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de l'homme en général; dix ans de suite on les avoit développés sous le règne de Charles I; cent discours Parlementaires, cent écrits citèrent ces principes métaphysiques: ils se trouvent lous, et illimités, dans le fameux ouvrage Marchmont-Needham, en 1656 (1). Cependant, le Parlement se contenta de déclarer les lois dont il réparoit la violation, et les lois nouvelles qu'il

de

instituoit.

Les Américains Unis ont suivi une autre marche, mais c'est dans leurs Chartes, et non dans leurs déclarations préliminaires, que la génération actuelle ou les suivantes trouveront les principes de leur liberté, et les moyens de la défendre.

Ces foibles observations, peut-être mal fondées, nous ont été suggérées par le débat dont nous allons rendre compte, au sujet de la question préliminaire d'une Déclaration de droits quelconque.

M. Durand de Maillane, Député d'Arles, s'est d'abord autorisé de son cahrer, pour réclamer la Déclaration des droits de l'homme et ducitoyen. Elle devoit être affichée par-tout,

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(1) Ce livre singulier a pour titre, Excellence of Free state, or the Right Cons titution of a Commonwealth. Le contrat so cial de Rousseau semble n'être qu'un extrait timide de cet ouvrage, dont mon célèbre Concitoyen n'avoit cependant aucune con

noissance.

même dans les Eglises. Il falloit distinguer le principe, de la loi même; celle-ci étoit subordonnée à des verités premières et né cessaires, sans la connoissance desquelles le peuple n'obéiroit qu'imparfaitement. L'Qpinant s'est étendu en longues réflexions, et a exposé des plans divers, auxquels l'Assem blee a prête moins d'attention, qu'au discours suivant de M. Crenière, dont elle a même demandé l'impression.

Al. Crenière, Député du Vendômois.

« Les François demandent, les Françoisveulent une Constitution libre; mais avant de faire une Constitution, il est nécessaire de déterminer le sens qu'il faut donner à ce mot, qui, comme tant d'autres, est devenu presqu'insignifiant, à force d'acceptions dont la plupart sont absoltiment differentes, et quelques-unes même contradictoires. »

Il me semble que la Constitution d'un peuple n'est pas une Loi, ni un code de Lois, dites improprement constitutionnelles; car l'établissement d'une Loi, ou d'un code de Lois, suppose nécessairement quelque chose d'antérieur: il faut qu'un peuple existe avant d'agir, qu'il soit constitué avant de s'organiser, que des hommes soient devenus Citoyens par un pacte, avant de devenir Sujets par l'établissement de la Loi; il faut imenfin qu'une convention permanente, muable, éternelle, assure à tous les Membres du Corps politique l'exercice de leurs droits essentiels, avant qu'ils puissent, en les exercant, déterminer, par des institutions, leurs rapports consentis. »

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Il me semble encore que la Constitu tion d'un peuple ne pent pas avoir pour objet de lixer la manière de faire les Lois, et de les

faire exécuter, parce qu'un Peuple peut et doit changer tel on tel mode de législation,' tel on tel mode d'exécution, quand il le veut,, parce que, d'après ce principe du premier, et peut-être du sen publiciste qui nous ait éclairés sur nos droits, que la Constitution donne l'existence au corps politique, et que la legislation lui donne le mouvement et la vie, on ne peut changer la Constitution sans dissoudre la Societe, tandis que l'on, doit toujours choisir, entre les moyens d'agir, ceux qui paroissent les plus propres à atteindre le but de toute Société bien ordonnée, c'est-à-dire, le bonheur de tous et chacun des Membres qui la composent; parce qu'enfin l'objet de la Constitution doit être d'assurer les droits individuels dont la réunion seule forme les droits de tous, tandis que les institutions ne doivent tendre qu'à subor, donner les intérêts particuliers à l'intérêt général, n

L'homme, dans l'état de nature, n'est ni, libre, ni esclave; il est indépendant, il exerce ses facultés comme il lui plaît, sans autre, règle que sa volonté, sans autre Loi que la mesure de ses forces, en un mot, il n'ani droits à exercer, ni devoirs à remplir. La nature ne donne rien d'inutile; et si l'homme isolé avoit des droits, contre qui et comment les exerceroit-il? Hors de l'état de société, il n'y a ni personnes obligées ni force publique, ni Gouvernement, Tribunaux; mais il faut conclure de ce que je viens d'etablir, que l'homme dans l'état de société n'a pu s'imposer des devoirs sans acquérir des droits équivalens; qu'il n'a pu faire le sacrifice de son indépendance naturelle, sans obtenir en échange la liberté

ni

politique; et qu'en consentant à ne plus faire tout ce qu'il veut, il doit pouvoir ce que tous ses associés veulent. il faut en conclure encore, que les droits qu'il acquiert par le simple acte de son association, sont naturels, parce que son premier soin étant celui de sa conservation; son premier désir, celui du bien-être; sa première faculté, celle de vouloir, il est contre la nature, et par conséquent impossible, qu'il ait abandonné ce soin, renoncé à ce désir, et qu'il ait voulu n'avoir plus de volontés. Il faut en conclure enfin que ces droits sont imprescriptibles ; car on ne peut y renoncer volontairement sans dissoudre la société et rentrer dans l'état de nature, et l'on ne peut en être dépouillé,' parce que si l'exercice en est interrompu par la force, jamais là force n'a fait acquérir des droits contraires à ceux qu'elle voudroit anéantir.

Ainsi l'homme isolé n'a point de droits; telle est la loi de la nature.

L'homme en société a des droits naturels et imprescriptibles; tel est l'axiome de la raison des Citoyens qui les exercent forment un Peuple libre; des Sujets qui ne les exercent pas, ne sont qu'une troupe d'hommes enchainés ou trompés.

C'est l'établissement de ces droits naturels et imprescriptibles, antérieur aux lois qui n'établissent que des droits positifs on relatifs, que j'appelle la Constitution d'un Peuple; et je ne crois pas que l'acte de cette Constitution doive en énoncer d'autres.

Il me reste maintenant à chercher quels sont les droits naturels et imprescriptibles dont l'énonciation doit seule, à ce qu'il me semble, faire l'acte de la Constitution d'un

Peuple: je n'aurai pas besoin d'employer de grands efforts; ils sont si connus, si évidens, que leur extrême simplicité est sans doute la seule raison qui ait pu décider à en imaginer d'autres,

Tels sont les principes qui m'ont dicté le projet suivant:

Les François considérant qu'il leur étoit impossible de s'assembler tous dans un même lieu, et de se communiquer leurs intentions, s'ils s'assembloient dans des lieux différens, ont librement choisi dans chaque Province, ou partie de Province, des Mandataires qu'ils ont envoyés à Versailles pour les constituer en Peuple libre.

Fidèles aux ordres de leurs Cominettans, dont ils exercent les droits et expriment les volontés, ces Mandataires constitués en Assemblée Nationale, ont déclaré et déclarent à jamais,

1. Que la volonté du plus grand nombre étant la loi de tous, chaque Citoyen a le droit de concourir à la formation des lois, en exprimant son vou, particulier.

2°. Que chaque Citoyen doit être soumis aux fois, et qu'il ne doit dans aucun cas être contraint d'obéir à des volontés privées.

3°. Que chaque Citoyen a le droit de concourir à l'institution du pouvoir chargé de faire exécuter les lois.

4°. Que chaque Citoyen a le droit de demander la conservation ou l'abrogation des lois et des institutions existantes, et la création de lois et d'institutions nouveltes.

5°. Que le pouvoir législatif et institutif appartenant essentiellement au Peuple, chaque Citoyen a le droit de concourir à l'orga nisation de tous les pouvoirs.

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