Page images
PDF
EPUB

du christianisme, et porta une main téméraire à toutes les institutions de l'Eglise. Il mit en controverse les points les plus importans de la doctrine chrétienne; il foula aux pieds ses institutions les plus précieuses; conserva, ou retrancha à son gré des sacremens que leur origine divine et la tradition de quinze siècles avoient consacrés ; altéra, effaça, abrogea les rites les plus anciens de l'Eglise; et s'interdit à lui-même tout espoir de retour à l'ordre et à la vérité, en contestant à l'Eglise le droit même de le juger. Infidèle à ses propres maximes, il posa un principe éternel de discorde, et ouvrit la porte à tous les genres de fanatisme, en transmettant à chaque particulier un droit qu'il refusoit à l'Eglise entière, celui d'être interprète et juge de la parole de Dieu.

Calvin, encore plus hardi, acheva de détruire ce que Luther avoit conservé. Dans sa sombre haine contre toutes les puissances et toutes les autorités, il s'indigna de voir au-dessus de lui des rois et des papes, des grands et des évêques ; et soulevant toutes les passions de la multitude, il transporta la démocratie dans la religion et dans la société politique. Le contraste de son culte et de ses principes de gouvernement avec le culte et les formes de gouvernement qui avoient dominé jusqu'alors, dut nécessairement mettre aux

prises toutes les classes de la société les unes avec les autres, et armer toutes les passions et toutes les haines. Son vœu fut rempli; le sang coula dans toute l'Europe, et ses disciples furent si fanatiques par la crainte d'être superstitieux, qu'ils finirent par faire monter sur l'échafaud un roi protestant, pour une légère différence dans les habits et les cérémonies ecclésiastiques.

Comment pouvoir convenir d'un principe com mun de décision avec des hommes qui établissoient en principe, que nulle autorité n'avoit droit de juger et de soumettre leurs opinions. Les succès qui avoient couronné leur audace, exaltoient leurs prétentions et leur présomption; et ils parloient de leur foi et de leur doctrine avec une confiance et une fierté qu'ils empruntoient du grand nombre de leurs disciples.

Jusqu'à Bossuet, la plus grande partie des controverses agitées entre les théologiens catholiques et les théologiens protestans, n'avoient porté que sur des points particuliers. Bossuet lui-même s'étoit borné à satisfaire les doutes et à résoudre les objections, que des Protestans incertains et sincères étoient venus soumettre à ses lumières. Son bel ouvrage de l'Exposition de la foi catholique n'étoit qu'une simple apologie du concile de Trente. Les Catholiques se trouvant en possession

de la doctrine et de la discipline qu'ils avoient reçues de leurs pères, avoient cru qu'il devoit leur suffire d'en montrer l'exacte conformité avec la doctrine et la discipline de tous les siècles qui les avoient précédés.

Ce systême de défense avoit été inspiré par un sentiment estimable de modération; il paroissoit laisser aux Protestans de bonne foi plus de facilité pour se désabuser des préventions dont on les avoit nourris. Ces préventions s'étoient transmises de génération en génération depuis cent cinquante ans, sans examen et sans discussion. La plupart des Protestans, contemporains de Bossuet, ignoroient eux-mêmes l'histoire des motifs, ou des prétextes qui avoient provoqué une séparation si violente, et entraîné tant de calamités. Ils se représentoient leurs premiers réformateurs comme des sages exempts de toutes les passions humaines, uniquement inspirés par l'amour de la vérité et invariablement attachés à la doctrine antique et pure des beaux jours du christianisme naissant, qu'ils avoient eu le bonheur de dégager des nuages dont la superstition des siècles suivans l'avoient enveloppée.

Bossuet vient détruire leur illusion. Il se présente tout-à-coup l'Histoire des variations à la main.

[ocr errors]

Il dit aux Luthériens et aux Calvinistes : « Qui » êtes-vous? d'où venez-vous? Vous parlez de » votre foi et de votre doctrine! Avez-vous une >> FOI et une DOCTRINE? Non, vous n'en avez pas. » La FOI qui change n'est point une foi; elle n'est » point la parole de Dieu, qui est immuable. Si » vous en avez une, elle doit se trouver dans vos >> SYMBOLES et dans vos PROFESSIONS DE FOI. Les » voici : j'y ai cherché ce que vos pères ont dit » et enseigné; ils ne l'ont pas su eux-mêmes; ils » ont dit et enseigné les dogmes les plus opposés. J'y cherche ce que vous pensez et ce que vous » professez aujourd'hui; vous ne le savez pas » vous-mêmes. Vous vous dites disciples de Lu» ther; vous vous dites disciples de Calvin; et » vous frémissez d'horreur lorsqu'on vous rap» pelle les axiomes barbares qu'ils ont donnés pour » fondement de leur doctrine. Vous les abjurez » haulement; vous protestez qu'ils sont aujour» d'hui désavoués par tous les Luthériens et tous » les Calvinistes. Vous ne voulez pas que je vous » attribue les torts et les erreurs personnelles de » vos premiers chefs; j'y consens. Qu'étes-vous » donc? Où irois-je chercher les règles et les » principes de votre croyance? Ce sera, dites» vous, dans le recueil des SYMBOLES et des PRO»FESSIONS DE FOI que nous avons promulgués nous

» mémes. Eh bien! les voici; c'est de vos mains » que je les ai pris et reçus. Je ne prétends faire » valoir contre vous ni les jugemens de nos papes » et de nos évêques, ni les décrets de nos conciles » généraux, ni douze cents ans d'une tradition » invariable. Vos chefs vous ont dit que de telles » autorités ne méritoient aucun égard. Je ne veux » discuter avec vous que les actes que vous pré» sentez vous-mêmes comme l'expression fidèle » de votre FOI et de votre DOCTRINE, comme le » résultat des profondes méditations de vos plus » grands théologiens et des longues discussions » de vos COLLOQUES et de vos SYNODES Généraux. » Vous les avez acceptés comme la règle de la » croyance commune de tous les membres de » votre communion. Vous leur avez donné le titre » imposant de PROFESSION DE FOI, pour leur impri» mer le caractère le plus auguste et le plus inva»riable en matière de religion. Vous ne pouvez » plus ni les désavouer, ni les rejeter. Ils sont le » seul lien qui vous réunit sous la forme d'une >> COMMUNION chrétienne. Otéz ces SYMBOLES CX» térieurs, vous n'êtes plus que des particuliers » plus ou moins recommandables par vos vertus, » vos talens, vos lumières et vos connoissances. » Mais vous n'offrez plus ni l'idée, ni l'autorité » d'une réunion d'hommes professant la même

« PreviousContinue »