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COUR D'APPEL DE ROUEN.

L'échangiste qui reçoit un immeuble grevé d'hypothèques qu'il ne purge pas peut-il étre forcé au délaissement, lorsque la chose qu'il a donnée en contre-échangé n'existe plus dans la main de son copermutant? (Rés. nég.) PARTICULIÈREMENT, lorsqu'un créancier hypothécaire, devenu syndic de la faillite de son débiteur, a été colloqué pour partie de sa créance sur le prix des biens de celuici, dans lesquels a été compris UN DROIT DE PASSAGE ACQUIS EN ÉCHANGE, et désigné dans les affiches d'enchère et de surenchère, peut-il forcer l'autre copermutant, qui n'a pas purgé, au délaissement de la propriété reçue en contre-échange? (Rés. nég.) C. civ., art. 1654, 1705 et 1707.

VIMARD, C. VEUVE PRÉLAUNAY.

Du 28 juillet 1827, ARRÊT de la cour de Rouen, deuxième chambre, M. Aroux président, MM. Fercoq et Cheron avocats, par lequel :

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« LA COUR, Sur les conclusions de M. Geşbert, avocat-général; -Vu les art. 1654, 1705 et 1707 du C. civ.;—Attendu que, d'après ces articles, 1° toutes les règles prescrites pour le contrat de vente s'appliquent à l'échange, sauf la rescision pour cause de lésion; 2° que permutant qui est évincé de la chose qu'il a reçue en échange a le droit de répéter sa chose; 3° que le vendeur peut demander la résiliation de la vente, lorsque l'acheteur ne paie pas le prix; —Que la vente, dans ce cas, est annulée ex antiquâ causâ, et que l'immeuble, quoique sorti des mains du vendeur et transmis à l'acquéreur, est affranchi des hypothèques soit légales, soit conventionnelles ou judiciaires, des cré anciers de cet acquéreur, d'après la maximé Res non fit emptoris, nisi soluto pretio ; Que chaque copermutant est tout à la fois vendeur et acquéreur; que dès lors, s'il est troublé dans la propriété de l'immeuble qu'il a reçu en contre-échange, il n'a pas touché le prix de l'immeuble qu'il a donné en échange, puisque la valeur de celui qu'il a reçu est représentative du prix de celui qu'il a donné : In permutatione discerni non potest uter emptor, uter venditor sit. Si quis permutaverit, dicendum est utrumque emptoris et venditoris loco haberi. Is qui rem permutatam accepit emptori similis est; Que, suivant Domat et tous les auteurs, si celui qui a pris une chose en échange en est évincé, il tient lieu d'acheteur, il a son recours pour la garantie, et l'autre est tenu de l'éviction comme l'est un vendeur : Si ea res quam acceperim vel dederim postea evincatur, in factum dandum actionem responditur, ad exemplum ex

empto actionis; Que, suivant Pothier, la chose reçue en échange de celle qui a été donnée est subrogée de plein droit à celle qui a été aliénée; qu'elle prend à sa place les qualités intrinsèques que celle-ci avait et qu'elle a perdues par l'aliénation qui en a été faite, d'après la règle Sabrogatum capit naturam subrogati;

» Attendu que de ces principes il résulte que la veuve Prélaunay, non payée, ne peut être éviacée de l'immeuble qu'elle a reçu en contreéchange, à moins qu'on ne lui représente, pour exercer ses droits privilégiés, l'immeuble que son mari a donné en contre-échange, et qui a produit sa subrogation; — Que, si Vimard a une hypothèque générale sur tous les biens de Barbier, son débiteur, la veuve Prélaunay, à la représentation de son mari, a un droit foncier et privilégié qui prime les créanciers hypothécaires, lesquels ne peuvent conserver la propriété de celle-ci sans en payer la valeur en numéraire ou en nature, vu qu'ils sont soumis aux obligations de leur débiteur qu'ils représentent;-Attendu que, si, d'après l'arrêt de la cour de cassation, du 17 nov. 1815, l'échangiste, comme tout autre acquéreur, ne peut être affranchi des inscriptions hypothécaires prises sur le fonds acquis qu'en le purgeant desdites inscriptions suivant les formes prescrites par la loi, la cour de cassation a elle-même reconnu, par un grand nombre d'arrêts, que le vendeur non payé, quoiqu'il n'ait ni inscrit ni transcrit, a le droit de demander la résolution de la vente, nonobstant les hypothèques qui peuvent grever l'immeuble acquis;

Que ce droit appartient à l'échangiste que l'on veut déposséder de l'immeuble qu'il a reçu en contre-échange, comme au vendeur non payé, puisque les règles prescrites pour le contrat de vente s'appliquent à l'échange; Que l'expropriation des immeubles de Barbier, au nombre desquels était l'immeuble donné en échange par Prélaunay, a été poursuivie à la requête des syndics de Barbier, dont faisait partie Vimard, qui s'est présenté à l'ordre, y a été colloqué, quoique non utile. ment, et dont le sort ne peut être autre que celui de tous les créanciers de Barbier qui ne se présentent point dans l'instance actuelle et n'y sont point représentés par Vimard, agissant dans son intérêt unique et personnel; - Que Vimard, ayant, par son fait, confirmé et ratifié l'échange, prive la dame Prélaunay du droit d'exercer son privilége sur l'immeuble cédé par son mari à Barbier, et ne pouvant plus la subroger aux droits de ce copermutant exproprié, pour, par elle, les exercer sur cet immeuble, est tout à la fois non recevable et mal fondé dans ses poursuites en expropriation de l'immeuble reçu en contre-échange; l'affectation, par hypothèque générale, de tous les biens du débiteur, n'aneantit pas les droits et priviléges du vendeur non payé, et de l'échangiste évince; Que, décider autrement, ce serait violer les règles de l'équité et les principes qui régissent les contrats d'échange, assimilés aux contrats de vente, notamment en ce qui concerne l'éviction, et

- Que

́consacrer une souveraine injustice en dépouillant le copermutant et de la chose donnée et de la chose reçue en échange; »- Attendu que le droit de passage cédé par Prélaunay était, lors de l'échange, un droit réel et existant dans l'état où se trouvait l'ancien hôtel de ville; que ce passage était immeuble, comme l'accessoire nécessaire et indispensable d'un immeuble; que dès lors Prélaunay n'a point cédé à Barbier un droit imaginaire; qu'au contraire, l'échange a été avantageux à Barbier et à ses créanciers; que Prélaunay eût pu l'utiliser par 'des constructions, et que, sans ce passage, Barbier n'eût pu approfiter le terrain par lui acquis dans l'intérieur de cet emplacement................; CONFIRME.

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COUR D'APPEL DE LYON.

Le fait par lequel un individu s'approprie un objet caché dans un meuble qu'il venait d'acheter, constitue-t-il une soustraction frauduleuse dans le sens de la loi? (Rés. aff.) ⚫ C. pén., art. 379 et 401.

VALLET, C. LES HÉRITIERS LAGAY.

Le sieur Vallet, marchand de meubles à Villefrauche (Rhône), avait acheté, dans une vente publique faite après le décès du siear Lagay, une ancienne armoire. La clé lui en ayant été remise, il voulut la démonter pour l'emporter. Il· ouvrait à peine l'un des tiroirs, lorsqu'il aperçut une cachette pratiquée dans l'intérieur. Quelle que fût sa surprise, il ne la manifesta par aucun signe. Trois personnes présentes à l'enlèvement déclarèrent néanmoins avoir vu Vallet porter trois fois la main dans la cachette, en retirer une bourse à moitié pleine, ainsi que plusieurs rouleaux dont elles ne purent fixer le nombre. Les héritiers Lagay, avertis de ces faits, réclamèrent de Valles la bourse et les rouleaux, commeétant leur propriété. Il répondit qu'il n'avait trouvé que trois rouleaux, dont deux contenaient des bobines pour la soie, et l'autre 20 pièces de 24 sous, qu'il était prêt à rendre. Traduit, à raison de ces faits, et sous la prévention de vol, devant le tribunal correctionnel de Villefranche, il y fut condamné par un jugement ainsi conçu: - « Considérant que, si, dans le principe, le fait de prendre la bourse et les rouleaux pouvait n'être pas considéré comme un vol, il en a eu le caractère du moment que Vallet, au lieu de les rendre aux héritiers Lagay, se les est appropriés; que cette rétention frauduleuse le rend passible de la peine portée par l'art. 401

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du C. pén., déclare Vallet coupable d'avoir retenu frauduleusement les objets trouvés, le condamne à 4,000 fr. de restitution, 500 fr. de dommages et intérêts. »

Appel de la part de Vallet.—Sou défenseur discuta les faits le prévention de la manière suivante: Selon lui, Vallet l'avait pas commis une soustraction frauduleuse dans le sens le la loi. Pour réaliser la soustraction, il fallait nécessairenent un déplacement de la possession de la chose d'autrui. Que ce fut avec violence ou par fraude, il importait peu: oujours fallait-il que le déplacement eût eu lieu avec l'intenion formelle de le commettre. Dès lors, il y avait atteinte ortée sciemment à l'ordre actuel des choses et des possesions, et, par suite aussi, trouble apporté à l'ordre public.; La compétence correctionnelle était dans ce cas évidente, car I s'agissait de statuer sur un fait de violence ou de fraude qualifié délit par la loi. Mais, dans l'espèce, il n'y avait rien le semblable; on n'y voyait pas cette soustraction, ce manieneut frauduleux, contrectatio fraudulosa, exigé par la loi franaise comme par le droit romain pour constituer le vol. La 'ente du meuble en question et la remise de la clé en avaient ait passer à Vallet la possession en même temps que la proriété. Les objets trouvés ensuite dans les tiroirs l'avaient été ur sa propre chose. Le défenseur ne voulait pas tirer de là a conséquence que Vallet ne dût pas restituer ce qu'il y avait rouvé, puisque cela n'avait pas fait partie de la vente ; il vouait seulement en conclure qu'en l'absence des faits propres à caractériser un délit de police correctionnelle, il y avait lieu i renvoyer les parties à fins civiles pour être procédé d'après 'état de la causé et la qualité des faits. Il ajoutait que la réention frauduleuse sur laquelle s'appuyait le jugement n'é

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pas exprimée dans la loi; qu'il était contraire à toute bonne argumentation, en matière pénale, de raisonner à majori ad minus; de conclure, comme l'avaient fait les premiers juges, d'un cas grave et précis déterminé par la loi, la soustraction frauduleuse, à un cas moins grave qu'elle n'avait ni défini ni prévu.

Le ministère public et le défenseur de la partie civile soutenaient au contraire que la différence qu'on essayait d'établir entre la soustraction frauduleuse et la rétention frauduleuse était une pure subtilité. Au fond, il s'agissait d'un vol

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de la chose d'autrui. Si l'on admettait la distinction de l'appelant, il suffirait, dans tous les cas, de jeter des doutes sur l'intention de s'approprier la chose d'autrui, lorsqu'elle passe en d'autres mains, pour que le coupable échappât à la peine que la loi inflige en cas de soustraction frauduleuse: tel ne peut être le sens de loi. Dans l'espèce, Vallet n'avait véritablement acheté que l'armoire dont il s'agit; il ne l'avait pas encore enlevée; trois personnes présentes à l'enlèvement attestent l'avoir vu porter trois fois la main dans une cachette, en retirer une bourse et des rouleaux, et leur avoir recommandé le silence. Lui-même ne nie pas le fait de la découverte, seulement il les explique dans le sens de sa défense. On ne pouvait s'empêcher de voir dans cette conduite l'intention coupable de s'approprier des objets qu'il savait né pas lui appartenir au moment même où il en opérait la soustraction.

Du 17 janvier 1828, ARRÊT de la cour royale de Lyon, M. 1 Coste président, MM. Durieu et Delafont avocats, par lequel:

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Bryon, avocat-général;Attendu que le meuble vendu par les héritiers Lagay à Vallet n'avait point encore été enlevé par ce dernier, et que la clé de la maison lui avait été confiée pour en opérer le transport; Attendu que, lorsque Vallet a découvert les objets que contenait le meuble, il n'a pas pu igno ́rer qu'ils n'étaient point compris dans la vente qui lui avait été faite, et qu'il devait les restituer aux héritiers Lagay; Attendu qu'au lieu de leur faire cette remise, il s'est empressé d'enlever les objets trouvés dans le meuble et recommandé le secret aux témoins de la découverte; Attendu que tous ces faits constituent une soustraction frauduleuse dans le sens de la loi; Adoptant, pour le surplus, les motifs des premiers juges, CONFIRME. »

A. M. C.

COUR D'APPEL D'ORLÉANS.

Le droit accordé aux avoués de plaider, dans les causes où ils occupent, les demandes incidentes qui peuvent être jugées sommairement, et tous les incidents relatifs à la procédure, s'applique-t-il sans distinction à toutes demandes incidentes de cette nature, introductives requéte, ou simplement présentées à l'audience? (Rés. aff.) EN D'AUTRES TERMES, quand l'incident a pour objet d'attaquer le titre du créancier saisissant, et non la forme des

par

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