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» ces marteaux d'armes tant vantés, et ces arcs » qu'on ne vit jamais tendus en vain! Ni les che»vaux ne sont vites, ni les hommes ne sont adroits » que pour fuir devant le vainqueur. Tout nage » dans le sang, et on ne tombe que sur des corps » morts. La Reine n'a plus de retraite, elle a quitté » la Pologne. Après de courageux et vains efforts, » son époux est contraint de la suivre. Réfugiés » dans la Silésie, où ils manquent des choses les » plus nécessaires à la vie, il ne leur reste qu'à » considérer de quel côté alloit tomber ce grand » arbre ébranlé par tant de mains, et frappé de » tant de coups à sa racine, ou qui en enleveroit » les rameaux. Mais Dieu en avoit disposé autre» ment; la Pologne étoit nécessaire à son Eglise, » et lui devoit un vengeur *. Dieu tonne du plus » haut des cieux; le redouté capitaine tombe au plus beau temps de sa vie, et la Pologne est » sauvée».

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La vie de la princesse PALATINE ne fut marquée ni par des grandeurs, ni par des revers aussi éclatans. Cependant elle montra des talens et des qualités, qui mirent un moment dans ses mains les destinées de la France, et le sort de tous les partis qui s'y disputoient le pouvoir. Ses premières années ne l'avoient point préparée au rôle qu'elle devoit y jouer destinée à l'état religieux, elle

*SOBIESKI.

tier.
* Oraison

LATINE.

*Faremou- avoit été élevée dans la solitude de sainte Fare *, «< * autant éloignée des voies du siècle que sa bienfunèbre de la » heureuse situation la sépare de tout commerce princesse PA>> du monde dans cette sainte montagne que Dieu » avoit choisie depuis mille ans, où de pieuses » épouses de Jésus-Christ faisoient revivre la » beauté des anciens jours, où les joies de la terre » étoient inconnues, où les vestiges des hommes » du monde ne paroissoient pas ».

* Ibid.

* Ibid.

Elle y goûta les premières douceurs de la piété, et peut-être eût-elle consenti avec plaisir à se sacrifier aux vues de sa famille, si on l'eût abandonnée au mouvement naturel qui sembloit l'y porter; elle eût pu renoncer à sa liberté, si on lui eût permis de la sentir; «* il eút fallu la con» duire, et non pas la précipiter dans le bien..... » Mais elle vit le monde, elle en fut vue; bientôt » elle sentit qu'elle plaisoit, et on sait le poison » subtil qui entre dans un jeune cœur avec ces » pensées ».

Le prince Edouard, fils de cet électeur Palatin qui ne fut un moment roi de Bohême, que pour perdre le rang et l'héritage de ses pères, demanda sa main, «*et cette noble alliance, où de tous » côtés on ne trouvoit que des rois »>, flatta la fierté de la jeune princesse de GONZAGUE. Elle se montra alors au monde avec tous les avantages

que la beauté, le rang, la naissance, les agrémens de l'esprit, le charme du commerce le plus enchanteur sembloient réunir pour la livrer à tous les genres de séduction. Dans un temps où il étoit encore assez rare de méconnoître des principes et des devoirs d'un ordre supérieur, son cœur trop sensible à des impressions dangereuses, n'étoit point défendu par cette crainte salutaire qui laisse l'espoir du retour à la vertu. «< * Elle avoit toutes » les qualités que le monde admire, et qui font >> qu'une ame séduite s'admire elle-même : iné» branlable dans ses amitiés, incapable de man» quer aux devoirs humains, elle avoit toutes les » vertus dont l'enfer est rempli ». Son état paroissoit d'autant plus désespéré, que ses réflexions sur la religion l'avoient conduite à l'incrédulité la plus entière et la plus absolue.

C'est ici qu'on voit cette belle peinture de la Cour, qu'on a toujours si justement admirée. Ce tableau est l'ouvrage d'un homme qui l'avoit longtemps habitée, qui s'y étoit toujours montré supérieur à la foiblesse, à la crainte et à l'espérance; qui l'a observée en sage, et qui l'a jugée en philosophe chrétien.

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«* La Cour, dit Bossuet, veut toujours unir les
plaisirs avec les affaires; par un mélange éton-

» nant, il n'y a rien de plus sérieux, ni ensemble

* Ibid.

* Ibid.

* Oraison funèbre de la princessePA

I ATINE.

» de plus enjoué. ENFONCEZ, vous trouverez par» tout des intérêts cachés, des jalousies délicates » qui causent une extrême sensibilité, et dans une >> ardente ambition, des soins et un sérieux aussi >> triste qu'il est vain. Tout est couvert d'un air

>>

gai, et vous diriez qu'on n'y songe qu'aux amu» semens et aux distractions ».

C'est à la suite de ce tableau, que Bossuet place le récit des troubles de la Fronde.

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* Que vois-je durant ce temps? quel trouble? >> quel affreux spectacle se présente ici à mes yeux? » la monarchie ébranlée jusqu'aux fondemens, la » guerre civile, la guerre étrangère, le feu au » dedans et au dehors, les remèdes de tous côtés » plus dangereux que les maux, les princes ar» rêtés avec grand péril, et délivrés avec un * Legrand >> péril encore plus grand. Ce prince *, qu'on re

CONDÉ.

gardoit comme le héros de son siècle, rendu » inutile à sa patrie dont il avoit été le soutien, » et ensuite, je ne sais comment, contre sa propre >> inclination armé contre elle; un ministre per» sécuté et devenu nécessaire, non-seulement par l'importance de ses services, mais encore par » ses malheurs, où l'autorité souveraine étoit en» gagée. Que dirai-je? Etoit-ce là de ces tem» pêtes par où le ciel a besoin de se décharger » quelquefois; et le calme profond de nos jours » devoit-il

» devoit-il être précédé par de tels orages? ou » bien étoient-ce les derniers efforts d'une liberté » remuante qui alloit céder la place à l'auto» rité légitime? ou bien étoit-ce comme un tra»vail de la France, prête à enfanter le règne » miraculeux de Louis? Non, non, s'écrie tout» à-coup Bossuet; c'est Dieu qui vouloit montrer qu'il donne la mort et qu'il ressuscite, qu'il

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plonge jusqu'aux enfers et qu'il en retire, qu'il » secoue la terre et qu'il la brise, et qu'il guérit » en un moment toutes ses blessures ». C'est ainsi qu'on voit toujours le témoin et l'interprète de la Providence, au moment même où l'on ne croyoit voir que le peintre et le philosophe, le poète et l'historien.

Au reste, si les troubles de la Fronde n'ont pas reçu de l'histoire cette teinte sombre et cette expression tragique qu'elle donne aux grandes révolutions, il ne faut pas s'y tromper; ce seroit bien mal connoître Bossuet, que de supposer qu'il a voulu leur laisser une importance qu'ils ne méritoient pas. Cet homme si profond dans l'histoire, savoit que les premiers mouvemens des révolutions les plus désastreuses n'ont pas toujours été aussi menaçans que ceux de la Fronde. Elles n'ont pas toujours été préparées et dirigées par des chefs, qui eussent en leur faveur d'aussi grands BOSSUET. Tome 11.

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