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de ses reprises matrimoniales; mais avant elle furent placés, comme créanciers privilégiés, et par voie de séparation des patrimoines, 1 les héritiers du sieur d'Herculais, décédé pendant les procédures, 2o le sieur Drier de la Forte. I a veuve se rendit opposante à l'état de la collocation; mais elle succomba devant le tribunal civil de Grenoble.

Appel. On disait, pour la veuve de Pierre Blanc-Fatin, que la confusion des biens du débiteur originaire avec ceux de l'héritier s'était opérée par la vente simultanée des uns et des autres, pour un seul prix; et que cette confusion ne pouvant cesser que par des opérations longues, dispendieuses, préjudiciables à l'intérêt des créanciers, et contraires à l'esprit de la loi, le privilége de séparation des patrimoines ne devait plus subsister.

Les créanciers privilégiés soutenaient que la séparation de patrimoines peut toujours être demandée après la vente, tant que l'acquéreur n'a pas payé son prix; que d'ailleurs on ne saurait dire avec exactitude qu'il y eût confusion, puisqu'au moyen d'une ventilation il était facile de distinguer la portion du prix, représentative des biens de la succession, d'avec la portion représentative de ceux de l'héritier.

Du 7 février 1827, ARRÊT de la cour royale de Grenoble, première chambre, M. de Noailles premier président, MM: Triolle, Bolland et Longchamp avocats, par leque!:

LA COUR, T Attendu 1° que, même après la vente des immeubles, les créanciers peuvent damander la séparation des patrimoines, pourvu que la demande soit formée avant la distribution du prix de la vente; que la jurisprudence a modifié à cet égard la disposition trop rigoureuse de la loi 2, ff., de separat.; - 2o Que la séparation des patrimoines ne peut être demandée, s'il y a eu confusion des patrimoines du débiteur primitif avec celui de l'héritier, suivant le § 12 de la loi première, ibid.; et cette confusion existe lorsque les biens du défunt et ceux de l'héritier ont été vendus conjointement en justice, pour un seul et même prix, en présence des créanciers du débiteur primitif, sans qu'ils se soient opposés à la confusion; -3° Qu'il résulte de la saisic même qu'elle comprend un immeuble parvenu à l'héritier par suite de l'acquisition par lui faite dans la vente nationale des biens de Chabond, émigré, depuis le décès du débiteur primitif; que, dès lors, l'adjudication, poursuivie par les héritiers d'Herculais, et faite en présence de Drier de la Forte, comprenant des biens dudit débiteur, et en même temps des biens de son héritier, ils sont l'un et l'autre non recevables

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dans leur demande en séparation des patrimoines; - Par ces motifs, MET l'appellation et ce dont est appel au néant; alloue la veuve BlancFatin au rang de son hypothèque légale, et antérieurement aux héritiers d'Herculais et de Drier de la Forte, qui sont déclarés non recevables en leur demande en séparation des patrimoines........ »

COUR D'APPEL DE TOULOUSE.

Les militaires présumés absents ont-ils pu recueillir les successions ouvertes à leur profit tant que leur absence n'a pas été juridiquement prononcée en conformité de la loi du 13 janvier 1817? (Rés. aff.) C. civ., art. 135 et 136. (1) L'action en désaveu d'un enfant né depuis l'absence du mari peut-elle étre exercée par les héritiers présomptifs de ce dernier, qui, envoyés en possession provisoire des biens de l'absent, actionnent l'enfant en délaissement de ces biens ? (Rés, nég.) C. civ., art. 123 et 317.

GAYRAUD ET CANCÉ, C. VERNUS.

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En 1795, Antoine Cancé épousa Marie Gayraud. L'année suivante, il partit pour l'armée avec son frère Jean Cancé, et l'on n'a plus eu de leurs nouvelles. En 1806, Marie Gayraud accoucha d'un fils qui fut inscrit sur les registres de l'état civil sous le nom de Pierre, avec cette désignation: Fils naturel de Marie Gayraud et de père inconnu; non mariés. L'enfant fut élevé par Marie Gayraud, et habita avec elle et Marie Garrigon, mère d'Antoine Cancé. En 1822, Marie Garrigon mourut après avoir institué sa bellefille, Marie Gayraud, sa légataire universelle.

En 1824, Pierre Vernus, parent collatéral et héritier présomptif d'Antoine et de Jean Cancé, actionne Marie Gayraud en délaissement des biens de la famille Cance. Arrêt qui le déboute de ses poursuites, attendu que Marie Gayraud pas autorisée à ester en justice.

n'est

Le 22 juin 1826, Pierre Vernus obtient un jugement qui déclare l'absence d'Antoine et de Jean Cancé, et qui l'envoie en possession provisoire des biens des absents. Il fait ensuite

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9 mars

(1) Vay., en ce sens, deux arrêts de la cour de cassation, des 1819 et 9 mars 1824, t. 3 1819, p. 493; nouv. éd., t. 21, p. 186, t. 2 1824, p. 225.

autoriser Marie Gayraud à ester en justice, et il l'actionne, ainsi que Pierre, en délaissement des biens de la famille Cancé, et, en outre, pour voir dire que défense sera faite à Pierre de prendre le nom de Cancé, qu'il n'a jamais porté ni dû porter, le demandeur déclarant qu'en qualité d'héritier d'Antoine Cancé, il désavoue et entend contester la légitimité de Pierre. — Marie Gayraud et son fils forment tierce opposition au jugement du 22 juin 1826, qui ordonnait l'envoi en possession provisoire.

Du 26 déc. 1826, jugement qui déclare la tierce opposition de Marie Gayraud et de son fils, recevable en la forme, mais mal foudée, et qui accueille les prétentions de Pierre Vernus. — Appel de Marie Gayraud et de son fils. On a établi d'abord que la tierce opposition au jugement du 22 juin 1826, qui envoyait Pierre Vernus en possession provisoire des biens de la famille Cancé, était fondée de la part de Maric Gayraud, alors même que son fils serait déclaré illégitime. Les effets de l'absence d'Antoine et de Jean Cancé, disait-on, sont régis par les lois spéciales des 11 vent, an 2 et 13 janv. 1817, relatives aux militaires absents. D'après ces lois, l'absence, loin de remonter au jour des dernières nouvelles, ne date que de l'époque où elle a pu être juridiquement déclarée, c'est-à-dire de 1817. Ainsi, de 1794, époque des dernières nouvelles, jusqu'en 1817, Antoine et Jean Cancé ont pu succéder, et les art. 155 et 156 du C. civ. ne leur sont point applicables. En 1801, ils ont recueilli la succession de leur père. En 1817, Marie Garrigon leur mère était au nombre de leurs héritiers, et devait par conséquent profiter, jusqu'à concurrence de la moitié des biens, des effets de la déclaration d'absence. A sa mort, survenue en 1822, ce droit faisait partie de sa propre succession; elle l'a transmis à Marie Gaysa légataire universelle. Celle-ci était done fondée personnellement dans sa tierce opposition au jugement qui a envoyé Pierre Vernus en possession provisoire de tous les biens de la famille Cancé.

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Mais Pierre Cancé pouvait lui-même former tierce opposition au jugement du 22 juin 1826, car son état d'enfant légitime ne peut lui être contesté par l'intimé. Pierre Cancé est né pendant le mariage d'Antoine Cancé et de Marie Gayraud, mariage qui subsiste encore. Il a donc pour père le mari, d'a

près l'art. 312 da C. civ., et cette présomption légale subsiste tant qu'elle ne sera pas détruite par une action en désa veu légalement justifiée. En l'absence du mari, Pierre Vernus, envoyé en possession provisoire de ses biens, est-il recevable à former cette action? Non, sans doute. Elle ne peut être intentée que par le mari ou ses héritiers. Or Pierre Vernus ne peut se prétendre héritier d'Antoine Cancé tant qu'il ne prouvera pas la mort de ce dernier. A la vérité, la déclaration d'absence réalise en quelque sorte l'ouverture de la succession de l'absent. Mais cette fiction tient à la sollicitude du législateur pour la fortune de ce dernier; elle ne saurait se prêter à des conséquences plus étendues. Elle autorise l'épouse à agir, quant aux biens, comme si elle était déjà devenue veuve; mais elle ne l'autorise pas à se remarier; les art. 139 et 140 du C. civ. en fournissent la preuve. La possibilité du retour de l'absent, qui rend son épouse incapable de contracter une nouvelle union, s'oppose également à ce que ses héritiers présomptifs puissent exercer l'action en désaveu. L'envoyé en possession provisoire ne pourrait pas reconnaître un enfant naturel au nom de l'absent; il ne pourrait intenter contre l'épouse de ce dernier une demande en séparation de corps, ni la poursuivre pour fait d'adultère; comment pourrait-il exercer l'action en désaveu, qui a aussi sa déplorable gravité, qui dépend d'une conviction secrète touté dans le domaine de l'époux?

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D'ailleurs, si le demandeur en déclaration d'absence pouvait désavouer un enfant, au risque d'être lui-même désavoué par le père, il y aurait une lacune dans la loi. Quel délai aurait-il pour intenter son action en désaveu? Serait-ce le délai accordé au mari, ou celui accordé aux héritiers? Dans le premier cas, l'époux absent, jouissant du délai de deux mois à compter de son retour (C. civ., art. 316), faudra-t-il attendre ce retour? Dans le second cas, si fes biens de l'époux absent n'ont point cessé d'être en la possession de l'enfant, comment l'héritier prouvera-t-il qu'il est dans les deux mois que la loi lui accorde, mais qu'elle fait courir du jour où l'enfant a été mis en possession des biens du mari (C. civ., art. 317)?

Pour repousser le système particulier de Marie Gayraud, l'intimé répondait que les dernières nouvelles d'Antoine et

de Jean Cancé, remontant à 1794, la présomption de mort devait être fixée à cette époque; que la loi du 11 vent, an a n'avait pour objet que de constater et de conserver les droits éventuels des militaires absents, mais non d'établir en leur faveur le droit de recueillir des successions et de les transmettre à leurs héritiers; qu'ainsi Antoine et Jean Cancé n'avaient pas recueilli l'héritage de leur père en 1801,puisque leur existence n'était pas reconnue à cette époque (C. civ., art. 135)..

On ajoutait pour l'intimé : Le principe consacré par l'art. 312 du C. civ., que l'enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari, ne peut trouver son application dans la cause. Pierre n'est inscrit sur les registres de l'état civil que comme fils naturel de Marie Gayraud et d'un père inconnu, non mariés. D'un autre côté, il n'a jamais été reconnu par la fa mille que comme le fruit des infidélités de Marie Gayraud, et n'a jamais porté le nom de Cancé. C'est donc lui qui, en réalité, réclame l'état d'enfant légitime. Dès lors, c'est aussi sur lui que doit porter tout le fardeau de la preuve, et jusqu'à ce que cette preuve soit faite, sa tierce opposition envers le jugement d'envoi en possession ne peut être accueillie.

Mais, dit-on, l'action en delaissement des biens, intentée par le sieur Vernus, est subordonnée à la question de savoir si Pierre est fils légitime d'Antoine Cancé, et dès lors le sieur Vernas est en réalité demandeur en désaveu. En admettant ce système, il est facile d'établir que le sieur Vernus est recevable à intenter une action en désaveu. En effet, la disposition de l'art. 123 du C. civ., qui déclare ouverte tous les droits subordonnés au décès de l'absent, est générale et absolue. Si la femme ne peut se remarier, c'est une exception au principe général, et il n'y en a pas de semblable relativement au désaveu. La loi ne distingue point les droits qui touchent à la personne, de ceux qui concernent les biens; d'ailleurs, ce n'est que pour arriver aux biens qu'on attaque la personne, et l'on ne peut interdire à l'héritier la seule voie qui lui soit ouverte pour exercer ses droits. Les actions personnelles à l'époux peuvent être intentées par ses héritiers, dès qu'elles se confondent avec l'une de celles que la loi leur accorde. (Voy. M. Toullier, t. 2, p. 146.) On objecte vaine

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