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>> Ce fut alors sans doute, qu'il inspira le dessein, non-seulement des lettres-patentes, mais > encore des assemblées métropolitaines pour ren>> dre l'acceptation plus solennelle, et plus écla» tante à la gloire du Roi. Dès-lors, il nous disoit » en particulier : Tout ira bien; on fera ce qu'il » faut; il y aura des lettres-patentes; le parle»ment y passera. On disoit au contraire à Paris » et à la Cour: Ce n'est qu'un bref; ce n'est rien. au cardinal de Noailles de ce que le Roi disoit et pensoit sur l'affaire du Quiétisme, n'en parle pas davantage. M. de SaintSimon, si avide d'anecdotes curieuses, n'auroit certainement pas laissé échapper une anecdote aussi singulière, si elle eût été connue de son temps. L'abbé Phelipeaux, qui a donné dans un ouvrage très-étendu, écrit sous les yeux de Bossuet, tous les faits et tous les détails relatifs à cette controverse, et qui vivoit dans son intimité, ne rapporte ni la demande du Roi, ni la réponse de Bossuet.

On ne peut également s'empêcher de remarquer qu'une pareille question paroît un peu extraordinaire dans la bouche de Louis XIV. Comment un prince si profondément religieux, auroit-il pu supposer qu'un évêque tel que Bossuet, auroit hésité entre la vérité et la crainte de lui déplaire? Il nous a été impossible de vérifier quel est l'écrivain qui a rapporté le premier cette anecdote.

Au reste, il n'y a aucun inconvénient à la laisser subsister avec un grand nombre de traditions historiques du même genre, qui se transmettent d'àge en âge, sans avoir peut-être une certitude plus avérée.

Il est au moins bien certain que si Bossuet n'a pas dit ce qu'on lui fait dire, il étoit très-capable de le dire.

» Le Roi ne donnera pas de lettres-patentes. Le » parlement ne peut passer la clause MOTU Pro>> PRIO. Quand je lui rapportois ces bruits, il ré» pétoit, tout ira bien. Ces bruits s'augmentoient » en observant que le Roi n'avoit point reçu le >> bref directement du Pape; en effet il ne le reçut » des mains du nonce que le dimanche 5 avril, » M. de Meaux étant encore à Versailles. Au » reste, cette condamnation d'un livre contre lequel il écrivoit depuis si long-temps, fut » universellement regardée comme le fruit de ses » veilles. Plus il se déroboit cette gloire à lui» même, plus le public s'empressoit de la lui » donner. A la nouvelle de l'arrivée du bref, il » se renferma, comme je l'ai dit, dans son inté>> rieur; et toute la terre vint le chercher dans >> sa retraite. Ce fut un concours chez lui de per» sonnes de toutes sortes de conditions; tous les évêques qui se trouvoient à Paris, vinrent les

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premiers. Les lettres des absens et de toutes les » personnes de considération du royaume, vin>> rent pendant deux mois faire honneur à son

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triomphe. Les princes donnèrent les premiers >> cet exemple en personne, et par écrit, pour » féliciter M. de Meaux sur le grand procès qu'il » ayoit gagné à Rome. C'étoit le langage de tout >> le peuple, non-seulement de quelques villes, » mais

>> mais encore de la campagne, qui se disoient » les uns aux autres: M. de Meaux a gagné son » procès à Rome contre M. de Cambrai ».

On se doute bien que les premiers jours qui suivirent l'arrivée du bref du Pape, et avant que l'on pût être encore instruit à Paris du parti que prendroit Fénélon, on s'épuisa en conjectures, et en vains discours sur les mesures qu'on seroit forcé d'adopter, s'il refusoit de se soumettre au jugement qui le condamnoit.

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L'abbé Ledieu rapporte «* qu'il a toujours » remarqué que M. de Meaux n'avoit jamais douté » que M. de Cambrai ne se soumît à sa condam>> nation, et qu'il n'avoit pas d'autre parti à pren» dre.... Mais pourquoi, lui demandoit-on, qu'a» t-il à craindre? Peut-on le déposer? Et qui le » déposera? C'est ici l'embarras. On ne souffri» roit pas en France que le Pape prononçát contre » lui une sentence de déposition. Le Pape aussi, » saisi de sa cause, et qui l'a jugée, ne laissera » pas son jugement imparfait, et ne donnera pas » à d'autres la commission de l'achever, ni enfin » des juges IN PARTIBUS. Assemblera-t-on le con» cile de sa province? Quelles difficultés ne s'y » trouvera-t-il pas ? Le Pape ne s'y opposera-t-il » pas? C'est se faire des affaires infinies, et qui BOSSUET. Tome 111.

22

* Mis. de

Ledieu.

» peuvent avoir des suites affreuses, en mettant » la division entre le sacerdoce et l'Empire ».

Quoique je ne doutasse pas, répliqua M. de » Meaux, que M. de Cambrai ne souscrivít à » sa censure, je n'ai pas laissé de penser aux » moyens, ou de le faire obéir, ou de procéder » contre lui. Mais quels sont ces moyens? C'EST » SUR QUOI IL SE TUT TOUT d'un coup; et aucun » de ceux qui L'ÉCOUTOIEnt n'osa le faire EXPLI» QUER DAVANTAGE ».

Ce récit de l'abbé Ledieu est d'autant plus important, qu'il peut servir à expliquer et à modifier le sens de quelques expressions du mé*Tome XLII moire * que Louis XIV avoit adressé à INNOdes OEuvres CENT XII. On voit clairement que par ces résolutions convenables, dont il avoit paru menacer

de Bossuet.

le Pape, on ne doit entendre que des résolutions conformes aux lois canoniques et aux maximes du royaume.

Le récit de l'abbé Ledieu fait aussi connoître que Bossuet s'étoit déjà occupé du plan d'une procédure régulière, dans la supposition où Fénélon, refusant de se soumettre à l'autorité qu'il avoit lui-même invoquée, auroit rendu nécessaire une extrémité aussi fâcheuse. Il est vrai qu'il ne s'est point expliqué sur la forme de la procédure dont il avouoit qu'il s'étoit déjà occupé; et c'est ce

qui est peu à regretter. L'admirable et religieuse soumission de Fénélon dispensa heureusement Bossuet d'avoir recours à des mesures qu'une impérieuse nécessité, et un danger pressant pour l'Eglise peuvent seuls conseiller et commander.

XX.
Le bref d'IN-

des assem

Le projet de soumettre l'examen et l'acceptation du bref d'INNOCENT XII, aux assemblées des pro- NOCENT XII vinces ecclésiastiques du royaume fut suggéré par est soumis à l'archevêque de Reims. Mais il survint une diffi- l'acceptation culté qui pouvoit donner la plus grande défaveur blées métropolitaines. à cette acceptation; quelques ministres eurent la fantaisie de proposer à Louis XIV de déléguer des commissaires pour assister en son nom à ces assemblées. C'est à cette occasion que Bossuet présenta au Roi* un mémoire qui fit sentir à ce prince toute l'irrégularité d'une pareille mesure.

>> avec nous,

* 18 avril

1699.

ΧΧΙ. Mémoire de Bossuet

commissai

res royaux.

« Qu'est-ce que ces commissaires y feroient, di>> soit Bossuet? Ils n'y seroient pas pour délibérer ni pour nous aider de leurs lumiè- au sujet des >> res; ils ne pourroient donc passer que pour des » inspecteurs envoyés par le Roi, afin de nous con>> tenir, pour ainsi dire, dans notre devoir; comme » si Sa Majesté, se défiant de ceux de notre or» dre, croyoit devoir nous faire tous veiller par » des laïques, et ne pouvoit s'assurer de notre fidé»lité que par cette précaution qui nous déshono» reroit dans l'esprit des peuples, et aviliroit

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