Page images
PDF
EPUB

tion sera signifié à la partie défaillante par un huissier commis; la signification contiendra assignation au jour anquel la cause sera appelée; il sera statué par un seul jugement, qui ne sera pas susceptible d'opposition. »

L'auteur des Lois de la procédure civile explique très bien le motif de cette disposition législative. « De ce que l'art. 150 veut, dit M. Carré, que les juges ne prononcent jamais une condamnation par défaut sans avoir vérifié le fondement de la demande, il suit naturellement que si, de deux ou de plusieurs parties assignées pour le même objet, l'une fait défaut, tandis que l'autre comparaît, le tribunal qui n'aura complétement vérifié la demande qu'après que le défendeur comparant aurà déduit ses moyens, et que le débat contradictoire sera terminé, ne peut jusqu'alors prononcer contre le défaillant en parfaite connaissance de cause. On courrait le risque de rendre sur le même point deux jugements opposés. C'est dans la vue de prévenir un inconvé nient aussi grave que l'art. 153 veut que, dès la première audience à laquelle une partie assignée fait défaut, le tribunal, après avoir décerné acte de la non-comparution du défaillant, ordonne que le profit du défaut sera joint pour être statué entre toutes les parties par un seul et même juge

ment..... >>

Ainsi le principal, ou plutôt l'unique motif de la loi, en voulant que le défaut soit joint et que les défaillants soient réassignés, a été de prévenir le grave inconvénient de rendre sur le même point deux jugements opposés. Or ce motif s'applique à la demande d'un sursis comme à la demande à fin de cession; car il pourrait arriver que les défaillants, venant à former opposition au jugement qui aurait ordonné le sursis avec les créanciers présents, fissent valoir contre la démaude des moyens tellement décisifs que le tribunal crût devoir la rejeter; et de là deux jugements opposés sur le même point de contestation. Aussi M. Carré enseigne-t-il, pour le cas où l'un des défendeurs comparaissant présenterait des moyens tels qu'il fallût, avant faire droit, ordonner un interlocutoire, par exemple, une enquête, une expertise, que l'opération ue pourrait pas être ordonnée par le jugement qui donnerait défaut contre les défaillants, et qui en joindrait le profit au foud; et toujours par le motif que le jugement de jonction'

n'est qu'une opération préparatoire, et qu'il impliquérai qu'on rendît une décision qui préjugeât le fond dans une me sure qui n'a pour objet que de mettre toutes les parties i portée de fournir leurs défenses, sur lesquelles le tribunal ne doit prononcer qu'après la notification de ce jugement.

L'arrêt de la cour de Nismes est fondé sur les mêmes principes. Cette cour, appliquant avec rigueur l'art. 153, a considéré que le premier tribunal n'avait pu ordonner que la jonction du défaut et la réassignation des défaillants, et qu'en cet état toute disposition portant utilité était hors de ses pouvoirs. Voici les circonstances particulières de l'espèce.*

Murco, après avoir déposé son bilan au greffe, fait citer ses créanciers devant le tribunal civil d'Uzès, dans les déJais ordinaires, pour se voir admettre au bénéfice de cession, et à bref délai, pour voir ordonner le sursis aux poursuites, conformément à l'art. 900 du C. de proc. Un seul créancier comparaît; et, le 12 nov. 1823, intervient un jugement qui donne défaut contre les parties qui ne se sont pas présentées, du nombre desquelles sont les sieurs Thiers, joint le défaut au fond, et commet un huissier pour signifier le jugement de jonction et réassigner les défaillants au jour indiqué pour l'appel de la cause, le tout conformément à l'art. 153 du C. de proc.; mais au lieu d'en rester là, le même jugement ordonne en outre qu'il sera sursis provisoirement à toutes poursuites contre Murco, notamment à toute exécution par corps.

Les sieurs Thiers, appelants de ce jugement, soutiennent qu'il est radicalement nul, en ce que le premier tribunal a ordonné le sursis, hors la présence des parties intéressées, tandis qu'il devait se borner, aux termes de l'art. 153- đu C. de proc., à prononcer la jonction du défaut et la réassignation des défaillants.

Murco répond que la disposition de l'art. 153 n'est point applicable à la demande en sursis; que cette matière est exclusivement régie par les formes spéciales de l'art. 900, qui investit le juge d'un pouvoir discrétionnaire quant au point de savoir s'il y a lieu d'accorder ou de refuser le sursis deinandé.

Murco conclut subsidiairement à ce que, dans tous les cas, la cour, retenant le fond, prononce elle-même le sursis.

Da 10 janvier 1828, ARRÊT de la cour royale de Nismes, première chambre, M. Cassaignoles premier président, MM. Monnier-Taillades et Viger avocats, par lequel:

que

LA COUR, — Sur les conclusions de M. Goirand de Labaume, avocat-général ; — Attendu que, par son jugement du f2 nov. 1823, le tribunal, en joignant le défaut au fond sur la demande principale, et en, accordant néanmoins le sursis demandé, avait divisé l'instance primitive, et que, s'il est vrai que, par cette dernière disposition, il ait inféré grief aux sieurs Thiers, qui avaient fait défaut, il est impossible de leur refuser la voie de l'opposition contre ce jugement: -- Attendu que, d'après l'art. 153 du C. de proc. civ.; le tribunal ne pouvait ordonner que la jonction du défaut au fond et la réassignation des défaillants; toute disposition portant utilité était, en cet état, hors de ses pouvoirs; que l'art, goo, en autorisant les juges à accorder un sursis, n'a pas affranchi leurs jugements des règles générales de la procédure et n'en fait aucune exception pour ce cas; qu'ainsi ce jugement se trouve atteint d'une nullité radicale, et qu'il y a lieu de la prononcer sur les conclusions de toutes parties, en faisant droit à l'appel du jugement qui l'a consacrée;-Attendu que la cour ne pourrait prononcer de son chef le sursis demandé par les conclusions subsidiaires de Murco, sans s'approprier le vice justement reproché au jugement annulé;

D

́» Par ces motifs,— MET les appellations et ce dont est appel au néant; émendant, reçoit les sieurs Thiers opposants envers le jugement du 12 nov. 1823; Casse et ANNULE ledit jugement, sauf à Murco à se pourvoir ainsi qu'il aviserà, »

COUR D'APPEL DE NANCI

B.

Y a-t-il faux frauduleux de la part du notaire qui déclare s'étré transporté sur les lieux où l'acte s'est fait, tandis qu'il s'est contenté d'y envoyer son clerc; si d'ailleurs il n'a eu aucune intention de nuire ni aux parties ni aux tiers (Rés. nég.) (1).

Ce fait néanmoins constitue-t-il un faux matériel qui rend le notaire passible des peines de discipline, telles que la censure? (Rés. aff.)

2

Le notaire, dans ce cas, peut-il exciper d'un usage ou abus contraire à la loi du 25 vent. an 11 ? (Rés. nég.)

MINISTÈRE PUBLIC, C. LE NOTaire G.

Da-26 juin 1826, ARRÊT de la cour royale de Nancy, M. Breton président, par lequel:

(1) Arrêt de cassation conforme, du 18 fév. 1815, t. 2 1816, p. 572; et nouv, éd., t. 11, p. 253.

LA COUR,

Considérant qu'il est constant, en fait, reconnu et avoué par G........ que les actes de vente provenant de l'enchère faite à......, le.....,, ont été passés hors de sa présence; que, néanmoins, ils énoncent avoir été reçus par lui en qualité de notaire, et se trouvent revêtus de sa signature, laquelle leur a donné faussement le caractère et la foi dus à un acte authentique;

» Considérant que ce faux matériel n'ayant pas été fait ici dans l'intention de nuire aux parties, ni à des tiers, ne peut sans doute donner lieu à l'application de la loi pénale criminelle, mais constitue une infraction grave aux devoirs rigoureux du notaire, lequel trahit évidemment la confiance à lui donnée par la loi, lorsque, pour émolumenter, il se substitue un clerc ou toute autre personne dans la confection des actes, ́se dispense d'y assister lui-même (ce qui est nécessaire pour leur donner le sceau de l'authenticité), et compromet par suite sa propre dignité et les intérêts de ses clients, en apposant après coup une signature mensongère, à laquelle la loi n'a attaché une foi plénière que parce qu'elle avait droit d'attendre que le notaire, revêtu d'un caractère public, n'en ferait jamais abus;

» Considérant que, pour excuser le blâme de sa conduite, G.... a vainement prétendu qu'il était en quelque sorte passé en usage, nonobstant le prescrit de la loi, que les notaires, dans les ventes en détail de pen' d'importance, pouvaient, à la rigueur, se dispenser d'y assister en se faisant représenter par leurs clercs, et qu'un usage analogue venait d'être récemment consacré par la jurisprudence;

[ocr errors]

Considérant, en effet, que d'abord il n'est nullement proúvé, en fait, que l'usage dont excipe G........... existe réellement : il n'a fourni à cet égard aucun document quelconque, et c'est la première fois peut-être qu'un notaire se permet hautement d'exciper d'un abus de ce genre pour terr ter de faire admettre qu'il est consacré par l'usage ; qu'au surplus, en supposant que cet abus cût lieu quelquefois dans le ressort de la cour, ce serait une raison de plus pour le signaler et le punir;

[ocr errors]

» Considérant, en outre, que l'espèce sur laquelle il a été statué dans F'arrêt invoqué par G..... offre de grandes différences avec celle actuelle: il ne s'agissait pas d'abord d'une simple question de discipline, mais il fallait décider si, pour la validité d'un acte authentique, la présence réelle de deux notaires avait été impérieusement nécessaire, et si l'absence, dûment constatée du collègue signataire, avait suffi pour en vicier la nature; il demeurait donc certain que l'authenticité avait au moins été conservée à l'acte par la présence de l'un des deux notaires; tandis qu'au cas particulier, le notaire G........... a signé un acte tout-à-fait étranger à lui et à son ministère, un acte enfin reçu par un tiers auquel la loi ne reconnaissait aucun caractère public, et qu'elle n'avait investi d'aucune confiance;"

»Considérant, au sarplus, qu'en supposant l'analogie parfaite entre

les deux espèces, les principes dont G.... a voulu s'étayer ne pourraient faire jurisprudence, et sont en opposition manifeste avec la loi organique du notariat: cette loi, qui impose aux notaires des obligations certaines et précises et qui ne compte encore que quelque années d'existence, ne peut être aujourd'hui déclarée abolie ou tombée en désuétude; il est facile de sentir combien il serait dangereux d'admettre pour doctrine que les habitudes contraires auraient pu prévaloir sur son texte formel: de tels usages, aux yeux de la loi et des magistrats, ne peuvent donc être envisagés que comme abus; et toutes les fois que, par voie de discipline, ils seront signalés et prouvés, il devra être fait justice;

>En ce qui concerne la peine de suspension requise contre le notaire inculpé: Considérant qu'aux termes de l'art. 55 de la loi du 16 mars 1803 (25 vent. an11), et d'après la jurisprudence fixée par la cour de cassation (voir les arrêts des 20 nov. et 30 déc. 1811 ), les tribunaux doivent, selon les circonstances, infliger cette peine; que tout à cet égard est néanmoins abandonné à leur pouvoir discrétionnaire, et que, par conséquent, ils ont la faculté d'infliger, une peine de discipline moins sévère; d'où il suit que le jugement dont est appel doit être réformé, en ce que la compétence du tribunal semble, sous ce rapport, avoir été méconnue;

■ Considérant qu'il existe en la cause quelques circonstances atténuantes en faveur de G.....; que, notamment, il parait que le jour de la pas sation des actes qu'il a signés sans y être, il était dans un état de maladie qui a pu l'empêcher de calculer sainement les conséquences de sa conduite imprudente; qu'en outre, quoiqu'il ait excipé de l'habitude fréquente où sont quelques notaires de passer, par l'intermédiaire de leurs clercs, des ventes en détail, il a attesté à la cour que ceux qui lui sont reprochés sous la date du 28 fév. sont les seuls de cette nature auxquels il se serait prêté, et qu'effectivement il n'en a pas été découvert d'autres; › Considérant que G...., succombant sur l'appel et ént condamné à une peine, doit être aussi condamné aux dépens;- Par ces motifs, statuant sur l'appel du tribunal d'Epinal, n'ayant aucunement égard aux réquisitions du ministère public, inflige à G........... la peine de discipline de censure, avec injonction de ne plus à l'avenir signer d'actes passés et rédigés par un tiers hors de sa présence; le condamne aux dépens de première instance et d'appel.

[ocr errors]

COUR D'APPEL DE COLMAR. Les dommages et intérêts qu'une femme mariée a obtenus à titre de réparation civile contre un tiers qui s'était rendu coupable envers, elle de voies de fait graves tombent-ils dans la communauté, et peuvent-ils par suite étre saisis'

« PreviousContinue »