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de la réforme, il excommunia les Arminiens, les priva du ministère, de leurs chaires de professeurs, et de toutes autres fonctions tant ecclésiastiques qu'académiques, jusqu'à ce qu'ayant satisfait à l'Eglise, ils lui fussent pleinement réconciliés et reçus à sa communion.

Le gouvernement français n'avoit pas cru devoir permettre aux ministres protestans de ses Etats d'assister au synode de Dordrecht, quoiqu'ils y eussent été invités. Mais ils en reçurent les décisions dans leurs synodes nationaux, et notamment dans celui de Charenton en 1620. Ils ordonnèrent même la souscription avec serment de tous les décrets de Dordrecht.

Les décrets du synode de Dordrecht étoient contraires à la doctrine des Luthériens en plusieurs points essentiels. Malgré une opposition aussi directe, les Calvinistes de France, dans leur synode de Charenton en 1631, admirent les Luthériens à leur communion. Le motif prétendu de ce décret étoit que les Luthériens et les Calvinistes s'accordoient sur les points fondamentaux, mais on se garda bien de définir et de spécifier ces points fondamentaux.

En se rappelant ce qui se passoit alors en Allemagne, on devine aisément ce qui porta les CalBOSSUET. Tome ш.

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vinistes de France à se montrer si complaisans envers les Luthériens.

« La date du décret de Charenton est mémo* Histoire » rable, dit Bossuet; * il fut fait en 1631. Le tions, liv.XIV. » grand Gustave foudroyoit en Allemagne ; et à

des varia

V.
De l'Eglise

>> ce coup on crut dans toute la réforme, que » Rome même alloit devenir sujette au luthéra>> nisme. Dieu en avoit décidé autrement; l'année d'après, ce Roi victorieux fut tué dans la bataille » de Lutzen; et il fallut rétracter tout ce qu'on » avoit vu dans les prophéties ».

>>

Malgré tant de complaisance, les Luthériens sont restés inflexibles envers les Calvinistes, qu'ils ont persisté à rejeter de leur communion.

A côté de tant d'Eglises chancelantes sur leurs anglicane. premiers fondemens, l'Eglise anglicane se montre aux yeux de Bossuet; elle forme un corps à part; sa constitution a quelques rapports avec l'Eglise catholique dans l'ordre de la hiérarchie, et pour quelques points de doctrine et de discipline. Elle repousse les Calvinistes, les Luthériens et toutes les sectes innombrables sorties de leur sein; si elle adopte quelques-uns de leurs dogmes, elle les tempère et les adoucit; tout en prononçant des anathêmes contre l'Eglise romaine, elle offre dans son appareil extérieur beaucoup de traits de conformité avec l'Eglise dont elle s'est séparée; mais

en cessant de rester attachée à un centre d'unité, elle s'est montrée aussi féconde en variations, les Luthériens et les Calvinistes.

que

Elle se borna sous Henri VIII à faire schisme avec l'Eglise romaine; et ce monarque maintint avec le fer et le feu les dogmes de l'Eglise dont il venoit de se séparer. Elle participa du luthéranisme et du calvinisme sous Edouard VI. Elle reprit de la pompe et de la dignité sous Elisabeth, qui affecta d'envelopper sa doctrine d'expressions équivoques, pour n'irriter aucun parti et ne s'asservir à aucun. Elle se conforma sous Charles II à la doctrine de Calvin sur le sacrement de l'eucharistie.

Les livres vii et x de l'Histoire des variations, où Bossuet fait le récit des pénibles agitations qui bouleversèrent l'Eglise anglicane depuis le règne d'Henri VIII, jusqu'à celui d'Elisabeth, forment peut-être une des parties les plus intéressantes de cette histoire.

Toujours fidèle au plan et à la règle qu'il s'est prescrits, Bossuet écarte toutes les personnalités et toutes les récriminations odieuses. Il n'emploie jamais que des faits publics, constans, avoués des historiens mêmes de l'Eglise anglicane, et des actes authentiques, tels que les lois du parlement et les ordonnances du prince.

Gilbert Burnet, évêque de Salisbury, avoit publié quelques années auparavant son Histoire de la réformation de l'Eglise anglicane; en parlant de l'Eglise romaine, il la représente comme une religion fondée sur la fausseté, élevée sur l'imposture, et qui ne s'est agrandie que par des faussetés et des tromperies publiques: expressions qui blessent toutes les bienséances, et que les écrivains protestans ont depuis long-temps le bon goût de rejeter. Bossuet se donne bien de garde d'imiter un pareil langage en parlant de l'Eglise anglicane; mais il se sert des aveux et des contradictions de Burnet pour rétablir la vérité des faits; et c'est en s'appuyant sur les actes publics, qu'il trace les rapides révolutions qui, dans l'espace de trente ans donnèrent au peuple anglais les règles de croyance et de discipline les plus opposées, selon le caprice et les opinions des chefs du gouvernement; car les parlemens n'étoient alors que les instrumens serviles d'un pouvoir arbitraire, toujours prêts à ériger en lois les actes de la tyrannie la plus féroce, et à envoyer à l'échafaud les mêmes hommes dont ils avoient peu de mois auparavant consacré les fureurs.

L'histoire des variations de l'Eglise anglicane n'avoit besoin que du récit des faits authentiques qui constatent ces variations: et Bossuet ne fait

que copier Burnet lui-même en les rapportant. II supplée seulement à ses réticences sur des événemens que cet historien a voulu couvrir d'un voile officieux pour prévenir des réflexions peu favorables à quelques personnages qu'il vouloit environner d'une grande considération. Mais en rétablissant les faits supprimés ou altérés, Bossuet ne produit jamais que les autorités invoquées par Burnet lui-même.

Il est certain que depuis le règne de Charles II, l'Eglise anglicane n'a éprouvé aucun changement extérieur très - sensible et très-important. Mais, ouvrage de la main des hommes, et n'ayant en elle-même aucun principe d'unité et de consistance, elle a toujours besoin de la main des hommes pour se maintenir et se conserver. L'Eglise anglicane est plutôt une constitution politique qu'une constitution religieuse. Elle doit plus l'espèce de prépondérance dont elle jouit dans le pays où elle est établie, aux effets civils que les lois du parlement ont attachés à ses actes religieux, qu'à la conviction des esprits et des consciences pour la doctrine qu'elle enseigne.

Si l'on dit qu'on n'observe plus de ces étranges variations dans les professions de foi des disciples de Luther et de Calvin, la raison en est bien claire; ils ont cessé de varier dans la doctrine,

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