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A la suite de ces statuts, on lit:

« Approuvé par l'assemblée générale, à Londres, le dix décembre 1850.

Signé SCHNELL, secrétaire, D

Après avoir organisé les cadres de l'association, le Comité central de Londres pensa à créer à Paris un centre d'action et de propagande. Un certain Adolphe Mayer partit de Londres au commencement de décembre 1850, avec le titre d'émissaire et avec la mission de faire accepter par les communistes de France, la suprématie du Comité central. A ce moment, il y avait à Paris deux groupes de communistes dogmatiques reconnaissant pour chefs les nommés Reininger et Scherzer, et un groupe de communistes révolutionnaires, obéissant à la direction d'un sieur Cherval.

La fusion s'accomplit, des Comités d'arrondissement furent organisés. On y arrêta les voies et moyens de la révolution future. Plusieurs manifestes secrets furent rédigés. L'un portait ce titre ; Mesures à prendre pendant la révolution et dès qu'elle éclatera. Parmi les règles à suivre pendant la révolution, on remarquait ce qui suit :

La société se propose spécialement les objets suivants : 1o La surveillance de ceux qui sont chassés de l'association; 2o la surveillance et la punition des traîtres; 3o la confection des listes des ennemis du peuple qui seront livrés à la justice du peuple; 4o la surveillance de ces mêmes hommes, et les mesures pour qu'ils ne prennent point la fuite lorsque la révolution éclatera; 5o enlèvement des armes et des munitions; s'emparer des fonds publics et particuliers, des banques, des caisses publiques et des dépôts d'argent placés chez des particuliers; 6o empêcher que ces dépôts ne soient enlevés au moment où la révolution éclatera.

Au nombre des mesures à prendre pendant la révolution figurait en première ligne la création d'une commission centrale révolutionnaire choisie par les hommes armés de la 4e classe (le prolétariat). L'un des premiers travaux de cette commission serait la création de tribunaux révolutionnaires dans toutes les villes, chefs-lieux de département et d'arrondissement... Voici,

ajoutait le manifeste, les autres mesures à prendre par les commissaires: Prohibition de l'émigration; prohibition de l'exportation des métaux précieux; arrestation de tous les ennemis du peuple; châtiment de ceux qui seront reconnus traîtres, au lieu de leur domicile, par la justice du peuple; les moins coupables seront traduits devant les tribunaux d'arrondissement et les tribunaux de département. D'autres moyens seront prescrits par le gouvernement révolutionnaire pour diriger le surplus de l'organisation: 1o la confiscation des domaines et des biens de tous les ennemis de la révolution; tous les biens confisqués demeureront invariablement la propriété de l'État; 2o emprunt forcé dans la plus forte proportion sur tous ceux qui sont riches de plus de 50,000 thalers (environ 20,000 fr.) de revenu. »

Sous le titre Après la fin de la révolution, le manifeste annonçait que l'armée populaire se confondrait peu à peu dans l'organisation des travailleurs, qui formerait ensuite la seule force armée de l'État... et que « la commission du gouvernement sera composée de députés de l'organisation des travailleurs et de députés des départements qui seront élus selon les principes du suffrage universel..... » Enfin ce monstrueux programme se terminait ainsi : « Frères, en vous traçant la ligne de conduite qui précède pour nos travaux communs, nous vous recommandons de redoubler d'activité, et de faire sans relâche tous vos efforts pour l'observation des statuts et l'union des frères. >>

Pendant que les chefs de l'association recrutaient des adeptes à Paris et les préparaient pour la révolution prochaine, une propagande non moins active était faite dans les départements. Un certain Gipperich était envoyé en mission dans l'Est. Cet homme écrivait au sieur Cherval, le 18 février 1851.

a Les points principaux que tu poses sont très-bons; seulement je ne veux pas, je n'approuve pas que vous parliez dans notre principe d'assassiner, etc. ce sont là des moyens pour venir à bout de la réalisation, de l'exécution de notre principe, mais il est nuisible de les mettre ouvertement et présomptueusement en avant. S'il s'agit de cela, nous ne reculerons certainement pas ; tu me connais assez pour cela. Eveille la haine contre tous les réactionnaires, mais ne prêche pas. J'ai bien ri en lisant ton article: Tuerie sans pitié des prêtres! Figure-toi quelques cinquantaines de pièces de ces brutes noires attachées à une corde et menées à l'abattoir comme des moutons et des veaux pour y être abattus. >>

Quelques publications clandestines sous forme d'appel au peuple et portant le nom de Bulletins du Comité de résistance, éveillèrent l'attention de l'autorité. Pendant que l'esprit d'opposition attribuait, selon sa coutume, ces productions hétéroclites à la police, celle-ci en recherchait activement les auteurs. Elle fut bientôt sur leurs traces.

A la suite d'une conversation de cabaret, l'autorité avait été instruite par ses agents, du départ pour la Haute-Garonne, d'un chef des sociétés secrètes de Paris. Des instructions furent envoyées en conséquence pour le surveiller dans ses démarches, et, quelques jours après son arrivée à Toulouse, l'individu signalé était arrêté et trouvé porteur d'un programme manuscrit révélant l'existence d'une société secrète appelée l'Union des Communes, et contenant des principes communistes d'un radicalisme aussi absurde qu'effrayant. Mise sur la voix, la police de Paris ne tarda pas à pénétrer dans la nouvelle société secrète, et s'assura bientôt que cette société se reliait à d'autres non moins dangereuses par leurs doctrines, par la composition de leur état-major, pris généralement dans celui des anciennes conspirations. On arriva à constater l'existence d'une douzaine de sociétés secrètes, organisées, au nombre desquelles quatre des plus importantes s'étaient fusionnées, et, à l'aide d'un comité dit supérieur, pris dans chacun des comités particuliers, avaient conçu la pensée de centraliser et de rassembler, sous une direction unique, tous les éléments anarchiques de Paris et de la province. Cette direction mise en rapport et appuyée par des personnages en dehors, devait rester entre les mains d'hommes offrant toute garantie au socialisme le plus radical. Déjà elle avait poussé ses ramifications au loin, et elle se proposait d'enlacer le pays dans un vaste réseau d'anarchistes. Ordre était donné de s'approvisionner d'armes et de munitions, et d'attendre les circonstances pour agir. Dès qu'elle fut pourvue d'informations suffisantes, l'autorité prit ses mesures pour arrêter cette funeste propagande, et, le 21 janvier, elle surprit en flagrant délit, dans la commune de Montmartre, une réunion nombreuse de membres de l'Union des Communes, auxquels s'étaient joints des sociétaires des autres associations. Des mandats furent en outre lancés contre les principaux chefs des

autres sociétés, et plusieurs furent arrêtés dans différents quartiers de Paris.

Outre des munitions et des armes, on avait saisi au domicile des conspirateurs plusieurs pièces autographiées ou imprimées. Nous donnons les plus importantes pour conserver à l'histoire un témoignage de ces monstrueuses folies.

L'UNION DES COMMUNES.

Pour nous, il n'y a d'état social conforme à la nature de l'homme que celui où régneraient la liberté, l'égalité et la solidarité. Les trois termes de cette devise contiennent toutes les institutions que la démocratie comporte, l'ordre et la paix que les sociétés demandent, et la vérité que notre siècle cherche. En conséquence, voulant mettre un terme aux vaines discussions, aux faux systèmes qui divisent le parti socialiste, n'avoir plus, l'avenir, qu'une même pensée, qu'un même but et qu'une même action, nous avons rédigé le programme suivant, qui devient, à partir de ce moment, la religion des travailleurs qui forment l'Union des communes.

PROGRAMME.

Art. 1er. Nous voulons la souveraineté du peuple, le suffrage universel dans toute son étendue et toute sa sincérité. Nous voulons que tous les Français âgés de vingt ans soient électeurs, gardes nationaux et jurés, à l'exception des aliénés, des criminels et des oisifs.

2. Nous voulons que l'Assemblée Nationale soit élue tous les ans, et que tout représentant infidèle à son mandat puisse être révoqué par la majorité des électeurs.

3. Nous ne voulons qu'un seul pouvoir, celui du peuple délégué à ses représentants. Nous voulons à jamais l'abolition du pouvoir exécutif et de ses prérogatives monarchiques. Nous voulons qu'il soit remplacé par une agence exécutive, privée de toute initiative gouvernementale, nommée par l'Assemblée, responsable devant elle et révocable à sa volonté.

4. Nous voulons que le mandat de représentant soit spécifié, et qu'aucune loi ne puisse être votée sans avoir été préalablement discutée dans les colléges électoraux.

5. Nous voulons la liberté de réunion et la permanence des assemblées électorales.

6. Nous voulons la liberté de la presse illimitée, responsable seulement dans le cas de diffamation, mensonge et calomnie.

7. Nous voulons que les fonctionnaires publics, à l'exception des ministres, soient élus par le peuple et choisis parmi ceux qui n'ont pas de fortune.

8. Nous voulons que le traitement des représentants, des ministres, du haut clergé, et de tous les fonctionnaires, soit réduit à la juste rémunération de leur travail.

9. Nous déclarons que la qualité de représentant est incompatible avec

toutes les autres fonctions, même celle de ministre, et que le cumul des fonctions publiques salariées soit un cas de prévarication.

10. Nous voulons l'abolition de la rente et de l'intérêt usuraire de l'argent.

11. Nous voulons l'impôt progressif sur le capital.

12. Nous voulons que la justice soit gratuite dans toutes ses formes.

13. Nous voulons que des jurés professionnels soient institués dans toutes les corporations.

14. Nous voulons que tous les objets de consommation et que tous les loyers soient taxés au maximum, et que le travail le soit au minimum par les jurés. 15. Nous voulons l'abolition de la conscription, nous voulons que l'état militaire soit une profession libre et rétribuée comme les autres.

16. Nous voulons le droit à l'existence pour tous les membres du corps social.

17. Nous voulons pour tous l'instruction gratuite, obligatoire et professionnelle.

18. Nous voulons que l'Etat ouvre un crédit à chaque travailleur, afin qu'il puisse exercer librement son industrie.

19. Nous voulons des maisons d'asile pour l'enfance, des offices médicaux et des pharmacies gratuites dans toutes les communes de la République, des maisons de santé pour les malades, et des maisons de retraite pour les infirmes et les vieillards dans les cantons.

20. Nous voulons, par une application rationnelle de la solidarité, que le malheur qui tombe sur chacun soit à la charge de tous, et que la société soit également garante de tout préjudice causé à la personne et à la propriété de chaque travailleur.

21. Nous voulons, par mesure d'économie sociale, que l'Etat rentre en possession du sol.

22. Nous voulons le remboursement de la dette publique par les électeurs des monarchies déchues.

23. Nous voulons des récompenses nationales pour le progrès et pour le mérite, et une indemnité équitable, prise sur les fortunes de ceux qui ont gou-, verné et trahi la France, à toutes les victimes de la monarchie et de la réaction.

24. Nous voulons l'abolition de la peine de mort en toutes matières.

25. Nous voulons que les emblèmes de la République soient, à l'avenir, le drapeau rouge et le niveau.

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Le temps est venu de relever la tête. Tes lâches ennemis, après t'avoir baillonné ensemble, ont cru t'avoir vaincu, et disputent en ce moment auquel d'entre eux tu dois appartenir. Plus de doute, la discussion scandaleuse dont le palais législatif a été le théâtre pendant quatre jours, a dû dessiller les yeux des plus aveugles: d'un côté, l'Empire avec les ambitions crapu

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