l'art. 1291 du C. civ. fait obstacle à ce que la compensation s'opère entre les deux dettes respectives. En vain les premiers juges se fondent sur ce que le code de procédure supposerait, pour la validité d'une saisie-arrêt, le concours de trois personnes. Ce code n'a rien dit de semblable; il suffit, pour que le vœu de ses dispositions soit rempli, qu'il y ait un saisi, un saisissant et un tiers saisi ; mais qu'importe que ces deux dernières qualites soient confondues dans la même personne, au lieu de résider sur deux personnes distinctes?

L'intimé opposait une fin de non recevoir tirée de ce que Michon aîné ne lui devait que 628 fr. Cette somme, disaitil, est l'objet réel du procès, puisque c'est elle qui est frappée de la saisie-arrêt dont la validité est contestée ; et comme elle est inférieure à 1,000 fr., le jugement intervenu sur la contestation est en dernier ressort : l'appel n'est donc pas recevable.

Du 5 août 1826, ARRÊT de la cour royale d'Amiens, chambre civile, M. de Beauville président, par lequel:

LA COUR, Sur les conclusions de M. Bosquillon de Fontenay,

[ocr errors]

premier avocat-général; Considérant, sur la fin de non recevoir pro posée par Michon jeune contre l'appel du jugement dont il s'agit, que le litige a pour objet principal le mérite de la saisie-arrêt pratiquée par Michon ainé sur lui-même, mais que cet objet se rattache en même temps à la cause contestée de cette saisie, et que, pour déterminer la compétence du juge, il faut se fixer sur l'importance de cette cause; que l'exploit de saisie a été fait en vertu de l'autorisation du juge qui a permis de saisir-arrêter pour une somme supérieure à 1,000 fr.; que de là le jugement porté sur la contestation n'a pu être rendu qu'en premier ressort, et la fin de non recevoir proposée n'est point fondée; -~Adoptant, au fond, les motifs qui ont déterminé les premiers juges; sans s'arrêter ni avoir égard à la fin de non recevoir dans laquelle l'intimé est déclaré mal fondé; - CONFIRME. » L.

COUR D'APPEL D'AMIENS.

La clause par laquelle un donateur stipule le droit de retour DANS LE CAS DE PRÉDÉCÈS DU DONATAIRE ET DE SES DesCENDANTS, fait-elle obstacle à ce que, pendant la vie du donateur, une portion des biens donnés tombe dans la succession de l'un des enfants du donataire, et soit recueilli par sa mère? (Rés. nég.) C. civ., art. 751 et 951.

LES MINEURS GAUDUIN, C. GUERVILLE.

Le sieur Gauduin, en mariant Isidore Gauduin son fils à la demoiselle Locquet, lui avait donné par le contrat de mariage divers biens immobiliers, à la charge de retour en cas de prédécès du donataire et de ses descendants.

Décès d'Isidore Gauduin, laissant quatre enfants. - Deux de ceux-ci décédèrent peu de temps après leur père : l'aïeul donateur et la veuve Gauduin, leur mère, leur survivaient. -Le sicur Guerville et autres, créanciers de la veuve, et, comme tels, exerçant ses actions, formèrent contre le tuteur des deux mineurs Gauduin une demande en partage des biens. donnés à Isidore Gauduin, avec stipulation de retour, biens dont leur débitrice, disaient-ils, avait recueilli une portion" dans la succession des deux enfants décédés. —Jugement du tribunal d'Abbeville qui accueille cette demande.

?

fonde

Appel par le tuteur, sur les motifs suivants : Le donateur, en stipulant le droit de retour, a voulu que les immeu bles qu'il donnait ne sortissent pas de la ligne directe. Ces immeubles, transmis au donataire, et dé celui-ci à ses enTome IIIe de 1828. Feuille 15e.

« PreviousContinue »