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II.

De l'His

toire des variations. 1688.

T. XIX et XX.

» doctrine et le même culte. Je vous invite à par » courir avec moi cette longue suite de vos PRO»FESSIONS DE FOI; et nous verrons si vous êtes » en droit d'interroger l'Eglise romaine sur sa » croyance, vous, qui ne savez pas même encore » ce que vous croyez et ce que vous devez croire »、 Ces paroles que nous avons osé nous permettre de placer dans la bouche de Bossuet, nous ont paru rendre la pensée, l'intention et le plan de l'HISTOIRE DES VARIATIONS.

C'étoit en 1688 que Bossuet composoit son Histoire des variations des églises protestantes, l'un des ouvrages les plus étonnans de l'homme qui excite le plus l'étonnement et l'admiration.

La pensée d'un tel ouvrage et son exécution demandoient à la fois le concours du génie et les connoissances les plus profondes dans l'histoire, la religion et la politique.

Il falloit réunir sous un seul point de vue, dans un tableau historique dont le cadre étoit nécessairement circonscrit, le récit des révolutions religieuses et politiques qui avoient ébranlé en même temps toutes les parties de l'Europe chrétienne, lorsque du fond de la Saxe Luther donna le signal de ces terribles discordes qui ravagèrent pendant cent cinquante ans les plus belles contrées du monde civilisé.

Ces grandes scènes de l'histoire n'étoient pas le principal sujet du plan de Bossuet; elles n'étoient que le lien nécessaire qui devoit en unir toutes les parties; mais par un avantage précieux, qu'un écrivain tel que Bossuet ne pouvoit pas négliger, elles devoient servir à répandre un grand intérêt sur des questions d'un genre plus

sévère.

Luther avoit porté les premiers coups aux institutions antiques consacrées par le respect des siècles; il avoit ébranlé les autels à l'ombre desquels il avoit été élevé. Mais bientôt, à son exemple, ses premiers disciples lui disputèrent l'autorité qu'il avoit conquise; et, après avoir combattu pour lui, ils combattirent contre lui. La réforme naissante fut déchirée en deux partis, aussi acharnés l'un contre l'autre, qu'ils l'étoient contre l'Eglise romaine; et ces deux grandes branches du protestantisme se sous-divisèrent en une multitude de sectes différentes, qui se prodiguèrent les censures, les outrages et les violences.

Il ne suffisoit pas encore aux vues de Bossuet de montrer comment les communions protestantes différoient entre elles dans leurs professions de foi: il entreprit de faire voir comment

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chacune d'elles avoit successivement varié dans la profession de sa propre doctrine.

Par une idée aussi neuve que profonde, Bossuet se place avec l'Eglise romaine, comme simple spectateur des violens débats de ces sectes innombrables; il se borne à les mettre aux prises les unes avec les autres; et il renverse ensuite chacune d'elles, en lui opposant les actes publics et contradictoires de ses propres symboles.

Il ne pouvoit appartenir qu'à Bossuet d'apporter dans l'exposé de ces questions si obscures, une clarté dont elles ne paroissoient pas susceptibles, et une exactitude qui devoit résister à l'épreuve de toutes les critiques.

Mais ce qui est remarquable, c'est que ce fut un écrivain protestant qui fit naître à Bossuet l'idée d'écrire un ouvrage qui devoit être si fatal à la cause des églises protestantes.

On peut se rappeler que lorsque Bossuet publia son Exposition de la foi catholique, le ministre la Bastide l'accusa d'avoir varié dans sa doctrine; il en alléguoit pour preuve les premiers imprimés de cette Exposition, que l'on supposoit en opposition avec l'ouvrage, tel que Bossuet *Liv. III. l'avoit publié lui-même. On a vu que cette prétendue contradiction n'avoit pas le plus léger fon

*

dement; mais en supposant même qu'elle eût été aussi réelle qu'elle étoit frivole et hasardée, une pareille accusation étoit entièrement étrangère à la doctrine de l'Eglise catholique; indépendamment du droit naturel qui appartient à tout écrivain de se réformer lui-même dans le cours de son travail, ce n'est point dans les opinions particulières d'un auteur qu'on doit aller puiser la véritable doctrine d'une Eglise ou d'une communion religieuse ; c'est dans la profession solennelle de ses dogmes, tels qu'elle les a déclarés dans ses symboles, ses confessions de foi, ses décrets authentiques.

L'écrit du ministre la Bastide tomba sous les yeux de Bossuet en 1682. Il étoit alors occupé à lire le Syntagma Confessionum, récemment imprimé à Genève. Cet ouvrage est un recueil complet de toutes les professions de foi des églises protestantes depuis la confession d'Ausbourg en 1530, jusqu'à celles des derniers temps.

Il fut frappé des variations et des contradictions qu'offroit cet amas de doctrines, non-seulement opposées entr'elles, mais dont les auteurs avoient sans cesse varié dans leurs systêmes et dans leurs principes; et cependant on lisoit dans chacune de ces confessions de foi, si contraire l'une à l'autre, qu'elle n'étoit que l'expression

pure et invariable de la parole de Dieu consignée dans les livres sacrés.

Bossuet entrevit d'un coup d'œil tous les avantages qu'il pouvoit recueillir de cet assemblage singulier de doctrines bizarres. Il sembloit que les Protestans n'eussent composé ce recueil que pour montrer la main des hommes incertains et changeans dans leurs conceptions, et pour avertir les maîtres et les disciples de l'instabilité des pensées humaines, lorsqu'elles n'ont plus ce point d'appui, qui ne peut reposer que sur l'autorité d'une Eglise, juge suprême et infaillible des contro→

verses.

Cependant la première pensée de Bossuet s'étoit bornée à présenter ces variations sous la forme d'un discours préliminaire, qu'il se proposoit de placer à la tête d'une nouvelle édition de son Exposition de la foi catholique. Mais à peine avoitil commencé ce nouveau travail, que son plan s'étendit; les idées et les faits, les preuves et les raisonnemens se présentèrent en foule; et ce qui ne devoit être qu'une préface, devint un des plus magnifiques ouvrages de Bossuet.

Mais dès 1683 il fut obligé de suspendre cette belle entreprise, pour obéir aux intentions de Louis XIV, en écrivant sa célèbre Défense des quatre articles du clergé de France. Les affaires

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