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vérifier leurs créances et les affirmer devant le juge-commissaire. Que le titre des faillites doit s'appliquer aux propriétaires comme aux autres créanciers, alors que la loi est générale, et ne fait point de distinction; qu'en effet l'art. 502 dit en termes absolus que tous les créanciers seront avertis; qu'on ne voit, dans aucun autre texte, d'exception en faveur du propriétaire ou de tout autre créancier privilégié ; que c'est par conséquent uue nécessité pour lui de faire vérifier sa créance et de l'affirmer; que jusque là il est non recevable à prétendre exercer son privilége sur le prix des meubles ayant appartenu à son locataire; que la simple raison conduit à la même conséquence, parce qu'il implique qu'on puisse exiger le paiement d'une créance avant d'avoir fait constater, Contradictoirement avec les parties intéressées, qu'elle existe réellement, et qu'elle est légitime.

Mais on répondait que le principe général invoqué par les créanciers ue pouvait point s'appliquer au propriétaire, parce que celui-ci reste toujours en dehors de la faillite, et totalement étranger à ses opérations; que le propriétaire a un titre authentiqne qu'on ne peut contester; que le gage spécial affecté par la loi à la garantie de sa créance le sort de la catégorie des créanciers ordinaires, et le dispense des condition. imposées à ces derniers, par conséquent des formalités prescrites, en matière de faillite, par les art. 501 et 502 du C. de com.

Ce système de défense a été accueilli par l'arrêt suivant: En 1825, le sieur Jailloux, propriétaire de diligences, avait loué, pour l'utilité de son entreprise, divers bâtiments contigus à la maison qu'il occupait. Ces bâtiments appartenaient au sieur Mouchotte, et celui-ci se trouvait créancier de tous les loyers qui avaient couru depuis le bail, lorsque Jailloux déclara sa faillite. Cependant Mouchotte ne fit point vérifier sa créance, et ne l'affirma point devant le juge-commissaire. Mais il forma opposition entre les mains de l'huissier priseur qui avait vendu le mobilier du failli, et de plus il fit saisir et arrêter, à la caisse des consignations, une somme de 530 fr., que l'un des sous-locataires de Jailloux y avait déposée. Ces actes conservatoires furent suivis d'une assignation en validité devant le tribunal civil de la

Les syndics soutinrent Mouchotte non recevable dans son action, parce qu'il n'avait pas affirmé sa créance, et conclurent à ce que le tribunal, se déclarant incompétent, renvoyat le demandeur devant le juge-commissaire de la faillite, pour y remplir les formalités prescrites par les art. 501 et 502 du C. de com.

Jugement qui rejette cette exception; déclare les oppositions et saisies-arrêts bonnes et valables; ordonne, en conséquence, que les deniers seront versés ès mains de Mouchotte jusqu'à concurrence des loyers qui lui sont dus.

Appel par les syndics. Mais, le 18 juillet 1828, arrêt de la cour royale de Paris, 3° chambre, M. Lepoitevin président, MM. Chopin et Colmet avocats, par lequel:

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« LA COUR, En ce qui touche l'exception de compétence,-Attendu qu'il s'agit du privilége légal du propriétaire sur le mobilier qui garnit la maison louée;-Que le propriétaire est en dehors de la faillite; -Adoptant, au surplus, les motifs des premiers juges, MET l'appellation au néant; Ordonne que ce dont est appel sortira effet. »

COUR D'APPEL DE PARIS.

B.

D

Lorsque le consignataire, après avoir vendu les marchandises qui lui avaient été données en consignation, et en avoir touché le prix en effets à terme, est tombé en faillite, le propriétaire de ces marchandises peut-il revendi quer les effets donnés en règlement du prix, alors que le failli n'en a point encore encaissé la valeur, et qu'ils se retrouvent en nature dans son portefeuille? (Rés. aff.) C. com., art. 576 et 581.

PERREAU-LECOMTE, C. SAUNIER.

Le 28 juil. 1826, le sieur Saunier, marchand de draps à Elbeuf, envoie en consignation dix-sept balles de laine à la maison Perreau-Lecomte, de Paris. Le 18 août suivant, neuf balles sont vendues au sieur Seveste moyennant la somme de 4,000 fr. Ce prix est payé en un effet à courte échéance. Le 30 août, la faillite de la maison Perreau-Lecomte eșt déclarée, par un jugement du tribunal de commerce. A cette époque, le billet de 4,000 fr. n'était point échu; il était encore dans le portefeuille du failli, et ce n'est que postéricurement que les syndics en encaissèrent la valeur.

Dans ces circonstances, le sieur Saunier revendique, non seulement les huit balles de laine qui étaient restées dans les magasins de la maison Perreau, mais encore l'effet de 4,000 fr., ou plutôt cette somme encaissée par les syndics depuis la faïllite. Refus de la part de ces derniers. Ils prétendent que le con.signateur n'est point dans le cas prévu par l'art. 581, parce que la remise de l'effet est un paiement, puisqu'à l'instant même l'acheteur a reçu une quittance pour solde.

Sur ce, jugement qui condamne les syndics de la maison Perreau-Lecomte à remettre au sieur Saunier l'effet de 4,000 fr., ou sa valeur. — « Attendu, y est-il dit, que, sur dixsept balles de laines consignées par le demandeur, le 28 juil. 1826, à la maison Perreau-Lecomte et compagnie, neuf ont été vendues le 18 août suivant au sieur Seveste pour le compte du consignant; - Que l'acheteur a remis en paiement aux consignataires un effet de 4,000 fr. qui n'avait point encore été encaissé lors de l'ouverture de la faillite ;-Attendu qu'aux termes de l'art. 581 du C. de com. la revendication peut avoir lieu tant que le prix n'a pas été payé ou passé en comp te courant entre le failli et l'acheteur; qu'ainsi la demande du sieur Saunier est fondée, et doit être accueillie. »

Appel de la part des syndics. Et d'abord, a-t-on dit pour eux, s'il fallait juger la cause d'après les règles de la simple équité, il est certain que la décision ne serait point favorable au sieur Saunier. Car, daus un désastre commun, le sort de tous les créanciers doit être égal. Il n'est pas juste que l'un soit traité avec plus de faveur que l'autre. An sùrplus, la prétention de l'adversaire est-elle mieux fondée en droit? Nullement. L'art. 581 dont il excipe n'est point applicable à l'espèce. Il porte en termes formels que le prix des marchandises consiguées ne pourra devenir la matière d'une revendication de la part de l'envoyeur qu'autant qu'il n'aura pas été payé ou passé en compte courant entre le failli et l'acheteur. Or ici le prix avait été payé par Seveste à la maison Perreau-Lecomte, puisqu'elle a donné une quittance pour solde. Vainement on objecte que le prix n'est censé payé que lorsqu'il y a eu paiement effectif et encaissement des espèces. Car la loi ne dit rien de semblable; en droit, au contraire, il est certain qu'il y a paiement toutes les fois que le prix est réglé en valeurs commerciales. On se libère avec des effets

comme avec de l'argent, et, dans le commerce, les lettres de change et les billets à ordre sont assimilés à des écus. Ce qui prouve enfin qu'il y a eu paiement, c'est que si le sieur Saunier voulait s'adresser à la maison Seveste pour réclamer le prix de ses marchandises, celle-ci lui répondrait avec avantage : « J'ai payé; voilà la quittance pour solde que m'a donnée votre mandataire. »

Il faut, répondait l'intimé, commencer par écarter de la cause ce motif de considération invoqué par les syndics, que, dans le malheur commun, le sort de tous les créanciers doit être égal; car je ne me présente point ici comme créancier, mais bien comme propriétaire. Ce n'est point une créance que je réclame, c'est une action en revendication que j'exerce. Laissons donc à l'écart cette fausse idée, et envisageons la question sous son véritable point de vue. Que s'est proposé le législateur dans l'art. 581? Il a voulu que la revendication pût être exercée par le consignateur toutes les fois que la marchandise, ou ce qui la représente, se retrouverait, au moment de la faillite, en la possession du failli. Il n'a fait d'exception que pour le cas où le prix aurait été payé ou encaissé par ce dernier, parce qu'alors il y a eu confusion, parce qu'on ne peut plus distinguer la chose du consignateur de celle du consignataire, et que, par conséquent, la reven dication devient impossible. Mais si le prix des marchandises, au lieu d'être payé en espèces, l'est en effets à terme, il n'y a plus alors de confusion, plus d'incertitude. Les effets qui représentent la marchandise sont tout aussi faciles à reconnaître que la marchandise même, et rien ne s'oppose à ce qu'ils puissent être revendiqués.

On a dit qu'il y avait eu paiement par cela seul que le sieur Seveste avait remis des traites à la maison Perreau! Mais on a confondu deux choses absolument distinctes: le règlement d'une facture et le paiement du prix. Sans doute le règlement a eu lieu avant la faillite; mais le paiement effectif n'a été réalisé qu'après son ouverture. Le système des syndics n'est donc pas soutenable.

Le 25 août 1828, ARRÊT de la cour royale de Paris, troisième chambre, M. Poitevin président, MM. Devesvre et Horson avocats, par lequel:

LA COUR, - Faisant droit sur l'appel, et adoptant les motifs des

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premiers juges, pens. »

MET l'appellation au néant, avec amende et dé

COUR D'APPEL DE PARIS.

B.

L'obligation de payer une somme dans deux ans, et d'en servir les intérêts par trimestre, constitue-t-elle un billet de commerce? - En conséquence, la femme d'un négociant, laquelle ne fait point de commercc, en son nom, a-t-elle fait un acte commercial, et est-elle justiciable de la juridiction consulaire, pour avoir endossé ce billet, qui était passé à son ordre par deux commerçants, dont l'un était son fils? (Rés. nég.)

La femme qui gère le commerce de son mari, qui a l'habitude de signer des billets pour lui, sans faire aucun commerce pour son compte particulier, engage-t-elle son mari en endossant un billet souscrit à son ordre à elleméme, et qui n'avait pas eu pour cause le commerce du mari? (Rés. nég. ) (1) C. civ., art. 220.

LA DAME BOUTRAIS, C. TRANSON.

Dans le mois de mars 1826, les sieurs Latoy et Boutrais fils, associés pour le commerce d'épicerie à Paris, souscrivirent à l'ordre de la dame Boutrais, mère de l'un d'eux, un billet de 5,000 fr., payable dans deux années, avec obligation d'en servir les intérêts de trois en trois mois. — La dame Boutrais mère était femme d'un négociant de Laigle. Elle ne faisait pas de commerce pour sou compte personnel; mais elle gérait celui de son mari, et signait même quelquefois des billets pour ce dernier. Elle passa l'effet de 5,000 fr., mais sans autorisation maritale, à l'ordre d'une veuve Torsay, qui, à son tour, le transmit par endossement au sieur Transon. Faillite de Boutrais, fils et Latoy, peu de temps

•(1) Voy. le Cours de code civil de M. Delvincourt, éd. de 1813, t. 1a, note ire de la p. 74, où il examine plusieurs questions analogues à celleci. Voy. aussi un arrêt de la cour de Bruxelles, du 27 fév. 1809(Cok des jugem., an 1810, p. 165, et nouv. éd., t. 10, p. 154), un arrêt de la cour de Nismes, du 17 juin 1809 (Col. des jugem., an 1810, p. 430, et t. 10, p. 483), un autre de la cour d'Angers, du 27 fév. 1819 (anc. col., t. 1o 1820, p. 552, ett. 21, p. 166), et deux de la cour de cassation, des 25 janv. 1821, et 2 av. 1822 (anc. col., t. 1er 1822, p. 158, et t. 23,'p, 77, et t. 24, p. 541).

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