Page images
PDF
EPUB

» connoissance publique et aux ordres du plus

[ocr errors]

grand des rois.... Il veut que ma foible voix » anime toutes ces tristes représentations et tout » cet appareil funèbre. Faisons done cet effort » sur notre douleur ».

Comme Bossuet paroît encore plus grand, lorsqu'en pensant à tout ce qu'on attend de lui pour la gloire du grand CONDÉ, il se nomme foible orateur, et qu'il croit avoir besoin de s'exciter et de s'encourager pour satisfaire, comme il pourra, à la reconnoissance et à l'attente publique.

Mais en méconnoissant sa propre force, Bossuet connoît toute la force et toute l'autorité de son ministère. Il déclare «* qu'il va pousser à >>bout la gloire humaine, qu'il va détruire l'idole » des ambitieux; il veut qu'elle tombe anéantie » devant les autels ».

L'éloge d'un prince qui se montra vainqueur dès qu'il se montra au monde, devoit commencer par l'histoire de ses victoires. Bossuet, déjà courbé sous le poids de tant de travaux, semble respirer une ardeur guerrière; rien n'est comparable à la chaleur qui anime ses récits. On voit qu'il est encore plein de l'enthousiasme que dans sa jeunesse il avoit partagé avec toute la France, enflammée d'admiration pour les victoires du jeune duc d'Enguien. Cet enthousiasme, entretenu depuis vingt

* Ibid.

*

cinq ans par un commerce habituel avec le prince qui en étoit l'objet, avoit survécu au progrès des années, et conservé toute sa chaleur première. La mort récente du grand CONDÉ avoit rappelé tous les anciens souvenirs de sa jeunesse ; et toutes les voix répétoient les chants de la victoire et les triomphes qui avoient ouvert sa brillante carrière. Le mouvement rapide des paroles de Bossuet, l'éclat des images, le feu qui brille à travers la poussière et la fumée dont le champ de bataille est couvert, l'ordre au milieu du désordre, deviennent la peinture vive et animée de l'activité, de l'impétuosité, du génie guerrier du grand CONDÉ. On croit voir ce jeune héros « avec ces » illuminations soudaines, avec ces grandes pen» sées, avec cet instinct admirable qui lui avoit • » été donné pour entraîner la fortune dans ses » desseins, et forcer les destinées ». On voit que Bossuet avoit appris du grand CONDÉ lui-même à parler de ses campagnes et de ses victoires; et Bossuet, emporté par la chaleur de ses récits, ne sait plus lui-même s'il a voulu parler * d'Alexandre, ou du grand Condé ». Mais à ce nom d'ALEXANDRE, le pontife de la religion reprend son caractère auguste. Il convient «<* que si Dieu inspire le courage, il ne >> donne pas moins les autres grandes qualités » naturelles

* Oraison funèbre du { grand CoN

DÉ.

* Ibid.

* Ibid.

[ocr errors]
[ocr errors]

>> naturelles et surnaturelles et du cœur et de » l'esprit ; que tout part de sa puissante main ; » que c'est lui qui envoie du ciel les généreux >> sentimens, les sages conseils et toutes les bonnes » pensées; mais il veut que nous sachions distin»guer les dons qu'il abandonne à ses ennemis, de » ceux qu'il réserve à ses serviteurs; c'est la re» ligion, c'est la piété qui fonde sa prédilection »>.

Sans rabaisser la grandeur des héros de l'antiquité, Bossuet montre la supériorité des héros éclairés de la lumière du christianisme; il fait plus, il donne encore plus de gloire à ALEXANDRE et aux Romains, que ne leur en ont jamais donné leurs historiens; et par un prodige de l'art, il fait servir leurs trophées mêmes à orner le char de triomphe du grand CONDÉ.

<< * Qu'ont-ils voulu, ces hommes rares, si» non des louanges, et la gloire que les hommes donnent? Peut-être que pour les confondre, Dieu » refusera cette gloire à leurs vains désirs? Non, » il les confond mieux en la leur donnant, et » même au-delà de leur attente. Cet Alexandre » qui ne vouloit que faire du bruit dans le monde, » y en a fait plus qu'il n'auroit osé espérer. Il » faut encore qu'il se trouve dans tous nos pané

[ocr errors]

gyriques, et il semble, par une espèce de fata»lité glorieuse à ce conquérant, qu'aucun prince

[blocks in formation]

* Ibid.

» ne puisse recevoir de louanges qu'il ne les par» tage.

» S'il a fallu trouver quelques récompenses >> aux grandes actions des Romains, Dieu leur en » a su trouver une convenable à leurs mérites, » comme à leurs désirs. Il leur donne pour ré» compense l'empire du monde comme un pré» sent de nul prix. O rois! confondez-vous dans » votre grandeur. Conquérans, ne vantez pas » vos victoires. Il leur donne pour récompense la » gloire des hommes, récompense qui ne vient » pas jusqu'à eux; qui s'efforce de s'attacher, » quoi? peut-être à leurs médailles, ou à leurs » statues déterrées, reste des ans et des barbares; » aux ruines de leurs monumens et de leurs ou» vrages qui disputent avec le temps, ou plutôt à » leur idée, à leur ombre, à ce qu'on appelle » leur nom. Voilà le digne prix de tant de tra»vaux, et dans le comble de leurs vœux la

[ocr errors]

» conviction de leur erreur. VENEZ, RASSASIEZ» VOUS, GRANDS DE LA TERRE; SAISISSEZ-VOUS, SI » VOUS POUVEZ, DE CE FANTÔME DE GLOIRE..... IL » N'EN SERA PAS AINSI DE NOTRE GRAND PRINCE..... >>

Bossuet nous montre en effet ce guerrier si terrible à la tête des armées, cet aigle qui portoit toujours le tonnerre avec lui; orné de vertus plus douces et plus sensibles, généreux dans la

[ocr errors]

grand CoN

victoire, touché de respect pour le malheur, et portant jusqu'au milieu des champs de carnage cette législation plus humaine que l'esprit da christianisme a introduite dans le code de la guerre. *Loin de nous, s'écrie Bossuet, les héros Oraison funèbre du » sans humanité; ils pourront bien forcer les res»pects et ravir l'admiration, comme font tous D. >> les objets extraordinaires; mais ils n'auront » pas les cœurs. Lorsque Dieu forma le cœur et » les entrailles de l'homme, il y mit première»ment la bonté, comme le propre caractère de la » nature divine, et pour être comme la marque de » cette main bienfaisante dont nous sortons. "La » bonté devoit donc faire comme le fond de notre » cœur, et devoit être en même temps le premier » attrait que nous aurions en nous-mêmes pour » gagner les autres hommes. La grandeur qui » vient par-dessus, loin d'affoiblir la bonté, » n'est faite que pour l'aider à se communiquer davantage, comme une fontaine publique qu'on » élève pour la répandre. Les cœurs sont à ce »prix; et les grands, dont la bonté n'est pas le » partage, par une juste punition de leur dédai» gneuse insensibilité, demeureront privés éter» nellement du plus grand bien de la vie humaine, » c'est-à-dire, des douceurs de la société.

>> Jamais homme ne les goûta mieux que le

« PreviousContinue »