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>> M. de Meaux qui détermina Sa Majesté à de>> mander et à poursuivre la condamnation de ce » livre, après qu'il lui eut expliqué en particu »lier tous les faux principes de cet ouvrage, et >> les conséquences qu'il y en avoit à craindre ; » qu'il lui répondoit du succès, et que la con» damnation étoit immanquable ».

Quatre mois entiers s'étoient écoulés dans cette succession d'incertitudes et de négociations, et ce ne fut guère que vers la fin de juin (1697), qu'il fut convenu et arrêté entre les trois prélats de rédiger et de publier une déclaration contre le livre des Maximes des saints.

C'est alors que le cardinal de Noailles trans mit à Fénélon les remarques de Bossuet sur son livre. Mais les expressions lui en parurent si dures, et les injonctions si impérieuses de la part d'un confrère, qu'elles achevèrent de l'aigrir.

Bossuet avoit à la vérité proposé quelque temps auparavant des conférences, où Fénélon seroit admis. Fénélon a fait connoître lui-même les motifs de son refus (1). On ne les lui proposa que long-temps après que l'examen et la censure de son livre avoient déjà été arrêtés entre les trois prélats dans les conférences tenues sans sa participation. Il prétendit que ce n'étoit plus des ex

(1) Voyez sa Réponse à la Relation du Quiétisme.

plications qu'on lui demandoit, mais une simple adhésion de sa part à un jugement déjà déterminé par des collègues, qui s'arrogeoient un pouvoir qu'aucune loi ne leur attribuoit. Il parut également redouter la véhémence de Bossuet dans une discussion de vive voix sur des questions subtiles, qui avoient besoin d'être éclaircies et fixées avec une attention scrupuleuse. Ce fut par cette considération, que Fénélon, en consentant enfin à ces conférences, exigea, comme une condition indispensable, la présencé et le concours des théologiens du cardinal de Noailles; et qu'on y tînt un procès-verbal fidèle de tout ce qui lui seroit objecté par son adversaire, et de tout ce qu'il croiroit devoir alléguer pour sa défense.

Ces conditions ne furent point acceptées; et les conférences continuèrent à avoir lieu à l'archevêché pendant tout le mois de juillet (1697) entre le cardinal de Noailles, Bossuet et l'évêque de Chartres, pour arrêter et rédiger définitivement le projet de leur Déclaration.

Fénélon avoit annoncé dans l'avertissement du livre des Maximes des saints que la doctrine qu'il y professoit étoit conforme à celle des trentequatre articles d'Issy. Les prélats qui avoient concouru à ces articles étoient donc en droit de réclamer contre une conformité qu'ils désa

vouoient

vouoient hautement, et ce désaveu servit de fondement à leur déclaration.

XIV. Déclaration

Fénélon eut ordre le 1er août 1697 de quitter la Cour, et de se retirer dans son diocèse. Dès du cardinal le 6 du même mois, les trois prélats remirent au de Noailles, Roi la Déclaration signée de leur main (1).

de Bossuet et

de l'évêque

contre le li

Le 27 juillet précédent, Louis XIV avoit écrit de Chartres, au Pape une lettre très-forte et très-pressante vre des Ma<< pour le prier de prononcer le plus tôt qu'il ximes des »se pourroit sur le livre de l'archevêque de T. XXVIII. » Cambrai, et sur la doctrine qu'il conte

>> noit ».

De simples motifs de curiosité, très-étrangers à l'affaire du Quiétisme, avoient conduit à Rome, près d'un an avant la publication du livre des Maximes des saints, l'abbé Bossuet, neveu de l'évêque de Meaux, et l'abbé Phelipeaux qui lui avoit servi de docteur dans ses études de théolo

gie. Aussitôt que Fénélon eut soumis son livre au jugement du Pape, Bossuet écrivit à son neveu de suspendre son retour en France, sa présence pouvant devenir nécessaire à Rome. Ce fut donc sur son neveu que Bossuet jeta les yeux pour lui transmettre ses instructions et solliciter

(1) « Elle fut rendue publique de l'agrément du Roi, pour qui » M. de Meaux la mit en français, et que Sa Majesté lut elle» même ». Mts. de Ledieu.

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saints.

De l'abbé Bossuet.

la condamnation de l'archevêque de Cambrai. Jamais choix plus malheureux n'eut des suites plus déplorables. La correspondance de l'abbé Bossuet accuse à chaque page son caractère, ses sentimens et ses procédés; et il est impossible de ne pas attribuer à sa fatale influence l'excès de véhémence et d'amertume, qui est venu se mêler aux controverses de deux grands hommes, et qui laisse encore tant de tristesse dans l'ame de leurs plus sincères admirateurs (1).

Quelques amis de Bossuet parurent étonnés de ce qu'il avoit transporté à Rome, ou du moins consenti qu'on y transportât le jugement d'une affaire née en France. On sembloit lui reprocher cette démarche comme une contravention aux maximes qu'il avoit lui-même consacrées dans la célèbre assemblée de 1682.

(1) La passion avoit tellement aveuglé ce neveu si peu digne d'un tel oncle, qu'il a cru se recommander à la postérité, en lui transmettant ces tristes monumens de sa haine et de son emportement. L'abbé Ledieu rapporte dans son journal sous la date du 1. janvier 1705, « que peu de temps après la >> mort de son oncle, l'abbé Bossuet lui parla fort de ses let» tres de Rome à M. de Meaux, et de celles que M. de Meaux » lui avoit écrites de Paris, où étoit toute la suite et la vraie » histoire de cette affaire, et qu'il espéroit bien un jour à » venir mettre toutes ces lettres en ordre, pour en faire un » recueil propre à être imprimé ». Mts. de Ledieu.

M. LePelletier, ancien ministre d'Etat (1), trèsattaché à Bossuet, étoit un de ceux qui disoient le plus hautement :

<< * Qu'il ne convenoit pas à un prélat de la » sagesse de M. de Meaux d'avoir porté cette >> affaire à Rome; que c'étoit contredire l'assem» blée de 1682; qu'il n'en verroit jamais la fin; qu'il y avoit de la témérité à s'embarquer au » milieu de tant d'écueils dans une affaire de cette » nature. Pourquoi ne pas juger plutôt leur con» frère dans le concile de la province, ou dans » l'assemblée du clergé de France »>?

Bossuet répondoit « qu'il étoit bien triste de » se voir ainsi jugé par ses amis, sans être seu>> lement entendu ; qu'on ne considéroit pas que » M. de Cambrai avoit le premier porté son livre » à Rome, et qu'il l'avoit soumis au jugement » du Pape; qu'il y auroit eu bien plus d'impru» dence à exposer une matière si délicate à la » délibération, ou d'une assemblée, ou d'un >> concile susceptible de toutes les impressions » et de tant de divers intérêts, et qui par sa mul>> titude seule seroit si difficile à manier; qu'il » en avoit l'expérience par les deux prélats si » bien intentionnés, qui lui étoient si étroite

(1) Il avoit succédé à Colbert en 1683 dans le ministère des finances, et il s'en étoit démis en 1689.

* Mts. de

Ledieu.

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