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la saison. Le chemin de fer de Christiania au lac de Mjoesen avait été volé par le storthing, le 21 mars, à la majorité de 89 voix contre 2.

Il est pénible d'avoir à dire que l'intolérance, encore écrite dans les codes de la Suède, est pratiquée par ses gouvernants avec une dureté qu'on ne trouverait peut-être dans aucun pays de l'Europe, pas même en Turquie. Le lutheranisme y est, on le sait, la religion de l'Etat. Mais cette religion n'en peut souffrir d'autres à côté d'elle. C'est ainsi que, cette année, plusieurs femmes, la plupart mariées et mères de familles, furent menacées d'exil, pour avoir embrassé la religion catholique. Dénoncées par un des rédacteurs de la feuille radicale, Folkets Ræst, ces pauvres victimes du fanatisme luthérien furent traduites devant la police correctionnelle, puis traînées devant les pasteurs de leurs paroisses, et enfin accusées devant la cour royale, comme apostats incorrigibles, afin d'être punies selon la rigueur de la loi, par l'exil, pour « avoir apostasié la doctrine évangélique pure et en avoir embrassé une erronée. »

CHAPITRE IV.

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RUSSIE. Questions extérieures : les principautés danubiennes, évacuation ; les Monténégrins; influence en Allemagne; le principe révolutionnaire en Europe; le coup d'Etat en France. Questions intérieures: union de douanes avec la Pologne; chemins de fer; agriculture et industrie dans les pays transcaucasiens, caisses d'épargne; enseignement; traité de commerce avec le Portugal; guerre du Caucase.

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TURQUIE. Les principautés danubiennes, les réfugiés hongrois, affaire des Lieux saints. Soulèvement intérieur, soumission des insurgés de Samos, les fanatiques d'Alep meurtre du père Basile à Antioche, révolte de Bosnie comprimée par Omer-Pacha. Nécessité d'une réforme financière, administration, budget.

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EGYPTE. Le Tanzimat, négociations, la politique anglaise et le coup d'Etat en France; l'héritage de Méhémet-Ali.

GRÈCE. Retour du roi, adresse de la Chambre des députés, session parlementaire; convention commerciale avec la Sardaigne; nouveau ministère.

RUSSIE.

L'occupation des principautés danubiennes terminée par une retraite générale de l'armée dans les premiers mois de 1851, les griefs des Monténégrins appuyés auprès de la Porte Ottomane, les rivalités d'influence dominées en Allemagne par la forte position du. cabinet de Saint-Pétersbourg, le principe révolutionnaire poursuivi jusqu'à Londres dans son protecteur imprudent, Lord Palmerston, telle est la part de la politique russe dans les affaires de l'Europe. Représentant du principe conservateur dans l'ancien monde, la Russie vit avec plaisir, mais non sans quelque défiance éveillée par les souvenirs de l'Empire, la restauration du principe d'autorité en France.

A l'intérieur, le gouvernement russe poursuit son œuvre d'assimilation politique et de développement matériel.

Le 1er janvier, le tarif de douanes russes fut étendu à la Pologne. La Banque de Varsovie allait cesser d'exister comme établissement indépendant: elle ne serait plus qu'une succursale de la banque de Saint-Pétersbourg. Ainsi se continue entre les deux royaumes l'œuvre de l'assimilation. Au point de vue économique, l'ancienne Pologne ne peut que se féliciter d'une union intégrale avec le reste de l'Empire.

Le plus puissant instrument de civilisation et de force politique des temps modernes n'est pas négligé par la Russie. Le gouvernement russe a résolu de lier entre elles les importantes villes de fabriques de Sgierz et Lody, et de les rattacher à Varsovie par ses embranchements du chemin de fer de Varsovie et de Cracovie. Il s'agit aussi de mettre Varsovie en communication avec Saint-Pétersbourg et Moscou par des lignes de fer. Varsovie sera mise prochainement en communication avec Berlin par le chemin de fer de Lowicz à la frontière prussienne. Le gouvernement russe négocie en ce moment avec le gouvernement prussien pour le prolongement de ce chemin. Il voudrait que le chemin allât en droite ligne de Lowicz par Slupce et Sirzolkewo à Posen, parce que c'est la voie conduisant le plus directement à Berlin, et que les relations entre Posen et le royaume de Pologne la rendront désirable et même nécessaire. Mais, jusqu'à présent, le gouvernement prussien n'a point agréé ce projet, probablement par des considérations stratégiques. Il aimerait mieux la direction vers Bromberg ou par Kalisch et Breslau. Le gouvernement russe insiste pour qu'une résolution définitive soit adoptée. Il consentirait à choisir la direction par Kalisch, mais sous la condition qu'à partir de ce point la Prusse continuera les travaux jusqu'à Posen.

La ligne de Moscou à Saint-Pétersbourg, comptant 750 kilomètres, fut achevée cette année : une autre ligne, celle de Varsovie, serait bientôt achevée.

Dès 1835, le gouvernement russe s'est occupé d'introduire dans les pays transcaucasiens la culture du végétal que produit l'indigo, le polygonium tinctorium. Des plants indigotifères choisis

en Chine et qui réussissent admirablement dans les terres environnant Elizabethpol, promettent à cette contrée une industrie importante, et la de nature la plus féconde, puisqu'elle s'appuye sur l'agriculture. Déjà aussi, des mûriers ont été plantés et la récolte de la soie commence à donner des produits assez importants.

L'institution des caisses d'épargne commence à s'établir dans l'Empire. Leur salutaire influence s'y propage de plus en plus avec l'aide éclairée de l'administration supérieure.

La caisse d'épargne de Saint-Pétersbourg n'a été ouverte que depuis une dizaine d'années: le solde dû par elle à ses déposants était, au 31 décembre 1851, de 575,444 roubles, soit 2,301,776 francs.

La caisse d'épargne de Moscou avait, à la même époque, appartenant aux déposants,562,212 roubles, soit 2,248,848 francs. Les provinces de la Baltique ont leurs caisses particulières. Les caisses d'épargne ne sont pas, au reste, les seuls établissements qui, en Russie, reçoivent les épargnes des particuliers; les banques impériales sont des caisses d'épargne sur une plus grande échelle et absorbent une grande partie des économies; elles ont la faculté de donner des bulletins nominatifs, transférables et portant intérêt.

Il existe en Pologne (dans la province) huit caisses d'épargne, qui ont un solde de 31,516 roubles, soit 126,064 francs. A Varsovie, la caisse d'épargne possède un solde de 316,426 roubles, soit 1,265,704 francs. Cet établissement, créé depuis sept ans, a ouvert 14,606 livrets et a eu un mouvement de fonds s'élevant à 9,170,331 roubles, soit environ 36,000,000 francs.

Un mouvement sérieux de progrès intellectuel se fait sentir dans l'Empire, désormais remis des agitations qu'avait fait naître l'immixtion de la Russie dans les querelles extérieures. On ne sait pas assez le nombre et l'importance des établissements d'instruction que renferme la Russie. A la fin de 1849, elle comptait 2,142 établissements d'instruction secondaire avec 113,281 élèves et dix établissements d'instruction supérieure avec 3,754 étudiants. La Pologne possède en outre 1,533 écoles avec 81,663 élèves. La Sibérie a soixante-dix écoles, fréquentées par 3,524 élèves.

Pour opposer une digue à l'envahissement démoralisateur de la philosophie allemande, S. M. l'Empereur abolit, cette année, la faculté de philosophie et confia aux ecclésiastiques exclusivement l'enseignement de cette science réduite à la logique et à la psychologie.

Un traité de commerce important fut signé, le 28 février, avec le Portugal. Ce traité était fondé sur la liberté réciproque du commerce et de la navigation. Mais le principe était restreint, en ce qui concernait le Portugal, à ses possessions européennes et à ses îles de Madère, Porto-Santo et Açores.

La guerre du Caucase continue avec ses résultats ordinaires et inévitables d'extension lente, mais sûre, de la domination russe. Là, comme en Algérie, c'est l'établissement des grandes voies de communication qui fraye le chemin de la conquête.

L'issue de la campagne d'hiver, commencée dans les derniers jours de 1850 dans la grande Tschetschna, fut satisfaisante. Le corps placé sous les ordres du général major Kozlowski remplit sa destination, qui était de frayer à la Russie une voie toujours ouverte dans ce pays; les troupes, après avoir repoussé l'ennemi sur tous les points, avaient éclairci les forêts jusqu'à la plaine féconde de Schalin. Deux fois, pendant cette expédition Schamyl essaya d'arrêter le passage des troupes russes par des retranchements en terre, derrière lesquels se massèrent des bandes nombreuses de Tschetschenses et d'habitants du Daghestan. Deux fois ces retranchements furent enlevés, deux fois ils furent rétablis : enfin, le général Kozlowski réussit à les tourner le 20 janvier, pendant que les généraux Slaepzow et Krukowski contenaient le naïb Hadji-Mourad dont la cavalerie menaçait la grande Tschetschna.

Pendant la campagne de juin, on s'occupa de la ligne entre Vasseran et la forteresse de Gromaia. Un détachement de troupes sur le Sundja, commandé par le général-major Slaepzow, avait été chargé de construire de nouvelles stanitzas. Les habitants de la Tschetschna supérieure prirent part à des escarmouches, qui avaient pour but d'empêcher les travaux. Pour écarter ces obstacles, le général-major Slaepzow marcha contre eux avec deux compagnies, un détachement de Cosaques, cinq canons et une.

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