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COUR DE CASSATION.

Le droit de séparation des patrimoines peut-il s'exercer sur le prix encore dú d'un immeuble vendu par le défunt à son héritier, comme il s'exercerait sur l'immeuble luiméme s'il existait en nature dans la succession ? (Rés, aff.) C. civ., art. 878.

En conséquence, le légataire d'une partie de ce prix est-il fondé, en cas de vente judiciaire de l'immeuble sur l'hér ritier, à demander qu'il soit distrait du montant de l'adjudication somme suffisante pour le remplir de son legs, sans que les créanciers personnels et hypothécaires de cet héritier puissent légitimement contester cette prétention? (Rés. aff.) •

PAULET, C. SAUVAGE DE FILINGE.

En l'an 4, le sieur Sauvage de Verny vend à Sauvage de Filinge, son neveu, le domaine de Gregny, pour la somme de 85,000 £. ---105,000 f. sont payés comptant par l'acquéreur. Le surplus' du prix n'était exigible que quatre années après. Sauvage de Verny meurt en l'an, 6, laissant un testament Dar lequel il léguait au jeune de Filinge, son petit-neveu, out ce dont il pouvait disposer. La loi du 17 niv. réduisait cette disposition au 6e des biens du défunt. Il paraît que l'acif de la succession se composait presque uniquement des 30,000 fr. encore dus sur le prix de vente du domaine de Grezny. Quoi qu'il en soit, ce domaine se trouvait grevé d'un grand nombre d'inscriptions qui avaient été requises par les créanciers personnels de Sauvage de Filinge, qui, comme on la vu, était tout à la fois acquéreur de l'immeuble et héritier du vendeur. En conséquence, le domaine de Gregny est saisi et vendu le 5 sept. 1821 pour le prix de 46,000 fr. Un ordre s'ouvre pour la distribution de cette somme. De Filinge, fils (le légataire) intervient, et, se fondant sur le privilége de la séparation des patrimoines, il demande qu'il soit distrait du prix de l'adjudication somme suffisante pour le remplir de son legs.

Le 6 juil. 1825, jugement du tribunal de Gex qui écarte sa prétention, sur le motif que les biens dont le prix est à distribuer ne font point partie de la succession de Verny.

Appel. Le 26 mai 1827, arrêt infirmatif de la cour de Lyon, conçu en ces termes : « En ce qui touche la séparation des patrimoines, - Attendu que la légitimité, la nature et la qualité des droits de Filinge fils, en sa qualité de légataire du sieur Sauvage de Verny, ont été reconnues, et que 'cette qualité lui donne incontestablement le droit, d'après les anciennes comme d'après les nouvelles lois, de demander Je paiement de son legs par la voie de la distinction des patrimoines entre les biens du sieur de Verny et ceux de son héritier; Attendu que cette réclamation ayant lieu dans une succession ouverte avant le code civil, et même avant la loi du 11 brum, an 7, il est certain que, d'après l'art. 14 de cette loi et la jurisprudence constante, aucune inscription n'était nécessaire pour eu conserver les avantages; - Attendu que le sieur de Filinge père, cohéritier du sieur de Verny, est devenu son seul héritier par l'effet de différentes cessions; que, dès lors, il est passible, sur les biens de cette succession, du legs dont elle était grevée; Attendu que l'immeuble dout il s'agit de distribuer le prix provient de feu Sauvage de Verny; - Attendu que, dans cet état, la question qui s'élève au procès a pour objet de décider și Filinge fils, légataire du sieur Sauvage de Verny, sera payé de son legs sur le prix dont il s'agit, par préférence aux créanciers du sieur de Filinge père, héritier de ce dernier, et qu'ainsi c'est bien le cas de distinguer et séparer les patrimoines; Attendu que, s'il est vrai que l'immeuble dont le prix est à distribuer avait été vendu par le sieur de Verny au sieur de Filinge père, il est également reconnu que celui-ci n'en avait pas payé le prix; qu'il est de principe en cette matière que le prix non payé représente l'immeuble, et que la séparation des patrimoines peut être demandée dans ce cas sur le prix non payé comme sur l'immeuble; Attendu qu'il n'a pu s'opérer aucune confusión entre ce prix fixé par des actes authentiques, faisant partie de la succession du sieur de Verny, et les autres biens du sieur de Filinge père, son héritier; Attendu que cette action en séparation des patrimoines n'a pu se prescrire que par l'intervalle de trente années entre majeurs, lorsqu'elle s'exerce sur le prix non payé ni distribué d'un immeuble qui représente, ainsi qu'on l'a dit, immédiatement cet immeuble; qu'au surplus la prescription n'a été opposée par les in

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¡més que relativement à l'hypothèque légale que demandait ubsidiairement de Filinge fils; que les motifs qui ont été doués sur la séparation des patrimoines rendent inutile l'examen e cette question, et de toutes les autres qui's'y rattacheut. -Emendant, ordonne que, sur le prix à distribuer, de Finge fils sera payé par privilége et préférence à tous les crénciers du sieur de Filinge père, de la somme de 13,168 fr. o cent., montant du legs qui lui a été fait. »

Paulet, l'un des créanciers, se pourvoit en cassation. Vioition des art. 2093, 2094 et 2095 du C. civ.; fausse appliation des art. 878 et 2111 du même code: tel était le doule moyen que présentait le demandeur.

Quel est, 'a-t-il dit, l'objet de la séparation des patrimoies? C'est d'empêcher que les biens de la succession ne se onfondent avec ceux de l'héritier; c'est de conférer aux crénciers du défunt un privilége sur les biens, afin qu'ils soient ayés de préférence aux créanciers personnels de l'héritier, a séparation des patrimoines ne peut donc avoir lieu qué elativement aux biens que possédait le défunt à son décès; lle ne peut donc s'étendre à ceux qui ne lui appartenaient lus lors de sa mort, à ceux notamment qu'il avait précélemment aliénés. Aussi Póthiér, dans son Traité des succesions, chap. 5, dit-il formellement que les choses données entrevifs, quoique sujettes au rapport, n'étant réputées biens le l'hérédité que par fiction, ne peuvent être l'objet d'uné lemande en séparation des patrimoines. Or, si le droit de séparation ne peut s'exercer sur les biens que le défunt avait lonnés en avancement d'hoirje, quoiqu'ils fassent, en quelque sorté, partie dé lá succession, au moyen du rapport, bien plus forte raison ce droit ne peut-il être exercé sur ceux qui n'y sont point rapportables, sur ceux que le défunt avait irrévocablement aliénés à titre onéreux. On oppose que le prix n'avait pas été payé! Mais que conclure de là? Que le successeur de de Verny avait une créance sur l'acquéreur; que cette créance aurait pu engendrer un privilége, si les formalités prescrites avaient été remplies. Il n'en résulte pas qu'un simple légataire de de Verny ait pu réclamer la séparation des patrimoines relativement à un immeuble qui n'avait jamais fait partie de la succession.

« Mais, a dit encore la cour d'appel, le prix représente

l'immeuble, et la séparation s'exerce sur l'un comme sur l'au tre! Oui, lorsqu'il s'agit du prix d'un bien de la succession; pretium rerum hereditarium. Ainsi, lorsque l'immeuble vendu par l'héritier ou sur l'héritier se trouvait en nature dans la succession, le prix qui le remplace appartient à la succession, comme l'immeuble lui-même. lui appartenait; ainsi les créanciers et les légataires de la succession auront sur le prix le même droit de séparation qu'ils auraient eu sur. l'immeuble s'il n'eût pas été vendu. Mais le principe invoqué par cour d'appel reste sans application lorsque les biens, comme dans l'espèce, ont été vendus par le défunt long-temps avant son décès. Ces biens alors ne font point partie de sa succession, et la fiction, qui, dans le premier cas, s'attache au prix, disparaît dans le second. Le système contraire entraînerait souvent de fâcheuses conséquences, en rendant les créanciers victimes de leur bonne foi. En effet, les biens étant in bonis de leur débiteur, ils ont dû l'en croire propriétaire absolu, et traiter avec lui dans la plus grande confiance. Si une demaude en séparation des patrimoines, exercée sur le prix long-temps après la vente, et depuis le décès du vendeur, pouvait anéantir ou modifier leurs droits, il n'y aurait plus de sécurité pour le commerce, plus de garantie pour les transactions. (1)

Du 16 juillet 1828, ARRÊT de la section des requêtes, M. Favard, président, M. Hua rapporteur, M. Nicod avocat, par lequel:

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. LA COUR. Sur les conclusions conformes de M. de Broë, avocat-général ; —— Attendu que là séparation des patrimoines s'exerce gé néralement sur les biens et droits quelconques qui appartenaient au dé funt, aussi bien sur l'immeuble en nature que sur le prix qui en est dû et qui le représente; qu'ainsi Sauvage de Filinge fils trouvant dans la succession de son grand-oncle Sauvage de Verny la créance d'une partie de ce prix, il a dû en être opéré distraction à son profit, contre les créanciers personnels de son père, qui en était débiteur; qu'en le jugeant ainsi l'arrêt attaqué à fait une juste application de la loí; REJETTE..

(1) M. l'avocat général de Broë écartait cette objection en faisant remarquer que la terre de Gregny était à la vérité in bonis du débiteur, mais qu'elle y restait soumise à l'action resolutoire pour paiement du prix; qu'ainsi les créanciers de Sauvage de Filinge devaient s'imputer de ne pas avoir vérifié si le prix avait été payé,

Nota. La cause présentait une autre question, celle de savoir si, le droit de demander la séparation des patrimoines l'étant ouvert avant la loi du 1ì brum. an 7 et le code civil, e droit durait trente ans, même vis-à-vis des créanciers hypothécaires de l'héritier, encore bien qu'on n'ait rempli acune formalité sous le code pour le conserver. On a vu, par les motifs de l'arrêt, que la cour d'appel avait jugé l'afirmative. Mais le tribunal régulateur ne s'étant point occupé le cette difficulté, nous avons pensé qu'il était inutile d'en urcharger la discussion.

COUR DE CASSATION.

B.

Un propriétaire forain qui envoie au pâturage commun un plus grand nombre de bétes qu'il n'était autorisé à y envoyer, d'après une arrêté de l'autorité municipale, commet-il une contravention qui doive étre réprimée par le tribunal de simple police? (Rés. aff.)

Ce propriétaire peut-il être excusé et renvoyé devant le tribunal civil, sous le prétexte que la délibération n'a pas été publiée dans la commune qu'il habite ? (Rés. nég.) Un arrété municipal ne doit-il étre publié que dans la commune du maire dont il émane, et oblige-t-il même les étrangers non domicilie's qui se trouvent sur son territoire? (Rés aff. )

MINISTÈRE PUBLIC, C. LAURENT.

Du 15 février 1828, ARRÊT de la chambre criminelle, M. Bailly faisant fonctions de président, M. Gary rapporteur, par lequel:

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• LA COUR, - Sur les conclusions de M. Laplagne-Barris, avocat. général; Vu l'art. 13, sect. 4, tit. 1° du C. rural, du 6 oot. 1791, portant que la quantité de bétail, proportionnellement à l'étendue du terrain, sera fixée dans chaque paroisse à tant de bêtes par arpent, d'après les règlements et les usages locaux; et qu'à défaut de documents positifs à cet égard, il y sera pourvu par le conseil général de la comVu l'art. 15 de la loi du 28 pluv. an 8, portant que le conseil municipal réglera le partage des affouages, pâtures, récoltes et fruits Vụ la délibération du conseil municipal de Luxeuil, du 10 fruct. an 11, approuvée par l'autorité préfectorale, qui, en exécu. tion des lois précitées, règle le nombre des têtes de bétail que chaque

mune;

communs;

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