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par les créanciers du mari? (Rés. aff.) C. civ., art. 1401. Ces dommages et intérêts, alors même qu'on les considérerait comme un bien personnel de la femme, restéraientils à la disposition du mari en sa qualité de chef de la communauté, et pourraient-ils ainsi étre saisis par ses créanciers? (Rés. aff.) C. civ., art. 1428.

Lorsqu'un tribunal a statue par un seul et même jugement sur plusieurs demandes en validité de saisies-arréts pratiquées par des créanciers différents entre les mains du même débiteur, suffit-il que ces demandes, qui présentaient à juger la même question, aient excédé dans leur ensemble le taux du premier ressort pour que l'appel du jugement soit recevable, méme à l'égard d'un saisissant dont la créance est inférieure à 1000 francs? (Rés. aff.)

HALFFTERMEYER, C. SCHWEY ET BAUER.

Le nommé Kahn ayant été renvoyé devant la cour d'assises pour voies de fait graves exercées sur la personne de la femme Halfftermeyer, celle-ci se porta partie civile, et obtint 3,000 fr. de dommages et intérêts. Kahn n'avait point encore entièrement payé cette somme, lorsqu'une saisie-arrêt fut formée entre ses mains par le sieur Bauer, créancier du sieur Halfftermeyer pour 427 fr. Bientôt après, les héritiers Schwer, auxquels le sieur Halfftermeyer devait 1590 fr., formèrent aussi une saisie-arrêt pour cette somme entre les mains de Kahu.

Les époux Halfftermeyer firent commandement à Kahn de payer ce qu'il restait devoir; celui-ci forma opposition au command ment, et le tribunal de Savernes joignit cette contestation aux demandes en validité formées par les créanciers saisissants. Les époux Hafftermeyer ont conclu à la mainlevée des oppositions; ils ont soutenu que la somme due par Kahn ayant été accordée à la femme Halfftermeyer en réparation du préjudice corporel qu'elle avait éprouvé, lui appartenait en propre; qu'ainsi cette somme ne tombait pas dans la communauté, et, par suite, ne pouvait être saisie par les créanciers du mari.

Le 17 juil. 1826, jugement par lequel le tribunal, statuant

sur les causes jointes, reçoit Kahn opposant au commande

ment, et déclare les saisies-arrêts bonnes et valables,

« Attendu que, pour juger du mérite de l'opposition de Kahn, ainsi que des saisies-arrêts pratiquées à la requête des héritiers Schwey et d'Abraham Bauer, il s'agit d'examiner si la somme de 3,000 fr., adjugée pour dommages et intérêts par la cour d'assises du Bas-Rhin, en date des 5 et 7 déc. 1825, appartient exclusivement à la femme Halfftermeyer ou si elle appartient à la communauté; — Attendu que l'art, · 1393 du C. civ. dispose formellement qu'à défaut de stipula tions spéciales qui dérogent au régime de la communauté ou la modifient, les règles établies dans la première partie du chapitre 2o, tit. 5, liv. 3, forment le droit commun de la Franc Attendu que les conjoints Halfftermeyer s'étant mariés sans contrat de mariage, c'est, aux termes de l'article précité, la loi même qui régit leur association;

« Attendu que, d'après les dispositions de l'art. 1401 da C. civ., la communauté se compose activement de tout le mobilier que les époux possédaient au jour de la célébration du mariage, ensemble de tout le mobilier qui leur échoit pendant leur mariage, à titre de succession ou même de donation, si le donateur n'a exprimé le contraire; — Attendu que cette disposition est générale, et n'admet d'exception que pour le seul cas qu'elle indique : celui on le donateur d'un objet mobilier l'aurait donné avec la condition qu'il appartiendrait en propre à l'un des époux ;-Qu'il n'est donc pas permis d'établir une autre exception en décidant que des dommages et intérêts prononcés au profit de l'un des époux lui appartiennent en propre et non à la communauté; Attendu les autres cas énumérés en l'art. 1403 n'ont aucune analogie avec celui dont il s'agit dans l'espèce; Qu'ainsi les dispositions de cet article ne sont pas applicables;

que

« Attendu d'ailleurs que ce n'est pas seulement la femme Halfftermeyer qui a souffert du dommage, mais bien plus encore la communauté, puisque c'est celle-ci qui supporte. la perte et les dépenses qui ont lieu lorsqu'un des époux se trouve incapable de concourir par son travail à son entretien personnel et à celui du ménage: d'où il suit qu'il est › aussi équitable conforme à la loi que ce soit la communanté qui profite de l'indemnité accordée à raison de la perte qu'elle a souffert; Attendu qu'étant donc établi que les

que

dommages et intérêts, adjugés par l'arrêt du 7 déc. 1825, appartiennent à la communauté, il s'ensuit qu'ils ont pu être saisis par les créanciers du mari...... D

Appel de la part des époux Halfftermeyer tant à l'égard des héritiers Schwey qu'envers le sieur Bauer. Celui-ci a opposé une fin de non-recevoir résultant de ce que le jugement était en dernier ressort, en ce qui le concernait, puisque la saisie-arrêt pratiquée à sa requête n'avait été formée que pour une somme de 475 fr. Les appelants répondaient sur ce point qu'il suffisait que les causes jointes excédassent, dans leur ensemble, le taux du dernier ressort pour que l'appel fût recevable, même à l'égard du sieur Bauer.

Au fond ils disaient: Une somme accordée à titre de réparation civile est une indemnité inhérente à la personne de celui des époux qui a souffert le préjudice, et à laquelle l'autre époux ne peut avoir aucun droit; c'est une sorte de pécule qui ne peut tomber dans la communauté. Dirait-on que, la communauté ayant fait les frais nécessaires pour obtenir l'arrêt attributif des dommages et intérêts, il est équitable qu'elle en profite? Mais la communauté a été couverte de ses avances par les dépens de l'action, par les frais de pansement et médicaments qui lui ont été remboursés, et en outre elle jouira des intérêts de la somme accordée à titre de réparation civile. L'art. 1401 du C. civ. est rédigé dans des termes qui ne permettent pas de penser que le législateur ait prévu le genre de pécule dont il s'agit ici, puisqu'il ne parle que du mobilier qui échoit aux époux à titre de succession ou donation.

La communauté est d'ailleurs une société de pertes et de bénéfices; c'est la réciprocité qui forme son essence. Or cette réciprocité serait violée si l'on faisait entrer dans la communauté des dommages et intérêts accordés à la femme. En effet, d'après l'art. 1424 du C. civ., les condamnations pécuniaires encourues par le mari se poursuivent sur les biens de la communauté. Si au contraire il obtient des dommages et intérêts, la communauté y participe, et cela est de toute justice. Mais la femme n'est pas dans la même position: la loi l'a placée en dehors de la communauté pour les délits dont elle serait l'auteur ou la victime; si elle encourt des amendes, ses biens personnels seuls doivent les supporter; donc si elle ob

tient des dommages et intérêts, ses biens personnels seuls doivent en profiter. Ne pouvant payer ses condamnations avec les deniers de la communauté, l'équité, la réciprocité exigent qu'elle retienne à son tour les réparations qui lai sont accordées. Telle est évidemment l'intention du législateur dans l'art. 1424.

Sous un autre rapport, la réparation accordée à la femme Halfftermeyer ne pouvait être saisie par les créanciers du mari. En effet, cette femme étant incapable de pourvoir désormais à sa subsistance, si la justice lui a donné des dommages et intérêts, c'est pour qu'ils lui tinssent lieu d'aliments, qui, suivant l'art. 581 du C. de proc., sont insaisissables.‹ Vainement dirait-on que le mot aliments ne se trouve pas dans l'arrêt de la cour d'assises; cela n'est pas nécessaire, si, • d'après les circonstances, il est impossible de méconnaître dans l'arrêt la volonté d'adjuger une provision alimentaire. Le système des intimés est reproduit dans le jugement de première instance et dans l'arrêt suivant.

Le 11 avril 1828, ARRÊT de la cour royale de Colmar, M. Millet de Chevers premier président, MM. Chauffour jeune, Paris et Antonin avocats, par lequel:

• LA COUR, En ce qui touche la fin de non recevoir opposée à l'appel des conjoints Halfftermeyer envers Abraham Bauer; -- Considé rant que la contestation entre les parties s'est engagée sur l'opposition formée par Kahn au cominandement des conjoints Halfftermeyer de payer le reliquat de l'indemnité allouée par lå cour d'assises du Bas Rhin; qu'à cette cause ont été jointes celles sur les deux saisies-arrêts des héritiers Schwey et d'Abraham Bauer; que ces trois actions présentant la même question à juger, et l'importance du litige excédant le taux du dernier ressort des premiers juges, la contestation au fond peut être soumise a la cour envers toutes les parties;

Au fond, adoptant les motifs qui ont déterminé les premiers juges, et considérant en outre que la femme Halfftermeyer n'a pu se constituer partie civile dans l'instance criminelle et réclamer des dommages et intérêts sans l'autorisation de son mari; qu'en procédant ainsi, elle a nécessairement engagé la communauté dans le cas d'une condamnation aux dépens dans le procès criminel, ou même dans le cas de l'insolvabilité de l'accusé condamné aux frais; d'où il résulte que la communauté étant passible des pertes, elle doit aussi profiter de l'émolument;-Considérant encore, et sous un autre rapport, qu'en admettant même que l'indemnité adjugée à la femme Halfftermeyer ait pu devenir son bien

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personnel par le motif de la condamnation, la somme serait encore restée à la disposition du mari comme chef de la communauté, et par conséquent pourrait étre saisie par ses créanciers; que, dans ce cas, la femme n'aurait eu qu'un droit de récompense lors de la dissolution de la communauté, par séparation de biens ou décès; Par ces motifs, prononçant sur l'appel du jugement rendu par le tribunal de première instance séant à Saverne, le 17 juil. 1826, sans s'arrêter à la fin de non recevoir opposée par Abraham Bauer, laquelle est déclarée mal fondée, DONNE acte à Kahn de ce que, sur la contestation entre les parties, il a déclaré s'en rapporter à prudence; et sur l'appel, MET l'appellation au néant; ordonne que le jugement dont est appel sortira son plein et entier effet, condamne les appelants en l'amende et aux dépens de la cause d'appel envers toutes les parties. »

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER.

S.

Les rues et les chemins qui, de leur nature, sont imprescriptibles tant qu'ils servent à l'usage du public, peuvent-ils devenir l'objet d'une prescription en faveur du voisin, lorsqu'ils ont changé de destination? (Rés. aff.) C. civ., art. 2226.

La preuve du changement de destination peut-elle résulter de la possession immémoriale de constructions élevées par le voisin en forme d'arceau au-dessus d'une rue pour établir une communication immédiate entre deux maisons dont il est propriétaire, et qui ne sont séparées que par cette rue? (Rés. aff.)

RIBES, C. LE MAIRE DE LIMOUX.

Il est certain que les rues, les places publiques, les marchés, n'étant pas dans le commerce, ne peuvent pas être prescrits par le temps ordinaire. Mais, s'ils sont abandonnés, s'ils ont changé de destination, ils peuvent alors devenir l'objet d'une prescription en faveur du voisin qui s'en empare pour les réunir à sa propriété. Cette opinion, exprimée par Dunod, est reproduite par M. Vazeille dans son Traité des prescriptions, no 90. « Les chemins et les routes, dit ce jurisconsulte, sont des propriétés publiques ou communales dout l'usage est général. Tant qu'ils subsistent, le domaine en est à l'état ou aux communes, la possession à tous les individus; chacun est libre en tout temps d'en user ou de n'en point user, et aucun par la jouissance ne peut acquérir plus

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