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>> royaumes, qu'on a prévu, il y a long-temps

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» qu'elle en seroit surchargée »; on s'arrête involontairement, le livre tombe des mains, et tous les événemens dont on est contemporain viennent se représenter à la pensée, pour être un long sujet de méditation.

*

En 1672 Bossuet, alors précepteur du Dauphin, avoit été chargé d'annoncer à Louis XIV et à la Reine la mort du jeune duc d'Anjou, le second de leurs fils. Il rappelle cet événement avec un charme d'expression et de sensibilité, qui retrace les images les plus touchantes de Virgile. * Oraison « Représentons-nous ce jeune prince, que les funèbre de » grâces sembloient elles-mêmes avoir formé de D'AU» leurs mains, (pardonnez-moi ces expressions) il » me semble que je vois encore tomber cette fleur. » Alors, triste messager d'un événement si fu» neste, je fus aussi le témoin de la douleur la » plus pénétrante et des plaintes les plus lamen» tables; et sous des formes différentes, je vis une » affliction sans mesure ».

MARIE-THE

TRICHE.

Bossuet ne néglige aucune occasion de soulever le voile qui couvroit les vertus simples et modestes d'une princesse qui avoit tous les honneurs du rang suprême sans en avoir la puissance, et la magnificence des expressions vient tromper l'imagination sur le peu d'influence qu'elle obtint à

la Cour de Louis XIV, et sous un règne si fécond en grands événemens. Il la représente «<*abaissant » devant la divinité cette tête auguste devant laquelle s'incline tout l'univers, et sachant pour» tant se prêter au monde avec toute la dignité » que demandoit sa grandeur. Les rois non plus » que le soleil, dit Bossuet, n'ont pas reçu en vain » l'éclat qui les environne. Il est nécessaire au >> genre humain, et ils doivent pour le repos au>> tant que pour la décoration de l'univers, sou» tenir une majesté qui n'est qu'un rayon de celle » de Dieu »>.

Dans l'oraison funèbre de MARIE-THÉRÈSE, BOSsuet ne s'élève pas sans doute à la même hauteur, que dans celles de la reine d'Angleterre et de MADAME HENRIETTE. Mais au lieu de lui en faire un reproche, on doit approuver son goût et sa réserve. Cette Reine respectable par ses vertus et sa bonté, n'avoit aucune influence sur les affaires, ni même sur l'opinion. Elle ne laissoit ni vide, ni regrets à aucune ambition, à aucun intérêt, à aucunes espérances. Elle décoroit le trône plutôt qu'elle ne l'occupoit; et on auroit été étonné d'entendre Bossuet parler avec pompe et fracas d'une vie et d'une mort à laquelle la génération qui en a été témoin a été aussi indifférente que celle qui l'a suivie. Mais on a vu que

* Ibid.

* Oraison

malgré l'espèce d'aridité du sujet, Bossuet a su mêler un grand nombre de beautés à la simplicité du récit qu'on attendoit de lui; et que sans jamais exagérer la vérité, il a montré la femme de Louis XIV telle qu'elle étoit, et telle que devoit être pour son propre bonheur toute princesse élevée au même rang.

Bossuet prononça cette oraison funèbre à SaintDenis, le 1er septembre 1683, trente-deux jours après la mort de MARIE-THÉRÈSE d'Autriche.

On pourroit être étonné de voir Bossuet ramener dans l'oraison funèbre d'une princesse trèsétrangère aux affaires publiques, les querelles qui existoient alors entre la Cour de France et celle de Rome. Mais il faut se rappeler qu'à cette époque l'on étoit à Rome au plus haut degré d'irritation contre la France, et que tout faisoit craindre qu'INNOCENT XI ne s'abandonnât à quelque mesure inconsidérée. On croyoit qu'il étoit prudent et utile de prémunir l'opinion publique contre les impressions qui pouvoient en résulter.

*

«< Le nom même et l'ombre de division faisoit funèbre de MARIE-THE-» horreur à la Reine, dit Bossuet, comme à toute RÈSE D'AU- »ame pieuse. Mais qu'on ne s'y trompe pas. Le » saint Siége ne peut jamais oublier la France,

TRICHE.

» ni la France manquer au saint Siége; et ceux

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qui pour leurs intérêts particuliers, couverts,

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» selon les maximes de leur politique, du prétexte » de piété, semblent vouloir irriter le saint Siége » contre un royaume qui en a toujours été le principal soutien sur la terre, doivent penser qu'une chaire si éminente à qui Jésus-Christ a » tant donné, ne veut pas être flattée par les >> hommes, mais honorée selon la règle avec une » soumission profonde; qu'elle est faite pour atti»rer tout l'univers à son unité, et y rappeler à la » fin tous les hérétiques; et que ce qui est excessif, loin d'être le plus attirant, n'est pas même » le plus solide, ni le plus durable ».

»

Une considération plus puissante que sa répugnance pour le genre des oraisons funèbres, força Bossuet de remonter encore dans la chaire, et nous devons à sa déférence pour la maison de CONDÉ l'un de ses plus étonnans ouvrages.

L'oraison funèbre de la princesse PALATINE est peut-être de toutes les oraisons funèbres de Bossuet, celle qui fait le mieux sentir combien ce génie si ferme et si hardi avoit de souplesse et de flexibilité pour donner à tous les sujets qu'il traitoit, le caractère et la couleur qui leur étoient propres. La princesse PALATINE mourut en 1685; elle avoit marié sa fille au fils du grand CONDÉ, et Bossuet n'avoit rien à refuser au grand CONDE. De toutes les femmes célèbres qui jouèrent un et suiv.

II.

Oraison fu

nèbre de la

princessePALATINE. Tom. xvii, p. 425

* Oraison funèbre de la

LATINE.

rôle brillant ou singulier pendant la minorité de Louis XIV, la princesse PALATINE est sans contredit la seule qui ait montré un grand caractère, et mérité l'estime et la confiance de tous les partis. Toutes les autres montrèrent plutôt de petites passions, que des sentimens et des vues dignes de l'histoire.

ANNE DE GONZAGUE, princesse PALATINE, étoit sœur de la princesse MARIE DE Gonzague, qu'on étoit venu chercher en France pour la placer sur le trône de Pologne; et pour que rien ne manquât à la singularité de sa destinée, devenue veuve D'ULADISLAS, elle épousa CASIMIR, frère et successeur du Roi son époux.

Mais combien de fois n'eut-elle pas à regretter sur le trône les jours heureux de sa paisible et brillante jeunesse ? Du faîte de la grandeur, elle fut précipitée dans un abîme de malheurs. Alors régnoit en Suède un de ces princes que la Providence suscite quelquefois pour effrayer et ravager la terre.

* CHARLES GUSTAVE, dit Bossuet, parut à la Princesse PA- » Pologne surprise et trahie comme un lion qui >> tient sa proie dans ses ongles, tout prêt à la met» tre en pièces. Qu'est devenue cette redoutable » cavalerie, qu'on voit fondre sur l'ennemi avec la » vitesse d'un aigle? Où sont ces armes guerrières,

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