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Affaires étrangères. M. Brenier, directeur de la comptabilité à ce ministère.

Justice. M. de Royer, procureur général près la Cour d'appel de Paris.

Marine. M. Vaillant, contre-amiral.

Instruction publique et Cultes. M. Giraud, membre de l'In

stitut.

Agriculture et Commerce. M. Schneider, directeur du Creuzot. Le Message du 24 janvier renfermait, sous des expressions très-réservées, très-conciliantes, une leçon au pouvoir législatif. Les susceptibilités de l'Assemblée s'en irritèrent encore davantage. Des incidents nouveaux ne tardèrent pas à se produire.

Le 25 janvier, un membre de la majorité, M. Hovyn-Tranchère, présenta une demande d'interpellations sur la formation du nouveau cabinet; cette demande fut accueillie à une grande majorité. Les interpellations furent fixées au 27. Tout annonçait le renouvellement de cette discussion mémorable qui avait précipité le ministère du 10 janvier. Mais, dans l'intervalle, l'agitation se calma, la réflexion montra les dangers d'une hostilité persistante et sans issue. Les partisans les plus honorables, les plus intelligents du régime parlementaire, ne ménageaient pas les conseils à la représentation nationale. Prenez garde, disaientils, la popularité n'est pas du côté de la Chambre. N'oubliez pas que tout est changé au fond, bien que tout ait conservé à peu près les mêmes apparences. L'Assemblée est aujourd'hui le pouvoir suprême. Elle a les droits et le rang de la souveraineté ; elle en a aussi les inconvénients et les dangers La Chambre, c'est le roi; le Gouvernement, c'est l'opposition. C'est l'une qui paraît oppri– mer l'autre. Unique et souveraine, c'est à elle que l'opinion impute les difficultés, les froissements, les souffrances.

C'est sans doute cette situation, vaguement sentie, qui fit incliner la majorité modérée vers la conciliation. En vain M. Desmousseaux de Givré se fit l'organe de rancunes vivaces en contestant jusqu'à l'authenticité du Message, non contresigné par un ministre. En vain M. Howyn-Tranchère et de Rémusat cherchèrent chicane au ministère nouveau, l'Assemblée ne les suivit pas dans cette route périlleuse.

Qui êtes-vous, demandaient aux ministres extra parlementaires les orateurs de la coalition? Quelle est votre politique? Pensezvous, par exemple, que la loi du 31 mai doive s'appliquer aussi bien à l'élection présidentielle qu'aux élections parlementaires? Partagez-vous cette hérésie du Message qui proclame l'indépendance des deux pouvoirs? Enfin, êtes-vous un incident ou un système? Que signifie votre dévouement intérimaire? Êtes-vous la représentation de la politique constitutionnelle inaugurée par le Message du 12 novembre, ou de la politique personnelle et impérieuse renfermée dans celui du 31 octobre ? Enfin d'où venez-vous, à quoi et à qui nous conduisez-vous?

Nous vous conduisons, répondit M. le garde des sceaux, à un cabinet définitif. Notre mission, le dernier Message l'a définie : elle est essentiellement administrative, temporaire, transitoire. Des difficultés se sont opposées jusqu'ici à ce qu'un cabinet fût formé avec des éléments parlementaires, nous chercherons à les aplanir: c'est à ces seules conditions que nous avons accepté le pouvoir; nous ne sommes point un cabinet politique; mais tant que nous resterons aux affaires, nous maintiendrons l'ordre, nous veillerons sur l'exécution des lois, nous ferons prévaloir la politique du Message du 12 novembre, œuvre commune de l'Assemblée et du Président, de ces deux pouvoirs indépendants dans les conditions de confiance, mais aussi de déférence réciproque qu'a tracées la Constitution.

L'Assemblée accueillit favorablement ces explications. Évidemment la coalition était dissoute. M. Mathieu (de la Drôme) vint, au nom de la gauche, donner le signal de la rupture. C'est contre ses alliés de la veille qu'il dirigea tout à coup ses attaques. Il leur reprocha leur peu de respect pour la Constitution, leurs discours qui, en attaquant le Président, servaient maladroitement sa cause. Si M. Louis Bonaparte, dit l'orateur, a été élu, c'est en haine de l'étranger, de ce qui reviendrait avec lui ou derrière lui. Ne réclamez pas l'appel au peuple, ajouta-t-il, en interpellant directement le côté droit, le scrutin populaire serait le tombeau de vos dernières illusions. Cessez de dire que la République est un état précaire, un abri momentané, un port où les

navires de toutes les monarchies vienment se radouber pour les expéditions prochaines; car c'est autoriser chez M. Bonaparte les mêmes espérances. Et pourquoi ne disputerait-il pas les dépouilles de la République au comte de Paris ou au comte de Chambord? Il n'y a), dit en terminant M. Mathieu (de la Drôme), qu'un gouvernement possible, c'est celui qui doit être la fin des expériences que la France subit depuis cinquante ans, c'est la République, la République adoptée franchement, sans arrière-pensée, avec toutes ses conséquences, avec sa Constitution devant laquelle tous doivent s'incliner jusqu'au jour où elle sera révisée par les voies légales.

A cette profession de foi si nette, M. Léo de Laborde en opposa une autre qui ne l'était pas moins. Je suis légitimiste, s'écria l'honorable membre. Je veux le principe de l'hérédité monarchique assise sur les libertés nationales.

C'est ainsi que se rompait bruyamment une alliance précaire de tempéraments antipathiques. Chacun des partis parlementaires reprenait sa place naturelle.

Les avertissements de l'opinion publique ne manquèrent pas à ceux qui avaient oublié un moment, dans une tentative fâcheuse de stratégie parlementaire, les conditions du maintien de l'ordre social. Les alliances provisoires contractées dans le dernier duel de tribune, furent généralement blâmées, surtout dans les villes de fabrique où on ressentait plus vivement le besoin de la paix qui vivifie le travail. Le Havre, Rouen, Saint-Étienne, Beauvais exprimèrent à leurs représentants, MM. Thiers, Anglès, SainteBeuve, un mécontentement significatif.

Déjà, au reste, la coalition paraissait avoir fait son temps: « Vous refaites la majorité, » disait M. Dupin à M. Mathieu (de la Drôme), attaquant à l'aventure les chefs des deux camps monarchiques. Dès le lendemain du vote du 18 janvier, la réconciliation trouva pour terrain, tout préparé, cette question naguère brûlante un membre de la Chambre peut-il être arrêté pour dettes? A la Montagne réclamant l'inviolabilité absolue, l'ancienne majorité répondait en rejetant cette prétention insoutenable.*

Mais plus d'un germe d'hostilités nouvelles subsistait encore.

Les anciens parlementaires, par un attachement rétrospectif aux vieilles habitudes du régime constitutionnel, souffraient avec peine ce ministère intérimaire qui leur paraissait peu en rapport avec leur propre dignité. La constitution d'un ministère définitif, représentant plus expressément les nuances de la majorité, c'était là une des conditions hautement réclamées d'un accord nécessaire à la grande tâche qui s'apprêtait, la révision de la Constitution.

La révision de la Constitution! problème effrayant qui allait soulever, une fois de plus, et heurter les uns contre les autres, intérêts et passions. Le Message du 12 novembre 1850 avait semblé convier la Chambre à entreprendre ce difficile travail. Trois mois seulement la séparaient du jour fixé par la Constitution ellemême pour une étude des modifications à introduire dans cette charte de la révolution.

Quant à la condition exigée d'un ministère définitif, on répondait: «Ne savez-vous pas qu'un tel ministère est actuellement introuvable? Et d'ailleurs ne voyez-vous pas que vous vous croyez encore sous la monarchie de 1830, tandis que vous êtes en République avec un président responsable... >>

Faut-il s'étonner de cette ténacité d'habitudes? Non, sans doute, si on considère que les divers partis n'avaient regardé jusque-là l'établissement de février que comme une halte provisoire. Il faut se rappeler encore, et les derniers débats l'avaient prouvé, que le Président de la République avait lui-même, jusqu'au 31 octobre 1850, pratiqué la politique parlementaire, et suivi les conseils de ses plus habiles représentants. La revendication de la responsabilité avait fait apparition, pour la première fois, dans ce Message et la politique personnelle ne datait que de là. La véritable question était donc celle-ci : Le Président de la République reculerait-il jusqu'au 30 octobre, ou les partis monarchiques accepteraient-ils une prétention fondée sur la Constitution de 1848 ? Dans ces termes, l'union devenait douteuse. Il y parut bientôt. Pendant que, grâce à la récente influence prise par son attitude dans la coalition, la Montagne reproduisait à la tribune ses réclamations au sujet du droit au travail (V. plus loin, chapitre IV), une campagne nouvelle se préparait dans les rangs de la majorité

contre le pouvoir exécutif. Le premier indice d'hostilité parut dans les votes exprimés pour une composition nouvelle des bureaux de la Chambre. Les commissaires furent presque exclusivement choisis parmi les membres de la majorité récemment coalisés avec la Montagne. Des noms significatifs furent ceux de MM. le général Changarnier, Baze, de Maleville, Berryer (3 février). Mais ce n'était là qu'une escarmouche. La bataille devait être livrée sur un projet auquel on donnait le nom peu populaire de projet de dotation.

Ce projet fut présenté, le 3 février, par M. de Germiny.

On se rappelle que l'Assemblée avait voté pour l'année 1850 une somme de 2,160,000 francs à titre de supplément. Le crédit demandé pour l'exercice de 1851 était 1,800,000 francs. Dans les courtes observations qui servirent d'exposé des motifs, le ministre se borna à déclarer que les charges permanentes imposées au chef du pouvoir exécutif par les devoirs de sa position re ndaient ce crédit indispensable, et il en laissa l'appréciation à l'Assemblée.

La commission, nommée le lendemain, était ainsi composée : MM. Salvat, Bac, Grévy, Druet-Desvaux, Piscatory, Creton, de Mornay, B. Delessert, Quentin Bauchard, Dufour, Chambolle, Baze, Desmarets, Pidoux et Combarel de Leyval. Deux membres seulement étaient favorables au projet. C'étaient MM. Quentin Bauchard et Dufour.

Trois membres de la Montagne furent élus grâce à l'appui des voix monarchiques, et, parmi les membres de la majorité coalisée, il se trouvait des noms qui impliquaient une nouvelle déclaration de guerre (5 février).

Dans la discussion préliminaire, plusieurs opinions se produisirent les uns, M. le duc de Broglie, par exemple, voulait qu'on ajournât le crédit jusqu'après la nomination d'un ministère parlementaire. Les autres, MM. Piscatory, Baze, Chambolle, de Mornay, Howyn-Tranchère, Jules de Lasteyrie, Creton voyaient là plus qu'une question d'argent, une question politique. Ils considéraient les derniers événements comme une sorte de défi jeté à l'Assemblée, comme marquant une tendance à abaisser la représentation nationale. On ne dissimulait pas l'intention d'exercer

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