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1793. En effet, disait-il, ni les lois ni la jurisprudence n'a vaient établi le retrait successoral dans la province de Normandie. Les lois per diversas et ab anastasio ne disposaient qu'à l'égard des cessionnaires de droits litigieux, ainsi que le reconnaissent tous les auteurs; et si la jurisprudence du parlement de Paris étendit abusivement cette disposition aux cessionnaires de droits non litigieux, le parlement de Rouen n'adopta point cette jurisprudence, comme l'enseigne Flaust, t. 2, p. 314. (Voy. aussi M. Merlin, Répertoire, v Droits successifs.) D'ailleurs, alors même que la coutume de Normandie aurait autorisé le retrait successoral, il est certain que ce retrait a été aboli par les lois des 13 juin, 19 juil. et 10 déc. 1790, et les décrets des 13 mai 1792, 2 et 30 sept. 1795, qui ont supprimé le retrait lignager, et ont déclaré étendre la suppression à toutes les autres espèces de retraits. S'il restait quelque doute sur ce point, il serait levé par le décret du 19 flor. an 2, qui décida formellement que le retrait successoral avait été compris dans la suppression prononcée par les lois précédentes contre toutes sortes de retraits. On objecte, il est vrai, que ce décret n'a point été promulgué dans les formes légales; mais, par cela même qu'il est inséré dans plusieurs collections de lois, notamment dans celle de Baudoin (t. 42, p. 118), n'est-il pas vraisemblable qu'il a été publié par la voie du bulletin de correspondance? Et s'il ne contient pas la clause formelle qu'il sera inséré dans ce bulletin, c'est qu'il est de trois mois antérieur au décret du 50 therm. an 2, qui a rendu cette clause nécessaire.

Le 31 mai 1826, jugement qui décide que le retrait suecessoral peut être exercé par les héritiers du sieur Touraille, - Attendu que la cession de droits successifs a été faite au profit de Delivet, les 19 vent. et 2. germ. an 9, par conséquent sous l'empire de la contume de Normandie; -Que, suivant le sentiment de la plupart des auteurs, la faculté d'exercer le retrait successoral, consacré depuis par l'art. 841 du C. civ., formait, avant sa promulgation, le droit commun de la France, et qu'elle était surtout parfaitement en harmonie avec l'esprit de la coutume de Normandie, qui tendait principalement à conserver les biens dans les familles; Que l'existence du retrait successoral dans cette coutume, par suite de l'application des lois per diversas et ab Anastasio,

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se trouvé confirmée non seulement par l'opinion de Demerville (note sur l'art. 467 de la coutume), et de Flaust (t. 2, p. 211), qui pensent l'un et l'autre que les cohéritiers sont en droit de rembourser l'étranger auquel un autre cohéritier avait cédé ses droits successifs, mais encore par plusieurs arrêts de la cour de Caen, à la date des 10 flor. an 12, 4 janv. 1808, 28 juil. 1809, 4 fév, 1811, 13 sept. 1813 et 17 juin 1818, arrêts qui tous ont formellement consacré le priucipe que le retrait successoral avait lieu en Normandie; Attendu d'ailleurs qu'il est maintenant de jurisprudence constante que le retrait successoral n'a point été aboli par les lois transitoires. >>

Le sieur Delivet a interjeté appel de ce jugement devant la cour royale de Caen. La cause avait été renvoyée, par ordonnance du président, au 20 juil. 1826; mais à l'audience du 14 de ce mois, l'avoûé du sieur Delivet demanda le renvoi de l'affaire au lendemain. Le lendemain 15, le défenseur du sieur Delivet n'ayant point comparu, la cour de Caen rendit un arrêt per défaut qui, adoptant les motifs des premiers juges, confirma leur jugement,,

pour

Le sieur Delivet s'est pourvu en cassation contre cet arrêt, d'abord violation du droit de défense, en ce que la cour avait statué sur l'appel avant le 20 juillet, jour auquel la cause avait été renvoyée, par ordonnance du président. Le demandeur soutenait que l'arrêt attaqué avait en outre faussement appliqué les lois per diversas et ab Anastasio, qui n'au torisaient pas le retrait successoral des droits non litigieux, et violé les lois précitées des 13 juin, 19 juil. et 10 déc. 1792, et les décrets des 13 mai 1792, 2 et 30 sept. 1793, qui avaient aboli le retrait successoral tout aussi bien que les autres retraits.

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Le 20 mars 1828, ARRÊT de la section des requêtes, M. Borel de Brétizel président, M. Mestadier rapporteur, M. Piet avocat, par lequel :

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LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Lebeau, avocat-général; Attendu, sur le 1er moyen, qu'il résulte de l'arrêt altaqué qu'à l'audience du 14 juil. 1826, l'avoué des demandeurs en cassation avait demandé le renvoi de la cause au 15, jour où fut rendu l'arrét, et que les demandeurs ne sont pas moins non recevables que mal fondés à prétendre, d'après une fixation antérieure, qu'il y a eu violation du droit de légitime défense;"

» Attendu, sur les ao et 3a moyens, que, par actes authentiques des 19 yent. et 2 germ. an 9, le sieur Delivet, père et beau-père des demandeurs, avait acheté les droits successifs de plusieurs des héritiers du sieur Mignot de la Touraille, décédé le 17 av. 1796, laissant à sa veuve l'usufruit de tous ses biens, et que la veuve usufruitière étant décédée le 14 mars 1825, le sieur Morin, l'un des autres héritiers du sieur Mignot, forma, contre le cessionnaire, une demande en subrogation, demande à laquelle accédèrent, en intervenant, plusieurs autres héritiers, et qui fut accueillie par l'arrêt attaqué;

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Attendu que le droit d'offrir produisant l'effet immédiat de prévenir ou de terminer un procès, consacré par les lois per diversas et ab Anastasio, avait été étendu et appliqué par la jurisprudence de presque tous les parlements, et notamment par la jurisprudence du parlement de Rouen, aux ventes de droits successifs faites par un ou plusieurs hé. ritiers à un étranger;

» Attendu que ce droit, différant essentiellement des retraits quí, intentés par des actions rigoureuses, occasionnaient des procès très multipliés, n'a été abrogé ni par les lois des 12 juin et 12 juil. 1790, qui n'en parlent pas, ni par le décret du 19 flor. an 2, qui, n'ayant pas été légalement publié, n'est pas devenu loi de l'état, ni par les décrets intermédiaires; qu'il y a même raison de décider pour l'extension admise

par l'ancienne jurisprudence que pour l'exécution stricte des lois per diversas, et que, dès lors, l'action en subrogation doit continuer d'être régie suivant l'esprit des lois d'où elle dérive;

» Attendu enfin qu'en faisant même abstraction 'de l'extension donnée par l'ancienne jurisprudence au principe des lois per diversas, et en appréciant l'action en subrogation à une vente de droits successifs universels faite à un étranger, d'après des règles et des principes qui lui soient propres, il faudrait encore reconnaître que le droit de subrogation, admis dans l'intérêt des familles pour empêcher des étrangers de pénétrer leurs secrets et d'apporter le trouble et les dissensions dans les partages, n'a jamais été virtuellement proscrit. par aucune loi; et que, loin d'avoir violé aucune loi, l'arrêt de la cour royale de Caen a, au contraire, fait une juste application des principes relatifs à la matière; - REJETTE, etc.

COUR DE CASSATION.

S.

Quoique les objets saisis pour fraude, par l'administration des douanes, ne puissent être revendiqués par les proprié taires, ni le prix réclamé par des créanciers au préjudice d'une saisie déclarée valable, néanmoins les propriétaires peuvent-ils intervenir pour réclamer lesdits objets, sauf à étre statué, ainsi que de droit, sur leurs intervention

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et réclamation? (Rés, aff.) Loi 22 août 1791, art. 5, tit. 12; loi 9 flor. an 7, tit. 4, art. 12.

Celui qui s'est inscrit en faux contre un procès-verbal des préposés des douanes est-il tenu de faire EN PERSONNE, OU par un fondé de POUVOIR SPÉCIAL PASSÉ DEVANT NOTAIRE, le dépôt des moyens de faux et des noms et qualités des témoins? (Rés. nég.)

Un avoué peut-il représenter l'inscrivant en faux ? (Rés. aff.) Lorsque celui qui veut s'inscrire en faux sait écrire et signer doit-il, à peine de nullité, faire sa déclaration par écrit en personne ou par un fondé de pouvoir spécial passé devant notaire? (Rés: aff.)

Sa déclaration ne doit-elle être reçue et signée par le juge et les greffiers que dans le cas où le déclarant ne saurait écrire, ni signer? (Rés, aff.)

LES DOUANES, C. POGGIOLI, FICARELLA ET AUTRES. Ainsi jugé par ARRÊT du 1er juin 1827, M. Portalis présilent, M. de Chantereyne rapporteur, M. Laplagne-Barris ¡vocat-général, M. Teste-Lebeau avocat.

COUR DE CASSATION.·

La fabrication d'un certificat d'indigence ou autre, ayant pour objet de procurer des secours aux personnes désignées, n'est-elle punissable que des peines correctionnelles déterminées par l'art. 161 du C. d'inst. crim., même dans le cas où il porterait la fausse empreinte d'un sceau de sous-préfecture? (Rés. aff.),

La circonstance du faux timbre ne doit-elle étre considérée que comme l'accessoire du faux certificat, dans le but unique d'inspirer plus de confiance et de se procurer des secours pécuniaires? (Rés. aff.)

DUMONT, C. MINISTÈRE PUBLIC.

Da 25 janvier 1828, ARRÊT de la chambre criminelle, M.Bailly président, M. Brière rapporteur, par lequel :

LA COUR,

:

Sur les conclusions de M. Fréteau, avocat-généralɔ -Vu l'art. 161 du C. pén., ainsi conçu ‹ « Quiconque fabriquera, sous e nom d'un fonctionnaire ou officier public, un certificat de bonne conduite, indigence ou autres circonstances propres à appeler la bienveillance du gouvernement ou des particuliers sur la personne † dósignée, ét à lui procurer places, crédit ou secours, sera puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans.—La même peine sera appliquée 1o à celui qui falsifiera un certificat de cette espèce, originaire

» ment véritable, pour l'approprier à une personne autre que celle 2 »laquelle il a été primitivement délivré; 2o à tout individu qui se ser? servi du certificat ainsi fabriqué ou falsifié. »

» Attendu que, si, d'après les dispositions de l'art. 142 du C. pén. ceux qui auront contrefait le sceau, timbre ou marque d'une autorité quelconque ou d'un établissement particulier de banque ou de commer ce, ou qui auront fait usage des contrefaits, Sceaux, timbres ou marques doivent être punis de la réclusion; cependant, en conformité de l'art. 161 ci-dessus transcrit, ne sont passibles que des peines correctionnel les portées audit article ceux qui 'auraient fabriqué, sous le nom d'ur fonctionnaire ou officier public, un certificat de bonnè conduite, in digence ou autres circonstances propres à appeler la bienveillance dụ gouvernement ou des particuliers sur la personne y désignée, et å lu procurer places, crédit ou sécours; que les mêmes peines sont applica bles à ceux qui auraient falsifié un certificat de cette espèce, et à tou individu qui se serait servi du certificat ainsi fabriqué ou falsifiẻ;

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Et Attendu que Charles-Constant Dumont était déclaré, par le jury, coupable d'avoir, dans les premiers mois de 1827, mendié en réu nion; 2° d'avoir, à la même époque, et de complicité, fait usage de fau certificats datés d'Oussie, le 25 fév. 1827, fabriqués sous le nom du maire de ladite commune, et paraissant constater un incendie et d'au tres circonstances propres à appeler sur les individus y désignés la bien veillance du gouvernement ou des particuliers, et à leur procurer des secours pécuniaires, sachant que lesdits certificats étaient faux; 3° d'a voir, à la même époque, et de complicité, fait usagé d'un faux timbre de la sous-préfecture de Mantes, soit en l'apposant ou le faisant appose sur lesdits certificats, au bas des fausses légalisations et signatures attri · "buées au sous-préfet de Mantes, soit en se faisant délivrer des autorisa tions de quêter dans diverses communes des secours pécuniaires, sou ·la foi de la légalité dudit timbre, et cela sachant que ce iimbre étai faux;-Que, dans cet état des faits déclarés constants, ledit Dumont n'é tait passible, et à cause du fait aggravant de la mendicité, que du maxi mum des peines correctionnelles portées aux art. 161,*281 et 282 dt C. pén.; Que la circonstance du faux timbre n'était qu'un accessoir des faux certificats, dans le but unique d'inspirer plus de confiance e de se procurer des secours pécuniaires dans les diverses communes of îl a été autorisé à quêter, et ne changeait pas la nature desdits certifi cats; que du tout il ne résultait ni lésion envers des tiers, ni préjudic‹ envers le trésor public, qui pussent donner lieu à l'exception portée er l'art. 162; — Que cependant la cour d'assises du département de Seine et-Oise a condamné ledit Dumont à la réclusion et aux peines acces soires du faux; en quoi faisant, cette cour a faussement appliqué l'art. 142 du C. pén., et violé l'art. 161 du même code: -En conséquence, CASSE et ANNULE l'arrêt rendu par la cour d'assises du département de Seine-et-Oise, le 19 déc. 1827, contre Charles-Constant Dumont.»

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