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Il en est sur lesquelles aucun esprit sage ne s'arrêtera; d'autres, sans être extravagantes, ne sont pas fondées sur un assez grand nombre de faits; enfin, celles dont les conséquences ne peuvent être vérifiées par l'observation, seront rejetées comme stériles. Il ne reste donc que les systèmes qui tendent à faire découvrir de nouveaux faits en partant de ceux qui sont connus, c'est-à-dire, ceux dans lesquels l'enchaînement des faits et les lois de leur production sont au moins entrevus. Il faut l'avouer jusqu'à présent, les systèmes géologiques n'ont pas eu ce caractère. Notre auteur les réduit à deux classes, savoir, ceux qui regardent l'eau comme le principe de toutes les formations, et ceux qui attribuent les mêmes effets au feu: c'est à cette classe qu'il appartient.

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M. Breislak a passé plusieurs années sur la terre classique des volcans, entre le Vésuve et l'Etna: la vue continuelle et l'étude assidue de ces grands phénomènes ne pouvait étre sans influence sur l'ensemble de ses opinions géologiques. DELUC naquit et vécut dans une contrée toute différente, où rien ne manifeste l'action des feux souterrains : ses idées sur la formation des couches terrestres font reconnaître sur-le-champ un habitant des Alpes. Les rares observations de BUFFON furent confinées dans le bassin de la Seine, et l'éloquent histo→ rien de la nature eut le tort de prendre pour fait primordial, pour fondement de sa théorie de la terre, l'une des dernières modifications que des causes encore agissantes ont imprimées à la couche superficielle. Il n'est donc pas surprenant que M. Breislak ait laissé quelque pouvoir aux impressions habituelles. Au reste, il ne présente ses doctrines qu'avec réserve ; il s'attend à de nombreuses objections, et il les provoque, soit pour y répondre si elles ne lui paraissent point fondées, soit pour changer d'opinion, si on lui prouve qu'il était dans l'erreur. En 1811, il publia, sous le titre d'Introduction à la géologie, un ouvrage destiné principalement à lui faire con

naître ce que les savans avaient pensé de quelques idées qu'il avait insérées dans d'autres écrits, et dont plusieurs sont reproduites dans cet ouvrage. Il obtint ce qu'il désirait, de sages critiques, et il les mit à profit. Après ces épreuves, et avec de telles garanties, il se présente avec confiance à ses lecteurs. Que l'on m'accorde, dit-il, l'existence du calorique, et j'ose m'engager à expliquer plusieurs phénomènes dont il est bien difficile de rendre raison, dans toute autre supposition. DESCARTES disait autrefois : Que l'on me donne la ma→ tière et le mouvement, et je ferai un monde. Il n'eût pas tenu parole; nous verrons si M. Breislack ne sera pas au-dessous de ses promesses.

Quand même on n'adopterait aucune des vues géologiques de notre auteur, il resterait encore à son ouvrage un mérite très-réel, celui d'exposer avec une extrême clarté l'ensemble des faits connus, les systèmes anciens et modernes, les théories physiques et chimiques qui servent de bases à ces systèmes. Vers le milieu du siècle dernier, lorsque l'Académie des Sciences mit au concours la question des marées, un mémoire cartésien fut mis au nombre de ceux qui partagérent le prix'; et ce qui détermina les suffrages en sa faveur, fut précisément cette excellence de rédaction que l'on trouve aussi dans le livre qui nous occupe. Il est vrai qu'un autre motif recommandait aussi le mémoire cartésien aux juges du concours sur les marées : ces juges étaient tous newtonistes; mais quelques-uns de leurs collègues n'avaient pas renoncé aux tourbillons de Descartes : ils voulurent donc observer une sorte de neutralité, et furent peut-être partiaux, à force de s'attacher à ne pas mériter le reproche de l'avoir été, et en poussant jusqu'au scrupule l'observation de toutes les bienséances.

M. Breislak divise son ouvrage en huit livres, non compris des supplémens sur les volcans et sur les terrains embra

sés. Dans le premier livre, il discute l'hypothèse de la fluidité aqueuse du globe dans son état primitif; le second traite de la fluidité ignée de la terre, à son origine; le troisième est consacré à l'énumération et à la description des substances pierreuses dont la cristallisation fut opérée sans le concours de l'eau; dans le quatrième, l'auteur a traité des substances pierreuses formées avec la coopération de l'eau ; dans le cinquième, il commence à rechercher la cause des irrégularités de la surface de la terre, l'origine des dépôts salins, métalliques et combustibles; le sixième est consacré aux corps organiques fossiles; le septième, aux volcans; et le huitième et dernier, aux produits regardés comme volcaniques, mais sur lesquels on n'est pas d'accord.

Dans le premier livre, l'auteur s'attache à démontrer : 1o qu'à son origine, le globe terrestre était fluide; 2o que le dissolvant des substances aujourd'hui solides, n'était pas l'eau pure, ni ce liquide chargé d'un autre dissolvant inconnu, et qui échappe aux analyses chimiques. Il établit, par le calcul, que la totalité des eaux terrestres ne serait pas la vingtième partie de la masse fluide nécessaire pour tenir en dissolution une masse de sel commun d'un volume égal à celui de la terre. Ses calculs ne sont pas tout-à-fait justes; dans l'évaluation de la quantité des eaux terrestres, il ne tient pas compte de celles qui sont combinées avec les substances minérales, et font partie des couches solides : mais cette erreur ne change rien aux résultats que l'on obtiendrait avec des données plus exactes: les conséquences déduites par M. Breislak n'en seraient pas moins certaines. Il accumule peut-être trop les raisonnemens contre une hypothèse à peu près abandonnée; mais on lui sait gré de cette abondance, et tous ses chapitres seront lus avec intérêt. Il passe en revue les opinions géologiques de Romé Delisle, de Dolomieu, de Saussure, de Kirvan et de Werner: il les réfute avec modération, avec les égards qui

sont dus aux premiers fondateurs de la science, à des hommes dont le nom rappelle tant de travaux utiles et d'importantes découvertes. Mon jugement, dit-il, paraitra sans doute beaucoup moins sévère que celui d'un célèbre géologue écossais (Playfair), suivant lequel le système du neptunisme semble appartenir à un siècle où la saine philosophie n'aurait pas encore appris à l'homme qu'il n'est que le ministre et l'interprète de la nature, et qu'il ne peut étendre la sphère de ses connaissances au-delà des limites qui, dans l'état actuel des choses, lui sont indiquées par l'expérience et l'observation. Tout bien considéré, le géologue écossais n'est pas trop sévère, et la pensée qu'il exprime n'est qu'un axiome du bon sens : nous ne craindrons pas de nous égarer, en marchant

sur ses traces.

La matière du second livre est beaucoup plus difficile à traiter que celle du premier. Le passage de l'état de fluidité ignée, par lequel notre globe aurait commencé, suivant M. Breislak, à cet état de température moyenne et à cette variété de structure que l'on y remarque aujourd'hui, suppose une longue série de transformations dont nous ne pouvons observer que les plus récentes. La tàche de M. Breislak était de reconnaître cet intervalle immense entre le passé et le présent de notre globe, et d'y planter quelques jalons; la nôtre se réduit à vérifier l'alignement. Notre travail serait facile, s'il n'exigeait qu'une mesure ordinaire d'attention: mais nous aurons à signaler quelques déviations; il nous est donc imposé de tout examiner avec le plus grand soin. Suivons d'abord notre auteur, et traversons avec lui les siècles qui durent s'écouler entre les différentes époques de la formation de la terre. Nous nous arrêterons de tems en tems, portant nos regards en arrière, sur le chemin parcouru. Ce mode d'observations, suivi avec succès dans les recherches topographiques, ne convient pas moins à celles qui nous occupent ; il donne les moyens de

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dissiper des illusions, de corriger des erreurs, d'apercevoir entre les objets des rapports que l'inspection directe n'eût pas fait découvrir.

Après avoir exposé succinctement la théorie du calorique, M. Breislak consacre un chapitre à établir cette proposition, qui ne sera pas contestée : Il est très-probable que le calorique existait dans le mélange primitif des élémens terrestres. Le développement de cette opinion, et la discussion de celle de quelques autres géologues, donnent une idée précise de ce que l'auteur exprime par ces mots fusion ignée. Suivant lui, la terre fut, à son origine, « un amas de toutes les substances simples combustibles, terreuses métalliques, et de tous les principes chimiques. Les élémens de cette masse informe, animés par l'attraction, tendaient à s'unir : mais le calorique disséminé parmi ces élémens, les retenait dans cet état d'agitation, de mouvement et de confusion, si bien représenté par l'ingénieuse allégorie du chaos. » Faisons ici notre première station. L'hypothèse de M. Breislak détermine l'ordre de, superposition des couches terrestres d'après l'époque de leur consolidation, et non suivant la pesanteur spécifique. Comme passage de la liquidité à l'état solide est marqué par tous les degrés de mollesse, on conçoit que les couches successives étaient encore molles lorsqu'elles ont été déposées, qu'elles ont dû changer de formes et de dimensions sous la pression des couches supérieures, former des combinaisons partielles avec les matières qui les touchaient, recevoir des infiltrations, etc.; en un mot, qu'elles ont éprouvé des altérations, et présenté des phénomènes analogues à ceux que l'on observe dans la couche superficielle. Il résulterait encore de cette hypothèse, mais avec moins de certitude, ou pour mieux dire, avec moins de clarté, que chacune des couches distinctes dont le globe est composé serait caractérisée par une substance particulière qui aurait déterminé l'époque de

le

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