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est contenue dans vingt pièces de 1 fr. est une marchandise de valeur égale communément à la quantité de blé contenue dans un hectolitre. Ainsi la monnaie n'est point, comme on le dit souvent, et comme on l'a trop répété dans cette discussion, un signe représentatif; il n'est pas exact de prétendre qu'elle n'ait qu'une valeur de convention; les pièces de monnaie sont des disques de métal ayant une valeur positive qui dépend de circonstances analogues à celles qui déterminent la valeur du fer ou du cuivre, celle des denrées et des matériaux, de toutes les marchandises enfin. La valeur des marchandises de toute espèce, de l'or comme de toute autre, est subordonnée à chaque moment et en chaque lieu à la rareté ou à l'abondance, relativement au désir qu'en ont les hommes; mais elle gravite sans cesse vers un point relativement fixe qui est le montant des frais de toute espèce dont la production est grevée, y compris les frais de conduite au marché, les impôts et les bénéfices légitimes des producteurs et des agents commerciaux. Si, à Paris, 1,000 kilogr. de houille s'échangent sur le marché contre 40 pièces de 1 fr., c'est-à-dire contre 180 grammes d'argent fin, ce n'est point par l'effet d'un règlement de l'autorité ou d'une convention arbitraire, c'est uniquement parce qu'il en coûte autant pour retirer des entrailles de la terre, épurer et conduire à Paris 180 grammes d'argent que 1,000 kilogr. de houille; et si, en l'an x1, il fut établi par le législateur que, au lieu de 40 pièces de 1 fr., 180 grammes d'argent fin, il serait licite de donner une pièce d'or dite de 40 fr., contenant 11 grammes 612 milligrammes d'or, c'est que la difficulté d'avoir à Paris cette quantité d'or était la même que pour s'y procurer la quantité quinze fois et demie plus grande de 180 grammes en argent. Pour employer une formule plus simple, c'est que la valeur de l'or était quinze fois et demie celle de l'argent.

Mais ce rapport de 1 à 15 112 n'est rien moins que fixe. L'or et l'argent sont deux marchandises distinctes, tout comme le plomb et le cuivre, le froment et le seigle, le vin de Madère et le vin de Bordeaux. Il n'y a pas plus de raison pour que 1 kil. d'or demeure éternellement l'équivalent de 15 kilog. 112 d'argent, qu'il n'y en a pour qu'un hectolitre de madère vaille constamment deux hectolitres de bordeaux, ou pour que 1 kilog. de froment soit l'équi

valent permanent de 1 kilog. 112 de seigle. C'est tellement vrai que, depuis l'origine des temps historiques, on peut signaler une variation continuelle entre la valeur de l'or et celle de l'argent. Ceux qui voudraient en avoir la preuve minutieuse n'ont qu'à consulter les travaux de MM. Letronne, Bockh, Dureau de La Malle pour l'antiquité, ceux de M. de Humboldt pour les temps. modernes. Au début du XIXe siècle, ce rapport était de 1 à 15 1[2. Ce fut alors que l'on décréta la composition de nos pièces d'or ; mais ce rapport est si peu stable, que dès 1807 la monnaie d'or gagnait une prime assez forte; le rapport excédait celui de 1 à 16. Après 1811, il fut de moins de 1 à 16, mais de plus de 1 à 15 112 jusqu'à la révolution de 1848, qui momentanément enchérit l'or dans une forte proportion.

Il résulte de là que toutes les fois qu'un système monétaire sera basé sur l'hypothèse d'un rapport fixe entre la valeur de l'or et la valeur de l'argent, il aura une base fragile et sera à la merci des événements. Vrai aujourd'hui, il pourra être faux demain. Une fois faussé, ce sera une cause de dérangement financier et de perturbation commerciale.

Or, tout le monde sait que le système monétaire de France, tel qu'il a été établi par la loi de l'an xi, est basé sur l'hypothèse d'un rapport fixe entre la valeur de l'or et la valeur de l'argent. Cela est rendu manifeste par l'inscription du mot 20 fr. sur nos pièces d'or.

Il ne faut pas cependant s'exagérer la rapidité de la disproportion entre les deux métaux, ni croire, pár exemple, que les importations d'or toujours croissantes aient déterminé des exportations correspondantes d'argent. On peut prouver le contraire par le relevé suivant des importations et exportations d'or et d'argent constatées, du 1er janvier au 20 décembre 1851 :

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Il résulte de ce tableau qu'au lieu de diminuer, le numéraire en argent s'est accru en France, dans cette période, de 83,943,200 fr.

On le voit, quelle que soit l'étendue du changement qui se produit dans l'extraction de l'or, quelle que soit la gravité de la perturbation qui se prépare, il est encore temps d'aviser. Plusieurs peuples ont précédé la France dans la voie des précautions: elle peut encore y entrer.

CHAPITRE IX.

TRAVAUX PUBLICS.

Chemins de fer. État matériel et financier du réseau national.

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- Ligne de Lyon à la Méditerranée, hésitations funestes, mauvaise volonté systéma tique, l'industrie privée mise en suspicion par M. Dufaure; la concession préjugée par un vote de la commission du budget, rapport de M. Dufaure ; historique de la question, état des travaux. Ligne de Paris à Rennes, la concession directe approuvée par la commission; les deux compagnies de Versailles, accord d'intérêts; la concession directe adoptée; esquisse de la discussion, M. Sautayra et l'État entrepreneur; la ligne de Cherbourg, M. Daru, M. Thiers et l'intérêt de clocher; résultat des votes, le che min de l'Ouest assuré et étendu, son avenir; inauguration du chemin d'Argenteuil, trait d'union entre les lignes de Bretagne, de Normandie et de Flandre, entre l'Ouest, l'Est et le Nord. Ligue de Paris à Strasbourg, ouverture de deux sections, état des travaux, avenir de cette ligne. Ligne du Centre, état des travaux, crédits insuffisants. Le Nord et l'Est, embranchements sur la ligne de Paris à la Belgique. Résumé, langueur de l'industrie des chemins de fer, dépréciation des valeurs, impuissance de l'Assemblée. Lignes ouvertes en 1851, héritage du passé. Le chemin de fer de ceinture, avortement. Le sous-comptoir des chemins de fer, utilité et avenir de cet établissement. — Production houillère, machines à vapeur, navigation fluviale et maritime. Infériorité de la France vis-à-vis de l'Angleterre; bouille, machines à vapeur dans les deux pays; flotte à vapeur de l'Angleterre, la subvention, projet de concession du service des paquebotspostes dans la Méditerranée, avortement déplorable, défiances contre l'industrie privée. - Télégraphie électrique, tarifs exagérés, formalités gênantes; le télégraphe sous-marin de la Manche. Canaux. Histoire lamentable de l'exploitation par l'État, projet de rachat, lenteurs et avortement. - Police du roulage et des messageries. Viabilité, liberté, les deux systèmes, l'Assemblée adopte le système de la liberté absolue. · Travaux publics à Paris. Le Louvre, la rue de Rivoli, les halles, etc.

La longueur des chemins de fer en exploitation au commencement de l'année était d'environ 5,000 kilomètres. Les recettes,

pendant l'année 1850, avaient été d'environ 95 millions, soit, en moyenne, plus de 30,000 fr. par kilomètre.

On sait quelle pensée générale avait présidé à l'établissement de notre réseau ; on va voir dans quelle proportion les erreurs de l'esprit d'entreprise et les secousses politiques avaient permis de réaliser ce vaste plan.

L'article 1er de la loi du 11 juin 1842 (voyez l'Annuaire) porte qu'il sera construit un système de chemins de fer se dirigeant: 1o de Paris sur la frontière de Belgique par Lille et Valenciennes; sur l'Angleterre, par un ou plusieurs points du littoral de la Manche; sur la frontière d'Allemagne, par Nancy et Strasbourg; sur la Méditerranée, par Lyon, Marseille et Cette; sur la frontière d'Espagne, par Tours, Poitiers, Angoulême, Bordeaux et Bayonne ; sur l'Océan, par Tours et Nantes; sur le centre de la France, par Bourges; 2o de la Méditerranée sur le Rhin, par Lyon, Dijon et Mulhouse; 3o de l'Océan sur la Méditerranée, par Bordeaux, Toulouse et Marseille. >>

Ce système général de nos grands chemins de fer, accru des lignes précédemment concédées ou construites, a été développé et précisé par des lois subséquentes. C'est ainsi qu'une ligne nouvelle a été dirigée sur Rennes par Chartres et le Mans; qu'on a ajouté au chemin de Strasbourg les embranchements de Sarrebruck et de Reims; qu'on a allongé le chemin du Centre par une bifurcation sur Clermont et sur Limoges.

Tel est le réseau national. Où en étaient les principales artères? Le chemin de fer qui lie Paris aux trois grandes métropoles de l'est, Metz, Nancy et Strasbourg, qui doit desservir la Champagne, la Lorraine et l'Alsace, en allant droit à la seule frontière que l'importance stratégique des chemins de fer puisse sérieusement menacer, et en rattachant directement la France au vaste réseau des lignes allemandes, le chemin de Strasbourg, en un mot, offre un intérêt tout spécial et un caractère d'urgence tout particulier.

Ce chemin s'exécutait avec les embranchements de Sarrebruck et de Reims, dans les conditions de la loi de 1842 un peu modifiée; sa situation était celle-ci : l'Etat y avait dépensé 77 millions, et il achèverait sa tâche avec 28 millions.

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