Page images
PDF
EPUB

jusqu'à présent n'a soulevé aucune plainte : c'est toujours une faute d'augmenter le personnel des commissions. Les commissions les moins nombreuses sont toujours les meilleures. La présence d'un membre du conseil général et celle d'un membre du bureau de bienfaisance sont au moins inutiles. >>

M. le ministre craignait en outre que les membres nommés par le conseil municipal, qui est un corps délibérant et non un corps administratif, n'apportassent dans la commission des hospices des passions politiques, qui ne doivent jamais s'introduire dans une semblable réunion. En résumé, M. le ministre demandait le maintien de l'ancien personnel, et il n'admettait que l'adjonction des pasteurs des cultes reconnus par l'Etat.

Après quelques observations de M. de Melun, l'amendement de M. Delbecque fut mis aux voix, et rejeté par 400 voix contre 204.

M. Schoelcher demanda vainement que la loi interdît aux commissions des hospices, la faculté de renvoyer le convalescent lorsqu'il n'est pas encore en état de reprendre ses travaux. Cette dénonciation fut considérée comme calomnieuse, et cependant le fait n'est malheureusement que trop vrai.

La discussion se reprit encore à l'article 6 et au personnel de la commission administrative. Le système de M. Delbecque écarté, un autre système tout contraire fut présenté par M. Vaïsse, au nom du gouvernement; il consistait à faire prédominer dans le conseil l'élément administratif. La commission consentit à l'élimination du membre du conseil général et du membre élu par les maires des communes dont les indigents sont admissibles dans les hospices, aux termes de l'article 3. Elle acceptait en outre les amendements de M. Barthélemy St-Hilaire qui, aux ministres des cultes chrétiens, réclamait l'adjonction d'un ministre israélite, partout où il existe un consistoire.

Cette organisation parut à M. Dufaure radicalement mauvaise. En premier lieu, dit-il, elle établit une règle uniforme pour des établissements qui diffèrent entre eux par leur constitution, par leur importance, le nombre des individus qu'ils reçoivent, le chiffre des revenus dont ils disposent. D'autre part, elle substitue à une administration permanente, durable, ayant pour elle la

consécration du temps, l'autorité et l'expérience de la tradition, un gouvernement mobile, composé d'éléments hétérogènes, divisés par les principes, sinon par les intérêts. N'est-il pas à craindre, fit remarquer M. d'Ollivier, qu'entre l'élément municipal et l'élément administratif la guerre ne s'engage, et que l'anarchie ne vienne ainsi à envahir les établissements charitables? Aujourd'hui, les fonctions si importantes d'administrateurs des hospices, sont pour ceux qui les remplissent une occupation exclusive. A Lyon, par exemple, qui renferme quatre établissements des plus considérables qui soient en France, la commission administrative n'était dans le principe composée que de cinq membres: il y en a vingt-cinq aujourd'hui qui, se faisant les esclaves de la mission charitable qui leur est confiée, lui consacrent tout leur temps sans en rien distraire pour les soins de leur fortune, de leurs ambitions, de leurs préoccupations politiques on le sait, le respect public leur en tient compte, et ce prestige qui les entoure profite aux malheureux : il provoque, il attire les dons, les legs, les libéralités; car, pour nous servir des paroles de M. Dufaure, les dons viennent non-seulement du désir de faire une bonne œuvre, mais encore de la confiance que l'on a dans l'intermédiaire. La même confiance pourra-t-elle s'attacher à des fonctionnaires qu'un caprice électoral peut renverser d'un moment à l'autre? Eux-mêmes pourront-ils apporter à leurs travaux toute l'application, toute l'indépendance nécessaires? Non; l'on aura des commissions officielles et stériles, au lieu des commissions actives et utiles que nous possédons aujourd'hui, et un jour viendra où il faudra leur adjoindre des agents salariés dont la rémunération devra être prélevée sur les revenus des hospices, c'est-à-dire sur le bien du pauvre. M. Dufaure conclut, en résumé, à ce que le soin de composer les commissions administratives fût dévolu au conseil d'Etat, qui serait invité à rédiger, dans le plus bref délai, un règlement d'administration publique: c'est ainsi que l'on a procédé pour la ville de Paris, et l'on s'en est bien trouvé.

Cette argumentation fut combattue par M. le rapporteur, qui insista sur le caractère communal des hospices, sur l'esprit routinier des commissions actuelles, sur la nécessité de conformer les

institutions de bienfaisance aux principes nouveaux, et surtout aux besoins de décentralisation universellement ressentis. M. de Montalembert vint, à son tour, interpeller M. Dufaure: «< Hier, dit-il, on voulait que le Conseil fût absorbé par l'élément communal; aujourd'hui, c'est l'excès contraire. Entre ces deux extrémités, le juste milieu n'est-il pas le meilleur parti? D'ailleurs l'intérêt hospitalier est-il ou non un intérêt communal? Pouvezvous interdire à ce dernier d'intervenir dans le gouvernement de ses intérêts, dans le maniement de ses deniers? » La réponse ne se fait pas attendre. M. Dufaure établit que la commune n'était nullement exclue, dans l'état de choses actuel, de l'administration des hospices. En effet, c'est par le maire que la commission est présidée, c'est d'accord avec lui que les nominations des autres membres sont faites par l'autorité supérieure. Enfin tous les ans le Conseil municipal est appelé à vérifier les comptes des hôpitaux et hospices.

Sous l'influence des mêmes considérations que M. Dufaure, MM. Victor Lefranc et d'Ollivier avaient proposé chacun un amendement, dont le but était de conserver les commissions administratives telles qu'elles étaient aujourd'hui constituées, en y introduisant, toutefois, les ministres des cultes. M. Dufaure, au reste, avait signalé cette adjonction comme une excellente mesure, et avait déclaré l'accepter complétement. Les amendements de MM. Lefranc et d'Ollivier, mis successivement aux voix, furent repoussés; il ne restait plus en présence que le système de la commission et celui de M. Dufaure. C'est ce dernier qui fut adopté, toutefois, après une épreuve douteuse. Le reste du projet dut être renvoyé à la commission.

L'Assemblée avait été appelée d'abord à statuer sur l'article 2, qui avait été réservé. Après une courte discussion entre MM. Schoelcher, Dufaure, Mortimer-Ternaux et de Melun, elle se rangea à l'opinion de M. Mortimer-Ternaux dans la séance précédente, l'honorable membre avait proposé de supprimer les conditions de domicile exigées par le projet, et de faire fixer, par un règlement particulier, les conditions d'admission. M. Dufaure, dans le débat engagé sur cet amendement, fut amené à une critique très-juste de l'ordre dans lequel les projets de loi

sur l'assistance avaient été présentés. L'assistance, dit-il, a trois moyens de se manifester. Le plus ingénieux, le plus fécond, à coup sûr, c'est celui de la charité privée, qui paie, non pas seulement de ses deniers, mais de sa personne; qui prodigue ces consolations aussi précieuses à l'âme, que les soins matériels le sont au corps. Il y a ensuite le bureau de bienfaisance, c'est-àdire l'intermédiaire qu'emploie la charité privée pour répartir les secours qu'elle ne distribue pas elle-même ; enfin, en dernier lieu, il y a les hospices; mais ces derniers établissements ne sont que l'exception: la règle doit être le secours à domicile, qui va trouver le malade, le vieillard, l'indigent au sein de sa famille, bienfait bien supérieur à celui de l'hospice qui reçoit et nourrit; c'est ce qu'avait compris un administrateur dont M. Dufaure fit un chaleureux éloge. M. le préfet de la Mayenne ne se contentait pas de provoquer, de solliciter sans cesse les secours de la charité privée, il les fécondait en créant successivement, dans chaque commune de son département, un bureau de bienfaisance. Comment se faisait-il qu'une loi sur les hospices fût présentée sans que les secours à domicile eussent été organisés ? Telle est la question que posa M. Dufaure. Un membre de la commission répondit que le projet relatif aux bureaux de bienfaisance serait présenté après la discussion de la loi d'assistance. Mais comment se faisait-il que cette loi, qui établissait une organisation générale de l'assistance, n'eût pas été discutée avant les lois partielles?

Les longues discussions de la seconde délibération ne changerent rien au principe du projet, qui fut voté définitivement le 7 août.

Caisse des retraites. - Une loi du 18 juin 1850 avait ordonné qu'il serait créé, sous la garantie de l'État, une caisse de retraites et pensions viagères pour la vieillesse.

La même loi avait prescrit l'établissement d'une commission présidée par le ministre du commerce, et chargée de délibérer sur les questions de nature à intéresser la nouvelle caisse.

De toutes les institutions que la sagesse des gouvernements et le zèle des hommes de bien ont fait naître, dans le but de venir en aide aux classes les plus nombreuses et d'améliorer leur sort,

une des plus utiles, une de celles dont les effets sont le plus féconds, est la caisse des retraites fondée par la loi du 18 juin 1850. L'institution de la Caisse des retraites a pour but de faire disparaître une partie des difficultés qui assaillent l'employé et le travailleur à la fin de leur carrière. En la fondant, l'État enseigne la prévoyance et en fait connaître les avantages. Il inspire l'écono mie et se charge d'en accumuler les produits et de les garantir. Tout homme, désormais, s'il peut faire une faible économie sur le produit de son travail, peut mettre ses vieux jours à l'abri du besoin, et préparer de ses propres mains son avenir.

Nous suivrons désormais, avec intérêt, le développement de cette institution féconde.

Assistance judiciaire.Cette loi, due à l'initiative du gouvernement, avait été, on se le rappelle, discutée l'année précédente (Voyez l'Annuaire pour 1850, p. 262). La première et la seconde délibération avaient eu lieu les 29 novembre et 7 décembre 1850. La troisième délibération, toute de forme, eut lieu le 22 janvier 1851. La loi créait, au chef-lieu judiciaire de chaque arrondissement, un bureau spécial d'assistance devant les tribunaux civils, les tribunaux de commerce et les juges de paix, les Cours d'appel, la Cour de cassation et le conseil d'État (Voyez à l'Appendice, p. 2, le texte de la loi).

[ocr errors]

Réforme pénitentiaire. Dès le commencement de l'année, le gouvernement s'était occupé de faire étudier les éléments d'une réforme pénitentiaire. De ces études sortit un excellent rapport de M. Louis Perrot, inspecteur général des prisons. M. Louis Perrot avait reçu la mission de se rendre en Corse et en Algérie, pour y étudier les diverses questions relatives au transfèrement dans ces deux contrées des condamnés criminels et correctionnels. Une double raison motivait cette mission. D'une part, une proposition de MM. Boinvilliers et Dupetit-Thouars avait posé, devant l'Assemblée législative, la question de la transportation effective. De l'autre, un rapport de la commission d'assistance publique, qui, plus tard, devint la loi du 5 août 1851, relative à l'éducation et au patronage des jeunes détenus, avait posé en principe la formation, en Algérie et en Corse, d'établissements correctionnels. Il était, dès lors, utile de rechercher où et comment pourraient

« PreviousContinue »