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il a été représenté par lui; qu'il est de principe, en effet, que les créanciers qui ne sont que des ayant-droit du débiteur ne sont jamais recevables à attaquer les jugements intervenus entre celui-ci et des tiers; - Considérant que, par un autre jugement du 8 juin 1822, rendu entre Bardot comme cessionnaire de Juillet, Derain, Delavaivre et Moreau, intervenants comme créanciers, il a été procédé à l'apurement du compte entre Juillet et Derain, ordonné par les jugements de 1810 et 1819, par le résultat duquel il s'est trouvé créancier de Derain d'une somme de 45,137 fr., tant en principal qu'intérêts, , que celui-ci a été condamné à payer avec intérêt, à compter du jour du jugement; Considérant que ce jugement, qui a réglé définitivement le montant de la créance de Juillet sur Derain, et dans lequel Delavaivre était partie, a passé, comme le précédent, en force de chose jugée d'où il suit que le montant de cette créance, non plus la nature des sommes qui ont produit ce résultat, ne sont plus susceptibles de contestation; qu'il n'y a plus à examiner que le point de savoir quel est l'effet que doivent produire, par rapport à ces créances, les inscriptions prises par Juillet;

que

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«Considérant que, d'après l'édit de 1771 sur les hypothèques, sous l'empire duquel a été passé le mandat de 1793, les actes, authentiques étaient attributifs d'hypothèque sur tous les biens présents et à venir des contractants, et que le contrat de mandat, lorsqu'il était passé devant notaire, jouissait du même privilége pour toutes les répétitions qu'avaient respectivement à se faire le mandant et le mandataire; Que les dispositions de cet édit ont été remplacées par les différentes lois intervenues depuis sur le régime hypothécaire;-Que, par l'art. 43 de celle du 11 brum. an 7, la même faculté de prendre hypothèque sur tous les biens présents et à venir du débiteur a été conservée à l'égard de tous les contrats antérieurs à nos nouvelles lois sur les hypothèques, en observant les formalités prescrites par la loi; - Que l'inscription prise par Juillet, le 7 av. 1807, énonce la date du titre en vertu duquel elle a été prise; qu'il y est exprimé qu'elle frappe sur tous les biens appartenants à Derain, situés dans l'arrondissement de Châlons; que l'esprit du législateur, dans la disposition de l'article précité de la loi du 11 brum., ne permet pas de douter que Juillet n'ait

rempli dans son inscription les formalités nécessaires pour qu'elle s'étendît sur tous les biens présents et à venir de son débiteur; Qu'en effet, tout créancier qui a pris connaissance de cette inscription n'a pu méconnaître toute l'étendue des droits hypothécaires du sieur Juillet sur les biens du sieur Derain, et que nul n'est admis à se prévaloir de l'ignorance de la loi; Considérant que les inscriptions n'ont de rang d'hypothèque que pour les sommes qui y sont exprimées ; Que, dans l'espèce, celle prise par Juillet le 7 av. 1807 ne rappelle que des capitaux évalués 40,000 fr., sans faire mention des intérêts, et 1,500 fr. pour frais de compte et d'instance; -Considérant que ces capitaux, évalués à 40,000 fr. par Juillet, devaient, aux termes de l'inscription, être réglés par un compte ; que la fixation en ayant été faite à 22,492 fr. 75 cent. par le jugement du 8 juin 1822, c'est seulement de cette somme qu'il doit obtenir collocation à la date de sa première inscription; qu'il en doit être de même pour les frais de compte et accessoires conservés par cette même inscription, sans néanmoins que la collocation pour cet objet puisse excéder 1,500 fr.;

« Considérant, par rapport aux intérêts pour lesquels Bardot a été colloqué à la date du 7 av. 1807, que cette partie de la collocation doit être restreinte à deux années et la courante, dont l'inscription conserve le rang à la même date ; —-— Que, dans la deuxième inscription du 2 av. 1817, Juillet s'est inscrit pour dix années d'intérêts, outre ceux dont le rang est conservé par la loi, et qu'il est juste qu'il en obtienne collocation pour en être payé, s'il y a lieu, mais à dater seulement de cette inscription. »

Le sieur Delavaivre s'est pourvu en cassation contre cet arrêt.-Premier moyen. Violation de l'art. 1351 du C. civ., qui porte: « L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la mêmé; que la demande soit fondée sur la méme cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. » On soutenait pour le sieur Delavaivre que la demande qu'il avait formée en nullité de l'hypothèque n'était pas fondée sur la méme cause que la demande en radiation rejetée par le jugement du 29 déc. 1819. En effet, disait-on, la demande en

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radiation était prise de ce que le sieur Derain n'était pas dé- • biteur, et de ce qu'il n'avait pas été stipulé d'hypothèque dans la procuration de 1793. Mais le sieur Delavaivre fondait son action en nullité sur le défaut d'authenticité de la procuration de 1793, et sur ce que les sommes pour lesquelles l'hypothèque était réclamée ne provenaient pas de la procuration. Cette diversité de causes devait faire repousser toute application de la chose jugée: telle est la doctrine de M. Prudhon, Traité de l'usufruit, t. 3, p. 249.

D'ailleurs, il n'y avait pas identité de personnes, car le sieur Delavaivre n'avait point été partie au jugement du 29 déc. 1819. La cour de Dijon a prétendu, il est vrai, que ce jugement pouvait être opposé au sieur Delavaivre, qui était l'ayant-cause du sieur Derain, son débiteur. Mais en cela la cour a commis une grave erreur. Il n'en est pas d'un successeur à titre particulier comme d'un successeur à titre universel; et il est de principe qu'on ne peut opposer au premier les jugements rendus contre son auteur qu'autant que ces jugements ont une date antérieure à l'acte duquel il tient son droit. S'il en était autrement, rien ne serait assuré, et les droits les plus anciennement acquis pourraient être contestés : celui qui m'aurait vendu un immeuble, et qui m'aurait promis une garantie hypothécaire, pourrait rendre mon droit illusoire par un jugement rendu en mon absence entre lui et un tiers avec lequel il se serait concerté. (Voy. Pothier, ad ff, tit. de except. rei judic., et un arrêt de la cour de cassation, du 2 fév. 1816, t. 2 1816, p. 327; nouv. édít., t. 18, p. 167.) Dans l'espèce, l'hypothèque du sieur Delavaivre, remontant à 1814, et son acquisition étant de 1818, on ne pouvait lụi opposer un jugement rendu contre son débiteur en 1819.

Deuxième moyen. Violation et fausse application de l'art. 43 de la loi du 11 brum. an 7, en ce que la cour royale a décidé que l'inscription de 1807 frappait les biens à venir du sieur Derain, quoiqu'elle ne mentionnât que les biens présents. Le demandeur reconnaissait que, d'après l'édit de 1771, sous l'empire duquel la procuration de 1793 avait été passée, les actes authentiques étaient attributifs d'hypothèques sur tous les biens présents et à venir du débiteur; il reconnaissait en outre que l'art. 43 de la loi du 11 brum. an 7, en conservant aux anciennes hypothèques leur effet sur les

biens à venir, n'avait pas dit expressément que l'inscription à prendre devait faire mention de ces biens; mais il soutenait que contester la nécessité de cette mention, c'était méconnaître le principe de publicité qui domine la loi. Il citait l'auteur du code hypothécaire, no 10 des formules, qui enseigne que l'inscription prise pour maintenir, sur les biens à venir, une hypothèque ancienne, doit exprimer qu'elle porte sur ces biens. Le demandeur ajoutait que cette doctrine se trouve dans les motifs d'un arrêt de la cour de cassation, du 3 août 1819 (1).

Troisième moyen. Le demandeur prétendait que la cour royale avait violé l'art. 2151 du C. civ., en colloquant le sieur Bardot à la date de son inscription de renouvellement de 1817, pour des intérêts à raison desquels il n'avait pas pris inscription.

Quatrième moyen. Violation de l'art. 19 de la loi du 11 brum. an 7. D'après cet article, disait le demandeur, le sieur Bardot devait être colloqué pour deux années seulement d'intérêts au même rang d'hypothèque que pour le capital. Cependant la cour l'a colloqué en outre pour les intérêts de l'année courante, conformément à l'art. 2151 da C. civ. Mais cet article n'était pas applicable. L'hypothèque du sieur Bardot était née sous la loi de brumaire an 7; elle avait été inscrite en exécution de l'art. 43 de cette loi; les intérêts, liés au sort du principal, devaient être régis par la même législation.

Le 15 janvier 1828, ARRÊT de la section civile, M. Brisson président, M. Piet rapporteur, MM. Dalloz et Nicod avoets, par lequel:

« LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Joubert, premier avocat-général; Sur le premier moyen, Considéraut que, dans la cause restant à juger par suite du jugement du 29 déc. 1819, le sieur Delavaivre est intervenú pour se joindre au sieur Derain, et contester avec lui le compte du sieur Juillet, compte de l'apurement duquel dépendait le sort de l'hypothèque maintenue définitivement par ce jugement, après l'avoir été provisoirement par celui du 30 mai 1810; hypothèque conservée par l'inscription du 7 av. 1807, renouvelée le 2 av. 1817: qu'indépendamment de la qualité de créancier, qui le soumettait aux décisions portées contre son débiteur ( Derain),

(1) Voy. t. 1er 1820, p. 18; -nõuv. éd., t. 21, p.623.

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le demandeur, en intervenant dans cette cause où il s'agissait de procéder en exécution et par suite desdits jugements de 1819 et de 1810, se les est rendus communs, et que dès lors ils ont été justement invoqués en réponse et en défense à ses contredits, — Que les moyens proposés depuis contre le droit hypothécaire du défendeur n'ont point constitué une demande nouvelle, l'objet étant toujours le même (faire rejeter ou réduire l'hypothèque avec la créance); qu'ainsi, la cour royale a pu et dû se fonder sur l'autorité de la chose jugée;

» Sur le deuxième moyen, - Considérant que la loi, accordant aux anciennes hypothèques, résultant des actes authentiques, leur effet tant sur les biens à venir que sur les biens présents, l'arrêt attaqué a justement considéré que l'inscription prise sur les biens appartenants au débiteur Derain, dans l'arrondissement de Châlons, n'était point une renonciation au droit hypothécaire sur les biens à venir; qu'elle comprenait, au contraire, tout ce que le débiteur se trouverait avoir de biens dans ledit arrondissement, affectés par la loi même à la sûreté de la créance;

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Sur le troisième moyen,

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Considérant que l'effet d'un jugement A d'ordre se borne à la distribution du prix sur lequel l'ordre est ouvert; que le demandeur étant colloqué à la date de 1814, et les fonds manquant pour le remplir, une collocation à la date postérieure de 1817 ne peut jamais lui préjudicier; qu'à cet égard le pourvoi se trouve absolument dépourvu d'intérêt;

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» Sur le quatrième moyen, Considérant que la collocation de l'année courante d'intérêts avec les deux années accordées par le code civil, est justifiée par cette disposition de la loi sous l'empire de laquelle ont couru ces intérêts, et dont le sort est nécessairement régi par elle dans l'ordre fait en vertu de cette loi; qu'ainsi l'art. 2151 n'a point été faussement appliqué; REJETTE. » S.

COUR DE CASSATION.

L'arrêt qui décide que la désignation suivante faite dans une inscription hypothécaire : TOUS LES BIENS SITUÉS DANS L'ARRONDISSEMENT DU BUREAU, est nulle, comme ne renfermant pas d'une manière spéciale les biens sur lesquels frappe l'hypothèque, viole-t-il là loi? (Rés. nég.) C. civ., art. 2148.

BARBEY, C. DAME RESTOUT.

Par acte du 10 sept. 1801, le sieur Lenourichel, débiteur de la dame Thérillon, lui avait conféré hypothèque sur les maisons, terres labourables et auberges à elle appartenan

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